Le pays de la cannelle de William Ospina, écrivain colombien, est un beau roman riche, touffu et luxuriant comme la forêt amazonienne qu'il nous fait découvrir, éblouissant à l'égal de l'Empire du Soleil dont sont issus les rois incas, traversé par des éclairs de violence à l'image des conquistadors espagnols, les frères Pizarro, dont la cupidité, la cruauté et la démesure ont eu raison de cette brillante civilisation. Ouvrir ce livre, c'est entrer dans une aventure passionnante, à la découverte d'un monde étrange, qui nous amène aussi à une belle réflexion philosophique.
En 1540, le jeune héros du roman, âgé de 17 ans, (qui  est aussi le narrateur) décide de quitter Hispanolia, abandonnant sa  mère indienne pour partir au Pérou récupérer l'héritage de son père dont  il vient d'apprendre la mort. Ce dernier, un conquistador espagnol,  Marcos de Medina, a participé à la conquête à côté de Francisco Pizarro.  Le jeune homme nourri par les récits des lettres de son père arrive  donc peu de temps après la victoire des conquistadors. Il découvre,  nostalgique, les ruines de cette grande civilisation en train de  disparaître. Il comprend bientôt qu'il ne parviendra jamais à remettre  la main sur la fortune de son père. Il s'engage alors à côté de Gonzalo  Pizarro dans une expédition vers Quito, où d'après les dires des  indiens, existe un pays entièrement planté de caneliers, à la recherche  donc de la cannelle, épice plus précieuse encore que l'or. Une aventure  qui le mènera bien au-delà du but poursuivi, sur le plus grand fleuve du  monde, l'Amazone, à la découverte d'un monde étrange, mystérieux,  fascinant et dangereux dont il sort transformé à jamais.
Le pays de la cannelle est donc d'abord un roman  d'aventure qui raconte les épreuves endurées par ces hommes,  froid et  souffrance sur les parois glacées de la cordillère des Andes, voyage sur  les eaux déchaînées et tumultueuses de l'Amazone et de ses affluents,  attaques des indiens hostiles, faim, maladies du corps et de l'âme,   désespérance, peur mais aussi découverte d'un monde sans limite,  l'immense forêt amazonienne avec ses légendes, ses peuples, sa flore et  sa faune. Beauté et douleurs étroitement liées. Il fallait le talent de  William Ospina pour décrire cette équipée sauvage, composée de 240  soldats et officiers espagnols accompagnés par 4000 indiens, 2000 lamas,  2000 chiens de défense et 2000 porcs pour les nourrir - des chiffres  qui passent l'imagination - menée par un chef d'une férocité et d'une  brutalité proches de la démence.
Ce roman historique s'appuie sur une grande érudition  qui nous fait découvrir la civilisation inca, les différentes phases de  la conquête, la découverte de l'Amazonie. William Ospina fait revivre  pour nous ces conquistadors espagnols, venus d'Estramadur, que la dureté  de la vie en Espagne à cette époque a façonnés, âpres et ambitieux,  sans scrupules, mi-homme, mi-bêtes, se riant de la mort, prêts à tout  pour échapper à leur condition. Face à eux, une civilisation d'une  richesse et d'une beauté inouïes, ancienne et raffinée, dont l'écrivain  nous fait partager les croyances, les légendes, la quête spirituelle. Le  roman se fait alors dénonciation de cette conquête féroce, de cette  boucherie de l'Histoire accomplie pour l'amour de l'or. Il dénonce ainsi  l'extinction d'une civilisation, l'extermination d'une race par une  autre et au-delà toute colonisation basée une incompréhension de l'autre  et un sentiment de supériorité qui dénie le statut d'hommes à ceux  qu'elle soumet. Le jeune de Médina dont la mère est indienne comprend la  spiritualité inca et se sent proche d'eux.
Ainsi Le pays de la canelle est un roman  baroque, foisonnant, par la forme et  le style, qui nous entraîne bien  loin dans le temps  et  dans l'espace mais c'est aussi une quête  spirituelle à la recherche de soi-même.
Le Narrateur est âgé lorsqu'il raconte son histoire à Ursua, un ami plus jeune, pour le dissuader de partir sur sur l'Amazone et de l'entraîner avec lui. C'est ce qui explique que le récit s'accompagne toujours d'une réflexion sur l'expérience vécue dans sa jeunesse. Le vieillard sait ce que le jeune ne peut saisir. Avec les années, il donné un sens à ce qu'il a vécu. Il a compris que ce qui vaut la peine d'être recherché plus encore que la richesse, c'est la beauté: ... si l'on me demandait quel est le plus beau pays que j'ai connu, je dirai que c'est celui dont nous rêvons.. car seul le rêve permet à l'homme de se surpasser, d'aller au-delà de ses limites. Pourtant dans cette recherche de la beauté, les espagnols ont détruit une beauté plus grande encore. Il a compris aussi que ce que l'on recherche est en soi car "où que tu ailles, tu porteras ces vieilles questions, tu ne trouveras rien dans tes voyages qui n'ait été avec toi de toute éternité et quand tu affronteras les choses les plus inconnues, tu découvriras que ce furent elles qui bercèrent ton enfance."
Le Narrateur est âgé lorsqu'il raconte son histoire à Ursua, un ami plus jeune, pour le dissuader de partir sur sur l'Amazone et de l'entraîner avec lui. C'est ce qui explique que le récit s'accompagne toujours d'une réflexion sur l'expérience vécue dans sa jeunesse. Le vieillard sait ce que le jeune ne peut saisir. Avec les années, il donné un sens à ce qu'il a vécu. Il a compris que ce qui vaut la peine d'être recherché plus encore que la richesse, c'est la beauté: ... si l'on me demandait quel est le plus beau pays que j'ai connu, je dirai que c'est celui dont nous rêvons.. car seul le rêve permet à l'homme de se surpasser, d'aller au-delà de ses limites. Pourtant dans cette recherche de la beauté, les espagnols ont détruit une beauté plus grande encore. Il a compris aussi que ce que l'on recherche est en soi car "où que tu ailles, tu porteras ces vieilles questions, tu ne trouveras rien dans tes voyages qui n'ait été avec toi de toute éternité et quand tu affronteras les choses les plus inconnues, tu découvriras que ce furent elles qui bercèrent ton enfance."
Quelques passages :
On  dit que seuls les hommes et les animaux laissent des fantômes sur la  terre, et pourtant j'ai vu des pierres fantômes, des édifices fantômes,  car de chaque ruine, de chaque pierre brisée mon regard tirait ce  qu'elle avait été.
Alors,  toi aussi tu connais cette légende de la cité brillant au loin grâce à  ses pierres laminées d'or. Mais je peux te dire une chose encore plus  étonnante : quand Pizarro apparut sur les sommets, il fut à la fois  ébahi et effrayé car cette énorme cité avait la forme d'un puma d'or.  Dans le monde antique, on n'avait jamais envisagé qu'une ville puisse  être un dessin dans l'espace, or il avait sous les yeux le profil exact  d'un puma, depuis la queue allongée et arquée jusqu'à la tête légèrement  dressée au-dessus des sommets, avec son oeil aux grandes pierres  dorées, au fond duquel veillaient les gardiens somptueux.
 Le  soir quand je demandai à un de ces hommes de cuivre, qui portait un  turban multicolore, si Quito était loin du pays des caneliers, il  répondit à mon grand étonnement qu'il n'existait rien de ce genre, que  sur ces terres les arbres sont tous différents et qu'il n'avait jamais  entendu parler d'une forêt où tous les arbres seraient semblables. (..)  Il ajouta que la terre ne s'arrête jamais à une seule pensée...
 Même  si les arbres ne rient pas, cela ne veut pas dire qu'ils sont tristes,  dirent-ils. Les arbres se contentent peut-être de méditer, de se  rappeler les lunes qu'ils ont vues, les fables que murmure le vent dans  leurs branches, les souvenirs des morts.
Et je m'arrête car tout est beau dans ce roman.
Voir aussi les avis de  : Folfaerie ; fleur de soleil
 
 
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