Il y a bien longtemps que je n'ai pas relu le livre de Marguerite Duras dont Un barrage contre le Pacifique, film franco-cambodgien, de Rithy Panh est l'adaptation. Aussi je m'étais promis de voir le film sans chercher à y retrouver à tout prix le roman. D'ailleurs, je reste persuadée que les meilleures adaptations au cinéma sont celles de réalisateurs qui, ayant compris le sens profond du livre, savent s'en éloigner pour laisser libre cours à leur propre création. Ainsi la meilleure adaptation de Madame Bovary est celle de Manoel de Olivera : Val d'Abraham qui est en fait une transposition, au Portugal, dans les années 60, du personnage d'Emma, et non celle de Vincente Minelli qui cherche à "réhabiliter" la malheureuse Emma en la transformant en héroïne romantique. Et encore moins celle de Claude Chabrol qui est pourtant une lecture (trop) fidèle et plate du roman de Flaubert!
Mais je m'égare. Retournons à Marguerite Duras. J'étais donc prête à ne pas chercher à retrouver les détails du roman mais je pensais y rencontrer au moins les deux personnages principaux : La femme, qui a la grandeur de Sisyphe, courageuse jusqu'à l'absurdité, admirable dans le combat inégal qu'elle mène et ... L'Océan, à l'égal d'un Dieu, soulignant la démesure de l'héroïne. Or, de ces deux personnages, l'océan est pratiquement absent, ridicule quand il apparaît (sauf dans la scène où on l'entend sans le voir, ce qui lui donne enfin une présence!) et la femme est vue par le petit bout de la lorgnette, mesquine dans ses petits tracas, interprétée par Isabelle Hupert toujours froide et distante, presque à la limite du faux, quel que soit le rôle qu'elle incarne, incapable de passion et de démesure. Finalement, ce n'est pas elle le personnage clef de l'action mais la fille Suzanne et ses relations troubles avec le chinois qui préfigure l'Amant. Bref! Il semble que le sujet réel du roman ait peu intéressé Rithy Panh. Et c'est bien dommage!
Quel est alors l'intérêt du film? La beauté des acteurs incarnant José (peu convaincant pourtant, trop lisse) et Suzanne. La vision du peuple, serviteurs et paysans, accablés par le colonialisme, ceci traité d'une manière anecdotique. La beauté des paysages et des images et, certes, à ce niveau, le film est irréprochable. Mais aucune émotion envers ces personnages dont on suit les tribulations, à distance, d'où un certain ennui!
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