En 2002, à Avignon, la troupe du Théâtre du Centaure a joué Macbeth sous chapiteau, dans le cadre du Festival IN. C'est une représentation que j'ai appréciée.
Voilà la définition qu'ils en donnent : Mi-animal, mi-humain, le comédien à cheval réalise ce centaure, sacré ou monstrueux, qui par sa spécificité décuple les émotions de l'acteur et décrit toute la palette des sentiments, des plus sombres aux plus clairs. Avec cet acteur archétypal, le théâtre du Centaure ne fait pas que de la démonstration technique, il se confronte aux grands textes du répertoire.
Ce spectacle équestre, entre danse et théâtre, est  d'une grande beauté tant l'union entre l'homme et le cheval quand il  s'agit de Macbeth (Manolo) et de lady Macbeth (Camille) est réussie. Ce  couple devient vraiment devant nos yeux un compromis entre l'animal et  l'humain; la scène d'amour où ces deux êtres mythiques s'enlacent, se  caressent, s'aiment, où le cheval et l'homme sont si étroitement liés  que l'on ne sait plus les distinguer est à la fois poétique et  sensuelle. Aux tuniques sombres du couple correspond les robes noires et  moirées des chevaux nimbés de lumière, dans un clair-obscur qui ajoute  au mystère, et renvoie à l'animalité de la nature humaine. Animalité  dans l'accouplement mais aussi dans les pulsions qui les poussent au  crime, dans l'âpreté de leur lutte pour le pouvoir, dans la destruction  de leur humanité. Le premier meurtre, celui de Duncan, laisse la porte  ouverte aux plus bas instincts chez Macbeth et le monstre apparaît en  lui tandis que la folie ravage l'esprit de Lady Macbeth. On entend à  l'extérieur du chapiteau la cavalcade des chevaux donnant l'assaut au  château du roi usurpateur, des ennemis assoiffés de sang pénètrent au galop sur la piste et donnent à cette scène un aspect primitif et barbare.
Les amoureux du cheval sont ravis, eux qui savent  combien cette symbiose entre le cheval et l'homme représente de travail,  de compréhension réciproque, de respect mutuel et de talent. Ceux qui  aiment le théâtre ne sont pas lésés, même si tout n'est pas parfait au  niveau du texte, car le propos n'est jamais gratuit. L'image du centaure  n'est pas seulement une recherche esthétique mais présente une  justification symbolique qui renforce la vision Shakespearienne.
Un Macbeth africain :
Dans les années 70, j'ai assisté à Marseille, au théâtre du Gymnase, à une représentation de Macbeth par  une troupe sénégalaise. Je ne suis plus sûre de mes références car trop  d'eau a passé sous le pont depuis. Cependant, en consultant les  archives du Web, j'ai pu constater que la scène du Théâtre Daniel Sorano  de Dakar avait bel et bien monté la pièce de Shakespeare à cette époque  et avait entrepris une tournée en Europe. Ce qui est sûr, c'est que la  représentation m'a assez marquée pour que je m'en souvienne encore tant  d'années après! J'étais encore jeune spectatrice alors et je me souviens  avoir été un peu remuée de voir la transposition de notre Moyen-âge  dans une civilisation aussi différente. Les sorcières devant leur  chaudron parlant à des guerriers noirs armés de sagaies,  les cases en  paille d'un village africain, les palabres, tout était surprenant pour  moi. Et pourtant, la pièce fonctionnait on ne peut mieux. J'ai été prise  par l'histoire, par ce drame sanglant qui se déroulait devant moi et  qui montrait les forces primitives de l'homme, le combat toujours  renouvelé et toujours triomphant du Mal sur le Bien, la soif du pouvoir  qui pousse au meurtre, à la folie, le sang qui appelle le sang,  l'escalade de la terreur qui enlève toute humanité, l'irréversibilité de  l'acte accompli, l'impossibilité du retour en arrière, de la pureté  retrouvée...
Here's the smell of the blood still; all the perfumes of Arabia will not sweeten this little hand.
(lady macbeth : Acte V scène 1
Reste toujours l'odeur de sang: tous les parfums de l'Arabie n'adouciraient pas cette petite main.
(lady macbeth : Acte V scène 1
Reste toujours l'odeur de sang: tous les parfums de l'Arabie n'adouciraient pas cette petite main.
C'était Shakespeare qui parlait, une voix venue d'un  autre temps pour dire la nature profonde de l'Homme à toutes les  époques, dans tous les pays, tous les lieux, de l'Homme lorsqu'il fait  sauter la carapace de la civilisation et de la morale, qu'il n'est plus  contraint par les lois et qu'il cède à ses instincts. Il suffit de  regarder autour de nous  actuellement  pour nous apercevoir que cela n'a  jamais cessé d'être.



 
 
Très intéressant ces mises en scènes de "la pièce écossaise", j'aurais beaucoup aimé voir celle avec les centaures, cela devait être sublime !
RépondreSupprimerOui, pas parfait mais très original et avec une atmosphère très particulière qui servait bien la pièce.
RépondreSupprimerCe Macbeth du théâtre du Centaure est la première vision scénique que j'ai eu de cette pièce, j'en garde un souvenir très fort!
RépondreSupprimer@Emelle : oui, moi aussi et il y a déjà plusieurs années que je l'ai vue.
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