Je continue donc ma lecture de Yoko Ogawa avec .Le musée du Silence aux  Editions Actes Sud.
Dans ce livre l'auteur continue ses variations autour des thèmes qui lui sont chers, le temps et de  la mémoire.
Nul lieu n'est mieux indiqué pour explorer ce thème que celui d'un  musée, qui plus est un musée consacré à l'objet le plus représentatif  d'une personne disparue, un objet qui résume sa vie, son essence et qui,  dérobé au mort, sera exposé comme témoin silencieux, unique trace.
L'amosphère étrange qui règne dans ce manoir et ce village isolés du  reste du monde est surprenante et nous partageons les sentiments du  jeune muséographe appelé de la grande ville par une vieille dame presque  moribonde pour s'occuper de la collection que cette dernière a  patiemment rassemblée à chaque décès. Au besoin il doit aussi voler d'autres  objets. Il est assisté dans sa tâche par une très jeune fille, un  jardinier, homme à tout faire de la maison et qui (ceci n'est pas  anecdotique) aime fabriquer de splendides couteaux, et  son épouse,  femme de ménage.
Comme d'habitude dans les romans de  Yôko Ogawa le réel et le  fantastique se côtoient et les deux mondes n'ont pas de limites  distinctes; le jeune homme est un  "vrai" muséographe et nous suivons  les différentes étapes de la création de son musée décrites avec  beaucoup de minutie, du recensement, de l'archivage, à la conservation  puis à la mise en scène des objets... Pourtant ce village, le monastère  des moines du Silence, le cimetière des bisons des Roches Blanches,  le  paysage  fantomatique du marais, tout donne l'impression d'être projeté  hors du temps. Les personnages qui, déjà n'ont pas de nom, perdent le  peu de consistance qu'ils pouvaient avoir. Ils glissent lentement dans  une sorte d'abstraction; je les vois un peu comme les Gardiens d'un  Temple de la Mémoire, chargés d'une mission qui leur enlève leur statut  humain et les désincarne.
Mais la confusion entretenue par l'auteur ne porte pas seulement sur  le jeu entre le réel et le fantastique. Yôko Ogawa brouille les pistes.  Dans quel genre de roman sommes-nous? un  roman policier, "thrilling"  avec "serial killer" ? Qui est, en effet, à l'origine des crimes atroces  commis dans ce petit village en apparence tranquille? Le muséographe  risque-t-il d'être accusé? Et que dire de l'attentat à la bombe dont  sont victimes les habitants du village? Et l'histoire d'amour que l'on  est en droit d'attendre? fausses pistes, bien sûr, qui nous mènent dans  une direction que nous n'attendions pas! Drôle de roman qui vous  déboussole!
J'aime dans mes lectures relever un passage qui n'appartiendra qu'à  moi et qui me parle particulièrement pour des raisons qui me sont  personnelles.
Voici ce passage  (p 95) :  Le frère  aîné du muséographe est  professeur de sciences. Il a appris à son jeune frère à se servir d'un  microscope que ce dernier amène partout avec lui à la découverte des  Mondes qui échappent au regard, ceux de l'infiniment petit. La jeune  fille interroge le jeune homme.
-Vous lui ressemblez?
-Pas tellement; il est de ceux qui n'attachent pas d'importance  à la  possession des choses. Il n'a pas de liens. Peut-être parce qu'il  connaît l'organisation de la matière. Il sait que le joyau le plus  précieux n'est qu'un simple  assemblage d'atomes, et que l'animal  inférieur le plus horrible possède un bel arrangement de cellules. La  forme extérieure n'est rien que simple tromperie. C'est pour ça qu'il  attache une grand importance au monde invisible. Son opinion, c'est que "  l'observation commence à partir du moment où l'homme prend conscience  de la mauvaise qualité de son regard".
-Alors, c'est complètement à l'opposé de vous qui faites tant d'efforts pour conserver la forme le plus longtemps possible"
Deux philosophies opposées, deux attitudes de l'Homme face à la Mort et la Mémoire.
Je trouve très belle la philosophie du frère aîné : c'est le regard  d'un savant mais aussi d'un visionnaire qui ne se laisse pas abuser pas  la superficialité du monde qui l'entoure. Mais puisque "la forme  extérieure n'est rien que simple tromperie", il est bien évident que la  forme ne pourra conserver la mémoire ni même l'évoquer. La lutte contre  la mort est donc vaine.
Il a raison, peut-être... ? Pourtant, depuis toujours j'agis comme le muséographe!

 
 
Un titre poor me réconcilier avec cette auteure ?
RépondreSupprimerje ne connais rien à la littérature japonaise.Quand j"en aurai le temps.....
RépondreSupprimerEt encore bravo pour ce nouveau blog!
@ Clara : oui, si tu es fâchée celui-ci pourra te réconcilier! Je ne sais lesquels tu as lu. Je suis comme toi, certains ne m'ont pas du tout plu mais ceux dont je parle ici (voir article précédent) m'ont emballée.
RépondreSupprimer@ miriam : Fais un essai avec ce roman de Yoko Ogawa. Je n'aime pas tous les romans de cette écrivaine finalement! Dans la littérature japonaise, il faut - très souvent- accepter de ne pas savoir dans quel monde l'on se trouve, rationnel ou irrationnel. On a l'impression qu'il n'y a pas de frontière entre les deux.
RépondreSupprimer@ miriam : merci pour mon nouveau blog! Pourvu qu'ils ne changent pas tout, eux aussi, et en mal, comme ils l'ont fait dans Le Monde!
RépondreSupprimer@ miriam et Clara : je me demande si mon préféré n'est pas "Amours en marge" (article précédent).
RépondreSupprimerTout d'abord : j'adore ta nouvelle présentation ! Vraiment... Ensuite je n'ai pas lu ce titre mais de cet auteur j'ai lu "Les tendres plaintes" que j'ai vraiment beaucoup aimée et "Cristallisation secrète" m'attend sur ma PAL, le sujet me tentait beaucoup. Pour finir je pense que le problème c'est que tu dois attendre que mon blog s'affiche correctement, parce que mon fond n'est pas fonçé mais clair (beige comme un parchemin) pas du tout la couleur des côtés (je pense que c'est comme ça qu'il s'est affiché je me trompe ?) A part ça j'ai bien fait le changement sur mes liens : ça s'est fait !
RépondreSupprimerBon week end Claudialucia, bises
Je n'ai pas encore lu cet auteur, il y a des japonais que j'aiment et d'autres auxquels je n'accroche pas du tout, il faut tenter pour le savoir.
RépondreSupprimer@ l'or : Merci pour ton message; pour ton blog le problème est réglé, tout est rentré dans l'ordre mais il a été vraiment bloqué sur la couleur foncé pendant un bon bout de temps!
RépondreSupprimer@ Aifelle : oui, moi aussi! j'aime certains auteurs et j'essaie de découvrir les autres. Mais c'est un peu vrai de toute littérature quelle que soit son origine!
RépondreSupprimerCe roman m'a fascinée !! Quelle imagination, je crois que je n'ai pas lu d'autres livres aussi étrange que celui-là. Ce musée des derniers instants juste avant la mort. C'est morbide, insensé et à la fois génial. C'est ça aussi la littérature aller à la rencontre de l'inexploré de l'inattendu et les japonais maitrise l'art de la complication, c'est pour ça que j'aime bien cette littérature.
RépondreSupprimer@ Nina : Je partage ton enthousiasme liée à cet univers étrange, à ces frontières floues entre l'imaginaire et le réel.
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