J'aime beaucoup l'écrivain japonais Yoko Ogawa. Traduite en plusieurs langues, elle a reçu le prix  prestigieux Akutagawa pour son livre  La Grossesse. J'ai  l'intention de lire tous ses livres comme je le fais quand un auteur me  passionne et d'en parler dans " Ma Librairie". 
J'ai commencé par lire  quelques romans d'elle aux éditions Actes-Sud Babel : Amours en marge ; Parfum de glace .
Ces romans présentent un univers étrange à mi-chemin entre la réalité  et le fantastique. Il est très difficile, je trouve, de résumer un  roman de Yoko Ogawa car on risque de le réduire à une histoire banale,  de ne pas arriver à en montrer toutes les directions.
Amours en marge
 Amours en marge est l'histoire d'une  jeune femme, la narratrice, atteinte d'une maladie des oreilles et qui  sera guérie  en dictant à un jeune homme, sténographe, l'histoire de sa  vie, c'est vrai. Cette femme blessée par son  divorce, par la solitude,  se libère peu à peu de la douleur et de la  maladie en partant à la recherche de son passé. Celui-ci se reconstitue  devant nous comme un puzzle dont les morceaux égarés reviennent à la  surface et ne prennent sens qu'à la fin du roman.  Mais ce résumé ne rend  pas  la dimension à la fois poétique et fantastique de l'oeuvre, la  fascination exercée sur la jeune femme et sur nous, lecteurs, par les  doigts  du sténographe dont l'écriture trace des signes bleus au pouvoir  libérateur, par l'oreille qui devient ici le siège de la mémoire, cela  ne rendrait pas non plus l'attrait éprouvée pour cette grande maison  encore emplie de l'odeur du jasmin pourtant depuis longtemps disparu, le  mystère de cette ombre revenue du passé.
"son écriture était comme une dentelle élaborée avec du fil bleu.  Fine, souple, sans accrocs. Derrière les mots, on pouvait voir le motif  en filigrane."
Parfums de glace 
Parfums de glace 
D'un roman à l'autre des thèmes récurrents apparaissent : dans Parfum de glace   Ryoko entreprend une quête pour comprendre pourquoi  l'homme qu'elle  aime  Hiroyuki s'est suicidé. Là aussi ce retour sur le passé nous  mènera  sur des pistes qui s'entrecroisent, se mêlent,  nous entraînent  loin dans l'espace géographique, du Japon à Prague, loin aussi dans le  passé de Hiroyuki à la recherche de la blessure originelle qui donnera  un sens à sa mort. La mémoire  est ici  sollicitée par l'odorat, concrétisée encore une fois par une partie du  corps, cette fois-ci le nez d'Hiroyuki, créateur de parfums, une mémoire  olfactive qui nous permet de franchir la barrière entre le réel et le  fantastique et d'entrer dans la mystérieuse grotte du gardien des paons,  oiseaux qui sont eux aussi symbole de la mémoire. Et ce parcours, aussi  douloureux soit-il, est la condition indispensable pour dépasser la  mort et retourner à la vie.
Le style de Yoko Ogawa
J'aime le style de Yoko Ogawa, sa manière précise et minutieuse de  décrire les choses et de leur donner une vie propre, l'importance  accordée à tous les sens, l'odorat, l'ouïe... et le don qu'elle possède  de matérialiser les odeurs, les bruits ou le silence, de nous les faire  voir, entendre ou toucher.
"Un matin tous les bruits avaient disparu (...) Au début j'ai cru que  la neige avait enseveli le jardin. Parce que dans mon enfance, j'avais  ressenti ce silence dans l'air, les matins de neige.Mais je me suis  rendu compte aussitôt que c'était idiot. Le calendrier indiquait qu'on  était en juin. Je ne savais pas du tout quoi faire. c'était complètement  différent de ce que peut être le calme.. Tout était blanc à l'intérieur  de ma tête. j'ai essayé de me boucher les oreilles, de secouer la tête,  de m'ébouriffer les cheveux, mais cette blancheur ne faisait  qu'épaissir, et cela n'a eu aucun effet."
L'univers de Yoko Ogawa
J'aime l'impression d'être perdue dans un no man's land, de ne pas  savoir si je suis dans la réalité ou dans un ailleurs de la mémoire, de  l'imaginaire, car l'auteur efface la frontière entre les deux d'une  telle façon que le lecteur perd ses repères. Ainsi le sténographe  existe-t-il réellement?  Il dit lui-même qu'il est une "ombre", celle du  jeune garçon de treize ans qui existe encore dans la mémoire de la  narratrice. Celle-ci n'a pas de nom, le sténographe est désigné par la  seule lettre Y, personnages sans matérialité  et qui ne s'incarnent que  par les parties de leur corps, oreilles ou  doigts.
"J'ai fait glisser ma main gauche entre mes cheveux pour toucher mon oreille gauche. Elle était glacée comme une tranche de fromage oubliée dans une chambre froide.."
J'aime cet univers tourné vers l'exploration du passé et de la mémoire, imprégné de silence, très intériorisé : vieilles maisons abandonnées parcourues d'ombres et de fantômes, musées fourre-tout, objets hétéroclites qui ont une présence.
"J'avançais lentement. Le plancher grinçait à chaque pas. L'odeur de vieux bois, de vernis et de temps écoulé qui émanait des meubles emplissait l'espace. Je sentais l'air devenir de plus en plus dense. Il stagnait, et sans s'écouler nulle part, pesait sur les épaules et entravait mes jambes. (...) Sur le secrétaire il y avait un stylo à plume et une bouteille d'encre, et un cadre avec une photo. Le cadre luxueux était en argent. Il contenait une vieille photographie; Je tendis prudemment la main vers elle." ( Amours en marge)
ou encore
"Le couloir où se trouvaient deux fauteuils Windsor, dans le clair de  lune, ressemblait à une nature morte. La poussière sur le dossier  montrait qu'ils n'avaient pas été utilisés un certain temps.. " (Amours en marge)

 
 
Le sujet de l'amour en marge me tente assez... Et les extraits aussi... J'aime beaucoup le style de cet auteur, et il faut avouer que ces sujets sont souvent très très étranges... Elle transporte dans un monde totalement inconnu, c'est complètement irréel...
RépondreSupprimer@ l'or : je crois que c'est le livre que je préfère de Yoko Ogawa.j'aime beaucoup ce côté irrationnel et le style de l'auteur.
RépondreSupprimer