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| Eglise et monastère de Sao Vicente de Fora vus du belvédère | 
Eglise et monastère de Sao Vicente de Fora
Le monastère de Sao Vicente de Fora domine la colline de l'Alfama et les deux tours de son église se voient de loin. Il a été fondé par Alfonso-Henriques, le roi Alfonso 1er, en 1147, pour honorer le voeu qu'il avait fait de reprendre Lisbonne aux Maures (le siège de Lisbonne). Plus tard, son église a été remaniée et l'intérieur est d'un style baroque chargé.
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| Eglise du monastère Sao Vicente de Fora | 
Je voulais absolument voir le monastère et son cloître car je me souvenais y avoir vu des azulejos représentant les fables de La Fontaine lors d'un précédent voyage datant d'il y a quarante ans.
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| monastère Sao Vicente de Fora extérieur | 
Des azulejos, il y a en partout et dès la montée d'escalier !
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| Escalier du monastère Sao Vicente da Fora | 
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| Le jeu de paume, l'ancêtre du tennis | 
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| le port de Lisbonne | 
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| La chasse | 
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| Et même là, elles me traquent ! (les araignées) | 
AU premier étage, le hall d'entrée présente des panneaux en azulejos narrant la bataille qui a permis à Alfonso 1er de reprendre Lisbonne aux Arabes. Le plafond en trompe l'oeil a été réalisé par un peintre italien sous le règne de Joao V.
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| Hall d'entrée de la sacristie | 
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| Hall d'entrée de la sacristie (détail) : azulejos racontant le siège de Lisbonne | 
C'est au deuxième étage que l'on découvre les azulejos illustrant 38 fables de La Fontaine. Dans mon souvenir,  jadis, ils étaient à l'extérieur. Des panneaux explicatifs en français résument les fables et permettent de se souvenir (ou de découvrir ) certaines d'entre elles. Des trois éditions qui parurent au XVIII siècle, la plus fameuse, celle de 1775, a été illustrée par Jean-Baptiste Oudry, retouchée par Charles-Nicolas Cochin. C'est d'après ces illustrations que les azulejos  commandés pour le monastère de Sao Vicente de Fora furent réalisés.
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| Les azulejos des fables de la Fontaine | 
Le gland et la citrouille ou Dieu fait bien ce qu'il fait
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| Monastère de Sao Vicente de Fora La Fontaine Le gland et la citrouille | 
Sans en chercher la preuve
              En tout cet Univers, et l’aller parcourant,
                        Dans les
              Citrouilles je la treuve.
Un villageois,
              considérant
              Combien ce fruit est gros, et sa tige menue
              A quoi songeait, dit-il, l’Auteur de tout cela ?
              Il a bien mal placé cette Citrouille-là :
                        Hé parbleu, je
              l’aurais pendue
                        A l’un des
              chênes que voilà.
(...)
Tout en eût été mieux ; car pourquoi par exemple
              
               Le Gland, qui n’est pas gros comme mon petit doigt, 
                        Ne pend-il pas
              en cet endroit ?
(...)
Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme.
              Un gland tombe ; le nez du dormeur en pâtit.
              II s’éveille ; et portant la main sur son visage,
              Il trouve encor le Gland pris au poil du menton.
              Son nez meurtri le force à changer de langage ;
              Oh, oh, dit-il, je saigne ! et que serait-ce donc
              S’il fût tombé de l’arbre une masse plus lourde, 
                        Et que ce gland
              eût été gourde ?
              Dieu ne l'a pas voulu : sans doute il a raison ;
                        J’en vois
              bien à présent la cause.
                        En louant Dieu
              de toute chose,
                        Garo retourne à la maison.
( Livre IX fable 4)
L'ours et l'amateur des jardins
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| Azulejos de La Fontaine L'ours et l'amateur des jardins | 
Certain  Ours montagnard, Ours à demi léché, 
        Confiné  par le sort dans un bois solitaire, 
        Nouveau  Bellérophon(1) vivait seul et caché : 
        Il  fût devenu fou ; la raison d'ordinaire 
        N'habite  pas longtemps chez les gens séquestrés (2): 
        Il  est bon de parler, et meilleur de se taire, 
        Mais  tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés. 
(...)
Pendant  qu'il se livrait à la mélancolie, 
                 Non loin de là certain vieillard 
                 S'ennuyait aussi de sa part. 
        Il  aimait les jardins, était Prêtre de Flore, 
                 Il l'était de Pomone encore : 
        Ces  deux emplois sont beaux. Mais je voudrais parmi 
                 Quelque doux et discret ami. 
        Les  jardins parlent peu, si ce n'est dans mon livre ; 
                 De façon que, lassé de vivre 
        Avec  des gens muets notre homme un beau matin 
        Va  chercher compagnie, et se met en campagne. 
                 L'Ours porté d'un même dessein 
                 Venait de quitter sa montagne : 
                 Tous deux, par un cas surprenant 
                 Se rencontrent en un tournant. 
(...) 
Les  voilà bons amis avant que d'arriver. 
        Arrivés,  les voilà se trouvant bien ensemble ; 
(...) 
Un  jour que le vieillard dormait d'un profond somme, 
        Sur  le bout de son nez une * allant se placer 
        Mit  l'Ours au désespoir ; il eut beau la chasser. 
        Je  t'attraperai bien, dit-il. Et voici comme. 
        Aussitôt  fait que dit ; le fidèle émoucheur 
        Vous  empoigne un pavé, le lance avec roideur, 
        Casse  la tête à l'homme en écrasant la mouche, 
        Et  non moins bon archer que mauvais raisonneur : 
        Roide  mort étendu sur la place il le couche. 
        Rien  n'est si dangereux qu'un ignorant ami ; 
                 Mieux vaudrait un sage ennemi.
 (Livre VIII fable 10)
*mouche
             L'astrologue qui se laissa tomber dans un puits
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| L'astrologue qui se laissa tomber dans un puits | 
Au fond d'un puits. On lui dit : Pauvre bête,
Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta tête ?
Cette aventure en soi, sans aller plus avant,
Peut servir de leçon à la plupart des hommes.
Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes,
Il en est peu qui fort souvent
Ne se plaisent d'entendre dire
Qu'au Livre du Destin les mortels peuvent lire.
Mais ce Livre qu'Homère et les siens ont chanté,
Qu'est-ce, que le hasard parmi l'Antiquité,
Et parmi nous la Providence ?
Or du hasard il n'est point de science :
S'il en était, on aurait tort
De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort,
Toutes choses très incertaines.
Quant aux volontés souveraines
De celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein,
Qui les sait, que lui seul ? Comment lire en son sein ?
Aurait-il imprimé sur le front des étoiles
Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ?
A quelle utilité ? Pour exercer l'esprit
De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit ?
Pour nous faire éviter des maux inévitables ?
Nous rendre dans les biens de plaisir incapables ?
Et causant du dégoût pour ces biens prévenus ,
Les convertir en maux devant qu'ils soient venus ?
C'est erreur, ou plutôt c'est crime de le croire.
Le firmament se meut ; les astres font leur cours,
Le soleil nous luit tous les jours,
Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire,
Sans que nous en puissions autre chose inférer
Que la nécessité de luire et d'éclairer,
D'amener les saisons, de mûrir les semences,
De verser sur les corps certaines influences.
Du reste, en quoi répond au sort toujours divers
Ce train toujours égal dont marche l'univers ?
Charlatans, faiseurs d'horoscope,
Quittez les Cours des Princes de l'Europe ;
Emmenez avec vous les souffleurs tout d'un temps.
Vous ne méritez pas plus de foi que ces gens.
Je m'emporte un peu trop ; revenons à l'histoire
De ce Spéculateur qui fut contraint de boire.
Outre la vanité de son art mensonger,
C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères
Cependant qu'ils sont en danger,
Soit pour eux, soit pour leurs affaires.
*La Fontaine critique l'astrologie et non l'astronomie; L'astrologue est celui  qui utilise les sciences pour faire des prédictions sur l'avenir. Pour La Fontaine l'astrologue un "spéculateur", une "pauvre bête".
Démocrite et les Abderitains
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| Démocrite et les Abdéritains | 
Que j'ai toujours haï les pensers du vulgaire ! 
Qu'il me semble profane, injuste, et téméraire, 
Mettant de faux milieux entre la chose et lui,
Et mesurant par soi ce qu'il voit en autrui !
Le maître d'Épicure  en fit l'apprentissage.
Son pays le crut fou : Petits esprits ! mais quoi ? 
               Aucun n'est prophète chez  soi.
Ces gens étaient les fous, Démocrite, le sage.
L'erreur alla si loin qu'Abdère* députa
               Vers Hippocrate , et  l'invita
               Par lettres et par  ambassade,
A venir rétablir la raison du malade.
Notre concitoyen, disaient-ils en pleurant,
Perd l'esprit : la lecture a gâté Démocrite. 
Nous l'estimerions plus s'il était ignorant.
Aucun nombre, dit-il, les mondes ne limite :
               Peut-être même ils sont  remplis
               De Démocrites  infinis.  
Non content de ce songe, il y joint les atomes,
Enfants d'un cerveau creux, invisibles fantômes ;
Et, mesurant les cieux sans bouger d'ici-bas,
Il connaît l'univers, et ne se connaît pas.
Un temps fut qu'il savait accorder les débats :
               Maintenant il parle à  lui-même.
Venez, divin mortel ; sa folie est extrême.  
Hippocrate n'eut pas trop de foi pour ces gens ;
Cependant il partit. Et voyez, je vous prie,
               Quelles rencontres dans la  vie
Le sort cause ; Hippocrate arriva dans le temps
Que celui qu'on disait n'avoir raison ni sens
               Cherchait dans l'homme et  dans la bête
Quel siège a la raison, soit le cœur, soit la tête. 
 
Sous un ombrage épais, assis près d'un ruisseau, 
                Les labyrinthes d'un  cerveau
L'occupaient. Il avait à ses pieds maint volume,
Et ne vit presque pas son ami s'avancer,
                Attaché selon sa coutume.
Leur compliment fut court, ainsi qu'on peut penser.
Le sage est ménager du temps et des paroles.
Ayant donc mis à part les entretiens frivoles,
Et beaucoup raisonné sur l'homme et sur l'esprit,
                Ils tombèrent sur la  morale.
                Il n'est pas besoin que  j'étale
                Tout ce que l'un et l'autre dit.
                Le récit précédent suffit
Pour montrer que le peuple est juge récusable. 
                En quel sens est donc véritable 
                Ce que j'ai lu dans  certain lieu,
                Que sa voix est la voix  de Dieu ?*
Livre VIII fable 26
* Abdère : colonie grecque de Thrace, patrie de Démocrite, maître d'Epicure, fondateur avec Leucippe de la théorie des atomes.
*La Fontaine récuse Vox populi, vox Dei  
 
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| Le pot de terre et le pot de fer | 
Le Pot de fer proposa
Au Pot de terre un voyage.
Celui-ci s'en excusa,
Disant qu'il ferait que sage 
De garder le coin du feu ;
Car il lui fallait si peu,
Si peu, que la moindre chose
De son débris serait cause.
Il n'en reviendrait morceau.
Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.
Nous vous mettrons à couvert,
Repartit le Pot de fer.
Si quelque matière dure
Vous menace d'aventure,
Entre deux je passerai,
Et du coup vous sauverai.
Cette offre le persuade.
Pot de fer son camarade
Se met droit à ses côtés.
Mes gens s'en vont à trois pieds,
Clopin-clopant comme ils peuvent,
L'un contre l'autre jetés,
Au moindre hoquet qu'ils treuvent.
Le pot de terre en souffre ; il n'eut pas fait cent pas
Que par son Compagnon il fut mis en éclats,
           
            Sans qu'il eût lieu de se plaindre .
Ne nous associons qu'avecque nos égaux ;
            Ou
            bien il nous faudra craindre
            Le
            destin d'un de ces Pots . 
            
          
          
            
          
La mort et le malheureux
       Un Malheureux appelait tous les jours
                  La mort à
    son secours;
        Ô Mort, lui disait-il, que tu me sembles belle !
    Viens vite, viens finir ma fortune cruelle.
    La mort crut en venant, l'obliger en effet.
    Elle frappe à sa porte, elle entre, elle se montre.
        Que vois-je ! cria-t-il, ôtez-moi cet objet; 
             Qu'il est hideux ! que sa rencontre
             Me cause d'horreur et d'effroi !
    N'approche pas, ô Mort ; ô Mort, retire- toi.
             Mécénas * fut un galant homme :
    Il a dit quelque part : Qu'on me rende impotent,
    Cul-de-jatte, goutteux, manchot, pourvu qu'en somme
    Je vive, c'est assez, je suis plus que content.
    Ne viens jamais, ô Mort ; on t'en dit tout autant.
*Mécénas = Mécène chevalier romain, proche d'Auguste, protecteur des arts et des lettres ; Il s'entoura de Virgile et d'Horace. Son nom est resté synonyme de protecteur des arts.
Livre I fable 15 et fable 16
Mais ma fable préférée est la deuxième version plus proche de celle d'Esope
La mort et le bûcheron 
Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée,
    Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
    Gémissant et courbé, marchait à pas pesants,
    Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
    Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
    Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
    Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
    En est-il un plus pauvre en la machine ronde ? 
    Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
    Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
              Le
    créancier et la corvée
    Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
    Il appelle la Mort ; elle vient sans tarder,
              Lui
    demande ce qu'il faut faire.
              C'est, dit-il, afin de m'aider
    A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère . 
              Le trépas vient tout guérir ;
               Mais ne bougeons d'où nous sommes :
              Plutôt souffrir que mourir,
              C'est la devise des hommes.
    
Les médecins
Le médecin Tant-Pis allait voir un Malade
Que visitait aussi son Confrère Tant-Mieux.
Ce dernier espérait, quoique son Camarade
Soutînt que le Gisant irait voir ses aïeux.
Tous deux s'étant trouvés différents pour la cure,
Leur Malade paya le tribut à Nature,
Après qu'en ses conseils Tant-Pis eut été cru.
Ils triomphaient encor sur cette maladie.
L'un disait : Il est mort, je l'avais bien prévu.
S'il m'eût cru, disait l'autre, il serait plein de vie. 
(Livre V fable 12)
            
        
          
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| Un de deux cloîtres | 
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| Cloître et toit en terrasse avec une vue à couper le souffle (selon le guide) | 





 
 
Quel merveilleux billet! je partage ton amour pour les azulejos. Quelle bonne idée de donner à lire des fables peu connues!
RépondreSupprimerJ'en ai découvert quelques unes ! C'est une belle re-découverte !
SupprimerAh oui, je me souviens bien de cette visite qui m'avait enchantée !
RépondreSupprimerBonjour Claudia Lucia, j'avoue ne pas avoir lu toutes ces fables, certaines plus difficiles que d'autres à suivre (l'astrologue par exemple). La Fontaine n'est jamais meilleur que lorsqu'il parle de nature humaine plutôt que de nature tout court. Je ne pense pas qu'il connaissait le coté létal de la noix de coco ni celui du durian, même pas celui de certaines pommes de pin des Landes, mais qui songerait à siester sous un cocotier ? Les fruits sont les support des graines, le gland du chêne est petit et peut être dispersé aisément par un geai ou un écureuil ensuite il donne cette arbre magnifique s'il a eu la chance d'avoir atterri en un endroit propice, ensoleillé et riche en humus. Là est la vraie science de Dieu. La noix de coco énorme et lourde flotte pourtant et conquiert les îles lointaines etc...
RépondreSupprimerMon père aimait la fable de la guenon, le singe et la noix
RépondreSupprimer"... ma mère mentit
Quand elle m'assura que les noix étaient bonnes...."
... ainsi que celle du vieillard et des 3 jeunes hommes
"Un octogénaire plantait.
Passe encor de bâtir ; mais planter à cet âge !"
Que la Fontaine se trouve ainsi honoré en cette église montre le rayonnement culturel de la France à une époque
J'aime beaucoup la photo du panorama qui illustre ton billet, quant au vaste escalier il me fait penser à celui de la villa Médicis à Rome, sans doute un escalier accessible aux chevaux
Je comprends le plaisir que tu as eu à retrouver cette église après tant d'années, je suis contente pour toi que tu n'aies pas été déçue et que la réalité ait été conforme au souvenir
RépondreSupprimerMeilleurs voeux de belles découvertes pour 2023 que ce soit du fond de ton canapé ou dans des régions lointaines ! Et comme disent nos amis suisses, "tout de bon !"
Merci pour ces beaux carreaux bleutés dont j'ignorais jusqu'au nom ("azulejos"). En plus, les fables illustrées via ceux que vous avez choisi de photographier ne sont pas forcément les plus célèbres, bonne idée que d'avoir mis les citations!
RépondreSupprimer(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola