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samedi 22 novembre 2025

James Oliver Curwood : Les chasseurs de loups et Les Chasseurs d’or.


 Mon amour pour James Oliver Curwood remonte à mon enfance. Je l’ai  découvert dès que j’ai su lire et je l’ai relu maintes fois. Il n’avait (presque*) qu’un rival, alors, Jack London et ce sont ces deux auteurs  qui ont nourri mon imaginaire, le grand désert blanc, la neige, le blizzard, les loups, les trappeurs, les chercheurs d’or… 
A l’époque, je préférais Curwood à London ! Mes relectures des deux auteurs à l’âge adulte m’ont amenée à penser tout autrement. Jack London est plus puissant que Curwood, ses personnages sont plus réalistes, plus rudes, plus âpres, ses récits plus épiques, ses combats plus austères. Son style décrit avec brio l’inégalité du combat entre l’homme, fragile, et la Nature immense, implacable, dangereuse… tout en soulignant la grandeur de l’homme qui ne se dérobe pas et lutte pour sa survie. 

Curwood connaît aussi bien, peut-être, le Grand Nord que Jack London et cette approche lui fait écrire de belles pages, vraies, vivantes, en particulier quand il parle des animaux : Kazan, Bari chien-loup, Nomades du Nord que j’ai l’intention de relire. Cependant, ses personnages sont moins complexes, plus idéalisés et la vision des hommes est un peu plus manichéenne que chez London. Il y a les "bons" et les "méchants". Leurs aventures, même si elles sont pleines de dangers bien réels, restent dans le domaine du romanesque et jamais les héros ne perdent leur humanité malgré la fatigue et les souffrances comme c'est le cas dans les romans et nouvelles de Jack London. On sait qu'ils resteront en vie, qu’ils seront incapables d’une action lâche, servile. Et puis, cerise sur le gâteau pour la petite fille que j'étais alors, il y a toujours une belle histoire d’amour, souvent entre une indienne et un blanc ! C’est pour toutes ces raisons que je préférais Curwood.

Je viens de relire pour le challenge Littérature pour la jeunesse, Les chasseurs de loup et sa suite Les chasseurs d’or. 

J’ai retrouvé avec grand plaisir les personnages de Roderick, un jeune américain et son ami métis, Wabigoon, dont le père, un  anglais venu dans le Nouveau Monde, a épousé une belle indienne. Rod et Wabi se sont connus à  Détroit dans le Michigan pendant leurs études et Wabi a invité Rod chez ses parents dans le Grand Nord canadien, à la Factory de Wabinosh-House, dans la région désertique du lac Nipigon, vers la Baie d’Hudson. Ces personnages, je les adorais quand j’étais jeune ainsi que la jolie Minnetaki dont Rod qui a dix-huit ans tombe amoureux.  
Avec Mukoki, un vieil indien solide et endurant, Wabi fait découvrir à son ami la rude vie des trappeurs et partage son émerveillement pour cette Nature sauvage, ses épaisses forêts de mélèzes et de sapins, ses nuits étoilées et pures, ses lacs gelés. Des spectacles à couper le souffle s’offrent aux yeux éblouis de Rod.  

« Le Wildernesse lui apparaissait dans toute sa grandeur. Aussi loin que pouvait porter la vue, la blanche étendue, mile après mile, se dépliait vers le Nord, jusqu’à la baie d’Hudson. En un éblouissement béat, Rod embrassait du regard, au-dessous de lui, la ligne des forêts noires, puis les plaines, vallonnements et collines, qui se succédaient sans fin, entrecoupés de lacs scintillants, encadrés de sapins, et d’un grand fleuve déroulant son cours glacé. C’était une splendeur magnifique et variée, dans un décor immaculé. »

 Le roman s’ouvre sur une magnifique description de la nature et sur le combat pour la vie d’un élan aux prises avec un chasseur. 

 

Illustration Anton Lomaev

 

Car bien évidemment, dans Les chasseurs de loups, les héros tuent des animaux pour manger ou pour leur fourrure, et en particulier, on s’en doute, le titre l’indique … des loups !  J’imagine, de nos jours, ce livre entre les mains des amoureux de ces bêtes sans aucun doute splendides, surtout si l’on ne risque pas de leur servir de déjeuner ! En fait, le roman paru en 1908 décrit une réalité de l’époque. Il ne s’agit pas de cruauté mais de gagner sa vie. Avec le prix de la vente des fourrures, Rod va pouvoir aider sa mère qui est veuve et a beaucoup de mal à élever son fils. Les loups étaient nombreux et représentaient un danger pour l’homme. La femme de Mukoki et son enfant ont été attaqués par une horde et dévorés. D’ailleurs, le spectacle d’un élan poursuivi par une meute marque Rod, lui enseignant que la vie dans le Grand Nord est  un combat impitoyable et qu’il y a toujours les plus forts et les plus faibles. Manger ou être mangé !

« Longtemps Roderick devait revoir dans ses rêves la bête monstrueuse qui se savait condamnée, fuyant dans la nuit neigeuse en jetant son lourd beuglement d’agonie, et la horde diabolique des Outlaws du désert attachée à ses trousses, corps agiles et puissants, corps squelettiques, dont la peau collait sur les os, mais qui demeurait indomptables et qu’affolaient la proximité de leur proie. »

Mais Curwood, chasseur, aimait trop les animaux pour continuer à les tuer, il a ensuite évolué et lutté pour la limitation de la chasse et la préservation de la Nature, un écologiste d’avant-garde. Il y a un beau passage dans Les Chasseurs d’or où Wabi parle avec amour de la majesté des élans et demande à Rod de les épargner quand il ne s’agit pas d’assurer sa propre survie. On tue pour se nourrir pas pour le plaisir de tuer ! 

Dans Les chasseurs de loups, Rod, Wabi et Mukoki s’installent dans une cabane abandonnée où ils découvrent deux squelettes et un sachet de pépites d’or. Ils comprennent que ces hommes se sont entretués pour l’or et un plan dessiné sur une fine écorce leur permet de savoir où se trouve le gisement.  

 

Wabi, Mukoki, Rod et Loup : celui-ci élevé dans son enfance par Mukoki et Wabi retournera à la vie sauvage

  

Le récit de leur chasse et des combats contre les Woongas, une tribu ennemie qui brûle leur cabane, alternent avec les recherches de Rod pour repérer les cascades qui jalonnent le chemin vers l’or. A la fin de la saison, les trois hommes  décident de retourner à la Factory pour rapporter le produit de leur trappe. Ils reviendront chercher l’or au printemps suivant. Ce sera le sujet de Les Chasseurs d’or. Mais dès le début de ce second livre, Wabi et Rod apprennent que Minnetaki a été enlevée par les Woongas. Nos héros se lancent à leur poursuite. Un combat sans merci entre les « bons » et « les méchants » a lieu et ce n’est qu’après avoir sauvé la jeune fille qu’ils pourront se consacrer à la recherche de l’or et pourront vivre bien d’autres aventures extraordinaires.  

J’ai d’abord était un peu effrayée en lisant dans ma Kindle les avertissements de l’éditeur qui invite à ne pas aborder ce roman avec la mentalité de notre époque. On a vu ce que cela signifiait pour les loups. Mais les combats avec les indiens Woongas et les morts violentes peuvent choquer aussi. Cependant Curwood n’est pas raciste. Mukoki, le vieil indien qui veille sur Wabi et Minnetaki comme une « nounou » attentive et protectrice est un personnage digne et bienveillant. 

« Une grimace de satisfaction se dessina sur sa rude figure ridée, ravagée par les intempéries  et tannée comme un cuir par les longues années vécues dans le Grand Désert Blanc. Le premier, il avait, sur ses épaules, promené le petit Wabi à travers bois et forêts. Il l’avait fait jouer et en avait pris soin lorsqu’il n’était encore qu’un enfantelet, et il l’avait initié aux moeurs du Désert. »

Il transmet son savoir et sa tolérance aux jeunes gens. Il leur raconte des histoires de la création du Monde, des dieux indiens et Rod, d’abord un peu moqueur, finit par respecter les croyances du vieillard. D’ailleurs le roman est dédicacé à « Mukoki, mon guide Peau-Rouge et ami bien-aimé en témoignage de ma reconnaissance… ».

Ces deux romans de Curwood sont donc toujours de très bons livres pour la jeunesse si l’on arrive à les replacer dans une époque qui n’est pas la nôtre et qui n’a pas les mêmes critères que nous. Ils sont bien écrits et permettent de découvrir la beauté des paysages du Grand Nord canadien. Les personnages sont sympathiques, courageux, et vivent des aventures passionnantes. On ne peut s’empêcher de les aimer. Le livre célèbre les valeurs de l’amitié, de la solidarité, de la tolérance et du respect de la nature.

 



J’ai lu ce roman dans la Bibliothèque verte, un peu sévère, quand j'étais enfant ! Mais  le roman aux Editions de La Sarbacane est magnifiquement illustrée par Anton Lomaev (voir les images de ce billet). Un beau cadeau de Noël pour petit lecteur habile.


*
Quand j'écris que "Curwood n'avait presque qu'un rival, Jack London", le "presque" renvoie à mes autres livres cultes en dehors de Curwood et London : Mon amie Flicka, le fils de Flicka et L'herbe verte du Wyoming de Mary O' Hara. Vous connaissez ? Ce que j'ai pu aimer ces romans !

 


 

dimanche 4 août 2024

François Edouard Raynal : Les naufragés ou Vingt mois sur un récif des îles Auckland.

 

 

Ayant emprunté à la bibliothèque le recueil intitulé dans les Naufragés Témoignages vécus aux éditions Omnibus, je n’ai eu le temps de lire, avant de partir en voyage, que  L’aventure sanglante du Batavia  et les Robinsons des îles Auckland, ce dernier ayant paru sous le titre originel de Les naufragés ou Vingt mois sur un récif des Îles Auckland.

Je dois dire que c’est ce dernier que j’ai préféré non seulement pour les aventures qui y sont contées mais parce que l’auteur François Edouard Raynal possède une belle plume descriptive et vivante, et nous livre d’intéressantes réflexions sur l’homme, sa capacité de résistance, ses efforts pour garder son humanité malgré le doute et le désespoir. Le récit du Batavia, beaucoup moins littéraire, ne lui cède en rien au niveau des aventures mais est glaçant car les rescapés échoués sur l'île tombent sous la coupe d’un espèce de psychopathe qui fait régner la terreur,  le viol et le meurtre et se livre à la piraterie!

 

Emplacement des îles Auckland

 

Loin d'être seulement un témoignage Les naufragés ou Vingt mois sur un récif des Îles Auckland, est donc un objet littéraire qui se lit comme une extraordinaire aventure de naufrage. C’est lui qui a inspiré à Jules Vernes son roman, L’île mystérieuse.


François Edouard Raynal


François Edouard Raynal  écrit ce récit et le publie en1870. Français, il était chercheur d’or en Australie ( ce qui explique ses multiples savoir-faire et son entraînement à la survie) quand un de ses amis lui propose une mission sur l’île Campbell dans le but de découvrir une mine aurifère ou, à défaut, une réserve naturelle de phoques. Raynal part sur le Grafton avec ses compagnons : Il y a l’américain Tom Musgrave, qui est le capitaine du navire. Bon marin, il a une grande valeur intellectuelle et morale, nous dit Raynal. Les deux hommes sont du même milieu. Les autres sont des hommes du peuple qui se révèleront courageux et inventifs : le norvégien, Alexandre dit Alick Mac-Larren, l’anglais, George Harris et le portugais, Henri dit Harry Forgès. 

 

Les îles Auckland en Nouvelle-Zélande


L’expédition s’étant révélée infructueuse sur l’île Campbell, le Grafton prend le chemin du retour mais, poussé par la tempête, il s’échoue dans la nuit du 2 au 3 Janvier 1864 sur l’une des îles de l’archipel néo-zélandais des Auckland. C’est dans ce lieu inhabité, ingrat, battu par les vents, à l’hiver glacial, que les cinq hommes vont passer vingt mois de leur vie dans de rudes conditions, en proie à l’angoisse mais ne perdant pas courage.

 

La hutte construite par les naufragés


Ce récit eut beaucoup de succès à sa parution et il fut longtemps, en France, offert comme livre de prix dans les écoles. On comprend pourquoi ! Les aventures racontées ne pouvaient que plaire, la construction de la cabane étayée par des arbres pour résister aux tempêtes, la chasse aux lions de mer qui un jour les attaquent, la famine quand ces animaux quittent l’île pendant l’hiver, la fabrication du savon par Raynal, la  reprise des vêtements élimés, la confection de chaussures en peau de phoque… Tout est passionnant. Les hommes établiront même une forge pour construire un bateau quand les secours n’arrivent pas.


Les lions de mer attaquent la barque


On a parfois reproché à ce récit d’être (trop?) moral. Mais personnellement, c’est cette partie que j’ai trouvée particulièrement intéressante. On sait ce qui est arrivé aux naufragés du Wager, de la Méduse, du Batavia, et bien d’autres…
Raynal a tout de suite conscience du danger qui les guette, de partir à la dérive, de sombrer dans l’anarchie, l’individualisme, la violence et la folie. Aussi, il propose à ses compagnons de nommer non pas un chef mais plutôt un « père » qui sera là pour apaiser les querelles, régler les différents. C’est Tom Musgrave qui est désigné. Tous ensemble ils rédigent une constitution qu’ils écrivent sur les pages de la Bible pour la rendre sacrée. La journée est consacrée au travail en commun, à la chasse, la soirée est dédiée aux leçons. Chacun peut apprendre de l’autre. Harry, analphabète, apprend à lire mais il enseigne à son tour le portugais. Il est ainsi valorisé. Un jour, François Edouard Raynal fabrique de l’alcool à partir de baies. Quand il voit l’effet du breuvage sur les hommes, il vide tous les récipients dans la mer. Conserver sa dignité, se maintenir propre, raccommoder ses vêtements, oeuvrer pour la collectivité, apprendre de l’autre, célébrer l’office, les aident à rester des êtres humains. C’est peut-être moralisateur mais pourtant c’est vrai et c’est ce qu’ils ont fait.

Une belle histoire et qui fait plaisir car, à  l’inverse du roman de William Golding Sa majesté des mouches, elle montre que les hommes peuvent réussir à ne pas tomber dans l’abjection  même quand ils sont éloignés des lois de leur pays et de leur civilisation  mais pourtant c'est difficile et cela ne va pas tout seul !



Les îles Auckland


Port Carnley a été le lieu de naufrage du Grafton dans Les naufragés ou Vingt mois sur un récif des Îles Auckland, l'archipel est incorporé au territoire néo-zélandais en 1863.
 

Les toponymes de la baie Musgrave, du mont Raynal (644 m) et de la pointe Raynal au sud d'Epigwaitt sur les îles Auckland commémorent la vie des naufragés du Grafton.
 

Dans les collections du Museum of New Zealand (Te Papa Tongarewa) à Wellington se trouvent des photographies14, un morceau de la quille et deux boîtes.
 

Divers objets de cette aventure ont été offerts par F.-E. Raynal à la bibliothèque de Melbourne : une paire de bottes en peau de phoque, une aiguille à voile en os d'albatros, des soufflets de forge en peau de phoque. Certains se trouvent aujourd'hui dans la collection du muséum de Melbourne. ( wikipédia)



 

Chez Fanja