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mardi 11 février 2014

La Littérature pour la Jeunesse : Non, M. Copé, les livres pour enfants ne sont pas des manuels de morale

Le Petit Poucet

En tant qu'enseignante, mère et grand mère, mais aussi pour moi-même, enfant et adulte, je me suis toujours intéressée à la littérature pour la jeunesse; c'est une passion qui ne me quitte pas.
Or, à propos de l'intervention de Monsieur Copé sur Tous à poil un livre pour enfants que je ne connais pas et sur lequel, par conséquent, je ne porte aucun jugement, je viens de lire un article du Monde de Sylvie Vassallo (directrice du Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis) qui me paraît être une très belle  définition de cette littérature qui s'adresse aux enfants.

L'article s'intitule : Non M. Copé, les livres pour enfants ne sont pas des manuels de morale »



Je cite  :

"Le sang de Jean-François Copé n'aurait fait qu'un tour en découvrant l'album de Claire Franek  et Marc Daniau « Tous à Poil » où une série de personnages se déshabillent pour aller se baigner. Parmi eux figurent le chien, la maîtresse et le président directeur général, il y voit une incitation à braver les autorités. Rien de moins !
Que doit-il penser de "l'immoralité" du Petit Poucet qui raconte comment des parents pauvres cherchent tout bonnement à se débarrasser de leurs enfants ; de Boucle d'or et les trois ours où une petite fille s'octroie le droit de squatter une maison qui n'est pas la sienne ; de Barbe bleue, conte particulièrement cruel sur la domination masculine ?
Ou de récits plus actuels : Max et les Maximonstres, histoire d'un petit garçon qui tient tête à sa maman ; Comment on fait les bébés qui opte pour un humour débridé sur la grande question de la vie ( eh oui il se raconte dans les livres que les bébés ne naissent ni dans les roses, ni dans les choux) ?
N'en déplaise à Jean-François Copé, la littérature pour enfants n'est pas le lieu de l'apprentissage et de l'éducation, ni morale, ni sexuelle. La littérature raconte des histoires. La fiction permet aux enfants de se comprendre, d'apprendre l'autre, de se confronter aux peurs qui les taraudent, d'apporter des réponses aux multiples interrogations qui les traversent."



 Suite de l'article :

"UNE DISTANCE QUE LES ENFANTS COMPRENNENT PARFAITEMENT

Bref! la littérature les accompagne, les interpelle, les rassure, les ouvre à de grands sujets : la vie, les rapports à l'adulte, l'altérité, la mort, le monde… Il y a dans la littérature en général, donc dans la littérature de jeunesse, une distance que les enfants comprennent parfaitement. C'est pour « de faux », eux le savent bien. L'humour, la poésie, la loufoquerie sont souvent les vecteurs qui signalent cette distance.
Les propos de Jean François Copé pourraient donc prêter à sourire : ce livre ne figure pas dans liste préconisée par l'éducation nationale et l'album en question est bien inoffensif : « la maîtresse en maillot de bain » n'est-elle pas une ritournelle de cours de récréation ?"


D'AUTRES ARTICLES SUR CE SUJET


"Tous à poil a d’ailleurs gagné en 2011 le prix Libbylit du meilleur album pour enfants, décerné par la section belge de l'Union internationale pour les livres de jeunesse. Les illustrations du livre ont été l’objet d’une exposition à Aubervilliers en 2013."




"Les enfants sont environnés d'images de corps plus ou moins dévêtus, dans la publicité, sur les abribus, sur les couvertures de journaux people. Ces images sont souvent trafiquées, tronquées, modifiées par la chirurgie esthétique ou par Photoshop. Nous avons voulu leur proposer un regard plus juste sur le corps. Nous montrons des personnes issues de leur entourage ou de leur imaginaire. Et surtout nous le faisons avec humour. Nous dédramatisons!"

samedi 8 février 2014

George Sand : Le château de Pictordu







Aurore Sand, petite fille de George
Avec Le château de Pictordu George Sand écrit un conte fantastique. Celui-ci paru en feuilleton dans un journal pour enfants en 1873 et prend ensuite place dans ses Contes d'une grand mère. C'est en effet pour ses petites filles, Aurore à qui le livre est dédicacé et Gabrielle que l'écrivaine a imaginé cette histoire.

Le château abandonné de de Pictordu est situé dans le pays du Gévaudan, "dans un désert de forêts et de montagnes"
Monsieur Flochardet , peintre portraitiste, traverse le pays en partant de Mende où il est allé chercher sa fille Diane, malade, pensionnaire au couvent des Visitandines, pour la ramener chez lui à Arles. Ils doivent faire étape à Saint Jean du Gard mais le muletier qui les guide sur une étroite route tortueuse fait verser la voiture accidentellement. Dans le château en ruines, Diane aperçoit une dame qui lui fait signe et l'invite à entrer. Il s'agit en fait d'une statue et le père attribue cette vision à la maladie de sa fille. Mais la nuit alors que tout le monde dort, Diane aperçoit à la lueur de la lune une belle dame voilée qui lui fait voir le château tel qu'il était du temps de sa magnificence; des visions de dieux de la mythologie apparaissent devant ses yeux éblouis. Le lendemain tout a repris une apparence normale. Les voyageurs reprennent la route et arrivent sans plus ennuis à Arles où la belle mère de Diane, madame Laure, l'accueille. Il faut dire que la mère de Diane est morte il y a quelques années et que le père s'est remarié. Diane a-t-elle été victime d'hallucinations liées à sa fièvre ou a-t-elle réellement vu cette belle dame sous les traits d'une Fée?

Un conte merveilleux


On le voit le conte de George Sand s'adresse bien aux enfants avec cette irruption du merveilleux, cette Dame qui apparait plusieurs fois aux yeux de la petite fille. Le personnage de la méchante belle mère (plus sotte et frivole que méchante d'ailleurs) et le personnage de la fée qui veille sur l'enfant font bien parti du conte traditionnel.. George Sand est passionnée par la frontière existant entre le réel et le surnaturel. Elle s'est intéressée de tout temps aux récits fantastiques que racontent les paysans berrichons, récits qu'elle collecte et regroupe dans Les légendes rustiques 
Pourtant, elle est contre les superstitions qu'elle juge obscurantistes et elle pense qu'il y a toujours une explication rationnelle à tout. C'est d'ailleurs le sens de ce conte qui, au-delà du Merveilleux, est une recherche de la mère, le désir éprouvé par l'enfant de combler un manque. 
Pourtant, les enfants ont droit à leur part de rêve et d'imagination qui les nourrit et les enrichit en développant leur sensibilité artistique. C'est ce que George, grand mère, développe avec Aurore et Gabrielle, sans oublier pourtant l'étude des sciences. Car le Merveilleux n'est-il pas l'essence même de la Nature ? Elle allie même les deux dans un conte comme La Fée Poussière!

Le fée Poussière, l'alliance du merveilleux et de la science


Mais le château de Pictordu est aussi autre chose qu'un conte.

Des éléments autobiographiques

Sophie Victoire Delaborde mère de George Sand

George Sand a été séparée de sa mère Sophie et élevée par sa grand mère. La séparation a  marqué la petite fille de la même manière que Diane qui souffre de l'absence de sa mère. Le thème de la mère est ici omniprésent puisqu'il est à la source du conte. On peut dire que Sand a mis beaucoup d'elle-même dans cette fillette qui adore la nature, passionnée par l'art et en particulier par l'Antique; une fillette qui veut apprendre, étudier, qui dessine en cachette et aime aussi s'évader, rêver, imaginer..


Des idées pédagogiques

Un curieux(!) portrait de George Sand par Charles Louis Gratia : source

George Sand donne ici ses idées sur l'éducation des enfants et elle insiste sur le fait qu'il n'y a pas de différences entre les filles et les garçons. Ainsi les filles ne doivent pas être traitées comme des poupées superficielles uniquement préoccupées de leur apparence comme le fait la belle mère de Diane. Le père de Diane, lui aussi, ne prend pas la peine de lui apprendre à dessiner. Il est riche donc il pense à faire de sa fille "une vraie demoiselle sachant s'habiller et babiller, sans se casser la tête pour être autre chose; et ce n'est pas au couvent qu'elle pourra acquérir des connaissances!
Diane n'a pas droit à l'instruction parce qu'elle est une fille jusqu'au moment ou le docteur Fréron devient son mentor et lui rend accessible le monde de l'art.

Une vision de l'art

fragment de statuette de Hercule Le louvre

George Sand  livre aussi dans ce récit ses idées sur l'Art et professe d'abord son amour pour l'antiquité grecque et romaine qu'elle oppose au moderne, le Beau opposé au Laid. Alors que monsieur Flochardet, dans un but mercantile, peint des portraits pour que les modèles se voient tels qu'ils voudraient être et non tels qu'ils sont, l'art doit tendre au vrai, à l'observation : ainsi les artistes grecs avaient le sentiment du grand " et "le mettaient dans les plus petites choses". L'art doit peindre le vivant : Cette statue qui n'est "qu'une tête sans corps et très usée par le frottement" " elle vit pourtant, parce que celui qui l'a taillée dans ce petit morceau de marbre a eu la volonté et la science de la faire vivre…"
Diane deviendra une vraie artiste et devenue riche fondera un atelier pour jeunes filles pauvres où elle éduquera ses élèves gratuitement! Conte de fées? Utopie? Oui, mais c'est ce que George Sand réalisa à Nohant!









Chez Antigone

vendredi 7 février 2014

Un été avec Montaigne d'Antoine Compagnon






Les gens seraient étendus sur la plage ou bien, sirotant un apéritif, ils s'apprêteraient à déjeuner, et ils entendaient causer de Montaigne dans le poste.
C'est ainsi que Antoine Compagnon explique la genèse de son livre  : Un été avec Montaigne. Une série de quarante passages sur France Inter durant l'été pour rendre accessible à tous le philosophe du XVI siècle et sa pensée, élucider les difficultés de cette langue riche, savoureuse, imagée mais déjà si ancienne qu'il faut se laisser prendre par la main pour éviter de se perdre. Et en plus réaliser le tour de force de plaire à ceux qui entre la poire et le fromage ont plus envie de faire bronzette que de philosopher gravement!

Mais qui a dit gravement? Antoine Compagnon nous amène tout simplement en promenade et nous donne envie d'aller plus loin dans la découverte de Montaigne et non seulement de l'oeuvre  mais de l'homme qui apparaît sous ses écrits. 
Si c'eût été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse paré de beautés empruntées. Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans étude et artifice : car c'est moi que je peins. (Au lecteur)


Michel Eyquiem Montaigne

Nous découvrons donc un Montaigne non pas seulement retiré dans sa librairie en train de méditer mais aussi le Montaigne de la vie publique, le maire de Bordeaux, le conseiller du roi, un Montaigne voyageur qui aime aller se frotter aux coutumes d'autrui, plein de curiosité  envers tout ce qui se passe par le monde; ainsi il rend compte des découvertes du Nouveau Monde. C'est un homme ouvert et tolérant dans un pays qui ne l'est pas. Car à travers lui apparaît en effet son siècle et les dangers qui  guettent chaque citoyen. Nous sommes en pleine guerre de religion, les passions sont exacerbées de telle façon que l'on est menacé non seulement par ceux qui ne sont pas de votre religion mais aussi par ceux qui le sont et vous prennent pour un adversaire. 

 Je me suis couché mille fois chez moi, imaginant qu'on me trahirait et assommerait cette nuit-là : composant avec la fortune, que ce fut sans effroi et sans langueur : et me suis écrié avec mon patrenôtre : ces terres que j'ai  tant labourées, c'est donc un soldat impie qui les aura (Virgile) (III, 9)

François Dubois : massacre de la Saint Barthélémy, la reine Catherine de Médicis

Montaigne nous parle aussi de la mort, de l'amitié, de l'amour, de la sexualité, du vieillissement, de tous les sujets qui nous concernent mais toujours comme à bâtons rompus, une conversation au coin du feu.

Voilà comment  Montaigne parle des trois "commerces" qui ont rempli sa vie :

Ces deux commerces (l'amour et l'amitié) sont fortuits, et dépendants d'autrui : l'un est ennuyeux par sa rareté, l'autre se flétrit avec l'âge : ainsi ils n'eussent pas assez pourvu au besoin de ma vie. Celui des livres, qui est le troisième; est bien sûr et plus à nous. Ils cède aux premiers, les autres avantages : mais il a pour sa part la constance et la facilité de son service. (III, 3)

 Il (le commerce des livres) me console en la vieillesse et en la solitude: il me décharge du poids d'une oisiveté ennuyeuse; et me défait à toute heure  des compagnies qui me fâchent: il émousse les pointures de la douleur, si elle n'est pas du tout extrême et maîtresse : Pour me distraire d'une imagination importune, il n'est que de recourir aux livres, ils me détournent facilement à eux, et me la dérobent... (III, 3)

Etienne de la Boétie, le meilleur ami de Montaigne

Oui, une conversation : c'est ainsi que Antoine Compagnon procède! Il cite un extrait de Montaigne puis il nous en donne le sens, ensuite replace le texte dans son époque, enfin en montre la portée actuelle. Evidemment ce livre ne convient pas à des spécialistes du XVI siècle ni même à des lecteurs avertis. Il s'agit, vous l'avez compris, d'une oeuvre de vulgarisation mais très utile et agréable à lire.

mercredi 5 février 2014

Marina Tsvetaïeva : Mars et Poèmes sur Moscou



J'avais participé au jeu de la poésie sur facebook avec Mars, la poésie de Marina Tsvetaïeva que m'a fait découvrir Marylin. Marina Tsevtaïeva, figure importante de la poésie russe, méconnue de son vivant, s'exila en 1922 à l'étranger, où elle poursuivit son œuvre poétique. Elle regagna la Russie en 1939. L'hostilité à laquelle elle fut confrontée la poussa au suicide en 1941.

Picasso  : Guernica

 MARS

O pleurs d'amour, fureur !
D'eux-mêmes — jaillissant !
Ô la Bohème en pleurs !
En Espagne : le sang !
Noir, ô mont qui étend
Son ombre au monde entier !
Au Créateur : grand temps
De rendre mon billet
Refus d'être. De suivre.
Asile des non-gens :
Je refuse d'y vivre
Avec les loups régents
Des rues — hurler : refuse.
Quant aux requins des plaines —
Non ! — Glisser : je refuse —
Le long des dos en chaîne.
Oreilles obstruées,
Et mes yeux voient confus.
À ton monde insensé
Je ne dis que : refus.

15 mars-11 mai 1939.
(traduction Eve Malleret)

 Insomnie et autres poèmes

 Pour le jeudi d'Asphodèle j'ai choisi un des poèmes sur Moscou dans la recueil Insomnie et autres poèmes aux Editions Poésie/Gallimard


Edouard Gaertner : vue panoramique du Kremlin à Moscou(1839)
 

Poèmes sur Moscou


Nuages autour,
Coupoles autour.
Par-dessus Moscou
- De toutes mes mains ! -
Je te hisse au ciel, mon radieux fardeau,
Mon beau petit arbre
Qui ne pèse rien !

Dans la prodigieuse,
Paisible cité
- Où même défunte
J’aurai de la joie -
À toi de régner, et d’être affligé,
De porter couronne
Ô mon premier-né !

Jeûnant aux carêmes,
Sans khôl aux sourcils,
Honore toujours
La nuée d’églises.
Et parcours à pied – de ton jeune pas –
Les libres espaces
Sur les sept collines !

Il viendra ton tour
- Tendrement amer -
De donner Moscou
À ta fille un jour.
Moi j’aurai les songes, et le son des cloches,
Sur Vagankovo
Les aubes précoces.
31 mars 1916


 


Et voici la liste des participants au jeudi poétique d'Asphodèle :  Marie et Anne, Soène, Lili, Pyrausta, Jean-Charles, Claudialucia, Natiora, Modrone-Eeguab. Fransoaz , Luocine, et  Dame Mauve. Et Laurent Fuchs, un nouveau participant !










lundi 3 février 2014

Astrid Lindgren, une écrivaine suédoise : Ronya, fille de brigand et Fifi Brindacier



Dans le cadre Hiver en Suède, j'ai envie de parler de deux romans de la grande écrivaine suédoise pour la jeunesse : Astrid Lindgren

Ronya, fille de brigand

Ronya , fille de brigand, film de Tage Danielsson

L'enfance de mes filles a été bercée  par ce roman d'Astrid Lindgren : Ronya, fille de brigand, (1981) lu et relu un nombre incalculable de fois dès qu'elles ont su lire!

Ronya est née par une nuit d'orage en même temps que Birk, mais chacun d'un côté opposé de la forêt. Elle est la fille du brigand Mattis et se montre digne de lui par son intrépidité, sa vaillance, une vraie fille de brigands! Son père l'adore. Birk, lui, est le fils de Borka, chef du clan ennemi. Tout semble les séparer et pourtant le jour où Ronya rencontre Birk, ils vont se lier d'amitié. Une amitié qui n'ira pas sans difficultés et suscitera rejet et colère de la part des adultes. Ce beau sentiment sera-t-il assez fort pour réconcilier les  bandes rivales?
Ronya est un beau livre d'aventures, riches en péripéties. Il parle de liberté et d'amour de la nature. Il permet aux petits lecteurs de rêver en partageant la vie aventureuse des deux enfants, la pêche dans les torrents, la chasse à l'arc, le combat contre les elfes et les nains facétieux. Un adorable livre que je recommande aux enfants à partir de six ou sept ans.

Le roman a été adapté au cinéma par Tage Danielsson en 1983. Et le dessin animé japonais va sortir de studios Ghibli en automne 2014


Ronya, fille de brigand, studio Ghibly

Fifi Brindacier



Avec Fifi Brindacier, Astrid Lindgren crée un personnage  qui a connu un succès international et dont le surnom a eu des adaptations dans toutes les langues* : Pippi Långstrump en suédois signifie  Pippi longues chaussettes. Son véritable nom est Fifilolotte Victuaille Cataplasme Tampon Fille d'Efraïm Brindacier ou Pippilotta Viktualia Rullgardina Krusmynta Efraimsdotter Långstrump en suédois. 

On le voit ne serait-ce que par son nom, Fifi Brindacier n'est pas comme tout le monde! Sa maman est un ange dans le ciel et son papa que tout le monde croit noyé est le roi des cannibales sur une île déserte. Fifi vit seule dans la grande maison de ses parents et elle a pour amis, un singe Mr Nillson, un cheval et ses petits voisins Tommy et Annita. Son physique aussi sort de l'ordinaire : elle a deux petites tresses rousses dressées sur la tête, deux énormes chaussures, de longues chaussettes et une force phénoménale. Elle est capable de soulever un cheval!


Fifi Brindacier (1945)  est un personnage qui a fait scandale. En France il a fallu longtemps pour que le livre soit traduit entièrement sans être édulcoré! C'est qu'il bouscule les stéréotypes filles-garçons (on dirait maintenant qu'il lutte contre la construction du genre et, en cela, il est toujours d'actualité). Fifi est tout le contraire de la petite fille modèle, douce et sage, craintive et qui a peur de salir sa belle robe!  Elle ne joue pas à des jeux de fille, elle fait du cheval et grimpe aux arbres. Elle aime avant tout sa liberté et son indépendance! 
Le roman bouscule avec humour toutes les conventions sociales et l'ordre bourgeois établi. Fifi ne veut pas aller à l'école et perdre sa liberté; elle n'ira pas et les gendarmes qui lui sont envoyés seront gentiment mais fermement remerciés grâce à sa force colossale! De même, les dames bien pensantes et bourgeoises se plaignant de leur bonne seront remises à leur place par la langue bien pendue de Fifi! Tout le contraire d'une petite fille bien élevée! Une héroïne anticonformiste mais toujours gentille, prenant fait et cause pour les faibles et les victimes, malicieuse et drôle! On comprend pourquoi les enfants aiment!

* En anglais : Pippi Longstocking, de son nom complet Pippilotta Delicatessa Windowshade Mackrelmint Ephraim's Daughter Longstocking





dimanche 2 février 2014

Glaz magazine numérique et collectif de Gwen : Participez!



Vous avez pu lire le n° 2  ICI du magazine numérique et collectif  de Gwen et l'appel lancé pour le numéro 3  :

Le thème du prochain appel à textes, pour le numéro 3 de printemps de Glaz! sera :

PASSAGE(S)

Allégorie de la tempête de Pierre Brault (source) le passage du vent


Passage à tabac, passage à niveau, passage piétons, passage d'une rive à l'autre, d'un pays à l'autre en bateau, en voiture, par les airs etc..., l'immigration, la frontière, le passage du vent, passage du temps, passage du désir, passage dans la classe supérieure, passage de l'enfance à l'âge adulte, passage secret, passage du réel au fantastique, passage dans l’au-delà… à vous de voir dans quel sens vous l’entendez. Pour nous, ce sera dans son acception la plus large!

Vous êtes appelés à participer selon vos envies, vos lectures, vos désirs d'écriture.  

Plusieurs façons de collaborer


- Si vous aimez écrire des textes de Fiction, prose ou poésie, envoyez vos écrits à Gwenaelle avant le 16 Février 2014.

- Vous pouvez aussi écrire des critiques de livres, de films, d'expositions, de peintres, photographes etc... sur le thème du passage jusqu'au début Mars (date et longueur du billet à préciser avec Gwenaelle)

- Envoyer des photographies ou des dessins à Gwen sur ce thème jusqu'au début Mars (date à préciser avec Gwenaelle)

adresse  : (glazmagazine@gmail.com)


Pont d'Avignon XVI siècle

Pour ma part, j'ai décidé d'écrire sur Le Pont d'Avignon, d'abord parce qu'il s'agit de ma ville, ensuite parce que le Pont, entre merveilleux et Histoire, a eu une importance vitale et est toujours paré d'une aura liée à sa légende.

Enfin parce que LE PONT en général est à la fois un passage réel, une frontière, mais il est aussi, bien souvent, investi d'un symbolisme qui dépasse la réalité. Il illustre donc les deux sens du passage, du concret à l'abstrait.

Donc si vous le pouvez envoyez à Gwen, des photographies de PONTS de tous les pays accompagnées de quelques lignes explicatives : pont de Londres, Pont des soupirs, pont Mirabeau, pont des Arcs, Pont de Millau,  Pont du Gard , Ponte Viecho de Florence, Pont de Prague, Pont de Brooklyn, de San Francisco etc.... et pourquoi pas aussi, des ponts moins connus, ceux de votre petit village!

Heinrich Von Kleist : Mikhael Kohlhaas



Le roman de Heinrich Von Kleist,  Mikhael Kohlhaas, récemment adapté à l'écran par Arnaud des Pallières, est paru en 1810. L'écrivain s'est inspiré d'une vieille chronique évoquant l'histoire du véritable Kohlhaas .

La véritable histoire Kohlhaas au XVI° siècle

Jean-Frédéric, électeur de Saxe

Un riche marchand de chevaux prénommé Hans Kohlhaas vit à Cölln, en Brandebourg. Il mène ses chevaux à Dresde, en Saxe, pour les vendre et il est arrêté à la frontière par le nouveau Junker qui lui demande un droit de péage, ce que n'avait jamais fait l'ancien seigneur qui vient de mourir. Kohlhaas paie les droits mais le seigneur l'accuse d'avoir volé deux chevaux. Kohlhaas les lui laisse en gage, le temps d'apporter la preuve de l'achat. A son retour, le marchand constate que son valet a été molesté et ses chevaux sont en mauvais état. Il décide d'attaquer le seigneur en justice. Mais malgré ses démarches aux tribunaux de Saxe, il n'obtient jamais gain de cause, le junker étant protégé par ses pairs. Alors Kolhaas décide de se faire justice et avec l'aide d'un armée de malheureux et de soudards, il mène la révolte, tuant, brûlant des cités, tant et si bien que l'électeur de Saxe est obligé de composer avec lui et de lui promettre justice. Mais il ne tient pas sa promesse et Kohlhaas reprend son combat. Finalement le maquignon est arrêté et justice lui sera faite :  les chevaux lui sont rendus en bonne santé mais il est exécuté en 1540 pour les crimes qu'il a commis..

L'adaptation de Heinrich Von Kleist au début du XIX siècle

Heinrich Von Kleist

Heinrich Keist reprend la même histoire en s'inspirant de la chronique. Mais s'il  respecte les faits scrupuleusement malgré quelques libertés (l'épouse de Kohlhaas perd la vie en lui servant d'intermédiaire) il va leur donner un autre sens.
Au XVI siècle, à la Renaissance, la lutte pour la justice de Hans Khohlhaas montre l'ascension de la bourgeoisie qui ose se dresser face aux princes tout puissants qui gouvernent l'Allemagne divisé en duchés. Ce sont les premiers prémisses de l'ébranlement de la féodalité. Mais le combat de Mihkael Kohlhaas, le personnage de Kleist, une oeuvre qui paraît au début du XIX siècle, est celui du siècle des Lumières. Le personnage est un homme du peuple qui ne doit sa fortune qu'à lui-même, qu'à ses mérites. C'est un homme intelligent, qui sait lire, un protestant qui puise son savoir et sa sagesse dans la bible, un homme pieux, intègre et travailleur.
Il se heurte aux privilèges d'une classe sociale, d'un homme, le Junker, qui n'a aucun mérite, aucune qualité morale, dépravé, cupide, lâche et qui exerce un pouvoir arbitraire. Il ne s'est donné que " la peine de naître et c'est tout " pour reprendre les mots de Voltaire!  Mikhael Kohlhaas, épris d'un fort sentiment de justice, se sent donc investi d'une mission par rapport aux hommes victimes eux aussi de l'arbitraire.

Mais un sentiment opposé et d'aussi haute valeur parlait en lui, prenant des racines de plus en plus profondes, dans la mesure, où, poursuivant son voyage, il entendait parler, partout, où il entrait, des injustices journellement commises à l'égard des voyageurs (…)Dans le cas où, comme il semblait bien, tout cet évènement eut été une pure machination, il n'était plus qu'un homme voué au devoir d'employer ses forces, et toutes ces forces, à la réparation d'une telle offense et, pour l'avenir, à la sécurité de ses concitoyens.

 De là, à en faire un révolutionnaire, il n'y a qu'un pas qu'il ne faut surtout pas franchir! Car Kleist ne va pas jusque là !

Le sentiment de la Justice chez Kleist

Josse Lieferinxe: L'archange saint Michel terrassant le dragon (~1500)

Heinrich Von Kleist ne supportait pas l'injustice à un tel point qu'il a démissionné de l'armée parce qu'il se sentait incapable d'appliquer à ses hommes des punitions légales mais qu'il ne jugeait pas conformes à sa morale. Lui-même a été souvent confronté à l'injustice, empêché de publier par la censure, rejeté par certains contemporains comme Goethe qui a en horreur son oeuvre. Autrement dit, par ce trait de caractère, il crée dans son personnage un double de lui-même mais jusqu'à un certain point.. Il ne sera jamais un révolté et il se suicidera à l'âge de 34 ans.
Kohlhaas, loin de l'idéal du révolutionnaire, va s'incarner comme un justicier de Dieu, l'archange Saint Michel. D'où le changement de prénom par rapport au personnage historique Hans Kohlhaas. Mikhael a la pureté de l'archange, son intégrité, sa force morale; mais il en a aussi le bras vengeur, tenant le glaive de la justice, tel "un ange exterminateur". Cela signifie-t-il que Kleist pense que  l'homme à le droit de se faire justice lui-même?


La condamnation de l'auto-défense

Martin Luther

En se faisant justice lui-même, Kohlhaas commet des crimes innombrables, il met à mort des innocents, ruinent des villes en les assiégeant et en les brûlant. Il se met au ban de la société. Le fait de se considérer comme l'archange Saint Michel est un signe de démence. Le révolté incarne la démesure comme le font souvent les héros romantiques mais alors que Hugo ne dénonce pas Hernani devenu un réprouvé, un brigand pour mener un juste combat, Kleist condamne son héros sans appel. La rencontre de Kohlhaas et de Luther le montrent bien. Si Luther accepte d'intervenir pour le maquignon parce qu'il a le droit pour lui aux yeux des hommes, il a tort devant Dieu;  il lui demande en vain de renoncer à sa vengeance pour sauver son âme.

Kohlhaas, son chapeau entre les mains, dit avec émotion :
- Ainsi très révérend seigneur, je ne puis être admis au bienfait de cette réconciliation que j'ai sollicitée de vous? (l'absolution)
Luther répondit sèchement :
-avec ton sauveur, non! Avec ton souverain, tout reste suspendu à une tentative dont je t'ai fait la promesse.

Kohlhaas ne pardonnera jamais puisqu'on le voit, au moment où il va monter sur l'échafaud, exercer une ultime vengeance envers l'électeur de Saxe. Mais malgré son apparente défaite, la justice est rétablie puisque ses chevaux lui sont rendus intacts et que ses fils sont armés chevaliers. Kholhaas aurait-il donc eu raison, même s'il le paie de sa vie, d'avoir mené ce combat?


La transposition de Mikhael Kohlhaas par Arnaud des Paillères

 
De magnifiques paysages

Arnaud des Pallières transpose l'action qui se déroule au XVI siècle en pleine guerre de religion dans les Cévennes, dans des paysages somptueux et magnifiquement filmés qui donnent force au récit,  magnifique épopée rythmée par le changement des saisons, le passage du temps.
L'électeur de Saxe devient la princesse Marguerite de Navarre qui promet à Kohlhaas réparation des torts subis et qui tient parole, tout en le condamnant à mort pour ses exactions. 
Le rôle de Luther est dévolu à un ministre protestant, traducteur de la bible, qui, comme dans le roman, ne parvient pas à obtenir le repentir du marchand.


Mikhael Kohlhaas et sa fille

Une autre liberté prise par rapport au livre, c'est le personnage de la fille de Kohlhaas qui a ici une présence étonnante. Les enfants dans le livre existent (il y en cinq) mais n'ont pas un rôle déterminant. Si le réalisateur donne une telle importance à la fillette, on est en droit de se demander pourquoi. Peut-être symbolise-t-elle la dureté de cette époque ravagée par la violence de la guerre. Peut-être aussi, et c'est ce que je pense, juge-t-elle son père et le condamne-t-elle? Elle cherche, en effet, à comprendre pourquoi il agit ainsi et ne reçoit pas de réponse. Aussi à la fin, quand elle vient lui dire adieu, elle part sans verser une larme et sans se retourner comme si elle éprouvait de la colère et de la rancune envers lui.

Mikhael Kohlhaas, dans le film, est un maquignon allemand, protestant, installé dans le pays. Allemand, peut-être pour expliquer l'accent du remarquable acteur danois Mads Mikkelsen qui  interprète le personnage et a dû apprendre le français pour les besoins du film.  Il incarne à merveille la pureté, l'intégrité du personnage. Un homme qui paraît sans faille. On peut se demander si Arnaud des Pallières condamne son personnage, comme le fait Kleist, ou si, au contraire, il le justifie en le magnifiant!



Les valeureux combattants de l'énigme qui ont  découvert la vérité : Aifelle, Dasola, Dominique, Miriam, Pierrot Bâton, Syl..

Le roman : Mikhael Kohlhaas de Heinrich von Kleist

Le film : Mikhael Kohlhaas de Arnaud des Pallières







samedi 1 février 2014

Un livre/ Un film : Enigme 85




Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Chez Eeguab, le 2ème et 4ème samedi du mois vous trouverez l'énigme sur le film et le livre

Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Samedi 8 Février la prochaine énigme, N° 86, aura lieu chez Eeguab.


Enigme 85

Le roman que vous avez à découvrir est devenu un classique de la littérature allemande. Publié en 1810, il raconte une histoire vraie qui s'est déroulée au XVI siècle. Son auteur a été rejeté de son temps et son oeuvre brutale, violente, qui met en scène des personnages hors norme, a choqué ses contemporains.


Il raconta ensuite à Lisbeth sa femme, en suivant point par point les détails, il  lui déclara qu'il était tout à fait résolu en appeler la justice de son pays et il eut la joie de voir qu'elle approuvait ce projet de toute son âme. Elle dit en effet  que plus d'un autre voyageur, peut-être moins endurant que lui, passerait encore par ce château et que ce serait faire une oeuvre pie que d'en finir avec de pareils désordres; enfin qu'elle saurait bien réunit le montant des frais que causerait la conduite du procès. Il l'appela sa vaillante compagne, passa dans la joie ce jour et le lendemains auprès de ses enfants, et, aussitôt que ses affaires lui donnèrent un moment de liberté, il se mit en route pour Dresde afin de déposer sa plainte au tribunal.

vendredi 31 janvier 2014

Les plumes d'Asphodèle : Hommage à Andy Goldsworthy

Land Art : Andy Goldswothy



Le Land Art est la réponse en Europe au mouvement du Earth Art américain. Jugeant ce mouvement artistique assez agressif envers la nature qu'il défigure parfois, les artistes du Land Art décident d'utiliser les matériaux naturels trouvés sur place pour créer des oeuvres éphémères appelées à disparaître lentement au gré des saisons.

Né en 1956 en Angleterre, Andy Goldsworthy  est  devenu le chef de file incontesté du Land Art.
Goldsworthy travaille avec les matériaux les plus divers que lui offre la nature, sa source d'inspiration unique. Au cours de ses promenade,  il utilise des pierres, de la glace, de la neige, du sable, de l’argile,  de la mousse, des feuilles, du bois ou des fleurs. Seule la photographie permet de garder des traces de ses créations.

Hommage à Andy Goldsworthy

 

Andy Goldsworthy

Land art! tu lèves le voile brillant
De la nature, tu explores ses dessous
Falbalas. Tu nous grises du vin de sa vigne
Loin du visible
Tu traverses ses mondes inconnus,
Tu danses avec ses Fantômes .



Invisible, dans l'innocence de l'aube 
Etoile, fantaisie de lumière, dentelle,
Introuvable dans ton brouillard de cristal
Tu brilles, délicate, fragile, honnête
Et forte sur tes pattes de cristal 




Brindilles, toiles d'araignée, Nudité
Vraie dans votre vérité  insignifiante
L'eau du lagon reflète la psyché
Et votre armature de dentelle
semble être celle d'étoiles déchues 
 



Cercles de glace, grandes bouées de blancheur
 élevées loin des ombres de la cité
Vous vous dressez, Diaphanes,
dans un paysage de Vapeur
lumière qui peu à peu s'éteint...



Atelier d'écriture d'Asphodèle : les mots imposés étaient :

Invisible, fantôme, innocence, introuvable, voile, dentelle, brouillard, psyché, honnête, insignifiant, dessous, eau, politique, nudité, diaphane, visible, cristal,  lumière, lagon, briller, vérité, fantaisie, traverser, vagabonder, vapeur, vin.