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lundi 18 novembre 2019

Finlande, Helsinki : Le musée d'art Sinebryschoff (8)

Lucas Cranach  l'aîné : jeune femme (détail) musée Sinebrischoff
La Galerie nationale finlandaise à Helsinki  se compose de trois musées : le Musée d'art Ateneum, le Musée d'art contemporain Kiasma ainsi que le Musée d'art Sinebryschoff.

Paul et fanny Sinebryschoff
Le musée Sinebryschoff expose les collections privées de la famille de brasseurs qui y vécut et légua les oeuvres d’art et la demeure à la ville d’Helsinki en 1921.
Le sous-sol est consacré aux photographies et archives qui retracent la vie de cette famille d’origine russe : Nikolaï Sinebryschoff qui fit construire le bâtiment en 1842, son neveu Paul qui collectionna les oeuvres ainsi que sa femme Fanny. La Brasserie Sinebrychoff a fonctionné des années 1800 jusqu'en 1992.
Fanny Sinebryschoff  par le peintre finlandais A. Edelfelt

 Exposition temporaire : Lucas Cranach L'Aîné

Lucas Cranach l'Ancien : Actéon se changeant en cerf
Chaque année le musée Sinebryschoff présente une exposition temporaire. Cette année, le peintre n'est autre que Lucas Cranach l'Ancien dont le musée possède deux oeuvres. Les autres sont prêtées par des établissements européens.

Lucas Maler, dit Lucas Cranach l'Ancien, né le 4 octobre 1472 à Kronach en Haute-Franconie (Allemagne) et mort le 16 octobre 1553 à Weimar (Allemagne), est un peintre et graveur de la Renaissance allemande. Son patronyme dérive de celui de sa ville natale. Il est le père de Lucas Cranach le Jeune (1515-1586).

Les portraits de ses jeunes beautés sont d'un grand raffinement avec leurs vêtement luxueux, aux couleurs chaudes, dont on a l'impression de pouvoir toucher la texture, la douceur du tissu, et les détails de leur coiffure et de leurs bijoux. Ces derniers ont tant d'importance dans l'oeuvre de Cranach que les jeunes filles les portent même lorsqu'elles sont nues. Ils ont inspiré des joailliers allemands lors d'un concours lancé en l'honneur du cinq centième anniversaire de la naissance du peintre. Certaines pièces sont exposées dans le musée ainsi que de grandes photographies de jeunes contemporaines qui les portent.

Lucas Cranach l'Ancien : portrait de jeune femme musée Sinebryschoff

Lucas Cranach l'Ancien : portrait de jeune femme (détail)
Lucas Cranach l'Ancien : portrait de jeune femme (Copenhague)

Kerstin  Mayer : or et perles

L'exposition présente toute une série de Lucrèce se donnant la mort, thème très à la mode, personnage parfois confondu avec Didon. Toutes deux sont représentées en train de s'enfoncer un poignard dans le sein. Pour Didon, c'est par désespoir d'amour quand son bien-aimé Enée fuit Carthage sur les ordres des dieux. Dans le cas de Lucrèce,  la scène est édifiante, moralisatrice. Elle montre qu'une femme violée doit avoir assez de fierté pour ne pas survivre au déshonneur.
 
Lucas Granach l'Ancien: Lucrèce
Lucas Cranach l'Ancien : Didon
Lucas Cranach l'Ancien : musée de Prague 1530
La photo du vieillard embrassant la jeune fille pendant que celle-ci le vole est un oeuvre moralisatrice et caricaturale très populaire à l'époque de Granach, au XVI siècle.  Lui-même en a peint une quarantaine.
Des gravures reprennent des scènes bibliques ou des légendes.

La légende de Saint John Chrysostom
 Lucas Cranach l'Ancien,
Extase de Sainte Marie Madelaine
Enfin des tableaux de Picasso montrent comment il a fait sienne la peinture de Granach, un artiste qu'il admirait.

Picasso : A la manière de Cranach

Picasso : Vénus et Cupidon

Lucas Cranach l'Ancien : Venus et Cupidon voleur de miel (Copenhague)

L'appartement et la collection de Paul et de Fanny Sinebryschtoff


Le salon de réception de Paul et de Fanny Sinebryschoff

Au deuxième étage, nous pénétrons dans les somptueux appartements meublés de la famille. Les oeuvres d’art  sont nombreuses et certaines d’entre elles sont belles mais elles sont difficiles à admirer car elles couvrent des murs entiers de haut en bas et ne peuvent parfois pas être approchées. Paul et Fanny Sinebryschoff se sont surtout intéressés à la peinture du XVII et XVIII siècle. Depuis le legs, des dons ont permis d’enrichir la collection qui couvre plusieurs siècles de peintures, du XIV siècle au XIX siècle et viennent de pays européens divers, peintures suédoises, italiennes, flamandes, néerlandaises, françaises…

Musée Sinebryschoff L'un  de salons XVIII siècle
Le bureau de Paul
Les deux soeurs (peintre flamand inconnu)
Le tableau des Deux Soeurs a été vendu à Paul Sinebryschoff sous la signature de Cornélis de Vos (1584_1651), un peintre baroque flamand que j'aime beaucoup. Il est né à Anvers. Mais il semble que l'attribution soit erronée et que le tableau soit classé maintenant de peintre inconnu.
 
Bureau de Paul : détail
Frans Hals : Jeune garçon riant (bureau de Paul)
Frans Hals né à  Anvers ( 1580_1666) est un peintre baroque néerlandais  considéré avec Rembrandt et Vermeer comme l'un des peintres les plus importants du siècle d'or.

Frans Hals : autoportrait (bureau de Paul)
Frans Luyckx : Portrait d'un jeune garçon (Bureau de Paul)

 Frans Luycx ou Frans Luyckx était un peintre flamand devenu le principal portraitiste de la cour impériale de l'empereur Ferdinand III à Vienne. Il est surtout connu pour ses portraits de la famille de l'empereur et de divers membres des Habsbourg, y compris ses branches autrichienne et espagnole.

Surprise aussi de découvrir un très beau Rembrandt :  

Rembrandt : Moine lisant

Quelques peintres italiens

Giovanni Boccati (1420/1490) : L'adoration des mages (1448)
Giovanni Boccati (1420/1490) : L'adoration des mages(détail)
Giovanni Battista Bertucci : Sainte Catherine (1516)

Jacobo Bassano (1510_1592) : la Sainte famille (1560)

Giovanni Domenico Tiepolo (1727-1804) Les Grecs entrent dans Troie

ou peintres français

Watteau ( 1684_1721) : L'escarpolette
Jean Baptiste Camille Corot : paysage

samedi 16 novembre 2019

Finlande : Helsinki ou Helsingfors (7)

Gare d'Helsinki : les géants
 La Finlande fut une possession suédoise dès le XII siècle. Sa capitale était Turka, au sud-ouest du pays, très proche des côtes de la Suède.
Helsinki fut construite sur une presque-île, entourée de 330 îles, en 1550, par le roi de suède Gustav Vasa sous le nom suédois de Helsingfors. Elle ne fut longtemps qu'une  bourgade sans importance mais un port de pêche actif et subit à plusieurs reprises les attaques du grand pays voisin la Russie. La ville fut pourvue de défenses dont la  forteresse de Suomenlinna alors appelée Sveaborg qui fut construite entre 1748 et 1798. 

En 1808, quand le tsar Alexandre 1er, après avoir conquis le pays, crée le grand duché de Finlande autonome sous domination russe, Helsinki en devient la capitale au détriment de Turku jugé trop proche de la Suède. La ville se développa alors très vite selon le plan d'urbanisation de Carl Ludwig Engel dont le centre est la place du sénat qui rassemble l'université, le conseil d'état et l'église luthérienne. C'est en 1917, à l'indépendance, que la ville prit officiellement le nom d'Helsinki.

Helsinki vue du ciel ( (photo wikipedia)
Visite d'Helsinki, en ce début Novembre, par une journée couverte et froide, assaisonnée d'un  petit vent glacial, c'est un peu, pour une sudiste française, l'aventure de l'extrême ! Il fait 0° et un peu moins quand le soleil descend. Avant la nuit imminente vers 16H30 en cette saison, s'installe une symphonie de gris. Et oui, pas un temps idéal pour les photographies !
La place du marché, (Kauppatori), est dynamique, nous dit-on dans le guide, pleine de vie,  lieu de rencontre de l'artisanat et de la cuisine finlandaise mais le froid semble avoir découragé les vendeurs et ils commencent à replier leur étalage;  il se fait "tard", 16 heures !

Le port : place du marché
Le port d'Helsinki : gris, gris, gris et il fera nuit à 16h30
Les finlandais se baignent dans des piscines aménagées directement dans la Baltique malgré le froid glacial !
Ferry reliant Helsinki à l'île Suomenlinna
L'ile en face du port : Valkosaari
Helsinki : Le palais présidentiel

Helsinki : vue du port, derrière la palais présidentiel,  la place du sénat et la cathédrale luthérienne d'Helsinki
Place du sénat (photo wikipedia)
La cathédrale luthérienne Saint Nicolas : (photo wikipedia)

Helsinki : dominant le port, l'influence russe
La cathédrale Uspenski, au-dessus du port, dans le quartier Katajanokka, témoigne de l'influence russe. Elle fut construite sur l'ordre du Tsar Alexandre II pour que les russes, nombreux dans la grand duché de Finlande sous domination russe, puissent suivre les rites de leur religion.

Havis Amanda
Sur le port, en direction du centre ville se dresse la célèbre fontaine de Havis Amanda. Cette statue représente une femme nue sculptée par le franco-finlandais Ville Vallgren en 1906. Il l'avait nommée La Sirène et elle  représentait pour lui La Fille de la Baltique. Elle a d'abord fait scandale en son temps mais est maintenant acceptée et rebaptisée Havis Amanda. Le premier mai (Vappu en finlandais) les étudiants la couronne d'une  casquette de bachelier géante.

La fontaine de Havis Amanda

Couronnement de Havis Amanda Mai 2002 (image wikipedia)
Le parc de l'Esplanade, grande place entre deux avenues, est bordé par de beaux immeubles et des boutiques de design de luxe.


Parc de  l'esplanade (photo wikipedia)
Maisons bordant l'esplanade

Cafe-restaurant Keppeli

À la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, le Kepelli est connu comme un lieu de rencontre des poètes, des écrivains et des artistes, accueillant notamment le poète Eino Leino, l'écrivain Juhani Aho, l'artiste Akseli Gallen-Kallela et les compositeurs Jean Sibelius.

L'Esplanade
Stockmann : Le plus grand magasin de Finlande et aussi des pays nordiques
Le quartier des magasins : c'est déjà Noël !
La gare d'Helsinki est due à l'architecte Eliel Saarinen. Elle est mise en service en 1919. Recouverte de granit, elle utilise aussi le verre et le fer.  Sa tour de l'Horloge et les statues géantes d'Emil Wikström qui montent la garde de chaque côté de l'entrée principale surmontée d'un haute verrière en font un monument imposant, assez impressionnant.

La gare centrale d'Helsinki
La gare centrale d'Helsinki
Gare Helsinki statues de Emil Wikström
Nous sommes restés trop peu de temps à Helsinki pour avoir le temps de tout voir mais avons pu visiter de beaux musées dont je vous parlerai bientôt.


Blason d'Helsinki (photo wikipedia)

jeudi 14 novembre 2019

Finlande : Mika Waltari : Danse parmi les tombes (6)


Le roman de Mika Waltari, Danse parmi les tombes, paraît en 1944. Après avoir signé un traité avec Hitler, Staline, qui a ainsi les mains libres, envahit la Finlande dès 1939. Défaite, la Finlande doit renoncer à la Carélie et à une partie de la Laponie.
Mika Waltari place l’action de son roman en 1809. Le Tsar Alexandre 1er qui a signé un traité d’armistice avec Napoléon, en profite pour attaquer la Suède et se rend maître de la Finlande, possession suédoise depuis le XII siècle. Le parallélisme entre les deux époques n’est évidemment pas dû au hasard.
A travers ce roman, l’auteur veut célébrer à la fois l’héroïsme des jeunes soldats finlandais qui ont combattu le tsar Alexandre comme vient de le faire l’armée finlandaise contre les russes. Il veut aussi rendre compte, en ces jours sombres d’occupation russe au XX siècle, de la naissance du sentiment national au XIX siècle. En effet, le tsar Alexandre 1er, contrairement à toute attente, par idéologie (il est nourri de la philosophie  des Lumières) et par calcul, accorde son autonomie à la Finlande. Il y a, d’ailleurs, une certaine duplicité de sa part, à se présenter comme le libérateur de la Finlande, alors qu’il vient de la conquérir par les armes et la violence. A la diète de Borga (Porvoo), il annonce la création d’un grand duché finlandais sous domination russe mais entièrement autonome. C’est le début de la prise de conscience par le peuple finlandais tout entier de son identité. A cette époque, la noblesse et la bourgeoisie utilisent la langue suédoise; la finlandaise, méprisée, est parlée par les seuls paysans. L’évolution sera lente mais irréversible jusqu’à la proclamation d’indépendance le 6 décembre 1917.

Mantsälä : le lac Keravanjärvi
Le roman raconte aussi une histoire d’amour : Ulla Mollesvärd, la fille d’un hobereau campagnard, est d’abord très hostile au Tsar. Ses frères sont dans l’armée suédoise pour défendre leur pays, la jeunesse de son pays est décimée, patriote, elle hait le tsar et les russes. Lorsqu’elle rencontre le souverain
au bal de la diète et qu’il semble lui accorder beaucoup d’intérêt, elle est sensible à son charme mais refuse de désarmer. Ce n’est qu’à l’annonce de l’autonomie accordée à la Finlande qu’elle commence à l’aimer. Alexandre, sans scrupules, corrupteur, se fait inviter dans le manoir du gouverneur Moolesvärd à Mantsälä pour séduire la jeune fille mais va être sensible à sa candeur et à son innocence.

J’ai découvert avec beaucoup d’intérêt la vie des Finlandais, nobles, serviteurs ou paysans dans ces régions reculées de la Finlande du début du XIX siècle. Les différents personnages sont bien analysés, bien campés, qu’il s’agisse du père d’Ulla, méprisable et cupide, servile et flagorneur, prêt à jeter sa propre fille dans les bras du tsar pour en retirer fortune et honneurs ou d’Antti, le jeune précepteur amoureux malheureux d’Ulla et patriote ardent, maladroit et sincère. Mais c’est le portrait d’Alexandre 1er qui a manifestement retenu le plus l’attention de l’écrivain, un homme torturé par ses souvenirs (assassinat de son père dont il a été complice), un homme déchiré entre ses idées philosophiques, amoureux des Lumières, mais doté d’un pouvoir immense dans un pays dont les structures et les mentalités sont encore médiévales, un être rationnel mais qui croit aux pouvoir des sorciers, un homme corrompu, dépravé, qui méprise les femmes, mais qui est séduit par la pureté. Quant à Ulla, qui n’abdique jamais ses idées, fière et courageuse, sans concession envers la médiocrité et le mensonge, elle fait l’apprentissage de son pouvoir sur les hommes mais son innocence, sa capacité de dévouement désintéressé semblent la préserver. On la compare dans la littérature finlandaise à la Natacha de Guerre et Paix de Tolstoï.

Même si je n’ai pas aimé ce roman à l’égal du chef d’oeuvre de Mika Waltari, Sinouhé l’égyptien, je dois dire que pénétrer dans ce monde du XIX siècle finlandais, alors que je visitais les régions décrites dans le livre, connaître l’Histoire du pays par le biais du roman mêlant les personnages historiques et fictifs, m’a beaucoup plu. Un roman incontournable (comme disent les guides touristiques à propos des sites) si vous voyagez en Finlande.