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dimanche 6 décembre 2020

David le Bailly : L’autre Rimbaud

J’avais repéré ce livre, L'autre Rimbaud de David Le Bailly,  à la rentrée littéraire en septembre et je voulais le lire parce que, bien sûr … Rimbaud !
Cette biographie ne porte pourtant pas sur Arthur mais sur son frère aîné Frédéric, celui qui figure sur la photo de communiants des deux frères qui n’ont qu’un an de différence. L’auteur, David le Bailly, a été surpris de découvrir que la présence de Frédéric avait été effacée de l’image pour ne laisser la place qu’au petit génie, au poète précoce, bref ! à Arthur.

Frédéric et Arthur Rimbaud
 Pourquoi ce silence autour de Frédéric ? Qu’a-t-il fait pour provoquer le rejet de la mère qui n’admire qu’Arthur, le mépris de sa soeur Isabelle qui se fait l’exécutrice testamentaire du poète et, au passage, fait main basse sur l’héritage d’Arthur au détriment de l’aîné.

David le Bailly mène l’enquête pour savoir comment expliquer la disparition de ce frère dont Arthur a pourtant partagé les jeux, liés par une complicité qui les réunit, enfants, autour de la détestation de la mère.

Dès l’enfance où les deux frères fréquentent le même lycée, l’un se révèle si doué qu’il force l’admiration non seulement de ses condisciples mais aussi de ses professeurs. L’autre, Frédéric n’a pas la même aptitude aux études, de là à dire qu’il est idiot, il n’y a qu’un pas qu’ont allègrement franchi les biographes d’Arthur plein de mépris pour l’humble Frédéric et son métier, conducteur de coche et porteur de bagages.
Les portraits croisés des personnages nous font découvrir un Frédéric, modeste, malheureux, poursuivi par la vindicte de sa mère, dominatrice, orgueilleuse, avare, imbue de sa personne et de son rang social (c’est une riche propriétaire terrienne). Haineuse, elle mène un combat épique pour empêcher Frédéric d’épouser la femme qu’il aime, de trop basse extraction selon elle. Ce sont des  scène fortes dans le livre, étonnantes tant elles montrent la haine qu’elle peut porter à son fils, son délire de supériorité, mais aussi, à cette époque, la toute puissance des parent sur les enfants. Intérêt historique : Frédéric a plus de trente ans et la loi l’empêche de se marier si sa mère ne l’y autorise pas !

L’hypocrisie de la société bourgeoise, bien pensante, qui va à la messe tous les dimanches mais obéit à une morale conventionnelle et dénuée de sincérité, est aussi très bien décrite. La soeur et la mère s’appliquent, à la mort d’Arthur, à réécrire la légende du poète, gommant ses frasques de jeunesse, les scandales qu’il a provoqués, la rébellion qu’il affichée, faisant de lui une repenti qui se rachète par une vie de pureté tout en exerçant le métier respectable de commerçant. C'est dégoulinant de bonnes pensées !

Arthur lui-même n’en sort pas grandi qui participe par ses lettres à sa mère ou à sa soeur au mépris du frère à qui il n’écrit jamais. Si l’on n’a pas de réponse sur le fait qu’il ait abandonné brutalement la poésie, on voit cependant que sa préoccupation essentielle, devenir riche, est bien loin des aspirations du jeune homme visionnaire et inspiré qu’il a été jadis.  
Ajoutez que l’on y rencontre Verlaine, un autre allumé, celui-là aussi !

L’auteur, en suivant les traces de son personnage qui l’intéresse aussi à titre privé, mêle à son enquête des considérations personnelles - mais en même temps universelles- qui l’amènent à s’interroger sur les rapports entre mère et fils, et ceux , ô combien conflictuels, entre frères.

Un livre intéressant !