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mercredi 21 juillet 2010

Festival d’Avignon 2010 : Michel Quint, Effroyables jardins

J'avais beaucoup aimé la lecture de Effroyables jardins de Michel Quint, aussi c'est avec curiosité que je suis allée voir ce spectacle au festival off d'Avignon, Théâtre de Notre-Dame, texte mis en scène par Marcia de Castro et interprété par André Salzet.

Je rappelle en quelques mots le sujet de l'intrigue : un enfant éprouve de la honte de voir son père, instituteur, s'habiller en clown et se produire dans de petites fêtes où, Auguste sans talent, il se ridiculise. Il a parfois l'impression qu'il se comporte ainsi pour se mortifier ou encore pour régler une dette qui resterait toujours impayée. Un jour, son oncle lui apprend pourquoi son père agit de cette manière en lui racontant leur histoire à tous deux. Pendant la guerre, jeunes résistants mais un peu irréfléchis dans leurs actes, ils ont fait sauter un transformateur. Pris en otage avec deux autres personnes, ils sont retenus prisonniers au fond d'une fosse en attendant d'être exécutés si personne ne se dénonce. Une sentinelle allemande qui se révèle être clown dans la vie civile, leur vient en aide en leur donnant à manger et en les distrayant pour les soustraire à l'angoisse de ce qui les attend. Une preuve d'humanité au milieu de l'horreur. Enfin et contre toute attente, ils ne seront pas exécutés mais envoyés dans un camp. Ils apprendront plus tard que c'est à un ouvrier français, électricien travaillant dans le transformateur, brûlé par la bombe et qui meurt des suites de l'attentat, qu'ils doivent leur survie.
Michel Quint dans ce très beau texte décrit les effroyables jardins que nous cultivons en nous et qui sont faits de nos souffrances, de nos regrets, et de la culpabilité, sentiment obsédant, qui s'attache à sa proie pour ne jamais lâcher prise, de l'impossibilité de se pardonner. Il parle de la lâcheté et du courage, parfois si proches l'un de l'autre et qui peuvent coexister dans une seule personne, de la peur de la mort et de son indispensable corollaire, l'amour de la vie, chez des êtres jeunes qui ont à peine commencé à vivre. Mais il montre aussi comment dans la noirceur d'un monde livré à la guerre, à la brutalité nazie, la solidarité et la générosité allument un feu de joie et parviennent à sauver l'Humanité.
André Salzet est seul sur la scène dans un décor minimaliste. Un tabouret, par exemple, permettra de figurer la hauteur infranchissable qui sépare les prisonniers au fond de leur trou de la sentinelle qui les domine. Jeux de lumière sobres. Tout est dans l'interprétation.
Si j'ai moins été convaincue par l'enfant du début du texte, je me suis peu à peu laisser prendre par le jeu de l'acteur qui incarne tous les personnages et nous les fait voir avec une belle virtuosité. Peu à peu André Salzet nous amène au fond de la conscience de ces hommes et nous fait partager leurs sentiments, peu à peu l'émotion nous gagne jusqu'à un crescendo qui nous met les larmes aux yeux.
Une réussite!

Effroyables jardins Michel Quint
interprète André Salzet
Théâtre Notre-Dame Lucernaire -Avignon
13 à 17 rue du collège d'Annecy
11H jours impairs en alternance avec : Le joueur d'échecs de Stefan Zweig jours pairs
Jusqu'au 31 Juillet
Réservation 04 90 85 06 48

mercredi 7 juillet 2010

Départ d'avignon : Une image du festival 2010

Départ pour la Lozère


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Je devais rester une dizaine de jours à Avignon pour assister au festival mais ma petite-fille souffre  de la chaleur (aujourd'hui la température a battu tous les records, je crois) et la climatisation est en panne! Donc, j'avance mon départ et amène mon petit bout de fille en Lozère où il fait relativement frais.
J'ai assisté à la représentation de quelques pièces à Villeneuve-en-scène, festival qui a commencé dès le 3 Juillet. j'ai aussi profité aujourd'hui de quelques avant-premières dont je vous parlerai plus longuement... un autre jour!
Bonnes vacances à toutes et à tous!

lundi 5 juillet 2010

Festival d’Avignon 2010 : l’éléphant de Barcelo

Miquel Barcelo
Il est toujours là! il fait des galipettes sur la place du Palais

C'est Yvelinoise qui a trouvé d'où venait cet éléphant facétieux et léger malgré sa taille respectable.  Il s'est échappé de l'exposition : Terra -Mare du 27 Juin au  7 Novembre 2010, consacrée à  l'artiste espagnol Miquel Barcelo né à Majorque?
L'exposition investit  trois lieux différents : le musée Lambert pour les oeuvres picturales, le Palais des papes pour les sculptures et les céramiques. Le musée du Petit Palais présente des oeuvres gothiques de Majorque jamais sorties d'Espagne.

J'ai bien l'intention d'aller voir cette exposition et je vous en parlerai!

samedi 3 juillet 2010

Festival d’Avignon 2010 : Un animal bizarre!


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Un éléphant équilibriste devant le Palais? Comment est-il venu ici?
Devinez!

vendredi 2 juillet 2010

Le festival d’Avignon 2010 : quelques affiches pour un début…


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Cette année, les compagnies du festival Off n'auront le droit d'accrocher leurs affiches dans les rues que la veille du festival qui commence le 8 pour finir officiellement le 31 juillet. Mais timidement dans ma rue, l'on commence à voir apparaître les affiches sur les vitrines des magasins.

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Cette année, il y aura dans le off pas moins de 844 compagnies dont 773 françaises et 105 théâtres.
La grande parade d'ouverture aura lieu le mercredi 7 Juillet à 17H30. Elle partira du cours Jean Jaurès pour remonter la rue de la République jusqu'à la place du Palais des papes. Le bal de clôture se déroulera le 30 juillet dans les jardins d'Urbain V.

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La région Champagne-Ardennes est en train de s'installer, comme chaque année,  dans l'ancienne Caserne des pompiers

Le progamme du Off qui récapitule tous les spectacles mais aussi les rencontres, les lectures, les expositions, est un énorme bouquin de 396 pages et je suis en train de sélectionner( c'est ardu) les titres des premières pièces que je veux aller voir. Ensuite le bouche à oreille fonctionnera et, avec un peu de chance, les invitations lors des rencontres des compagnies qui tractent dans les rues, orienteront peut-être mon choix.

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Là, affiches et distributeur de cartes des compagnies

jeudi 1 juillet 2010

Anne Revah : Manhattan




Le roman d'Anne Revah* Manhattan commence par la description d'une curieuse tache qui semble dessiner le plan de Manhattan. Où? sur le bras d'une jeune femme. Inquiète, celle-ci va consulter un neurologe et apprend qu'elle est atteinte d'un maladie irrémissible. Sa première réaction est la fuite. Elle part, laissant derrière elle ses enfants et son mari et, sans quitter la ville, loue un appartement qui va lui servir de refuge. Là, elle écrit une lettre destinée à sa mère. Elle raconte la vacuité de sa vie, sa solitude au milieu des autres et peu à peu elle dévoile les secrets enfouis au plus profond d'elle qui l'ont faite ce qu'elle est réellement, sous la façade de la réussite sociale, une femme incapable d'aimer, de vivre vraiment.

Le roman est écrit à la première personne et le personnage reste donc abstraite. Dans la première partie, après la découverte de la maladie, la  réaction de la jeune femme m'a surprise. J'avoue que je ne comprends pas, à première vue, les raisons de sa fuite, l'incohérence de sa conduite -elle se prépare à partir en avion, hésite, y renonce, abandonne son chien qu'elle a pourtant pris avec elle alors qu'elle laisse ses enfants(!) - mais,  malgré tout, je cherche à comprendre les sentiments qu'elle éprouve. N'est-ce pas là un réflexe naturel, celui de l'animal blessée qui se cache pour mourir, une régression de tout notre être qui refuse l'inacceptable? Comment réagirions-nous en pareille circonstance? Et ne faisons-nous pas alors, devant la sentence de mort qui s'abat sur nous, un retour vers ce qu'il y a de primitif en nous? Nous terrer dans une tanière, par exemple, dans cette pièce où la malade va obturer les fenêtres, où le soleil ne pénétrera pas.

Enfin, pourtant, je crois découvrir la raison de son départ dans ces mots :

Je laisse à Victor les souvenirs d'une vie ensemble, je le laisse dans notre vie, lui et les enfants, je les pousse loin du temps qui reste. Je sais ce qui viendra, c'est en moi que je porte la suite, les taches blanches, je deviendrai une femme infirme avant de vieillir, je finirai par en  mourir, mais je ne verrai pas la peur sur les visages, la tristesse  de leurs sourires de façade. Je veux vivre ce qui vient avec soulagement.

Et je suis touchée par ce qui me paraît être une preuve d'amour, je le comprends ce désir d'éviter la souffrance à ses proches même s'il me paraît inhumain (et peut-être peu vraisemblable) de s'infliger une telle solitude face à la souffrance et à la mort.

Vient ensuite la deuxième partie du récit, la lettre qu'elle adresse à sa mère; je m'aperçois alors  que je me suis trompée. Je m'attendais donc à une réflexion sur la maladie et la mort, et la vie aussi donc, sur l'amour, les liens familiaux, et voilà que le roman oblique vers un tout autre sujet. Bien sûr, c'est le droit absolu de l'auteur de faire ce choix comme c'est le mien d'attendre autre chose! La femme parle du vide de son existence, de ce manque d'amour, d'intérêt pour la vie et pour les autres et lorsqu'elle en donne l'explication, je suis déçue. Le sujet est traité de manière peu convaincante et me paraît bien convenu, comme "plaqué" sur un récit qui promettait autre chose de plus sincère, de plus ressenti. Je ne fonctionne pas!

Pourtant au moment du dénouement, nouvelle (bonne) surprise : Avec l'intervention de la propriétaire, le récit passe à la troisième personne et acquiert une autre force. La vieille femme voit le personnage et nous le fait voir. Nous réalisons peu à peu et en même temps que cette dernière, l'état de la malade et du lieu où elle s'est enfermée. La narratrice cesse d'être une voix abstraite et devient une personne réelle, un corps décharné, négligé, l'incarnation de la souffrance physique et morale. C'est l'irruption de la réalité dans le long monologue qui précède.. Le ton change, est d'une violence incroyable,  rythmé  par les pensées intérieures de la malade jusqu'à la fin qui, malgré ce qu'en dit l'éditeur, m'a paru tout, sauf apaisée.

Ce roman, le premier d'Anne Revah,  présente donc des qualités d'écriture et quelques moments forts mais  je n'ai pas été entièrement convaincue.

* livre voyageur de Cynthia : contes défaits que je remercie

lundi 14 juin 2010

Arthur Schnitzler : mademoiselle Else




Arthur Schnitzler (1862-1931) est un écrivain autrichien que je découvre avec ce court mais dense roman : Mademoiselle Else (1924).  Arthur Schnitzler qui écrit à la fin du XIXème- début du XXème siècle eut une réputation sulfureuse. Un pièce écrite en 1897, La Ronde, jugée obscène, a dû attendre un quart de siècle pour être jouée à Vienne. Son premier livre, Le lieutenant Gustel, paru en 1900, lui a valu d'être dégradé de son rang d'officier supérieur pour atteinte à l'honneur de l'armée austro-hongroise.  Deux ans après sa mort survenue en 1931, les nazis brûleront les livres de "cet auteur juif" dont les nouvelles "désagrègent et anéantissent le sens des responsabilités".

Else est une belle jeune fille de la bourgeoisie viennoise, en villégiature à la montagne avec sa riche tante et Paul, son séduisant cousin. Si le jeune homme se montre très empressé auprès de Cissy Mohr, une femme mariée, Else, quant à elle, est invariablement attirée par les mauvais garçons et se juge très "dévergondée". Pourtant, elle repousse par son attitude "altière" tous les hommes qui lui font la cour. Une lettre de sa mère va bouleverser sa vie. Celle-ci lui apprend que son père, brillant avocat, qui a détourné de l'argent pour boursicoter, est menacé de prison s'il ne rembourse pas immédiatement la somme dérobée. Ce n'est pas la première fois que le père d'Else vole et perd au jeu et Else peut encore le sauver en demandant l'argent à un ami de la famille, le vicomte Von Dorsday, en villégiature dans le même hôtel qu'elle. Cependant, si le vieil homme accède à cette requête, ce ne sera pas sans contrepartie.

Le personnage d'Else est fascinant. Son extrême beauté mais aussi son intelligence, son indépendance de caractère, sa fierté, son refus de se plier au conformisme de la société en font un personnage peu conventionnel. Est-elle, comme l'affirme dans la préface Roland Jaccard, contemporain de Snichtzler, une "ingénue hystérique"  - Sa tante veut même la faire enfermer dans un asile-  ou tout simplement une jeune fille très consciente de sa séduction, qui se plaît à fantasmer? Bref! les fantasmes sont-ils synonymes d'hystérie? Ce qui est certain, c'est que Else supporte mal l'hypocrisie (on pratique l'adultère autour d'elle avec légèreté pourvu que cela reste caché) et le carcan où l'enferme la bonne société viennoise dès lors qu'il s'agit de sexualité. Cet enfermement moral l'amène à une exarcerbation de ses sentiments hallucinante.

L'originalité de cette oeuvre tient au fait qu'elle est entièrement composée d'un monologue intérieur coupé seulement par les phrases des dialogues mises en italique. Nous voyons avec les yeux de la jeune fille, nous ressentons avec ses sens, nous jugeons avec sa raison. C'est dire que jamais le lecteur n'a été aussi impliqué que dans ce roman. L'identification avec le personnage est totale puis nous sommes au coeur de sa conscience; nous ne faisons qu'un avec Else... Nous ne pouvons nous dégager de cette pensée qui d'abord assez lente, va en s'accélérant. Nous sommes pris dans un tourbillon vertigineux, emporté avec elle dans une sorte de fièvre qui tourne au délire,  va jusqu'à la folie. L'amour qu'elle ressent pour son père (on comprend pourquoi Freud admirait autant l'oeuvre de Schnitzler) livre combat avec sa fierté, le dégoût et la répulsion qu'elle éprouve. Le comportement du père de la jeune fille est tellement ambigu et méprisable et Else est si lucide à son sujet que l'on peut comprendre pourquoi elle est saisie par une violence qu'elle va exercer contre elle-même.

Les phrases exclamatives, interrogatives trahissent la force du désarroi qui s'empare d'Else; elles deviennent brèves, hachées, syncopées, à la mesure des sentiments de la jeune fille. Le rythme haletant ne nous laisse aucun répit jusqu'au dénouement final.  Un roman passionnant qui donne envie de lire les autres oeuvres de l'écrivain!

dimanche 13 juin 2010

Jules Supervielle : Porte, L'Allée...

Voici deux poèmes de Jules Supervielle extraits du recueil Le Forçat innocent. Je les aime parce que je ne les comprends pas vraiment!* C'est en cela que réside la magie de la poésie : dans la  musique des mots qui s'empare de nous, dans les images qui jaillissent des vers, dans une étrangeté qui nous dépasse et qui pourtant nous est curieusement familière, dans cette invitation vers un ailleurs....

Est-ce un petite morte...

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Photographe Aurélia Frey  ( de la série Nevermore)

Porte, Porte
Porte, porte, que veux tu?
Est-ce une petite morte
Qui se cache là derrière ?
Non, vivante, elle est vivante
Et voilà qu'elle sourit
De manière rassurante.
Un visage entre deux portes,
Un visage entre deux rues,
Plus qu'il n'en faut pour un homme
Fuyant son propre inconnu.


Ne touchez pas l'épaule...

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photographe Aurélia Frey   Nevermore
L’Allée
Ne touchez pas l'épaule
Du cavalier qui passe,
Il se retournerait
Et ce serait la nuit,
Une nuit sans étoiles,
Sans courbe ni nuages.
- Alors que deviendrait
Tout ce qui fait le ciel,
La lune et son passage,
Et le bruit du soleil ?
- Il vous faudrait attendre
Qu'un second cavalier
Aussi puissant que l'autre
Consentît à passer.
 
*Quelle est votre interprétation pour chacun de ces  poèmes?

Les compagnons Troubadours  de  Celsmoon:

La plume et la page, Tinusia, Chrys, Roseau, MyrtilleD, Cagire, Caro[line], L'or des chambres, Violette, claudialucia, Séverine, Maggie, Sev, Azilis.

vendredi 11 juin 2010

Visite amie : l’atelier d’écriture de Gwenaelle

Je découvre souvent en lisant des blogs ou des chroniques,  des textes qui me parlent,  dont j’aime l’idée et l’écriture. J’ai envie de les conserver pour les relire. J’ai décidé de les “collectionner”.




Jeune fille écrivant :  Berthe Morisot

Dans son blog Skriban, les carnets d'un écrivain public , Gwenaelle nous invite chaque Dimanche à un atelier d'écriture. Semblable en cela aux écrivains de l'Oulipo (l'Ouvroir de Littérature Potentielle) qui pensent que l'obéissance à des règles strictes, à des contraintes rigoureuses, permet l'essor de l'imagination, Gwenaelle à partir de situations imposées, de mots inventés ou évocateurs, libère notre imaginaire et.. .oui, ça marche ! Nous écrivons!

Un exemple?

un texte de Gwenaelle, elle-même, imaginé à partir d'un voyage en TGV...

Le DRH n’aimait pas le TGV…

Allô? Ah, Philippe! Attends que je t’en raconte une bonne. Dimanche soir, je revenais de mon séminaire, à Rennes. Le thème en était : Les effectifs, une variable d’ajustement comme les autres? Passionnant, cette rencontre, vraiment. Dommage que tu n’aies pas pu venir. Ce qui a été dit n’a fait que confirmer ce dont j’étais déjà persuadé. Il y a du gras partout, c’est évident, il faut couper. Par contre, ce retour, quelle galère! J’étais furax. Je devais prendre le jet de la société mais cet imbécile de Desrosières avait oublié d’en faire la réservation. J’ai dû prendre quasiment au vol – ah! ah! façon de parler – le dernier TGV. Une vraie catastrophe! J’abhorre les transports en commun. Il fait chaud, ça sent mauvais. Plus une seule place en première et la seconde, bondée. Là aussi, je te jure, il est temps de faire bouger les choses. Ces petits fonctionnaires nantis vont chanter une autre chanson quand tout ça va passer au privé. J’ai pris le contrôleur à part, l’ai sommé de me trouver quelque chose. Je ne peux rien faire! Voilà tout ce qu’il a pu répliquer. Je l’aurais étranglé.

 Vous lirez la suite dans le Skriban.

Un  autre exemple? Sur le même sujet le début du texte de Clara

 La giffle

 -Clothilde,  par ici ! Pardon, Monsieur, excusez-moi  de vous déranger.

Je regarde le couple avec qui nous allons  partager le voyage jusqu’ à Paris. Des gens à la retraite. Vu comment ils sont habillés,  ce sont des gens  de la campagne. L’homme lit « Ouest-France » et la femme tricote. C’est étonnant d’ailleurs qu’ils soient en première classe. Clothilde s’assied côté  fenêtre sinon elle a mal au cœur. Comment peut- on avoir mal au cœur alors qu’il fait nuit et qu’on ne voit vient rien du paysage ?  D’ailleurs, j’aurais préféré qu’on parte plus tôt dans la matinée mais notre gendre n’aurait pas pu venir  nous chercher à la gare.  Le wagon est bondé : des hommes d’affaires qui pianotent sur leur portable et quelques personnes de nôtre âge.

Mon épouse, à son habitude,  ne peut s’empêcher de nouer la conversation avec la femme  assise en face d’elle.

-Oh, c’est joli ce que vous faites !

 Vous lirez la suite dans le Skriban.


Et à Dimanche, peut-être, dans l'atelier d'écriture de Gwenaelle?

jeudi 10 juin 2010

Jerzy Kosinski : L’oiseau bariolé





Le roman de Jerzy Kosinski, écrivain polonais, né à Varsovie en 1933, installé aux Etat-unis depuis 1957, est écrit en anglais et a été traduit en français en 1966. Il fut, nous dit-on, l'évènement littéraire de cette année-là! Et on le comprend quand si longtemps après, sa lecture produit un tel choc que l'on en sort bouleversé.  Une grande oeuvre mais qui peut vous faire désespérer de la nature humaine!

Pendant la guerre, les parents d'un petit garçon de six ans éloignent leur fils de Varsovie car le père risque d'être emprisonné pour ses activités antinazies. Ils croient ainsi lui donner des chances de survivre à l'abri de la violence en le confiant à une vieille femme, Marta, qui vit dans une des régions la plus reculée de la Pologne de l'Est, la plus pauvre et la plus primitive d'Europe centrale. Mais Marta meurt deux mois après l'arrivée du petit garçon et celui-ci dépend désormais de la bonne volonté des villageois et des paysans. Oui, mais voilà, la population a le teint clair, les cheveux blonds et les yeux bleus. L'enfant, lui, avec ses cheveux et ses yeux noirs est pris pour un juif ou un bohémien, deux races particulièrement haïes par cette population catholique (les juifs ont persécuté le Christ et méritent leurs souffrances) et superstitieuse, arriérée, qui croit que les yeux noirs sont capables de transmettre les infirmités, la peste et la mort. D'autre part, les allemands punissent la population qui aurait l'audace d'abriter un juif. Le gamin va subir tous les sévices, les violences et perversions de ces brutes humaines. Il ne devra sa survie qu'à sa chance et à sa débrouillardise. Pendant quatre ans il ne reverra pas ses parents et ira, comme des milliers d'autres enfants dans son cas, jusqu'au bout de l'Enfer.

Le titre du roman fait référence à l'amour frustre d'un paysan du village pour une fille qui vit hors du village après avoir été violée et est considérée comme folle. Lorsque celle-ci n'apparaît pas et reste cachée dans les bois, l'homme capture un oiseau et badigeonne ses ailes avec des peintures de toutes les couleurs. Puis il libère l'oiseau bariolé espérant le retour de la femme. Celui-ci vole vers ses semblables. Mais ceux-ci ne le reconnaissent pas comme un des leurs et l'accueillent à coups de bec et de griffes, le lacèrent et le mettent à mort.
C'est la métaphore du livre, l'histoire de ce petit garçon toujours en quête de ses semblables dont il a besoin pour survivre mais qui est rejeté et persécuté parce qu'il a les cheveux noirs.

Le roman est écrit à la première personne et c'est donc à travers les yeux d'un enfant tout d'abord innocent et naïf que l'on découvre le monde. Avec Marta, malgré ses croyances d'un autre âge, le gamin découvre la nature, les animaux et les souvenirs de sa vie passée sont encore assez forts pour lui permettre de surmonter le chagrin de la séparation. Mais c'est surtout après la mort de sa protectrice, qu'il va être confronté à la cruauté. Et d'abord, avec Olga, la guérisseuse, le garçon comprend sa différence et le mal qu'il porte en lui

Elle m'appelait l'Enfant noir : c'est d'elle que j'appris pour la première fois que j'étais possédé par un esprit malin... Le signe infaillible de la présence du démon, c'étaient ses yeux noirs ensorcelés, capables de soutenir sans ciller le regard des yeux clairs et brillants. Olga me soupçonnait d'être un vampire et ne s'en cachait pas.

Pendant toutes ces années de guerre et d'errance, il passe de mains en mains, chez des personnes qui le font travailler, l'exploitent, le frappent, le torturent. Peu à peu, il perd le souvenir de ses parents; il n'est désormais préoccupé que de sa survie. Il voit l'être humain dans ce qu'il a de plus noir, de plus abject. A dix ans, il n'a plus rien d'un enfant.
Parallèlement à son destin individuel, le jeune garçon est aussi le témoin d'une Pologne dévastée par la guerre, par la violence protéiforme dans un pays tiraillé par des forces contraires. L'occupation allemande entraîne la misère car l'armée prélève la plus grande partie des récoltes pour ses soldats et élimine systématiquement juifs et bohémiens. L'enfant voit passer des convois, les fameux wagons plombés, en direction des camps de concentration. Et puis, il y a les partisans polonais, les Rouges et les Blancs qui, selon qu'ils veulent ou non installer le communisme après guerre, s'entretuent et exécutent ceux qui paraissent soutenir les uns plus que les autres. Enfin, comble de l'horreur, il y a les Kalmouks, cavaliers mongols qui haïssent le régime soviétique et ont rejoint l'armée allemande. Ils sont utilisés pour des expéditions punitives menées contre les villages. Enfin, vient la libération de la Pologne par l'Armée Rouge et la vision des survivants des camps, squelettes vivants dans leur pyjama rayé. Toute l'horreur et la détresse d'un pays sous la plume d'un écrivain qui écrit avec fièvre comme pour exorciser le Mal absolu...

Ce roman montre avec une force bouleversante toute la barbarie de la guerre et du racisme et la violence nous paraît d'autant plus grande qu'elle est exercée contre un enfant.


mercredi 9 juin 2010

Retour de Lozère

Retour de Lozère : il y avait de drôles de petits lutins dans mon jardin! ou plutôt des kamis

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Mais pas seulement des lutins!

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 mais des Pivoines

Il y eut des jours de beau temps :

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mais pas seulement de beau temps!

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samedi 29 mai 2010

Vaucluse : Camus et Char, La Postérité du soleil


La Postérité du soleil  d'Albert Camus est paru après la mort de l'écrivain. Il est né de l'amitié d'Albert Camus et de René Char unis par leur amour commun de cette Provence hautaine et tendre, funèbre et déchirante dans ses soirs, jeune comme le monde dans ses matins et qui garde, patiemment, comme tous les pays de la Méditerranée, les fontaines de la vie ou l'Europe épuisée et honteuse reviendra un jour s'abreuver. *

Le livre a été réédité récemment aux éditions Gallimard dans un grand format qui permet de mettre en valeur les photographies noir et blanc de Henriette Grindat, artiste suisse venue rencontrer René Char à Isle-sur-Sorgue et dont les images inspirent à Camus des poèmes en prose, aphorismes qui tendent un miroir aux images de la photographe.


Seigneur farouche, le mistral souffle en maître sur ses terres. Même les soleils sont ivres. Le cyprès résiste ou rompt. Mais le long frissonnement des peupliers déplie la force du vent et l'use. L'un enseigne l'honneur; les autres, l'obstination de la douceur. Que ferions-nous de vos villes et de vos écoles? Albert Camus, La postérité du soleil
Un dieu sourcilleux veille sur les jeunes eaux. Il vient du fond des âges, porte une robe de limon. Mais sous la lave de l’écorce, un doux aubier... Rien ne dure et rien ne meurt ! Nous, qui croyons cela, bâtirons désormais nos temples sur de l’eau.
Le taureau enfonce ses quatre pattes dans le sable de l’arène. L’église du Thor** ne bouge plus, force de pierre. Mais qu’elle se mire dans la Sorgue claire, la force s'épure et devient intelligence. Elle encorne le ciel en même temps qu’elle s’enfonce dans un lit de cailloux vers le ventre de la terre. Sur le pont du Thor, j’ai senti parfois le goût vert et fugitif d’un bonheur immérité. Ciel et terre étaient alors réconciliés.

La Postérité du soleil, magnifiquement préfacé par René Char, est un très beau livre dans lequel les voix des deux poètes s'allient à la photographie pour dire la lumière de Vaucluse que Camus qualifie de lumière de vérité *

Préface de René Char :  Et ce chemin, long comme un long squelette nous conduit à un pays qui n'avait que son souffle pour esclaader l'avenir. Comment montrer, sans les trahir les choses simples dessinées entre le crépuscule et le ciel? Par la vertu de la vie obstinée, dans la boucle du Temps, entre la mort et la beauté.
*Camus parle de René Char pour une émission radio : ce soir le rideau se lève sur René Char.


**L'église du Thor classée monument historique dès 1832 date  du XIIe siècle et est un chef-d’oeuvre de l’art roman provençal, intégrant déjà des éléments gothiques, telles les croisées d’ogive, premières de la région. Elle est remarquable par la richesse de ses ornements raffinés aussi bien sur ses murs extérieurs que dans l’abside. Elle se dresse près de la Sorgue.
source   
  le goût vert et fugitif d'une bonheur immérité

mardi 25 mai 2010

Enfantilles : un voyage au coeur de la Guadeloupe, album et CD


                                                                           Enfantilles  

Critiques et infos sur Babelio.com

Enfantilles, c'est le nom donné à ce livre-CD, enfance et musique, aux éditions Au Merle moqueur, dans lequel des voix enfantines relayées par des voix adultes chantent la Guadeloupe en créole mêlé de français.

Et d'abord, il y a le livre très agréablement illustré par Sophie Mondésir qui fait danser les couleurs vives et gaies, poissons multicolores pris dans la nasse, belle robe bariolée volée à maman le temps d'un déguisement, feuillages en ombre chinoise de mademoiselle Marie, nom d'une petite plante rétractile, douceur du bleu magique de la nuit étoilée...  Le livre? un plaisir pour les yeux!

Ensuite le CD et ses chansons variées décrivant la vie quotidienne de la Guadeloupe, ses marchés, ses paniers de grains de café, ses pêcheurs, ses marchandes de poissons, ses scieurs de bois :

 Syyé bwa tout' la jouné. siyé l'égoïne ka travay bien/ Atansyon, fatigué, fatigué : Scie du bois toute la journée/ la scie égoïne travaille bien/ Attention à la fatigue!
Ses airs, au rythme vif ou doux, parlant des joies et des peurs de l'enfance, diable tapi au fond de la nuit, fête de la Noël, câlins du soir, petit enfant qui ne veut pas dormir  :

E ti doudou ka fe foufou, me zanmi : et le petit doudou fait le foufou, mes amis.

Et puis il y a le charme de la langue créole, de ses sons si proches de la langue française, que l'on ne comprend pas mais .. que l'on comprend pourtant pourvu que l'on prête l'oreille!

Berceuse : Dodo pitit' / Papa pa la /se manman tou sèl/ Ki dan l'anbara
ou  encore la chanson d'Aliette : Aliette Kontan manman y pa la/ Pou'y mété soulié a gran talon

Un petit bémol cependant : dans certaines chansons les voix paraissent un peu écrasées par la musique. Ce qui n'empêche pas les  musiciens et les chanteurs de nous entraîner dans la découverte très sympathique de cette belle île des Caraïbes.

lundi 24 mai 2010

John Connor : Code Phénix



Code Phénix est le premier roman de John Connor et aussi le premier des enquêtes de l'inspecteur Karen Sharpe.

L'intrigue se déroule dans le West Yorkshire en Avril 1996, lorsque l'inspecteur Karen Sharpe est amenée à identifier son coéquipier Philip Leech et Fiona Mitchell, son indic dans une affaire de drogue, tous deux retrouvés morts, tués par balle. Karen comprend vite qu'elle n'a réchappé à la mort que parce qu'elle était ivre et n'a pu se rendre au rendez-vous fixé par Fiona. La recherche du meurtrier s'organise avec un grand déploiement de forces car c'est un policier qui vient d'être abattu. Le commissaire John Munro et son adjoint Tony Marshall sont chargés de coordonner les équipes. Karen Sharpe participe à l'enquête dont le nom de code est Phénix mais le lecteur va vite s'apercevoir que celle-ci en sait plus que ce qu'elle veut bien le dire. Pourquoi fait-elle ainsi de la rétention d'informations? Que cherche-t-elle exactement? Pourquoi ne suit-elle pas comme les autres la piste de la drogue? Quel secret cache cette femme qui a l'air de traîner un lourd passé derrière elle?

Ce qui retient l'attention d'abord dans ce roman, c'est la parfaite connaissance du milieu policier. L'écrivain, un ancien avocat, qui a, nous dit-on, conseillé la police pour de nombreuses opérations d'infiltration dans le milieu de la drogue, sait de quoi il parle. La description de l'enquête et de son déroulement rigoureux est menée de main de maître par John Connor et certaines scènes ne manquent pas de force : ainsi celle qui montre des dizaines de personnes, policiers, élèves officiers, soldats, réunis pour une "une fouille de zone", à genoux dans la lande marécageuse par une matinée glaciale...
Mais ce n'est pas cet aspect technique qui a m'a le plus intéressée.
La critique sans concession, du système policier, ses arrangements avec le milieu de la drogue et surtout la politique du rendement est aussi un des centres d'intérêt du roman comme l'est également la dénonciation des agissements de l'armée anglaise en Irlande et des pratiques terroristes de l'IRA.

Une vraie maladie, cette obsession du résultat. On leur fourrait ça dans le crâne dès l'école de police, rien d'autre ne comptait. En d'autres termes, il fallait toujours obtenir une inculpation. Non pas une condamnation, car, si le juge la rejetait ou si le jury déclarait l'accusé non coupable, ce n'était plus de leur ressort. Le haut commandement lui-même n'échappait pas à cette manie.

De plus, John Connor  possède  l'art  du récit  ramassé, vigoureux, qui en dit long sur les personnages et la société : celui où Munro  se confie à Karen ou encore celui du traumatisme subi par James Martin ont chacun la densité d'une nouvelle à l'intérieur du roman et la chute en est efficace!
Enfin, ce sont les personnages et surtout, bien sûr, Karen qui emportent l'intérêt! Pourtant, elle n'est pas très sympathique de prime abord! Pour une fois que l'inspecteur est une femme, j'aurais bien aimé que... Mais non! Peu douée pour l'amitié, sarcastique, blessante, manipulatrice, elle est tellement habituée à la violence et à la mort qu'elle paraît déshumanisée. Pourtant lorsque ses souvenirs affleurent à la surface, elle s'efforce de les refouler avec une souffrance que l'on devine immense.
John Connor nous avertit d'ailleurs : Karen est un iceberg, glaciale dans la partie immergée mais dont les  deux tiers  sont en dessous de la surface. Et ce sont ces deux tiers qu'il est passionnant de découvrir d'un indice à l'autre, comme une enquête dans l'enquête, jusqu'au dénouement qui nous réserve un surprise !
Les autres personnages nous interpellent aussi : le commissaire John Munro, un homme complexe et sensible et sa belle et triste histoire d'amour, et ce James Martin dont on devine quel être humain exceptionnel il aurait pu être sans la tragédie qui a fait basculer sa vie.
Ainsi, lorsque l'on arrive à la fin du roman, que l'on a pris la mesure de tous ces personnages, que l'antipathie ressentie envers Karen a disparu, l'on éprouve l'envie de les retrouver, de savoir ce qu'il va advenir d'eux.

Merci aux éditions JC Lattès et à masse critique Babelio!

http://www.babelio.com/livres/Connor-Code-Phenix/173942