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mercredi 7 février 2018

Promenade au Palais des papes d'Avignon


Le palais des Papes est le plus grand palais gothique du Moyen-âge. Pendant tout le XIV siècle il a été la résidence des papes.
Il y eut six conclaves dans le palais : Benoît XII, en 1335 ; Clément VI, en 1342 ; Innocent VI, en 1352 ; Urbain V, en 1362 ; Grégoire XI en 1370, et Benoît XIII en 1394.
Palais des papes
La tour de Campane du vieux Palais et la tour de la basilique des Doms

Le petit Palais cardinalice

L'hôtel des Monnaies

Le palais des Papes est la réunion de deux édifices imbriqués l'un dans l'autre  : le vieux palais que Benoit XII fit construire sur le rocher des Doms, à la place du palais épiscopal où avait vécu le pape Jean XXII et le Palais neuf de Clément VI caractéristique du gothique international.
Si le palais de Benoît XII a tout d'une forteresse, riche mais austère, en conformité avec la vocation religieuse du pape, celui de Clément VI devient le centre d'une cour brillante où le souverain pontife qui attirait à lui intellectuels et artistes, menait une vie fastueuse annonçant les cours princières de la Renaissance.



La porte Champeaux

Les tours surplombant la porte Champeaux

La cour d'Honneur avec le puits au centre

La première cour est celle du palais neuf. C'est la Cour d'Honneur du festival de théâtre d'Avignon. Au milieu le puits et une cavité, là où est montée la scène.


Festival d'Avignon La cour d'Honneur

Le cloître Benoît XII

Le cloître Benoît XII vu de la galerie haute
Maintenant la visite du palais se fait avec l'histopad qui permet de voir sur écran la reconstitution des salles telles qu'elles étaient au Moyen-âge.



Le week end du 3 Février nous avons donc amené, mon mari et moi, notre petite fille au palais des Papes d'Avignon. Si elle s'est souvent promenée sur la place du Palais encadrée par le palais des Papes, la cathédrale des Doms, le petit palais cardinalice et l'hôtel des monnaies, elle n'avait jamais vu l'intérieur.



Et ce qui était génial, c'est que l'histopad offrait une chasse au trésor : le grand père et la petite fille se sont régalés.


Le consistoire

Le consistoire, au rez de chaussée, est une immense salle attenante à la salle de Jésus qui s'ouvre sur le cloître Benoit XII.

Le consistoire

La salle de Jésus où se trouvait aussi la grande trésorerie  servait de vestibule aux cardinaux qui attendaient le pape pour se rendre au consistoire. C'est dans cette salle que le pape recevait les hauts dignitaires de l'église, les souverains, les ambassadeurs qui avaient demandé audience. C'est là qu'il accueillit la Reine Jeanne à qui il acheta la ville d'Avignon.
La chambre du camérier, le plus haut prélat après le pape, est toute proche.

De là, on peut parvenir à la tour des Chapelles qui abrite la chapelle Saint Jean et la chapelle Saint Martial décorées de fresques récemment restaurées, chefs d'oeuvre du moyen-âge du peintre italien Matteo Giovanetti.

La chapelle Saint Martial 

Fresques de la chapelle Saint Martial Matteo Giovanetti

Fresques de la chapelle Saint Martial Matteo Giovanetti (XIV siècle)

Fresques de la chapelle Saint Martial Matteo Giovanetti

Fresques de la chapelle Saint Martial Matteo Giovanetti

 Le Grand Tinel


Le grand Tinel ou la salle des festins


A l'étage, juste au-dessus du consistoire, le grand tinel dans le Vieux Palais est une immense salle de 48 m couronnée d'une voûte romane. On y servait de grands repas lors des fêtes religieuses et des promotions de cardinaux. Le pape se retirait ensuite dans la salle des parements pour y déguster les desserts : dragées, fruits confits...  C'est dans cette salle que les cardinaux qui allaient être promus revêtaient le parement, symbole de leur dignité : l'anneau et le chapeau.

La salle des parements

Salle des parements

Salle des parements

La Cuisine

L'immense cheminée des cuisines



 La chambre du pape et son cabinet d'étude

La chambre du pape

Nous sommes passés du vieux palais au palais neuf  dans la chambre du pape Clément VI. Cette dernière et son cabinet de travail sont ornés de fresques (1344) attribuées au peintre Matteo Giovanetti, comme celles de la chapelle Saint Martial et Saint Jean. Les autres peintures du tinel et du consistoire ont disparu. Il est interdit de les photographier mais elles sont d'une grande beauté, aussi voici quelques images prises sur les sites de voyage.

La chambre du pape Clément VI

Fresque de la chambre du pape (détail)
De la chambre du pape on accède à son studium orné de fresques évoquant la pêche ou la chasse, d'où son nom de chambre du Cerf.


Fresque de la chambre du cerf

Fresque de la chambre du cerf

La sacristie et la grande chapelle


La sacristie  (reproduction de gisants)

Le portement de croix dans la sacristie (moulage du retable de Francesco Laurana)

La grande chapelle clémentine, gothique, dans le Palais Neuf

La grande chapelle gothique dans le Palais Neuf

La grande chapelle gothique dans le Palais Neuf
 
Dans la loggia, la fenêtre de l'Indulgence,  d'où le pape lançait des aumônes (détail)




La grande chapelle

Une exposition de photographies du début du XX siècle

La grande chapelle : exposition
Après la révolution le palais devint une caserne et servit aussi de prison. Il était alors passablement délabré et l'occupation par des régiments n'améliora pas son état, fenêtres et statues brisées, tourelles de la façade rasées, ouvertures percées, dégradation des murs, détritus. Les troupes quittèrent le palais en 1906. Commencèrent alors des travaux de restauration qui n'ont jamais cessé depuis !

Etat du palais au début du XXème siècle

Déménagement du palais (1906)

Et pour finir, une photo amusante :  celle de l'éléphant de Miquel Barcelo lors de l'exposition des oeuvres de l'artiste au grand palais : Terramare(2010)













lundi 5 février 2018

Bilan du Mois de Janvier 2018

Je lis donc je suis : jeu littéraire de Janvier

Je me suis promis de faire un bilan mensuel de mes lectures au cours de cette année 2018! Et voilà que je suis en train de flancher dès le mois de Janvier ! Donc, je me secoue !

Mes deux coups de coeur du mois de Janvier : Poésie et roman


Poésie/ Art                                                          Roman
  ICI                                                         Billet ICI/ Citation 1 / Citation 2

Romans / Théâtre

Ibsen un ennemi du peuple
Ici
 
Ici
Ici
Ici

Les romans policiers

j'ai commencé par En sacrifice à Moloch, mon préféré, qui est le cinquième de la série Rebecka Martisson. Lu ensuite le premier Horreur boréale et le second Le sang versé. Je continuerai la série au mois de Février.

Ici
Ici

Ici
J'ai aimé aussi :

Ici
Ici

et moins aimé :


Ici

Les romans pour enfants

Mon préféré est Chatangram, un livre-jeu à partir du tangram, puzzle chinois de sept pièces.


Ici


Ici














Ici













J'ai lu aussi au mois de Janvier :

mais je n'ai pas eu le temps de faire les billets :

Kazuo Ishiguro : Le géant enfoui

Nathan Hill : Les fantômes du Vieux pays

et début février :

Audur Ava Olafsdottir : Le rouge vif de la rhubarbe

Je suis en train de lire : Le prodige de Roy Jacobsen dont j'avais beaucoup aimé Les Invisibles

Voyage fin décembre-début Janvier : En Touraine

Visite du château de Chenonceau


















vendredi 2 février 2018

RAT d'hiver et challenge nordique




Ce week end, à partir de ce vendredi soir 2 Février  jusqu'à Dimanche 4 Février, a lieu le marathon de lecture lancé par Margotte sur la littérature Nordique.

Je devais y participer mais la visite impromptue de ma petite fille m'a fait y renoncer. C'est que nous allons avoir un samedi et un dimanche bien remplis, elle et moi, vous imaginez !

Mais vous pouvez encourager les marathoniennes chez elles : 







mercredi 31 janvier 2018

Michel Bussi : On la trouvait plutôt jolie



Leyli Maal est émigré, d’origine béninoise, et vit dans une cité pauvre de Port de Bouc près de Marseille. Elle cherche à obtenir un appartement plus grand pour loger ses trois enfants Bamby, une très belle fille de 21 ans, Alpha, déjà un géant à l’âge de seize ans et le petit Tidiane, dix ans.
Mais Leyli Maal a un secret que  le lecteur ne découvrira qu’à la fin en se disant qu’il s’est fait mener en bateau par l’auteur. Personnellement, en effet, je ne m’étais doutée de rien ! Je me suis un peu perdue dans tout ce qui m’a été révélé sans être vraiment convaincue que c ‘était vraisemblable et que cela apportait quelque chose à l’intrigue.

Deux meurtres ont lieu coup sur coup dans un hôtel de rencontres minable. L’enquête est confiée au commandant Petra Velika et à son adjoint, le jeune Julo Florès. Ils  s’aperçoivent bien vite que les deux victimes sont tous deux des membres de Vogelzug, une association pour l’aide à l’immigration présidée par le très riche et très antipathique Jourdain Blanc-Martin. Très vite les soupçons se portent sur Bamby, la fille de Leyli. Je ne vous révèle rien, on le sait dès le début ! Et je ne raconte pas plus !

Le roman alterne entre l’histoire policière et les récits de Leyli qui retrace la misère et les malheurs qui ont été son lot depuis son enfance et son long, douloureux et périlleux voyage pour gagner la France,  pour obtenir ses papiers puis pour faire venir ses enfants.

Un roman humaniste


Michel Bussi veut, dit-il, écrire un roman « humaniste » donc il ne détaille pas les problèmes économiques, sociaux, religieux et moraux que pose l'installation en France de migrants et il se défend d’avoir écrit un roman politique.
L’auteur parle avec générosité d’une question d’actualité qui lui tient à coeur :  l’accueil réservé aux immigrants en France, les lenteurs et les inepties de l’administration française pour statuer de leur sort, pour leur accorder des logements, le renvoi de ceux qui sont des migrants économiques alors que les migrants politiques peuvent rester . 

"Et ne viens pas me demander pourquoi on a le devoir d’accueillir un gars qui crève de peur chez lui et pas un gars qui crève de faim." 

Il s’attaque en particulier aux passeurs qui s’enrichissent sur le dos des hommes et des femmes qu’ils transportent dans des conditions inhumaines, au péril de leur vie et qu’ils abandonnent parfois à une mort certaine en pleine Méditerranée. Et l’on ne peut que s’indigner, comme l’auteur, contre ceux qui font le commerce d’êtres humains, ces nouveaux négriers qui ne sont pas arrêtés comme ils devraient l’être.

Un roman un peu trop démonstratif

 Humaniste, idéaliste, certes. Malheureusement, le roman présente des aspects trop démonstratifs et maladroits car plein de contradictions. 

"Ceux qui traversent la terre entière ne sont pas des hordes affamés jetées sur les routes, ce sont les ambitieux, les inconscients, les bannis, les fous, les rêveurs, les libres."

Et c’est bien vrai pour Leyly ! L’on ne peut que la trouver sympathique, courageuse, un petit bout de femme que la vie a malmenée, qui n’a jamais baissé les bras et l’on voudrait que sa vie soit plus facile et qu’elle ait enfin droit au rêve mais.. l’on ne peut s’empêcher de penser que les hommes qui l’accompagnent, qui la violent ou la prostituent (elle et les autres femmes seules) pendant le voyage ne sont pas des gens que l’on a envie de recevoir en France. L’idéalisme a des limites !
D’autre part, je n’ai pas trouvé dans ce livre les personnages des migrants toujours convaincants ni vrais dans leur manière de parler, ni dans leur mentalité, ni dans leur culture qui m’a paru trop française alors que certains n’ont jamais vécu en France. Les dialogues sonnent souvent faux, trop léchés et trop littéraires.   Et puis, un gosse qui a abandonné ses études,  délinquant voire meurtrier, et qui déclame « Le cimetière marin » en braquant un yacht, vous y croyez, vous ?  Une fille de milieu pauvre qui change de vêtements ( avec quel argent ?) et d’identités pour chaque meurtre, capable de se faire passer pour une doctorante etc.. n’est pas très crédible, non plus. Et des grands-parents béninois installés au Maroc qui racontent la mythologie grecque à leur petit-fils sans rapport avec leur propre culture, c’est dommage !

Ceci dit le livre se lit bien car on a envie de comprendre l’histoire et d’apprendre le secret de Leyli mais il est loin d’emporter mon adhésion.




Merci à Dialogues croisés et aux éditions Presses de la cité

lundi 29 janvier 2018

Henrik Ibsen : Un ennemi du peuple



Dans Un Ennemi du peuple de Henrik Ibsen, le docteur Tomas Stockmann a été nommé directeur de l’établissement des Bains de sa ville natale par le préfet Peter Stockmann, son frère. Il découvre que les eaux sont polluées par les rejets toxiques des tanneries de la ville et propagent fièvre, dysenterie et typhus. Mais lorsqu’il révèle la vérité, tous, son frère, les journaux, les petits propriétaires et bientôt le peuple, se liguent contre lui. Les travaux concernant la réfection des conduites d'eau seraient trop coûteux, trop longs et la ville ne peut se passer des revenus des Bains qui assurent sa prospérité. Tomas Stockmann va mener la bataille épaulé par son épouse parfois défaillante, sa fille Petra, un ami, le capitaine Horster … Il rassemble tout le monde dans une assemblée générale qui tourne au pugilat.

L'inspiration


Un ennemi du peuple est inspiré semble-t-il par la personnalité et la lutte de Harald Thaulow, pharmacien diplômé, qui s’est efforcé de réformer le système d’attribution des pharmacies. Celles-ci étaient accordées par privilège, héritage ou vente sans tenir compte des connaissances et des diplômes. Un apothicaire était alors un simple vendeur de médicaments même s’il n’avait fait aucune étude médicale. Thaulow a provoqué un scandale lors d’une assemblée générale pour défendre ses idées. Il  a fini par l’emporter mais l’on s’en doute s’est fait de nombreux ennemis, parmi lesquels les apothicaires n’étaient pas les moindres !
Ibsen, lui aussi, a fait scandale avec sa pièce Les Revenants qui stigmatise l’hypocrisie sociale et religieuse et fait allusion à la syphilis, sujet tabou. De là à être traité d’ennemi du peuple, il n’y a qu’un pas.  Ibsen met beaucoup de lui-même dans le personnage principal de la pièce, le docteur Stockmann, qui va représenter ses idées politiques.

Un ennemi du peuple est considérée comme une grande pièce d’Ibsen après La Maison de poupée et Hedda Gabbler. Il paraît que le metteur en scène allemand Thomas Ostermeïr a fait une belle mise en scène de Un ennemi du peuple. Qui sait ? il m’aurait peut-être réconciliée avec la pièce ? Car je ne l’ai pas aimée.

Une pièce démonstrative

 

Mise en scène de Claude Stratz Théâtre national de la Colline
D’abord les personnages :  ou ils sont flous, peu développés tant au niveau psychologique qu’au niveau de l’intrigue comme Petra ou Horster, ou complètement inutiles comme les fils de Tomas Stockmann. Ils sont des fonctions et non des êtres de chair dans une pièce qui est avant tout démonstrative et porteuse d’un message.
Le personnage du docteur Stockmann lui-même est assez caricatural. Sa naïveté quand il pense être porté en triomphe par ses concitoyens est d'une stupidité confondante. Il paraît que c'est comique mais il ne m'a pas fait rire, au contraire ! Cependant, il ne faut pas oublier que Henrik Ibsen a voulu faire de Un ennemi du peuple une comédie.

Un thème très actuel mais ...

 

Au festival d'Avignon : Thomas Ostermeier

Rien n’est plus actuel que le thème de cette pièce à notre époque où la survie de la planète est en jeu ! On pourrait multiplier les exemples ! Je m'attendais donc à ce que Ibsen pourfende les gouvernants, le capitalisme,  tous ceux qui défendent leurs propres intérêts au détriment de la santé des autres et de l’environnement.  Mais  les propos tenus par le "bon"  docteur ont pris un autre tour et m'ont surprise. Certes, il est courageux et se sacrifie pour que la vérité éclate. Il se retrouve sans travail, sans logement dans une ville qui ne veut plus de lui. Mais sa conception de la démocratie est atterrante !

Premier choc : lorsqu’il considère que dans son poste précédent, dans le Norland, ( région norvégienne qui englobe Bodo, Troms, les îles Lofoten et Vesteralen …) les hommes sont  au niveau des animaux.

"J’ai passé plusieurs années dans un horrible trou perdu, là-haut dans le Nord. Parfois, en rencontrant les hommes qui y vivaient comme un amas de pierres, j’ai pensé qu’un vétérinaire leur aurait été plus utile qu’un homme comme moi" 

Deuxième choc : " La majorité n’a jamais le droit pour elle, vous dis-je !(…)  je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a une majorité écrasante d’imbéciles sur cette terre. Mais, nom d’un chien, on ne peut pas accepter que les imbéciles gouvernent les intelligents !
La majorité a le pouvoir - mais elle n’a pas raison. C’est moi qui ai raison, moi et quelques autres; de rares hommes isolés. La minorité a toujours raison."

Troisième choc : Stockmann compare les hommes au chiens et conclut que d’un corniaud, "vulgaire chien plébéien" "dégoûtants et mal élevés " et d'un caniche "descendant d’une belle lignée", c’est toujours le caniche qui l’emportera et sera le plus intelligent  !

De choc en choc, je n’ai plus trop su ce que Ibsen voulait défendre et j’ai trouvé très aristocratique et anti-démocratique sa vision du peuple. Contrairement à ce que je pensais au début de la pièce, effectivement Ibsen-Stockmann est un ennemi du peuple, non parce qu’il veut faire fermer les bains pour des raisons sanitaires mais parce qu’il est plein de mépris pour lui.
D’ailleurs la découverte qu’il révèle à la fin de la pièce est empreint de cette esprit élitiste et supérieur :

"Le fait est, voyez-vous  que l’homme le plus fort du monde est le plus seul"

Tout en moi s'est révulsé  à cette lecture même si, finalement, il décide d’éduquer le peuple et d’instruire "les corniauds" - "ils peuvent avoir des têtes remarquables"- pour leur donner les possibilités de "chasser les loups" .

Vous admettrez que la pensée de Ibsen est complexe, à la fois  conservateur et libéral. Il s’est mis à dos la gauche norvégienne par sa conception élitiste de l'homme supérieur et les classes dirigeantes et cléricales dont il dénonce l'égoïsme et l'hypocrisie.

A cette pièce politique, je préfère ses pièces psychologiques qui n’en sont pas moins inscrites dans une société et en dénonce les travers.

Mes billets

La maison de poupée ICI et ICI

La cane sauvage ICI

La dame de la mer ICI

Hedda Gabler ICI

Peer Gynt de Ibsen et Grieg ICI

samedi 27 janvier 2018

Audur Ava Olafsdottir : Ör



Le mot islandais Ör nous dit Audur Ava Olafsdottir « signifie  cicatrices. Le terme s’applique au corps humain mais aussi à un pays, à un paysage malmené par la construction d’un barrage ou d’une guerre.»

Jonas Ebeneser pour sa part a sept cicatrices. La première étant celle de la vie, elle-même. « Nous sommes tous porteurs d’une cicatrice à la naissance : notre nombril »  explique l’auteure. Jonas est un écorché vif de naissance. Tout est blessure pour lui, un oiseau à l’aile cassée, la méchanceté des hommes entre eux, les guerres. Une autre cicatrice, l’abandon de son père. Et puis sa mère Gudrun, professeur de maths, a laissé son esprit aux oubliettes et survit dans une maison de retraite. Son amour Gudrun a trouvé un autre homme et est partie. Sa fille Gudrun-Nymphéa, il l’a appris au moment de la séparation d’avec sa femme, n’est pas de lui. Et le tatouage d’un nymphéa blanc sur la poitrine pour cacher l’une de ses cicatrices ne semble pas remédier à la blessure initiale.
C’est donc un homme qui ne peut guérir. Et c’est dans un pays blessé, un pays qui sort de la guerre, qu’il décide de partir quand il veut se suicider.

Je suis entrée dans le livre d’Audur Ava Olafsdottir avec bonheur. J’aime cette écriture limpide, poétique et intimiste. J’ai retrouvé le goût de cet univers qui parle de personnes sensibles, attentives aux autres.
Pourtant, lorsque le récit s’oriente vers le départ dans un autre pays, j’ai éprouvé de la déception. Il m’a semblé que c’était un poncif  : il y a tellement dans la littérature actuelle de personnages féminins (en général) désespérées qui partent à l’étranger pour y découvrir la guérison voire l’amour ! Et le fait que ce soit un pays qui sorte de la guerre et que Jonas parte, en plus, muni d’une boîte à outils, m’a paru invraisemblable. 
Il y a donc eu un flottement dans ma lecture avant que je ne me rende compte, d’après l’orientation du récit, que oui, bien sûr, c’est invraisemblable mais que le récit est métaphorique, qu’il ne faut pas s’en tenir à une interprétation réaliste comme je le faisais ! Les réparations que Jonas est amené à faire dans ce pays où tout est détruit, où plus rien ne marche, le répare lui-même, panse les blessures, atténue les cicatrices.
Jonas y apprend beaucoup de choses, évidentes mais que l'on oublie trop souvent, que c’est en s’occupant des autres, en agissant qu’il se sentira plus fort, que l’amour paternel et filial (c’est Nymphéa qui le lui dit) ne tient pas à un chromosome mais à l’amour, aux  soins affectueux, au dévouement, au respect, au partage, et à tous les bons et même les  mauvais moments d’une vie commune.

Finalement, malgré ce moment d'hésitation, j'ai aimé ce roman. La pensée d’Audur Ava Olafsdottir est simple, certains diront un peu trop gentille donc simpliste, mais je ne suis pas d'accord. Car l’optimisme, la foi en l’homme et au triomphe de la bonté, sont autant de baumes qui permettent de panser les Ör de notre vie personnelle, la noirceur de la haine, les horreurs des guerres.

vendredi 26 janvier 2018

David Carkeet : Des erreurs ont été commises



Avec ce livre Des erreurs ont été commises de David Carkeet, le troisième de la vie de Jeremy Cook, linguiste misanthrope, je  réitère l’exploit de commencer une série par la fin !  C’est mon truc, semble-t-il ! Bon, et comme avec cet auteur (et ce personnage) on n’est pas dans un style conventionnel ni sur des rails habituels, voilà que je me sens une furieuse envie de lire les bouquins qui l’ont précédé aux éditions Monsieur Toussaint Louverture, le premier qui semble emprunter son titre à Hitchcock Le linguiste était presque parfait, le second Putain de catastrophe dont le titre laisse présager le pire ! 


Des erreurs ont été commises est présenté par l’éditeur comme « un exercice de style oulipien déguisé en comédie sur la crise de la quarantaine. ». Et c’est tout un programme !
Dans ce livre, Jeremy Cook partage la vedette avec Ben Hudnut, le roi des noix, entrepreneur  plein de fric, père de quatre filles, et mari de la jolie Suzan.  Cook fait sa connaissance en allant étudier le langage de la petite dernière de Ben, Molly. N’oublions pas qu’il est linguiste  - bien qu’au chômage - et spécialiste du langage enfantin. Le roman nous fait pénétrer dans la vie des deux couples Ben et Suzan et Jeremy et Laura, tous en pleine crise. Il nous présente aussi le milieu universitaire de Laura, qui enseigne dans une université qu’elle ne trouve pas assez bien pour elle, ambition et mépris des autres vont de pair, coups bas entre collègue, jalousie, chasse aux gentils donateurs. Oui, c’est vrai, cela rappelle David Lodge en plus méchant. Le milieu de Ben, au demeurant, n’est pas exempt de travers ! Le tout  dans un style bourré d’humour et noirement ironique.
 Roman social  si on peut le qualifier ainsi?  Il offre une galerie de portraits réussis. Il présente aussi un tableau des relations humaines assez pessimistes, que cela soit dans le milieu du travail ou entre mari et femme. L’amour se délite, les couples se déchirent, les mesquineries pleuvent.   Roman policier ?  A moment donné il y a une (et même deux)  intrigue que l’on peut dire policière qui arrive par la bande, sans avoir été annoncée, un peu subrepticement, je dirai !  Mais enfin il y a enquête, détournements, fraudes et les voleurs sont punis. J’y ai vu surtout une réponse ironique aux certitudes de Ben Hudnut. Et voilà qui lui apprendra à être condescendant !  

« Qu’est ce que vous entendez par condescendance ?
- Je veux dire prendre quelqu’un de haut en faisant semblant d’être sympathique. Je suis devenue très forte pour détecter ce genre de comportement. »

Et ma foi, la somme de catastrophes qui s’enchaînent et tombent sur la tête de ce pauvre homme, pas plus mauvais patron qu’un autre finalement, bon père et mauvais mari repenti, somme toute plutôt sympathique même si nul n’est parfait, est à la fois méritée et cruelle!  C’est que David  Carkeet a l’art de manier l’ironie et quand il a quelqu’un dans la moulinette et bien… il mouline.
Je me suis bien amusée en lisant ce livre d’un genre indéfini. Il y a des moments d’anthologie comme le discours tenu par Jeremy Cook en pleine séminaire universitaire ou encore son inénarrable entretien d’embauche, ou lorsqu’il essaie de s’abonner au câble et regrette la bonne vieille télévision d’antan, vous savez quand il suffisait simplement d’appuyer sur un bouton. Quant à la misanthropie de Jeremy Cook, elle se se retourne contre lui-même dans un dénouement qui est un point final ironique!

Le livre est agréable à lire. J'en ai aimé l'humour noir et le tableau de la société de certains milieux américains.


Editions Toussaint Louverture