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samedi 20 septembre 2025

Angel Wagenstein: Abraham le poivrot, loin de Tolède : Plovdiv (2)

La vieille ville de Plovdiv : Maison  du marchand Argir Kuyumdzhioglu, musée ethnographique


Dans son livre Abraham le poivrot, Angel Wagenstein, décrit la ville de Plovdiv que j'ai visitée ce printemps.  La ville est à l'origine bâtie sur sept collines ( ou “ tepes ”) comme Rome mais l'une d'entre elles a été arasée. C'est la seconde ville de Bulgarie et la plus ancienne cité encore habitée d'Europe.  

 

 La vieille ville de Plovdiv

 

 La vieille ville de Plovdiv juchée sur sa colline, avec ses ruelles pavées, étroites, tortueuses qui montent à l'assaut des collines, ses maisons somptueuses du XIX siècle souvent devenues des musées, ethnographique, historique, Beaux-Arts, les vestiges thraces d'Eumolpias, ses églises, est un enchantement. Je suis tombée sous son charme !

 
Plovdiv : la vieille ville



Plovdiv : la vieille ville


Plovdiv : la vieille ville Maison Georgiadi : musée historique
 
 
 
Plovdiv : Eglise saints Constantin et Elena

 
 
Plovdiv : Eglise saints Constantin et Elena
 
 
  
Maison Nicolas Nedkovtich

 
 
Le quartier juif d'Ortaz Mezar 

 

 Wagenstein situe son récit dans le vieux quartier juif d'Ortaz Mezar. La ville contemporaine s'étend là autour de la mosquée Djumaya , au pied des collines.

"On appelle Plovdic « la ville au pied des collines », chaos de temps accumulé dans le désordre, au long duquel la Maritza n’avait cessé de frotter paresseusement contre ses rives des seins lourds, telle une bayadère de harem, ou des chairs desséchées par la canicule . Comme si quelqu’un avait jeté ici, près de son lit, à la manière d’énormes monticules de vieilles boîtes de conserve, les siècles épuisés."
 
 
Plovdiv : mosquée Djumaya




L'antique amphithéâtre

 

  

"Des arènes romaines à l’ombre du minaret turc et plus haut, au milieu des rochers, l’antique amphithéâtre, lui aussi fraîchement tiré du sommeil du passé, avec sa colonne qui inscrit au ciel la signature marmoréenne de l’hellénisme."


Plovdiv amphithéâtre romain


Les demeures du Réveil national 

 

Plovdiv : intérieur de la maison Klianti (XIX siècle) A noter la richesse la décoration


Plovdiv Maison Klianti


"Et à proximité de l’amphithéâtre, l’intime magnificence des demeures bulgares, contemporaines du Réveil national  bâtie aux temps tardifs du joug ottoman, lorsque les dominés devenaient à mesure plus riches et plus savants que leurs dominateurs."

Les demeures bulgares "du Réveil national" dont parle Wagenstein sont des maisons bâties au XIX siècle au moment où la fortune de marchands bulgares devient colossale et où renaît le sentiment national d'un pays dominé par l'Empire Ottoman depuis des siècles. Ivan Vazov dans Sous le Joug raconte la révolte de jeunes intellectuels idéalistes et la sanglante répression qui a suivi.

 

Maison du riche marchand  Stepan Hindliyan construite entre 1835_1840

 

 lorsque les dominés devenaient à mesure plus riches et plus savants que leurs dominateurs."

 

maison Stepan Hindliyan: la recherche dans l'ameublement et les tentures


Maison Balabanov


Maison Balabanov : le raffinement jusque dans les plafonds 

Maison Gieorgiadi: le raffinement jusque dans les plafonds 

Plovdiv : vue de la maison Klianti : cette splendide demeure avec sa petite église privée

Plovdiv : vue de la maison Klianti : cette splendide demeure avec sa petite église privée


La forteresse thrace d'Eumolpias

 

"Et une construction cyclopéenne domine le tout, faite de blocs de pierre dont chacun pèse plusieurs tonnes, traîné là on ne sait ni quand ni comment, mais sans doute dès le néolithique, les ruines de la forteresse thrace d'Eumolpias, que  l’on qualifiait déjà d’antique à l’époque de la guerre pour la Belle Hélène !"

 Une ville aussi ancienne que la cité de Troie mais encore peuplée !

La ville de Plovdiv et ses collines vues depuis les ruines de la forteresse Thrace d’Eumolpias

 

Philippopolis, la ville de Philippe de Macédoine

 
"
 Mais le plus cher à mes yeux, ce sont les parenthèses ouvertes dans son histoire infinie qui réunissent à distance deux nobles personnages, Philippe de macédoine, père d’Alexandre le Grand, qui conquit la ville et lui donna son ancien nom de Philippopolis et Abraham le poivrot qui couronna les églises de la ville et des environs de coupoles en zinc dont aucune, aujourd’hui encore, ne laisse passer la pluie. " 

Après la conquête romaine la ville est nommée Trimontium sous le règne de l'empereur Trajan. Puis elle est appelée Plovdiv lors de la victoire des Russes sur les Ottomans en 1878.

 


 

 

mercredi 17 septembre 2025

Angel Wagenstein : Abraham Le Poivrot, loin de Tolède (1)

  

Angel Wagenstein est un cinéaste et écrivain bulgare.

Né dans une famille bulgare d'origine juive séfarade, Angel Wagenstein a passé son enfance en exil à Paris (France) où sa famille s’est réfugiée pour fuir la répression des autorités bulgares de l'époque à l’égard des membres des mouvements socialistes et communistes. Il retourne dans son pays à la faveur d'une amnistie et, encore lycéen, milite dans une organisation antifasciste alors interdite. Des actes de sabotage lui valent d'être interné dans un camp de travail dont il s'évade pour rejoindre les rangs des Partisans. Dénoncé, arrêté, torturé et condamné à mort en 1944, il ne doit son salut qu'à l'arrivée de l'Armée rouge

À la fin de la guerre, il suit des études cinématographiques à Moscou (Russie) et signe par la suite les scénarios d'une vingtaine de longs-métrages, récompensés par de nombreuses distinctions internationales, dont, en 1959, le Prix spécial du jury du Festival de Cannes pour Étoiles, qui met en scène les amours d'un militaire allemand avec une déportée juive bulgare. Il a aussi réalisé des documentaires et des films d'animation.

Dans les années 1990, Angel Wagenstein s’est lancé dans l’écriture de romans. "Le Pentateuque ou les Cinq livres d'Isaac" - qui évoque avec humour la destinée des juifs d’Europe centrale - est un succès immédiat. Plus qu’avec ses productions cinématographiques, Angel Wagenstein est devenu un écrivain reconnu dans l'ensemble de l'Europe. Ses livres ont été traduits dans de nombreuses langues européennes ainsi qu'en hébreu. Source : Wikipédia


Abraham Le Poivrot

Zlati Boyadzhiev : Plovdiv la vieille ville


Abraham le poivrot, loin de Tolède est, après Le Pentateuque ou les cinq livres d’Isaac, le deuxième volet de la trilogie d’Angel Wagenstein sur le destin des Juifs d’Europe.  Le troisième volet Adieu Shanghai clôt la trilogie.

Abraham le poivrot, loin de Tolède  : Albert Cohen, Bulgare exilé à Israël, iconologue,  rentre à Plovdiv, sa ville natale, le temps d’un colloque au monastère de Batchkovo, " le plus ancien monastère conservé dans ces régions, bâti voilà neuf cent ans." C’est un spécialiste de l’école byzantine d’iconographie et de ses ramifications tant slaves que caucasiennes. 
 
Pour qui lit ce livre, comme je l’ai fait, en visitant Plovdiv, le plaisir est décuplé de se retrouver  avec le personnage face aux images des saints « fixés pour l’éternité sur les murs de la vieille église » dans les montagne des Rhodopes

« Les montagnes alentour exécutent avec enthousiasme leur oratorio automnal en orange, mordoré et rouge, sobrement soutenue par les ténébreuses basses des pins. »

Ou dans les vieilles rue du quartier Orta Mezar
"Tout ceci se passait voilà bien longtemps, lorsque Plovdiv comptait plus de tavernes que d’habitants et que la clarinette de Manouche Aliev emplissait jusque tard dans la nuit le cour des hommes de pont, de tristesse et de  joie."

Albert Cohen rencontre une amie d’école, Araxi, son amour d’enfance, partie en exil à Paris il y a bien longtemps, avec sa mère, la belle Mme Marie Vartanian, et qu’il n’avait jamais revue depuis. L’on apprendra ce qu’elle est devenue au temps du communisme qui a précipité la fin du vieux quartier tel qu’il était alors. Il revoit aussi un vieux photographe, Costas Papadopoulos, gardien de la mémoire de l’ancien Plovdiv, dont les  photographies jouent un grand rôle dans la mémoire collective, et font renaître la vie d’un quartier cosmopolite autour de sa synagogue. Comme revit aussi le grand-père d’Albert, Abraham, maître ferblantier, surnommé le Poivrot. Le récit tourne autour de cet homme hors du commun qui invente des histoires rocambolesques dont il est le héros pour son petit-fils et qui, entre pastis et rakis, philosophe sur la vie avec ses amis. 

 

Tsanko Lavrenov : Plodiv ( détail)

Souvent, la mémoire s’incarne dans un défilé de photos prises par Papadopoulos, images figées qui prennent vie et et se raniment sous la plume de Wagenstein.

La voilà, la taverne sous la treille, en face des vieux bains turcs, le premier havre du Poivrot, mais aussi son préféré dans sa longue navigation parmi les lagunes inexplorées de l’archipel des tavernes de Plovdiv. Et les vendeurs ambulants de douceurs orientales, balsusuk, kadingübek, kadayif, sans oublier le mahallebi d’un blanc nacré qui embaume la rose, aussi frémissante que le sein d’une jeune parturiente! Les voilà, les sveltes Turques qui ont enfilé le salira et chaussé les socques, toutes de noir vêtues, le visage couvert du Tasman immaculé qui ne laisse voir que deux yeux malicieux, pleins de vie. Et voilà aussi, les selliers, les étameurs, et la ferrailleurs, près du pont de bois, les marchands d’abricots secs, de pistaches, et d’amandes caramélisées.

Boyadzhiev : Le marchand de vinaigre Plovidv 

 

Ainsi nous apparaît le quartier, avec le pittoresque de ses populations mêlées, avec ses commerces débordants de denrées orientales, et le peuple si divers, si bariolé, le grand père avec ses amitiés, ses disputes et ses réconciliations, toute une vie chaleureuse et dense évoquée dans un style prolixe, vivant, plein de sève. 

 

Zlati Boyadzhiev le pope


Zlatti Boyadzhiev le pope(détail)
  

Une comparaison s’établit entre le Plovdiv d’aujourd’hui «  impersonnel et froid » et celui d’hier où toutes les  religions et les nationalités vivent ensemble dans une sorte syncrétisme bon enfant qui préside à l’éducation du petit Albert. Il y a des scènes hilarantes où le garnement est pris entre le pope qui lui assène « une claque pédagogique », le Hodja et le Rabin qui font de même ! A côté de ces trois figures religieuses, il y a, bien sûr, le maître d’école dont le rôle auprès des enfants n’est pas moins important. 

L’humour de l’auteur va souvent de pair avec la nostalgie quand il évoque un monde disparu qui n’est plus peuplé, pour lui, que par des ombres. Abraham Le Poivrot est une réflexion sur le souvenir et la mémoire qui déforme les faits si bien que l’on ne sait plus si la réalité que l’on recrée correspond à la vérité. Mais remarque l’auteur : « nos représentations et nos souvenirs déformés ne constituent-ils pas une réalité, mais une réalité autre, parallèle et imaginaire. » 

Humour aussi dans le sous-titre, loin de Tolède :  l'écrivain  donne quelques "précisions historiques" sur les origines de sa grand-mère, dont les ancêtres, les Mazal, ont été chassés d'Espagne au temps de Ferdinand et Isabelle, les Catholiques,  et du sinistre dominicain Thomas de Torquemada. Comparant sa grand-mère à "un arbre pourvu de racines profondément enfouies ", l'écrivain explique comment celle-ci, "comme toutes les grands-mères juives dans les Balkans" utilise un langage assez étrange et savoureux, hérité du ladino (latin populaire), du Spanol  et qu'elle-même nomme judesmo (juif). Aussi quand la grand-mère fait une scène à son mari,  poivrot et infidèle, ce n'est pas triste :

"Au nom de la vérité, il nous faut reconnaître notre incapacité à restituer, dans toute leur authenticité, les mots qui suivirent. Car le dialecte qu'utilisait la senore Mazal à l'occasion de semblables échanges interethniques s'avérait un indescriptible mélange de mots slaves aux terminaisons espagnoles, et inversement, d'archaïsmes en hébreu ponctués de jurons turcs, le tout dans une confusion obstinée des genres masculin et féminin, ce plat linguistique étant par ailleurs généreusement arrosé d'une sauce ladino." 
 

Un beau livre qui est à la fois plein d’humour, de vie et de chaleur humaine.
 

 


 


Angel Wagenstein : Abraham Le poivrot, loin de Tolède :  Plovdiv (2)

lundi 15 septembre 2025

Jules Verne : Kereban le têtu

 

 

Avec Kereban le Têtu, Jules Verne concocte pour ses lecteurs un roman comique où les portraits de personnages tirant vers la caricature, les situations absurdes, l’avalanche d’aventures en tout genre s’accumulent pour former un récit pour le moins original, étonnant, amusant. Le contraste entre le têtu Kereban « Quand j’ai dit non, c’est non ! » et le trop conciliant et molasson Van Mitten, son ami, est l’une des constantes et l’un des ressorts comiques du roman. Et que dire du pauvre Bruno, le serviteur, si fier de son embonpoint acquis au service de son maître et qui voit avec consternation son ventre maigrir au cours de ce voyage fou, fou, fou !
Mais, bien sûr, sinon cela ne serait pas Jules Verne, il s’agit d’un roman instructif aussi ! Jules Verne, fidèle à ses habitudes, nous fait visiter les pays traversés et l’Histoire de toutes ses régions riches de leur passé glorieux et qui se rappellent à notre présent, notamment quand on traverse la Crimée, russe depuis la Tsarine Catherine II.

Jugez plutôt du point de départ : Kereban le Turc, richissime négociant en tabac, rencontre à Constantinople son ami, Hollandais, Van Mitten, qui exerce le même métier que lui mais est venu se réfugier en Turquie pour fuir son épouse et ses déboires matrimoniaux. Il paraît que Jules Verne, dans ce roman, règle ses comptes avec sa femme ! 

- …Vous savez, les affaires!… les affaires!… Je n'ai jamais trouvé cinq minutes pour me marier !
- Une minute suffit! répondit gravement Van Mitten, et souvent même … une minute, c'est trop!


Kereban invite son ami toujours suivi de son fidèle serviteur Bruno à venir manger chez lui, dans sa belle propriété à Scutari (l’actuel Üsküdar) sur la rive asiatique du Bosphore, juste en face de Constantinople. Pour cela, il faut traverser le détroit en caïque, ce qui n’est l’affaire que de peu de temps.

 

En l'absence de pont la traversée vers Scutari (Uskudar) se faisait en bateau

Mais voilà que les autorités de Constantinople déclarent que désormais il faudra acquitter un droit de péage pour la traversée. Bien qu’il s’agisse d’une somme dérisoire pour un homme aussi riche que lui, Keraban s’indigne, refuse de payer; il s’entête, Il y va de son honneur ! Il ne paiera pas ! Et pour arriver chez lui, le voilà qui entreprend un voyage autrement coûteux et autrement long (2800 kilomètres), faire le tour de la mer noire avec ses amis. Il lui faudra traverser la Bulgarie, la Roumanie, l’Ukraine, la Russie, la Géorgie et revenir en Turquie sur la rive asiatique.



De plus, allergique au progrès, Kereban refuse d’emprunter des moyens de locomotion moderne comme le train et de s’aventurer sur la mer en bateau car il craint le mal de mer. Et comme vous le savez maintenant, Kereban est têtu ! Bruno résume  la situation ainsi : 

« De toutes les têtes de Turc dans lesquelles on tape dans les foires, je ne crois pas qu’il puisse jamais s’en trouver une aussi dure que celle-là !  « 
- «  Ta comparaison, si elle n’est pas respectueuse, est très juste, Bruno, réplique Van Mitten. Aussi comme je me briserai le poing sur cette tête, je me dispenserai, à l’avenir, de frapper dessus ! »

 Ajoutez à cela qu’il faudra accomplir ce voyage en un temps record car Kereban doit impérativement arriver à Scutari pour le mariage de son neveu Ahmet avec la charmante Amasia, fille de son ami banquier d'Odessa. De plus, le mariage ne peut être reporté car ce serait renoncer à un héritage subordonné à une date précise. Rien n’est simple, tout se complique et ceci d’autant plus que le jeune homme se voit obligé par son oncle de partir avec lui et que, pendant son absence, la jeune fille et sa suivante vont être enlevées par d’affreux bandits qui veulent les vendre à un harem. 
Ah! l’Horreur ! Vous allez en vivre des aventures rocambolesques, vous enliser dans le delta du Danube, échapper à une meute de sangliers, risquer la prison à maintes reprises ou une collision avec un train ( et toujours à cause de l’entêtement de Kereban, le bien nommé) ! Vous allez sauver des jeunes filles en détresse dans une tempête, faire un quasi mariage forcé avec une Kurde, trois fois veuve, la noble Sardapoul ! Pauvre Van Mitten qui fuit son mariage pour tomber entre les pattes de cette matrone ! 
Mais bon à savoir, tout va bien se terminer avec encore moult quiproquos et moult entêtements de la part de notre héros !

Un curieux roman qui m’a bien amusée !


La Bulgarie

 


Comme j’ai lu ce livre non seulement dans le cadre du challenge de Jules Verne, de celui de la Carte d'Europe autour de la mer noire mais aussi de la Bulgarie, je me suis intéressée plus particulièrement à ce pays dans ce roman.
Le roman de Jules Verne  est écrit en 1883. Au début du voyage entrepris pas Kereban, l'écrivain écrit : « La Turquie d’Europe comprend actuellement trois divisions principales : la Roumélie (Thrace et Macédoine), l’Albanie, la Thessalie , plus une province Tributaire, la Bulgarie ».

La Bulgarie  après la victoire Russe contre  les  Ottomans en 1878  et le traité de San Stéfano devait devenir une grande principauté autonome mais la Grande Bretagne et l’Empire austro-Hongrois  s’y opposent  et le traité de San Stefano ne fut jamais appliqué.. 

«  La conséquence majeure, voulue par la diplomatie britannique, fut le traité de Berlin du 13 juillet 1878, qui eut pour but de contenir la Russie, et pour conséquence de réduire la Bulgarie de San Stefano à deux entités séparées : une « principauté de Bulgarie » vassale de l'Empire ottoman (entre le Danube et le Grand Balkan), et la « Roumélie orientale », province autonome de celui-ci (entre le Grand Balkan et le Rhodope). » « Ces deux petites principautés bulgares qui, malgré les réticences des puissances occidentales, parviennent à s'unir en 1885 en un royaume qui fait reconnaître son indépendance en 1908. Pour tenter de retrouver ses frontières de San Stefano, la Bulgarie s'allie à l'Allemagne durant les deux guerres mondiales. En 1946, elle est intégrée dans le « bloc de l'Est » qui se disloque en 1990. Elle est membre de l'Organisation mondiale du commerce depuis 1996, de l'OTAN depuis 2004, de l'Union européenne depuis 2007. (source Wikipédia)

Le soir du second jour les voyageurs atteignent Bourgas bâti sur le golfe du même nom en Roumélie  où ils dorment dans une auberge rudimentaire, puis  la route qui s’écarte du littoral, les ramène le soir à Aïdos jusqu’à Varna.

« Ils traversaient alors la province de Bulgarie, à l’extrémité sud de Dobroutchka, au pied des derniers contreforts des Balkans »
Jules Verne y décrit un passage difficile « dans des vallées marécageuses, tantôt  à travers de plantes aquatiques, d’un développement extraordinaire, dans lesquelles la chaise avait bien de la peine à ne pas glisser, troublant la retraite de milliers de pilets, de bécasses, de bécassines, remisés sur le sol de cette région accidentée. »

  



« On sait que les Balkans forment une chaîne importante. En courant entre la Roumélie et la Bulgarie vers la mer Noire, elle détache de son versant septentrional de nombreux contreforts, dont le mouvement se fait sentir jusqu’au Danube. »
 

Mais bien vite les voilà en Roumanie.


 

Chez Taloiduciné Dasola


Chez Cléanthe



samedi 13 septembre 2025

Odon Von Horvath : Un fils de notre temps


 

  

 Odön Von Horvath

Nationalité : Hongrie 
Né(e) à : Fiume, Autriche-Hongrie , le 09/12/1901
Mort(e) à : Paris , le 01/07/1938
Biographie : 

Né dans une famille noble et catholique, mais aux idées libérales, Ödön von Horváth avait du sang hongrois, croate, tchèque, allemand. Sa nationalité était linguistique : l'allemand, sa langue maternelle. 

Détenteur d'un passeport hongrois, Odön von Horvath se défend toute sa vie d'une appartenance à une nation :"Le concept de partie falsifié par la nationalisme, m’est étranger. Ma patrie, c’est le peuple."

En 1933 il ajoute :  « Notre pays, c’est l’esprit. » 

Fils d'un diplomate austro-hongrois, il grandit dans différentes villes : de Belgrad à Budapest en passant par Vienne, Presbourg et enfin Munich, où il décide de poursuivre des études de germanistique.

Il quitte la ville, sans diplôme, pour s'installer à Murnau et se consacrer entièrement à l'écriture. Près d'un an plus tard, il part pour Berlin où une maison d'édition lui offre un contrat qui lui permet de vivre de sa plume. En 1931, il obtient le prix Kleist pour sa pièce 'Légendes de la forêt viennoise'. Il rejoint Vienne qu'il quittera à son tour pour échapper aux représailles du national-socialisme

Horváth a su en particulier renouveler la tradition du théâtre populaire pour en développer une veine critique, qui n’a rien perdu de son actualité. Von Horváth se réfugie à Paris le 26 mai 1938 avec son amie Wera Liessem pour rencontrer Robert Siodmak et discuter de l'adaptation cinéma de « Jeunesse sans Dieu.» 

Le 1er juin, alors qu'il se promène sur les Champs-Élysées, une tempête déracine un marronnier et une des branches le tue devant le théâtre Marigny

Auteur de dix-sept pièces de théâtre et de trois romans, Odön von Horvath dénonce le fascisme dans ses dernières œuvres. (Wikipédia)

Un fils de notre temps

Comment peut-on adhérer à l’idéal nazi ? Comment un jeune homme né libre peut-il accepter de perdre sa liberté, d’adhérer à une discipline qui ressemble plutôt à un lavage de cerveau? Comment peut-il être amené à tuer ceux qui, hier, lui ressemblaient, comme lui, pauvres, chômeurs, sans avenir, désespérés ?

C’est avec une grande lucidité que, devant la montée du nazisme, Odon Von Horvath écrit  Un fils de notre temps, un livre qui "urge" qui urge"
Van Horvath y décrit la société allemande dont l'économie va très mal après la défaite et le traité de Versailles de 1918, et où le sentiment de la revanche à prendre sur l’humiliation ressentie ne cesse de grandir.

Le chômage touche une grande partie de la population, avec tous ses maux, la faim, la pénurie de logement, le manque de vêtements, le froid, la misère et par dessus tout la perte de l’estime de soi. A force de pointer à la soupe populaire, de vivre d’aumônes, de voler pour manger, le personnage qui parle à la première personne dans ce roman, ne veut plus. Il refuse de continuer ainsi :

«  Je suis un homme honnête, pourtant, et ce n’est que le désespoir de ma situation qui m’a fait bailler ainsi, comme un roseau sous le vent, six sombres années durant. Le chemin penchait toujours plus et mon coeur était toujours plus triste. Oui, j’étais devenu amer. »

Le voilà donc soldat et heureux : il n’a plus faim,  il a un uniforme neuf,  un capitaine qui lui tient lieu de père (le sien, il ne l’apprécie guère !) et surtout il  est est fier de lui-même, de sa vie où tout est réglée, où l’ordre règne, de ses capacités de tireur. Il est prêt  à remplir le rôle qu’on lui demande de tenir car « la patrie ne va bien que si elle se fait craindre c’est à dire quand elle possède une arme affûtée. Et cette arme, c’est nous.  ». 
« Mais un soldat n’est pas un assassin »
leur lance leur capitaine horrifié par les crimes commis par cette armée transformée à machine à tuer et qui ne respecte pas la  déontologie. Quand on est soldat, il faut bien apprendre à tuer ! Quand on est soldat, il faut perdre son bras… pour rien et être exclu comme un chien. Bien vite, le désenchantement s’installe. Et le soldat exhorte un enfant qui le regarde mourir : 

« Et quand tu sera grand, ce sera peut-être une autre époque, et tes enfants te diront : ce soldat n’était qu’un vulgaire assassin - alors, ne m’insulte pas aussi.
Comprends donc : il ne savait pas que faire d’autre, il était un fils de son temps. »


Ce court roman écrit dans un style dépouillé, tranchant, résonne comme un cri en 1940 face à la montée des violences et de l'idéologie nazie mais il est toujours aussi actuel et nous éclaire aussi sur nous-mêmes et sur notre époque, celle de toutes les intolérances, des génocides et des guerres d’expansion qui ravagent le monde.
 

mercredi 10 septembre 2025

Martine Carteron : Les autodafeurs


 

En arrivant en Lozère où je passe mes vacances d’été, je trouve sur ma table de chevet un livre  intitulé Les Autodafeurs de Martine Carteron. Comment est-il arrivé là ? C’est ce que je ne sais pas. Aucune de mes filles ni aucun de mes petits-enfants ne le reconnaît pour sien. Ce qui est sûr, c’est qu’un livre ne se carapate pas tout seul jusque dans ma chambre ! Les araignées, oui ( horreur !) mais les livres non ! Mais  il y a tant de copains invités que… un oubli est vite arrivé. En attendant de retrouver son propriétaire, ce sera le livre parfait pour le pavé de l’été. Trois tomes en un seul volume, 1050 pages.

Pour une fois j’aime le résumé de la quatrième de couverture, alors je le partage avec vous.
«Je m’appelle Auguste Mars, j’ai 14 ans et je suis un dangereux délinquant. Enfin, ça, c’est ce qu’ont l’air de penser la police, le juge pour mineur et la quasi-totalité des habitants de la ville. Évidemment, je suis totalement innocent des charges de «violences aggravées, vol, effraction et incendie criminel» qui pèsent contre moi mais pour le prouver, il faudrait que je révèle au monde l’existence de la Confrérie et du complot mené par les Autodafeurs et j’ai juré sur ma vie de garder le secret. Du coup, soit je trahis ma parole et je dévoile un secret vieux de vingt-cinq siècles (pas cool), soit je me tais et je passe pour un dangereux délinquant (pas cool non plus). Mais bon, pour que vous compreniez mieux comment j’en suis arrivé là, il faut que je reprenne depuis le début, c’est-à-dire, là où tout a commencé.» 


PS: Ce que mon frère a oublié de vous dire c’est qu’il n’en serait jamais arrivé là s’il m’avait écoutée; donc, en plus d’être un gardien, c’est aussi un idiot. "Césarine Mars

Il s’agit d’un livre pour la jeunesse à partir de 12 ans, paru en 2014, que l’auteure a écrit pour son fils et qui a obtenu le prix Les Mordus du Polar 2015.
Tome 1 : Mon frère est un gardien
Tome 2 : Ma soeur est une artiste de guerre
Tome 3 : Nous sommes tous des propagateurs.

Polar ? Je ne sais pas ? Mais pourquoi pas ? Pour moi il s’agit plutôt d’un livre d’aventures, d'Histoire, de science-fiction, que vont vivre Auguste Mars (14 ans), un garçon versé en arts martiaux (il en aura besoin!),  superficiel, accro à la mode, un peu snob,  (il va lui falloir mûrir !) et sa petite soeur Césarine, (7 ans) autiste, un génie qui éprouve quelques difficultés à comprendre la métaphore et les sentiments et qui prend tout au pied de la lettre, ce qui crée des situation pleines d’humour. Voilà pour les deux personnages principaux. 

Autour d’eux gravitent le père qui fait une apparition rapide puisqu’il est tué dès le premier chapitre dans un accident de la route criminel. On apprend qu’il compte sur ses enfants pour protéger le Livre. La mère, professeur d’histoire-géo, férue d’histoire romaine d’où les prénoms de ses enfants ! Elle se révèlera beaucoup moins sans défense que prévu. Et de même les grands-parents. C’est chez eux, en province, que les enfants et la mère vont se réfugier après la mort de leur père, dans une ancienne Commanderie qui est dans la famille depuis des siècles. Ajoutons- y, Marc, le prof de français « le plus cool de la terre », qui plait beaucoup à Auguste dans son nouveau collège, et qui se révèle être, à sa grande surprise, son parrain. Et puis un copain, Néné, un peu marginal, le seul avec qui il parvient à nouer des relations amicales. Enfin Bart, qui s’oppose à ses grosses brutes de frère et à son père, membres actifs des autodafeurs, et qui rejoint  la Confrérie.

La Confrérie lutte depuis des millénaires contre les autodafeurs, ennemis de la culture, destructeurs de livres. Ils ont bien compris que pour prendre le pouvoir et soumettre le peuple à la dictature, c’est au savoir et donc aux livres qu’il faut s’attaquer. C’est un combat toujours renouvelé que mènent tous les gouvernements autocrates, et si les livres, de nos jours, ne sont plus brûlés sur les places dans des autodafés publics, ils peuvent être détruits avec des moyens modernes encore plus performants. Le roman fait allusion, bien sûr, à Fahrenheit 451 de Ray Bradbury.


Un livre pour la jeunesse qui montre l’importance des livres, voilà qui ne pouvait que me plaire !
Pourtant, j’ai trouvé que c’était parfois très violent. On y risque sa vie et on y meurt pour de bon et pas seulement les « méchants » ! Les « gentils » aussi peuvent devenir violents car la guerre n’est jamais positive et corrompt tous ceux qui y participent. Marc y perd son innocence et son âme d’enfant. Mais l’imagination de l’auteur est sans limite, les aventures se succèdent et entraînent loin dans le temps, avec des retours dans le passé et dans l’espace quand les membres de la Confrérie seront obligés de se cacher et de se réfugier dans les sous-sols d’une île. Bref ! La lecture est addictive et on lit le livre en un temps record, sans pouvoir s’arrêter !



 

Ta loi du ciné chez Dasola


Chez Sybilline La petite liste

Chez Moka