Dans ses carnets, tome II  (janvier 1942- mars 1951)  paru aux éditions Gallimard, Albert Camus écrit sur René Char. Le  philosophe et le poète se sont connus à la Libération, tous deux réunis  par leur amour de la terre du Vaucluse. Une longue correspondance et de  fréquentes rencontres ont nourri leur amitié.
L'Isle-sur-Sorgue.  Grande chambre ouverte sur l'automne. Automnale elle-même avec ses  meubles aux arborescences contournées et les feuilles de platane qui  glissent dans la chambre, poussées par le vent sous les fenêtres aux  rideaux couverts de fougères brodées. 
 Lorsque  RC quitte le maquis en mai 1944 pour rejoindre l'Afrique du Nord, un  avion quitte les Basses-Alpes,  survole la Durance dans la nuit. Et il  aperçoit alors tout le long des montagnes les feux allumés par ses  hommes pour le saluer une dernière fois.
A  Calvi, il se couche (irruption des rêves). Le matin il se réveille et  voit une terrasse jonchée de grands mégots de cigarettes américaines. Au  bout de quatre ans de luttes et de dents serrées, les larmes  jaillissent, et il pleure, une heure durant, devant les mégots.
RC  dans le train d'occupation, le jour se lève. Les Allemands. Une femme  laisse tomber une pièce d'or. C. la couvre du pied et la lui rend. La  femme : merci. Elle offre une cigarette. Il accepte. Elle en offre aux  Allemands. RC : "toute réflexion  faite, madame, je vous rends votre  cigarette." Un  Allemand le regarde. Tunnel. Une main serre la sienne.  "Je suis polonais.". Au sortir du tunnel, C. regarde l'Allemand. Il a  les yeux pleins de larmes. A la gare, l'Allemand, en sortant, se tourne  vers lui et cligne de l'oeil. C. répond et sourit. "Salauds", leur dit  un français qui a surpris la scène. (..)
Un ami de C.  : nous mourons à  quarante ans d'une balle que nous nous sommes tirée dans le coeur à vingt. 
Char calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur. 
 
 
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