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lundi 12 février 2018

Nathan Hill : Les fantômes du vieux pays



Scandale aux États-Unis : le gouverneur Packer, candidat à la présidentielle, a été agressé en public. Son assaillante est une femme d'âge mûr : Faye Andresen-Anderson. Les médias s’emparent de son histoire et la surnomment Calamity Packer. Seul Samuel Anderson, professeur d’anglais à l’Université de Chicago, passe à côté du fait divers, tout occupé qu’il est à jouer en ligne au Monde d'Elfscape. Pourtant, Calamity Packer n’est autre que sa mère, qui l’a abandonné à l’âge de onze ans. Et voilà que l’éditeur de Samuel, qui lui avait versé une avance rondelette pour un roman qu’il n’a jamais écrit, menace de le poursuivre en justice. (quatrième de couverture)


Voici le premier roman de Nathan Hill, Les fantômes du vieux pays ! Un pavé de 700 pages, une fresque de vie aux Etats-Unis qui couvre plusieurs décennies jusqu’à notre époque, les différentes strates du passé se chevauchant. Ajoutez à cela un voyage en Norvège dans le présent et le passé, un nombre de personnages assez impressionnants dont le narrateur nous fait découvrir tour à tour le point de vue… Vous comprenez pourquoi les critiques parlent de roman ambitieux et de jeune prodige à propos de son auteur.

Cet enchevêtrement de faits, d’Histoire avec un grand H, la guerre du Vietnam, les révoltes féministes, Mai 68 et les émeutes de Chicago, le 11 septembre, tous ces faits historiques entremêlés à la petite histoire des vies médiocres marquées par la peur de l'échec, par le sentiment d’abandon, est assez ahurissant et vous laisse pantelant.  Un chaos que  l’écrivain parvient pourtant à mettre en ordre car il y a du génie dans ce roman même si parfois il y a aussi quelques faiblesses.

En tout cas, je l’ai lu avec beaucoup de plaisir, rapidement, et de temps en temps en me tordant de rire ! Mais le rire, il faut bien le dire a toujours un arrière-goût amer et ironique car il dénonce les travers de notre société ou les blessures secrètes des personnages. Ainsi l’on rit des déboires de Samuel, le personnage principal du roman, écrivain raté, professeur d’un petite université, de ses démêlés avec Laura, son étudiante, on rit de ses pleurs incessants et incontrôlables, mais l’on est en empathie avec lui, avec son enfance traumatisée par le départ de sa mère, et par son amour perdu, Bethany.  Et que dire de  son ami Pawnage si addict aux jeux vidéos qu’il ne vit plus dans la vie réelle et manque en mourir. Il y a là, à la fois, la critique d’une société qui finit par vivre par procuration sur écran interposé, mais aussi toute la tragédie de la solitude et de l’échec.
La satire de la société américaine actuelle est donc bien menée avec ses jeux de pouvoir entre républicains et démocrates, avec ces politiciens véreux, ces hommes de « culture » comme Periwinkle, l’éditeur de Samuel, qui ne pensent plus littérature mais argent et  rentabilité. Nathan Hill n’est pas plus tendre avec la société des années soixante. La condition féminine y est décrite dans toute son horreur et c’est la mère de Samuel, alors lycéenne et étudiante qui en est marquée à jamais. Les hommes politiques n’hésitent pas à mener un jeu trouble en attisant la contestation et en ordonnant de tirer sur les étudiants. La lutte contre le racisme et la ségrégation se solde par l’assassinat de Martin Luther King.

Un roman qui a donc de grandes qualités même si parfois le récit présente des longueurs ou un trop plein ! C’est le défaut propre à un premier roman : on sent que l’écrivain veut tout dire là où il pourrait parfois suggérer ou élaguer ! D’autre part, j’ai trouvé la fin un peu trop consensuelle : les réconciliations de Faye avec son père, de Samuel avec sa mère, avec Bethany. Bien sûr, Samuel a grandi car il s’agit aussi d’un roman d’initiation mais cette « morale » qui dit que l’on doit s’efforcer de comprendre les autres, m’a paru  plutôt démonstrative.
Mais pour ne pas rester sur cette note négative, je veux terminer en soulignant la maîtrise de Nathan Hill dans l’écriture de sa comédie humaine. Le roman est agréable à lire, on s’attache aux personnages, on apprécie l’humour corrosif,  et l’on découvre ou l’on revit, pour les plus âgés, les évènements des cinquante dernières années des Etats-Unis qui sont aussi un peu notre histoire..

jeudi 8 février 2018

Kazuo Ishiguro : Le géant enfoui




De Kazuo Ishiguro, prix Nobel de littérature, j’avais beaucoup aimé Vestiges du Jour et Quand nous étions orphelins. Avec Le géant enfoui, l’écrivain nous emmène dans un tout autre univers, surprenant, mystérieux, envoûtant mais aussi inquiétant.
Nous sommes en Angleterre dans les temps reculés. Les saxons et les bretons vivent sur cette terre dans une entente relative. Le roi Arthur est mort mais erre encore dans les montagnes, à la recherche d’une dragonne, un de ses très vieux chevaliers, sire Gauvain. Noyée dans la brume, cette terre abrite des habitants qui semblent perdre la mémoire; leurs souvenirs s’effacent peu  à peu.
C’est alors que le vieux couple Axl et Beatrice, unis par un amour fidèle, décident de partir dans une île lointaine à la recherche de leur fils qu’ils n’ont pas vu depuis longtemps. On les suit dans cette aventure.

On le voit, le livre peut être lu au premier degré comme un roman de fantasy et d’aventures. Axl et Beatrice vont affronter toutes sortes de dangers, mauvaises rencontres avec des humains, des animaux ou des êtres surnaturels. Qui est ce guerrier qui accepte de les protéger quand le couple se charge d’un enfant banni par son village après avoir été mordu par une bête monstrueuse? Et ces moines qui se laissent dévorer vivants par des oiseaux de proie? Qui est cet étrange batelier qui amène les voyageurs sur l’autre rive mais sépare les couples qui ne s’aiment pas d’un amour véritable?

IL y a bien sûr, un souffle magique dans ce récit d’aventures, mais ceux qui voudront le lire seulement comme un roman fantasy seront peut-être déçus car le rythme est lent et l'intérêt est ailleurs. Dans cette réflexion philosophique sur le rôle de la mémoire. Par l’intermédiaire de cette brume qui efface le passé, le roman parle de l’absence au monde. Les personnages vivent là dans un monde évanescent, qu'ils ne dominent pas, dont ils n'appréhendent qu'une infime partie, sans bien savoir où ils se situent ni ce qu’ils sont. N’est-ce pas ce que nous sommes tous ? La mémoire nous apporte-t-elle le bonheur ? N’est-elle pas au contraire source de chagrin, ne ravive-telle pas la haine et les désirs de vengeance entre les peuples et chez les individus? En permettant un retour dans le passé, le souvenir révèle les failles, les accidents de parcours dans la vie d’un vieux couple car l’amour n’est jamais paisible.

Avec Le Géant enfoui, nous sommes dans un monde qui finit, celui des légendes et des chevaliers de la table ronde (très beau personnage de sire Gauvain ) et celui de Axl et Beatrice. Car le livre est aussi une métaphore de la mort avec son corollaire la vie et l’amour. Le chemin parcouru péniblement par le vieux couple, en particulier par Beatrice, malade, est sans doute le dernier chemin; le batelier ne serait-il pas alors l’incarnation de Charon, le nocher des Enfers ? Mais c’est aussi une belle histoire d’amour car malgré les vicissitudes de la vie, le sentiment qui unit Axl et Beatrice est grand, touchant et indestructible.

Un très beau livre ! Si le pays est estompé par la brume, le roman baigne le lecteur dans une douceur triste, un climat mélancolique engendré par un délitement progressif, un effacement des êtres et des choses. Une lecture qui soulève beaucoup d’émotion et de questions.


Kazuo Ishiguro, né le 8 novembre 1954 à Nagasaki, est un écrivain, romancier et scénariste britannique d'origine japonaise. 
Il a obtenu le pric Noble de littérature le 5 octobre 2017.

mercredi 7 février 2018

Promenade au Palais des papes d'Avignon


Le palais des Papes est le plus grand palais gothique du Moyen-âge. Pendant tout le XIV siècle il a été la résidence des papes.
Il y eut six conclaves dans le palais : Benoît XII, en 1335 ; Clément VI, en 1342 ; Innocent VI, en 1352 ; Urbain V, en 1362 ; Grégoire XI en 1370, et Benoît XIII en 1394.
Palais des papes
La tour de Campane du vieux Palais et la tour de la basilique des Doms

Le petit Palais cardinalice

L'hôtel des Monnaies

Le palais des Papes est la réunion de deux édifices imbriqués l'un dans l'autre  : le vieux palais que Benoit XII fit construire sur le rocher des Doms, à la place du palais épiscopal où avait vécu le pape Jean XXII et le Palais neuf de Clément VI caractéristique du gothique international.
Si le palais de Benoît XII a tout d'une forteresse, riche mais austère, en conformité avec la vocation religieuse du pape, celui de Clément VI devient le centre d'une cour brillante où le souverain pontife qui attirait à lui intellectuels et artistes, menait une vie fastueuse annonçant les cours princières de la Renaissance.



La porte Champeaux

Les tours surplombant la porte Champeaux

La cour d'Honneur avec le puits au centre

La première cour est celle du palais neuf. C'est la Cour d'Honneur du festival de théâtre d'Avignon. Au milieu le puits et une cavité, là où est montée la scène.


Festival d'Avignon La cour d'Honneur

Le cloître Benoît XII

Le cloître Benoît XII vu de la galerie haute
Maintenant la visite du palais se fait avec l'histopad qui permet de voir sur écran la reconstitution des salles telles qu'elles étaient au Moyen-âge.



Le week end du 3 Février nous avons donc amené, mon mari et moi, notre petite fille au palais des Papes d'Avignon. Si elle s'est souvent promenée sur la place du Palais encadrée par le palais des Papes, la cathédrale des Doms, le petit palais cardinalice et l'hôtel des monnaies, elle n'avait jamais vu l'intérieur.



Et ce qui était génial, c'est que l'histopad offrait une chasse au trésor : le grand père et la petite fille se sont régalés.


Le consistoire

Le consistoire, au rez de chaussée, est une immense salle attenante à la salle de Jésus qui s'ouvre sur le cloître Benoit XII.

Le consistoire

La salle de Jésus où se trouvait aussi la grande trésorerie  servait de vestibule aux cardinaux qui attendaient le pape pour se rendre au consistoire. C'est dans cette salle que le pape recevait les hauts dignitaires de l'église, les souverains, les ambassadeurs qui avaient demandé audience. C'est là qu'il accueillit la Reine Jeanne à qui il acheta la ville d'Avignon.
La chambre du camérier, le plus haut prélat après le pape, est toute proche.

De là, on peut parvenir à la tour des Chapelles qui abrite la chapelle Saint Jean et la chapelle Saint Martial décorées de fresques récemment restaurées, chefs d'oeuvre du moyen-âge du peintre italien Matteo Giovanetti.

La chapelle Saint Martial 

Fresques de la chapelle Saint Martial Matteo Giovanetti

Fresques de la chapelle Saint Martial Matteo Giovanetti (XIV siècle)

Fresques de la chapelle Saint Martial Matteo Giovanetti

Fresques de la chapelle Saint Martial Matteo Giovanetti

 Le Grand Tinel


Le grand Tinel ou la salle des festins


A l'étage, juste au-dessus du consistoire, le grand tinel dans le Vieux Palais est une immense salle de 48 m couronnée d'une voûte romane. On y servait de grands repas lors des fêtes religieuses et des promotions de cardinaux. Le pape se retirait ensuite dans la salle des parements pour y déguster les desserts : dragées, fruits confits...  C'est dans cette salle que les cardinaux qui allaient être promus revêtaient le parement, symbole de leur dignité : l'anneau et le chapeau.

La salle des parements

Salle des parements

Salle des parements

La Cuisine

L'immense cheminée des cuisines



 La chambre du pape et son cabinet d'étude

La chambre du pape

Nous sommes passés du vieux palais au palais neuf  dans la chambre du pape Clément VI. Cette dernière et son cabinet de travail sont ornés de fresques (1344) attribuées au peintre Matteo Giovanetti, comme celles de la chapelle Saint Martial et Saint Jean. Les autres peintures du tinel et du consistoire ont disparu. Il est interdit de les photographier mais elles sont d'une grande beauté, aussi voici quelques images prises sur les sites de voyage.

La chambre du pape Clément VI

Fresque de la chambre du pape (détail)
De la chambre du pape on accède à son studium orné de fresques évoquant la pêche ou la chasse, d'où son nom de chambre du Cerf.


Fresque de la chambre du cerf

Fresque de la chambre du cerf

La sacristie et la grande chapelle


La sacristie  (reproduction de gisants)

Le portement de croix dans la sacristie (moulage du retable de Francesco Laurana)

La grande chapelle clémentine, gothique, dans le Palais Neuf

La grande chapelle gothique dans le Palais Neuf

La grande chapelle gothique dans le Palais Neuf
 
Dans la loggia, la fenêtre de l'Indulgence,  d'où le pape lançait des aumônes (détail)




La grande chapelle

Une exposition de photographies du début du XX siècle

La grande chapelle : exposition
Après la révolution le palais devint une caserne et servit aussi de prison. Il était alors passablement délabré et l'occupation par des régiments n'améliora pas son état, fenêtres et statues brisées, tourelles de la façade rasées, ouvertures percées, dégradation des murs, détritus. Les troupes quittèrent le palais en 1906. Commencèrent alors des travaux de restauration qui n'ont jamais cessé depuis !

Etat du palais au début du XXème siècle

Déménagement du palais (1906)

Et pour finir, une photo amusante :  celle de l'éléphant de Miquel Barcelo lors de l'exposition des oeuvres de l'artiste au grand palais : Terramare(2010)













lundi 5 février 2018

Bilan du Mois de Janvier 2018

Je lis donc je suis : jeu littéraire de Janvier

Je me suis promis de faire un bilan mensuel de mes lectures au cours de cette année 2018! Et voilà que je suis en train de flancher dès le mois de Janvier ! Donc, je me secoue !

Mes deux coups de coeur du mois de Janvier : Poésie et roman


Poésie/ Art                                                          Roman
  ICI                                                         Billet ICI/ Citation 1 / Citation 2

Romans / Théâtre

Ibsen un ennemi du peuple
Ici
 
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Les romans policiers

j'ai commencé par En sacrifice à Moloch, mon préféré, qui est le cinquième de la série Rebecka Martisson. Lu ensuite le premier Horreur boréale et le second Le sang versé. Je continuerai la série au mois de Février.

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J'ai aimé aussi :

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et moins aimé :


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Les romans pour enfants

Mon préféré est Chatangram, un livre-jeu à partir du tangram, puzzle chinois de sept pièces.


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J'ai lu aussi au mois de Janvier :

mais je n'ai pas eu le temps de faire les billets :

Kazuo Ishiguro : Le géant enfoui

Nathan Hill : Les fantômes du Vieux pays

et début février :

Audur Ava Olafsdottir : Le rouge vif de la rhubarbe

Je suis en train de lire : Le prodige de Roy Jacobsen dont j'avais beaucoup aimé Les Invisibles

Voyage fin décembre-début Janvier : En Touraine

Visite du château de Chenonceau