Pages

dimanche 23 octobre 2011

Un livre, un Jeu : Réponse à l'énigme n°7 Shakespeare : La Mégère apprivoisée

La Mègère de Zefirelli :  de somptueux costumes...


 Les gagnants aujourd'hui sont : Aifelle,  Eeguab, Keisha, Maggie, Thérère, Jeneen, Lire au jardin...
La pièce est  La mégère apprivoisée de Shakespeare
Le film,  La mégère apprivoisée de Zefirelli que vous irez voir chez WENS ICI


La Mégère apprivoisée est une des trois premières comédies  de Shakespeare. Elle a été écrite en 1594.

L'intrigue de La Mégère apprivoisée


Un riche gentilhomme de Padoue, Baptista, a deux filles à marier. L'aînée Catarina est une insupportable mégère qui mène la vie dure à la maisonnée et que personne ne veut épouser.  Bianca, la cadette, parée de toutes les grâces, a plusieurs prétendants, Gremio, Hortensio et surtout le beau Luciento qu'elle aime de retour, fils d'un vieux gentilhomme de Pise.
 Baptista déclare qu'il ne donnera sa fille Bianca que lorsque l'aînée sera mariée. Désespoir parmi les amoureux  de Bianca qui imaginent plusieurs stratagèmes pour approcher l'élue de leur coeur. Luciento et Hortensio vont se faire engager comme maîtres auprès de Bianca. Mais surtout, il leur faut trouver un mari pour Catarina. Quel bonheur lorsque Petruchio, jeune gentilhomme récemment arrivé de de Vérone, complètement désargenté, accepte d'épouser la jeune fille confortablement dotée et se charge de la mater!  Bien entendu, il y parviendra et même au-delà de ses espérances puisque un amour réciproque naîtra entre eux.

Une pièce controversée
Bon, disons-le tout de suite, pour un spectateur, devrais-je dire une spectratrice, du XXI ème siècle, la pièce peut faire grincer des dents! La conception de la femme qui doit obéissance à son mari et que l'on peut maltraiter a de quoi choquer.  Il faut savoir pourtant que ce thème de la femme acariâtre battue est courant depuis l'antiquité et au Moyen-âge.

Epagneul, femme, Noyer
Plus vous les fouettez mieux ils se comportent*

Il fait partie de la misogynie traditionnelle que le théâtre, la farce en particulier, n'a  cessé d'exploiter au cours de siècles, héritière de ses penseurs de l'Eglise, comme Saint Augustin, qui se demandait si la femme avait une âme. Molière s'y exerce lui aussi dans Le Médecin malgré lui mais l'on verra que Martine, la femme battue, aura sa petite revanche. Le mariage conçu donc selon l'expression d'Hortensio comme un champ de bataille.


Une pièce inégale
Shakespeare tire le sujet de I Suppositi d'Arioste. La pièce commence par un prologue : un ivrogne endormi, Sly, est recueilli par un lord qui lui fait croire pour le mystifier qu'il n'est pas un pauvre hère mais un riche gentilhomme, tombé dans la démence, qui a oublié son passé. Le seigneur accueille une troupe de comédiens qui va jouer devant Sly et la noble assistance la pièce de La Mégère apprivoisée. Le théâtre dans le théâtre, la théâtre qui reflète la vie, c'est un thème récurrent chez Shakespeare. Mais ici, que se passe-t-il? On s'attend à ce que Sly intervienne, commente le spectacle. Mais en fait, il disparaît pendant toute la pièce pour ne plus réapparaître même  au dénouement. Il semble que le dramaturge ait oublié son propos?  Une partie de l'intrigue a-t-elle disparu? Est-ce un signe de négligence? En fait, il y a tellement de disparités dans le style et le ton, de bons passages mais aussi des faiblesses et des erreurs, que certains critiques pensent que la pièce n'a pas été entièrement écrite de la même main. Mais comme l'on ne peut avoir aucune certitude, autant dire que La Mégère apprivoisée n'est pas la meilleure pièce de Shakespeare et qu'un écrivain ne peut réussir des chefs d'oeuvre à tous les coups!



Richard Burton : Petruchio

Entre farce et subtilité
Malgré cela, la pièce plaît et elle est toujours interprétée, même de nos jours. Comment peut-on l'expliquer? Il faut bien pour cela que la pièce soit assez riche pour recevoir des éclairages plus subtils que la lecture au premier degré ne le permet.
Certes la pièce exploite le comique de gags parfois gros, les querelles, les cris, les démonstrations de force, les séances de "dressage" mais le metteur en scène peut selon la finesse de son analyse et la subtilité de  l'interprétation  souligner des aspects particulier de la pièce :
Il peut très bien, en effet, mettre en valeur la férocité du traitement infligé à Catarina et insister non sur le rire mais sur la cruauté du sort de la femme qui doit non seulement abdiquer, sous la contrainte, les humiliations, les privations, sa volonté et ses désirs mais aussi aliéner son bon sens et sa raison, une occasion de dénoncer le statut de la femme dans la société, celle du  XVI ° mais pas seulement!

Acte IV scène 5 Petruchio a promis à Catarina de l'amener chez son père. Ils font route sous le soleil vers Padoue.
Petruchio
Je dis que c'est la lune qui brille d'un si bel éclat
Catarina
Je sais que c'est le soleil qui brille de ce si vif éclat
Petruchio
Ah! par le fils de ma mère, qui n'est autre que moi, ce sera la lune, une étoile, tout ce que je voudrai que cela soit, avant que je continue ma route pour aller chez ton père...  Il la menace de rebrousser chemin (....)
Petruchio
je sais que c'est la lune
Catarina
Je sais que c'est la lune

Il peut aussi montrer combien Pétruchio et Catarina sont faits l'un pour l'autre, tout comme Beatrice et Benedict de Beaucoup de bruit pour rien qui se font aussi "une guerre amoureuse" (mais beaucoup plus subtile et raffinée) et pourquoi l'amour est possible entre eux.
Catarina n'est pas une mégère pour le seul plaisir de l'être mais une femme de caractère qui refuse d'être un objet. Si elle ne s'entend pas avec sa soeur, c'est pour des raisons qui font honneur à son intelligence. Elle refuse la coquetterie et l'hypocrisie de Bianca qui consiste à donner l'image de la jeune fille docile que l'on attend d'elle et qui ne correspond pas à la réalité. Elle lui en veut aussi parce qu'elle souffre de ne pas être appréciée par son père dont la préférence pour la cadette s'affiche nettement, ce qui entraîne sa jalousie. On peut donc penser que la méchanceté de Catarina s'explique parce qu'elle trop fière pour accepter d'être traitée comme une marchandise mais aussi parce qu'elle est mal aimée .
 acte II scène 1
Catarina
Quoi prendrez vous toujours son parti contre moi? Oui, oui, je le vois bien, elle est votre trésor; à elle, il lui faut un mari, ; et moi, pour le prix de l'amour que vous lui prodiguez, je danserai pieds nus le jour de ses noces et j'irai garder les singe en enfer... Ne me parlez pas. Je me retire pour pleurer jusqu'à ce que sonne l'heure de ma vengeance.


Et la manière dont tous la considèrent, le manque de respect envers une femme quand elle ne se plie pas aux conventions de la société,  peut expliquer sa révolte, sa rancoeur et sa colère, bref! son mauvais caractère.
Acte I scène 1
Baptista
Si l'un de vous aime Catarina, comme je vous connais bien et vous tiens en amitié, il a ma permission de lui conter fleurette.
Gremio
Fleurette! C'est la charette aux putes qu'il lui faut : cette fille est pour moi trop rude.
Catarina
Je vous en prie mon père, avez-vous résolu de me laisser railler et traiter de catin par ces épouseurs?

 Sous l'apparence rude qu'elle affecte se cache un coeur sensible, une femme qui ne demande qu'à aimer et être aimée.
Petruchio, lui,  peut apparaître comme  un coureur de dot, ce qu'il est assurément mais à une époque où cela n'avait rien de choquant. C'était la base du mariage. Mais il est réellement séduit par Catarina. C'est par dérision qu'il affirme dans la scène I de l'acte II

Si elle est revêche, c'est par politique : car loin d'être opiniâtre, elle est douce comme la colombe; loin de jeter  feu et flamme, elle est fraîche comme le matin.."

Mais il n'est pas loin de la vérité et sous l'ironie l'on sent qu'il a compris la véritable Catarina. Ils sont d'ailleurs de la même trempe des êtres de passion  que l'on n'asservit pas et Petruchio reconnaît en elle un adversaire de taille.

Pétruchio à Baptista Acte II 1
... car je vous avertis, mon père, je suis impérieux autant qu'elle est arrogante.. Or là où se rencontrent deux incendies farouches, ils ne manquent pas de consumer l'objet qui nourrit leur fureur. Tandis que sous le moindre vent grandit la moindre flamme, l'ouragan déchaîné éteint de son souffle le plus énorme brasier. Je serai l'ouragan pour elle et elle me cèdera : car grande est la violence et je ne fais pas cour comme un enfantelet.

 Certes, conformément  à la conception de l'époque, il va amener son épouse à lui obéir!
Acte III scène 2
Je veux être le maître ce ce qui m'appartient. Cateau est à la fois mes biens et mes effets, ma maison, mes meubles, mon champ et ma grange, mon cheval, mon boeuf, mon âne et mon toit!. La voici près de moi, la touche qui l'ose!

Ce n'est pas par la violence et les coups qu'il y parviendra mais par  "la sollicitude" fausse, bien sûr et exagérée. Si l'on donne de la nourriture à Catarina, il la lui retire parce qu'elle si de mauvaise qualité, si elle est couchée, il crie que le lit est mal fait : 
Acte IV scène 1
En conclusion elle veillera toute la nuit.(...) Voilà comment on tue une femme par la sollicitude et c'est ainsi que je viendrai à bout de son humeur violente et opiniâtre.

Le dressage a donc lieu, comme c'est une comédie nous en rions mais pour cela il faut que le metteur en scène sache mettre en relief certains aspects positifs de Petruchio qui sous la cruauté, possède une certaine classe, utilise l'ironie, tout en restant courtois dans son langage et ses manières, assez, du moins, pour que Catarina le juge digne d'être aimé.
Petruchio ( Bernard Noël) et son valet Grumio (1964)

Dans la fameuse mise en scène de  la télévision en 1964  avec Rosy Varte et Bernard Noël, le metteur en scène, Pierre Badel, va même plus loin. Il suggère par le jeu des acteurs, que si les époux se plient aux conventions sociales, il y a une telle complicité entre eux que Catarina ne se soumet pas.  Son apparente obéissance est en fait une déclaration d'amour.
 Acte V scène 2
 Ton mari est ton seigneur, ta vie, ton gardien, ton chef, ton souverain, celui qui prend soin de toi et qui, pour assurer ta subsistance, soumet son corps à de durs travaux sur terre et sur mer, qui veille la nuit dans la tempête, le jour dans le froid, tandis que tu reposes, bien au chaud dans la sécurité du logis, et qui n'attend de toi d'autre tribut que ton amour, un visage avenant et une sincère obéissance, maigres paiements pour un si grande dette.

C'est le parti pris, plus poussé encore, semble-t-il, (je n'ai pas vu la pièce), de la mise en scène d'Oskaras Korsunovas à la Comédie Française en 2008.  Voir l'article   ICI

 La mise en scène de Zefirelli
 Elizabeth Taylor et Richard Burton Zefirelli

C'est pourquoi je n'aime pas du tout la mise en scène "gros sabot" de Zefirelli! En dehors de ricaner  grassement, d'éructer,  de crier, Petruchio-Burton est une sorte de rustre, vulgaire, sans  délicatesse et sans nuances. Mais Zefirelli ne fait pas preuve de plus de finesse avec le personnage de Catarina. Catarina-Taylor, braillarde, dépenaillée, est une poissarde à la poitrine à l'air.. L'on peut dire que la rencontre entre les deux est tout à fait inintéressante! Et ceci d'autant plus que le rôle des autres personnages est réduit à néant ou presque! Insupportable! Heureusement, il y a des costumes splendides qui semblent sortir tout droit de tableaux de la Renaissance italienne et quelques scènes à l'intérieur de la ville très belles.

* cité dans la préface de A. Quiller-Couch




La littérature fait son cinéma
Chez Will Kabaret culturel

6 commentaires:

  1. Dans la pièce, je trouve que Catharina jure déjà comme une poissonnière et le film est plutôt fidèle bien que les cris lassent un peu : j'ai trouvé le film magnifique !!! pour ses tableaux renaissances comme tu dis et pour le jeu des acteurs, très crédible !!! La pièce m'a en revanche pas plu (pour son propos misogyne même s'il faut le replacer dans son contexte et pour son décousu).

    RépondreSupprimer
  2. Oui le film est magnifique pour ses tableaux somptueux, ses costumes, ses décors mais contrairement à toi, je n'ai pas supporté le jeu outré de Burton-Taylor. Ils sont vulgaires et seulement vulgaires et leurs vociférations me sont pénibles.. Alors qu'une mise en scène plus fine peut mettre en valeur d'autres aspects des personnages. Ceci dit, je suis comme toi, j'ai tout de même du mal à accepter le propos!

    RépondreSupprimer
  3. Un des meilleurs moments de cinéma du grand Will, les costumes sont absolument extraordinaires en effet
    j'ai le souvenir d'une adaptation télé avec Rosy Varte et je crois Claude Brasseur assez réjouissante et très enlevée

    RépondreSupprimer
  4. L'adaptation télé avec Rosy Varte, excellente à l'époque des Buttes-Chaumont,était,je crois, avec Bernard Noel,excellent comédien disparu jeune.Il avait d'ailleurs précédé Brasseur dans le rôle de Vidocq.

    RépondreSupprimer
  5. @ Dominique : C'était Rosy Varte et Bernard Noël, un très bon acteur mais qui est mort très jeune.

    RépondreSupprimer
  6. @ Eeguab : Je venais juste de répondre à Dominique au sujet de Bernard Noël. Je l'aimais beaucoup à l'époque.

    RépondreSupprimer

Merci pour votre visite. Votre message apparaîtra après validation.