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jeudi 15 mai 2014

Mikhaïl Lermontov : Le voilier

Claude Monet

Nicolas de Stael*


J'ai présenté hier l'écrivain russe romantique Mikhaïl Lermontov et son roman Un héros de notre temps. Aujourd'hui voici une de des poésies :          
     

 Le voilier

Ce voilier tout blanc, solitaire,

Qui dans le brouillard bleu s'enfuit

Qu'a-t-il besoin d'une autre terre? 

Qu'abandonna-t-il après lui?


Son mât sur l'onde vagabonde

S'incline et grince dans le vent 

Hélas! point de bonheur au monde 

Ni derrière lui ni devant


Pour le porter la mer est belle

Le soleil brille au firmament...

Mais lui réclame, le rebelle, 

L'orage, cet apaisement.
 

1832


* et oui ce n'est pas un voilier! Mais j'aime tant Nicolas de Stael depuis ma visite du musée d'Antibes, que je n'ai pu résister au plaisir de partager avec vous.
 




mercredi 14 mai 2014

Lermontov : Un héros de notre temps





Mikhaïl Lermontov

Écrivain et poète  russe (Moscou 1814 – Piatigorsk, Caucase, 1841).
Orphelin de mère, il est élevé dans la propriété de sa grand-mère, qui le tient éloigné de son père. Il entre en 1827 à la Pension noble de Moscou, où il s'enthousiasme avec ses condisciples pour la poésie du jeune Pouchkine, celle des poètes décabristes et les idéaux qui l'inspirent. Il écrit ses premiers poèmes, les Tcherkesses et le Prisonnier du Caucase (vers 1828). Lorsque Nicolas Ier ferme cette institution trop libérale en 1830, il poursuit ses études à l'Université, d'où il est exclu en raison de ses prises de position contre certains professeurs conservateurs. En 1832, il entre dans les hussards de la garde. Il continue cependant d'écrire, travaille au Démon et termine Hadji Abrek (1833). Affecté comme officier à Tsarskoïe Selo, il découvre la vie mondaine, qui lui inspire la pièce Un bal masqué (1835) et un roman inachevé, la Princesse Ligovskaïa (1836). Il réagit à la mort de Pouchkine par des vers violents contre son meurtrier (la Mort du poète, 1837), ce qui lui vaut d'être envoyé au Caucase comme simple soldat. Mais son poème l'introduit à la direction du Contemporain, journal de Pouchkine, où il publie un poème, Borodino (1837). Le Caucase exerce sur son caractère et sur son œuvre une influence énorme. Il revient à Saint-Pétersbourg, termine son Démon (1841), collabore à la revue les Annales de la patrie, où paraissent des récits qui entreront dans Un héros de notre temps (Bella, Taman, le Fataliste, 1939), et fréquente le milieu littéraire et les salons. Il reste cependant un esprit frondeur et, à la suite d'un duel avec le fils de l'ambassadeur de France, il est arrêté et à nouveau exilé, cette fois avec exclusion de la garde et à un endroit dangereux du Caucase, alors que Un héros de notre temps (1839-40) est publié et obtient un grand succès. Il prend part à des combats sanglants, qu'il décrit dans ses poèmes. En 1840 paraît un recueil de ses vers, pour lequel il n'a retenu qu'un petit nombre de poèmes. Un duel, provoqué par une querelle avec son camarade Martynov dans des conditions assez obscures, met fin brutalement à la carrière du plus « pictural » des romantiques (il était un excellent dessinateur amateur). (source Larousse)

Explication du titre : Un héros de notre temps

Un  héros de notre temps
 
Voilà qui donne une idée du grand poète et romancier russe qui marqua de son génie fulgurant la littérature russe romantique. Un héros de notre temps a été publié en 1840, rédigé par Lermontov pendant son année d'exil dans le Caucase où il avait été envoyé à la suite d'un duel.

Le roman  qui se situe dans le Caucase et au bord de la mer Noire entre 1827 et 1833 évoque la figure de Petchorine, un riche jeune homme de bonne famille, brillant officier, courageux, impétueux, cultivé, charmeur, mais aussi blasé et désabusé, incapable de ressentir des sentiments profonds et en proie à l'ennui. Il incarne aux yeux de Lermontov, toutes les caractéristiques, qualités mais aussi  faiblesses, de son époque : d'où le titre, Un héros de notre temps, qu'il faut prendre péjorativement si l'on en juge par la réflexion de l'auteur : Peut-être quelques lecteurs auront-ils l’envie de connaître mon opinion sur le caractère de Petchorin : Ma réponse est le titre du livre. Mais c’est une méchante ironie me dira-t-on !
Dans la préface l'auteur nous donne cet avertissement en réponse à ses détracteurs qui croient reconnaître en lui le personnage de Petchorine : 
 
Le héros de notre temps, mes très chers lecteurs, est réellement un portrait, mais non celui d’un seul individu. Ce portrait a été composé avec tous les vices de notre génération, vices en pleine éclosion. (…) Si vous avez aimé des fictions beaucoup plus effrayantes et plus difformes, pourquoi ce caractère ne trouverait-il pas grâce auprès de vous comme toute autre fiction ?
C’est que, peut-être, il se rapproche de la vérité plus que vous ne le désirez.

Un roman composé de plusieurs récits 

 

Circassienne XIX siècle

Première partie

Il est, en fait, composé de plusieurs récits avec un point de vue est différent. Dans la première partie, avec Bela, le narrateur rencontre le vieux capitaine Maxime Maximitch qui lui raconte l'histoire de son ami, le jeune officier Grégoire Alexandrovitch Petchorin qu'il considère un peu comme un fils. Exilé en Géorgie, tout comme le fut Lermontov, après un duel,Petchorine tombe amoureux d'une belle circassienne, Béla, qu'il enlève. Mais après l'avoir séduite, il se lasse d'elle et recommence à s'ennuyer, responsable du destin tragique de la jeune fille.
Le narrateur accompagné du capitaine rencontre ensuite Petchorin mais celui-ci n'a n'aucun geste d'affection ou de reconnaissance envers son vieil ami qui souffre de ce désaveu. Ce second volet intitulé Maxime Maximitch dépeint bien un autre trait de caractère du héros, infidèle en amour et de plus incapable d'amitié ou de reconnaissance. Il peint aussi la différence de classe sociale entre le riche barine, Petchorin, officier promu à un brillant avenir et le capitaine issu du peuple.

Deuxième partie

La deuxième partie avec trois récits : Taman, La princesse Marie et Le fataliste change de point  de vue. Le récit est maintenant raconté par Petchorin lui-même puisqu'il s'agit de son journal confié par le capitaine au narrateur. Ce dernier apprenant la mort de Petchorin se sent libre de publier ces pages qui complètent le portrait de ce héros de son temps! Dans la ville d'eau de Piatigorsk, le jeune homme se plaît à séduire la princesse Marie pour triompher de son rival mais il l'abandonne dès qu'il est parvenu à ses fins, désespérant la jeune femme. Auparavant dans le récit intitulé Taman qui se déroule au bord de la mer noire, il arrête un trafic de marchandises et risque y perdre la vie. Enfin Le fataliste expose les idées de Petchorin sur la liberté humaine et sa croyance au déterminisme.

Un pays,  le Caucase

 

Alexandre Bide : Cavalier circassien au XIX siècle

J'aime énormément ce roman parce qu'il nous montre un pays, le Caucase, avec ses paysages somptueux, ses peuples fiers et indépendants, qui doivent composer avec la domination russe sans s'y soumettre jamais vraiment. Les coutumes, les façons de vivre, les mentalités sont peintes avec beaucoup de talent et font de ces récits un livre balayé par le souffle de l'aventure, exalté par la beauté de la nature et des grands espaces, qui offre découverte et dépaysement.

Déjà le soleil commençait à se cacher derrière les cimes neigeuses, lorsque j’entrai dans la vallée de Koïchaoursk. Le conducteur circassien fouettait infatigablement ses chevaux, afin de pouvoir gravir avant la nuit la montagne, et à pleine gorge, chantait ses chansons. Lieu charmant que cette vallée !… de tout côté des monts inaccessibles ; des rochers rougeâtres d’où pendent des lierres verts et couronnés de nombreux platanes d’orient ; des crevasses jaunes tracées et creusées par les eaux et puis plus haut, bien haut, la frange argentée des neiges ; en bas l’Arachva qui mêle ses eaux à un autre ruisseau sans nom, et qui, se précipitant avec bruit d’une gorge profonde et obscure, se déroule comme un fil d’argent et brille comme un serpent couvert d’écailles.

Le roman rappelle le passé de cette région et de ses peuples conquis par les russes, une colonisation violente et sanglante qui a entraîné l'exode du peuple circassien et de nombreuses autres tribus vers l'empire Ottoman.*


Bataille entre les russes et les Circassiens Musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg / Alfredo Dagli Orti


Le Caucase
 
Nous atteignîmes enfin le sommet du mont Gutt ; et instinctivement nous nous arrêtâmes pour regarder derrière nous. Sur la pente, s’étendait un nuage gris dont le souffle glacé nous menaçait d’un orage voisin ; mais à l’Orient, tout était si clair et si doré, que le capitaine et moi l’oubliâmes complètement, et surtout le capitaine. Dans les cœurs primitifs, le sentiment de la beauté et de la grandeur d’une nature vigoureuse est cent fois plus vivace qu’en nous, qui ne sommes enthousiastes que des conteurs en paroles et sur papier.
Effectivement ; il me semble qu’on trouverait difficilement un pareil panorama. Sous nous, s’étendait la vallée de Koïchaoursk, sillonnée par l’Arachva et par une autre rivière, comme par un double fil argenté ; une vapeur bleuâtre glissait sur elle et courait vers les gorges voisines, chassée par les rayons ardents du jour naissant. À droite et à gauche, les crêtes des montagnes, d’inégale hauteur, ou bien coupées en deux, s’étendaient sous un manteau de neige et un rideau d’arbres. De loin, ces mêmes montagnes paraissaient être deux rochers parfaitement ressemblants l’un à l’autre et tous deux, éclairés par les reflets brillants de la neige, si gaiement et si chaudement, qu’il semblait qu’on aurait pu s’arrêter là et y vivre toujours. Le soleil se montrait à peine au-dessus d’une montagne bleu sombre, que seul un œil exercé aurait pu ne pas prendre pour un nuage orageux. Sur le soleil, s’étendait une raie sanglante que mon compagnon de voyage observa tout particulièrement.


 Le portrait de la société russe

 

Une dame de la noblesse russe : la comtesse Olga Chouvalova
 
Les portraits dressés par Lermontov de la noblesse russe dans les villes d'eaux, des grandes dames coquettes et futiles et de leurs prétendants, des officiers pleins de ridicule et de suffisance, querelleurs, forment une histoire des moeurs du XIX siècle russe;  c'est une société en proie à l'ennui,  qui n'a plus d'élévation morale, brimée dans ses aspirations, un société finissante bien qu'elle  se considère comme supérieure, étouffée par sa suffisance. Le vieux capitaine, Maxime Maximitch, représente lui, le peuple, sans grande culture mais doté de bon sens, d'une morale peut-être étroite, mais qui est encore capable d'éprouver des sentiments.

Maxime Maximitch : (Il) la suivait, en fumant une pipe de Kabarda montée en argent. Il portait une tunique d’officier sans épaulettes et un chapeau fourré de Circassien. On lui aurait donné cinquante ans : son teint basané indiquait qu’il avait fait depuis longtemps connaissance avec le soleil du Caucase, et ses moustaches, blanchies avant l’âge, ne répondaient point à son allure vigoureuse et à son air dégagé. Je m’approchai de lui et le saluai ; il répondit en silence à mon salut et lança une grande bouffée de tabac.
Grégoire Alexandrovitch  Petchorin : c’était un excellent garçon ; mais un peu singulier : ainsi, il lui arrivait de passer une journée entière à la chasse par la pluie et le froid et lorsque tous étaient transis et fatigués, lui ne l’était pas le moins du monde, et puis d’autres jours où il n’avait pas quitté sa chambre, il se plaignait de sentir le vent et assurait qu’il avait froid et si le volet battait, on le voyait frissonner et blêmir. Je l’ai vu attaquer le sanglier tout seul. Parfois il passait des heures entières, sans qu’on pût lui arracher une parole, et d’autres fois, quand il se mettait à parler, on se tenait les côtes à force de rire ; il avait de grandes bizarreries et je crois que c’était un homme riche. Son bagage était considérable !

Un héros romantique

 

Pouchkine et Lermontov sont tous les deux morts dans un duel
 
 Grégoire Alexandrovitch Petchorin incarne le héros romantique, dans une société privée de liberté, où règne l'abolutisme du tsar Nicolas 1er. Les jeunes russes libéraux de cette époque ont vu leurs aspirations révolutionnaires réprimées avec brutalité dans la mort ou l'exil. On sait que Lermontov admirait fort les Décembristes.  Petchorin ne croit plus en rien, il n'a plus d'espoir et se réfugie dans l'ennui, "le mal du siècle" à la russe, indifférent à tout, même à la mort. Il y a bien sûr une ressemblance entre de Mikhaïl Lermontov et Petchorine. Tous deux sont de la même classe sociale, tous deux ont été exilés au Caucase.

  Eh bien ! Si je dois mourir, je mourrai, ce ne sera pas une grande perte pour l’univers ; moi-même, d’ailleurs, je m’ennuie ici, tel un homme qui ne quitte pas le bal où il s’ennuie pour retourner chez lui, parce que sa calèche n’est pas encore là. Mais la calèche est à la porte… Adieu ! »



Ceci est une lecture commune faite avec Miriam que vous pouvez aller lire ICI 



* Bataille entre Russes et Circassiens.
 

Lors des jeux oympique de Sochi, les circassiens ont demandé à Poutine de reconnaître les massacres perpétrés par les russes lors des conquêtes du XIX siècle. Entre 500.000 et un million de Circassiens sont morts «de la faim, de la violence, de la noyade et des maladies», explique le journaliste et auteur Oliver Bullough. Les survivants des nombreuses tribus (Abkhazes, Oubykhs, Abazes,…) ont fui vers l’Empire ottoman. lire ici












lundi 12 mai 2014

Analdur Indridason : La rivière noire/ Kristin Baldursdottir : l'esquisse d'un rêve /Södeberg : Le jeu sérieux



Je suis comme le Lapin d'Alice, toujours en retard, à courir après l'heure et après les livres que je n'ai pas encore commentés. Mais voilà, ils s'entassent, ils s'entassent et si je ne fais pas quelque chose je vais mourir ensevelie. Alors je vais imiter quelques amies blogueuses qui m'en ont donné l'idée et je réunis plusieurs titres dans ce billet, des lectures  faites il y a déjà un ou deux mois et plus!

L'ISLANDE

La rivière noire de Arnaldur Indridason




Arnaldur Indridason est né à Reykjavik en 1961. Diplômé en histoire, il est journaliste et critique de cinéma. Il est l’auteur de romans noirs couronnés de nombreux prix prestigieux, publiés dans trente-sept pays.

Avec La rivière noire d'Arnaldur Indridason nous partons en Islande et retrouvons l'équipe d'Erlendur à Reikjavik mais sans Erlendur parti dans le Nord sur les traces de son enfance et de son frère perdu. L'auteur a voulu s'intéresser cette fois à l'une de ses collaboratrices, Elinborg.
Le thème  : un jeune homme est découvert mort dans son appartement ; il a dans la poche de sa veste des cachets de Rohypnol, la drogue du viol. Un châle découvert sous le lit oriente l'enquête vers une jeune femme que le violeur a entraînée chez lui mais qui ne se souvient de rien. Est-elle la meurtrière?
Mon avis : 
L'intrigue est assez complexe et l'enquête est une occasion pour l'auteur de dénoncer les dysfonctionnements de la justice islandaise qui ne semble pas considérer le viol comme un crime; ceux qui sont arrêtés subissent une peine légère de prison et ressortent peu de temps après, libres de recommencer. C'est ce qui m'a intéressée dans le roman.
j'ai trouvé par contre, que le personnage d' Elinborg, même si nous entrons dans son intimité, était beaucoup moins réussi que celui d'Erlendur. L'écrivain a fixé quelques traits de son caractère, comme son amour de la cuisine, mais le tout paraît assez  superficiel et répétitif. Un livre moins réussi donc, à mon avis, que les précédents du même auteur : La femme en vert ou La cité des jarres.

Kristin Baldursdottir : l'esquisse d'un rêve Karitas Livre 1




Avec L'esquisse d'un rêve (Karitas livre 1) mais je n'ai pas lu Karitas livre 2 : l'art de la vie) nous restons encore en Islande. Il ne s'agit plus pourtant d'un livre policier mais d'une saga familiale qui dépeint la vie d'une famille pauvre vivant dans une ferme au nord-ouest de l'Islande. Après la disparition en mer du père, marin, la famille entreprend un long voyage en bateau pour atteindre la ville d'Akureyri,  au nord du pays, où la mère veut envoyer ses enfants à l'école persuadée de l'utilité des études.
Mon avis :
Le roman présente une description magistrale d'une Islande populaire au début du XX siècle et des difficiles conditions de vie et de travail des saleuses de harengs dont les mains corrodées par le sel, présentent des plaies qui ne se referment pas. L'héroïne, Karitas, exceptionnellement douée pour le dessin, n'aurait aucune chance d'échapper à sa condition si elle n'était remarquée par une artiste venue s'installer près de chez elle et qui l'envoie étudier aux Beaux-Arts à Copenhague.
L'écrivaine brosse de beaux portraits de femmes, de la mère qui maintient l'unité de la famille, animée par une volonté farouche, économisant chaque sou pour payer les chaussures, envoyer ses enfants à l'école, de Karitas  (qui semble avoir eu pour modèle la propre grand mère de l'auteure) et de ses soeurs, en particulier de la fière Halldora qui refuse d'épouser l'homme de sa vie parce qu'il a trop tardé à faire sa demande.
Un roman très plaisant à lire qui permet de faire connaissance d'une Islande maintenant disparue et de réfléchir au rôle de la femme dans ce pays au début du XX siècle.


Voir la très intéressante interview de Kristin Baldusdottir sur la condition féminine en Islande de nos jours. A noter : les femmes ont obtenu le droit de vote en Islande en 1915, en France en 1947!! Oui, je sais nous étions et nous sommes toujours un pays affreusement conservateurs! Mais tout n'est pas rose en Islande non plus pour les femmes actuelles dont la situation a connu une régression certaine.




SUEDE

Le jeu sérieux de Södeberg




Hjalmar Söderberg , romancier, auteur dramatique, poète et journaliste, est né à Stockholm le 2 juillet 1869. Il meurt en 1941 à Copenhague. Contemporain de Strindberg, il fut aussi réputé que lui dans les pays scandinaves où il demeure l’un des écrivains du XIXe siècle les plus lus. En France, pendant longtemps on ne connaissait que sa pièce, Gertrud, que Dreyer a adaptée pour le cinéma. La parution de Égarements en 1895 provoque le scandale, et lui vaut d’être accusé de pornographie. En 1907, Söderberg est obligé de quitter la Suède. Il s’installe au Danemark, et cet exil marque le début de son détachement vis-à-vis de la littérature. Journaliste, il a critiqué le nazisme avec véhémence, écrivant longuement à ce sujet dans le quotidien libéral, très anti-nazi, suédois Göteborgs Handels- och Sjöfartstidning.

Présentation de l'éditeur :
Dans Le Jeux sérieux, Söderberg fait un magnifique portrait de femme, d’une exceptionnelle liberté, d’une étonnante universalité. Lydia vit pour l’amour, comme Gertrud, elle n’accepte aucune compromission. L’écrivain ne porte aucun jugement, il regarde vivre son personnage, et ce regard la magnifie, la rend inoubliable. Lorsque le roman commence, Lydia a 18 ans, elle est amoureuse d’Arvid Stjärnblom, qui l’aime également. Elle a confiance en lui, elle est prête à l’attendre, attendre qu’il termine ses études, qu’il trouve sa voie… Mais Arvid « ne supporte pas que quelqu’un l’attende ». La jeune fille finit par épouser un vieil homme riche. Arvid, de son côté, épouse sa maîtresse qui attend un enfant. Le temps passe, rythmé par l’histoire mondiale : les journaux commentent l’Affaire Dreyfus, la scission entre la Suède et la Norvège, la crainte d’une guerre mondiale… Arvid est devenu un grand critique musical. Un jour, à l’opéra, Lydia occupe la loge voisine de la sienne… Avant de se donner à lui, la jeune femme lui écrit une lettre où elle explique pourquoi elle s’est mariée, son désir d’être fidèle à son mari battu en brèche par l’ignoble comportement de cet homme lorsqu’elle lui a annoncé qu’elle attendait un enfant. Et surtout, elle lui annonce qu’elle va quitter son mari pour vivre pleinement leur histoire d’amour.
« — Te souviens-tu que je t’ai demandé, l’après-midi au Continental, si tu aimais ta femme ? — Oui. — Te souviens-tu de m’avoir répondu : “Je l’aime à la manière luthérienne” ? — Oui. Lydia pâlit. Mais sa pâleur était lumineuse. — Viens, dit-elle. Moi, tu peux m’aimer à la manière païenne ! »
« Le Jeu sérieux est le seul roman d’amour qui compte dans notre littérature », a écrit un critique suédois. Oserons-nous aller au-delà de ce jugement et dire simplement que Le Jeu sérieux est un des plus beaux romans d’amour de la littérature mondiale ?

Mon avis :
Avec Le jeu sérieux, je comprends que Södeberg ait pu choquer les mentalités de l'époque car le portrait de cette jeune femme Lydia est surprenant. Il s'agit d'une femme libre, qui refuse l'hypocrisie et se donne à Arvid par amour dès lors qu'elle pense ne plus rien devoir à son mari dont le comportement brutal et l'égoïsme l'ont déçue. Mais que dire de ses infidélités répétées vis à vis d'Arvid et surtout de la manière dont elle paraît se jouer de lui? Et c'est là qu'elle cesse d'être seulement une femme libre pour devenir énigmatique aux yeux de son amant mais aussi du lecteur. On dirait bien un jeu du chat et de la souris, elle trompe, dissimule, demande pardon, l'obtient pour mieux mentir encore. Pourquoi? Est-elle libre ou sournoise voire dépravée, se réjouissant de la souffrance qu'elle inflige? C'est ce qui donne son explication au titre qui est un oxymore car s'il s'agit d'un jeu, il ne cesse d'être cruel et trouble.







vendredi 9 mai 2014

Louise Erdrich : Dans le silence du vent



Ojibwe par sa mère, germano-américaine par son père, Louise Erdrich a grandi sur une réserve indienne du Dakota du Nord. Considérée comme l’un des plus importants écrivains américains contemporains, elle bâtit, livre après livre, une œuvre forte et singulière, couronnée de nombreux prix dont le National Book Critics Award pour Love medecine ou les National Book Award et American booksellers Award pour son nouveau roman Dans le silence du vent (élu un des 10 meilleurs livres de l’année 2012 par l’ensemble de la presse américaine).
Louise Erdrich, pour son roman Dans le silence du vent, a remporté le prix de littérature traduite de la ville de Brignoles et figure dans la dernière sélection du prix des libraires du Québec, catégorie « Romans hors Québec ».

Dans son  roman Dans le silence du vent Louise Eldrich s'attaque à un sujet qui lui tient en coeur et qu'elle porte en elle depuis des années, celui des viols des femmes amérindiennes. Un cri de révolte, un appel aux consciences quand on sait que deux femmes sur trois subissent ces actes brutaux et que ceux-ci demeurent pour la plupart impunis. En effet, dans les réserves, la justice indienne ne peut s'appliquer à un homme blanc, or ce sont en majorité ceux-ci qui se rendent coupables de cette violence faite aux indiennes.
Pour autant Louise Eldrich n'est pas tombée dans le piège du roman polémique et démonstratif qui finit par se réduire à une idée mais elle a écrit un roman sensible bien que sans pathos dont le héros principal n'est pas la femme violée mais un garçon. C'est en effet, d'après le point de vue de Joe, son fils âgé de 13 ans, que le lecteur découvre le viol et ses conséquences sur la mère qui souffre dans son âme et sa chair et se réfugie dans le mutisme mais aussi sur toute la famille, son mari et son enfant et toute la communauté. Ce qui est arrivé à sa mère, Joe le vivra comme une bouleversement total, une sorte de séisme qui va définitivement modifier sa conception de la vie et le projeter dans l'âge adulte; désormais, il y aura un avant et un après le viol. Un roman d'initiation donc, en même temps que psychologique, mais d'une violence absolue car le jeune garçon n'aura de cesse de trouver le coupable pour venger sa mère. Il y a des manières plus humaines, plus douces, de quitter le monde de l'enfance! A côté de cette brutalité extrême, nous verrons aussi agir le racisme au quotidien, moins terrible, peut-être, mais qui sape les bases de la confiance en soi, qui fait mal insidieusement. Ainsi quand Joe va rendre visite à sa mère hospitalisée hors de la réserve, il se heurte aux réflexions de femmes blanches  méprisantes qui ne supportent pas la mixité : Vous les indiens, vous n'avez pas d'hôpital, là-bas? On ne vous en construit pas un neuf? Le roman se double d'une enquête policière, d'abord menée par le père de Joe qui est juge dans cette réserve du Dakota, puis par le jeune garçon qui constate l'impuissance de son père.

J'ai  beaucoup aimé ce roman même si je l'ai trouvé plus classique et donc moins original que La malédiction des colombes un livre polyphonique qui m'avait emballée par la diversité de ses personnages extrêmement typés et attachants, par une conception romanesque très neuve. C'est le premier livre de la trilogie dont Dans le silence du vent est le second.  Il reste mon préféré. Mais le sujet de Dans le silence du Vent est prenant, l'intrigue bien construite, le style efficace et fort, la psychologie des personnages bien analysée. Depuis Février 2013, comme le souligne Louise Eldrich, les lois ont changé et la justice indienne dans les réserves peut désormais s'exercer sur les blancs. On ne peut douter que ce roman, en dénonçant une société raciste et  inégalitaire, une justice à deux vitesses, ait  contribué à servir  la cause des femmes indiennes.


ELLE. Alors, pourquoi une seule voix, celle de Joe, quand tous vos autres livres sont des romans choraux ?
Louise Erdrich. Je voulais aussi raconter, dans « The Round House », comment une vie peut basculer en un instant. C’est pourquoi j’aime le titre français, « Dans le silence du vent ». Ils sont si rares et forts, ces moments de silence, dans les grandes plaines du Dakota ! Quand ça vous tombe dessus, vous êtes seul au monde et toute votre vie défile sous vos yeux. Le roman ne pouvait s’écrire qu’à la lumière d’une telle révélation. Ce moment où le temps s’arrête et où Joe prend conscience du drame qui vient de se jouer. Soudain, il est face à son destin – et le roman peut commencer.

ELLE. Que retenez-vous de ce personnage, maintenant que le livre est derrière vous ?
Louise Erdrich. Ce livre n’est pas derrière moi. Depuis que je l’ai terminé, je suis hantée par la voix de Joe et je pense encore qu’il reviendra dans l’un de mes prochains romans. Après tout, « Dans le silence du vent » est le deuxième volet d’une trilogie sur la violence et la fin de l’innocence. Sur une jeunesse sacrifiée par les crimes des adultes. Cette histoire entamée avec « La Malédiction des colombes » n’est pas encore terminée. Dans le troisième tome, que je suis en train d’écrire, la justice sera bel et bien restaurée.

ELLE. C’est pour transmettre que vous écrivez ?
Louise Erdrich. Il ne faut jamais oublier que le crime originel de ce pays est d’avoir tenté d’effacer les territoires indiens et de nous réduire au silence. Notre histoire est faite d’âpres négociations pour continuer d’exister. Dans le Dakota du Nord, mon grand-père était le chef de la tribu Chippewa de Turtle Mountain, et il a dû user, toute sa vie, de tactiques et de stratégies pour préserver notre réserve et l’aider à trouver sa place dans la culture américaine. Tous mes livres lui rendent hommage, quelque part, car ils luttent contre l’oubli et la perte de notre identité. J’écris pour que les Indiens survivent.

D'autres avis :  
Kathel
Aifelle
Chez Valérie un avis négatif

Clara
Lili
Editions Albin Michel



jeudi 8 mai 2014

Jean-Marc Mathis : Lucien, le pingouin musicien




Le livre de Lucien, le pingouin musicien de Jean-Marc Mathis aux éditions Pocket jeunesse réunit trois aventures d'un petit pingouin amusant et aventureux.

Il vit sur la banquise dans un igloo percé de deux fenêtres rondes comme des yeux. Dans la première histoire, Lucien  contemple le ciel étoilé et décide de jouer de la trompette pour la lune qui est si seule là-haut! Oui, mais voilà, les notes de musique ne montent pas si haut et retombent lamentablement sur le sol. Lucien vivra bien des mésaventures avant d'atteindre son but.
Enhardi par son succès, Lucien décide de s'adresser au soleil mais là, c'est un défi qui le dépasse et Lucien risque d'y perdre la vie. Heureusement… mais chut, je vous laisse découvrir la suite.
La troisième histoire, enfin, voit Lucien enlevé par des bandits et enfermé dans un zoo. Grâce à un bonhomme de neige sauvage, il parviendra peut-être, lui et son ami Fernand, l'ours blanc, a regagné sa chère banquise? Espérons-le! Je ne vous en dis pas plus et vous laisse sur cet affreux suspense.

Les personnages de ce petit livre joliment coloré appartiennent au domaine de la BD, le pingouin avec son nez "comme un bâton ou une carotte" (dixit ma petite-fille Léonie à qui j'ai lu le livre), la lune avec sa bouche de guingois et son nez retroussé, et de même l'ours blanc avec sa trogne épaisse ou les malfaiteurs patibulaires qui enlèvent le pauvre Lucien.

Les histoires sont contées rapidement et font mouche si j'en juge par les réactions de Léonie (4 ans).
Elle sont amusantes  : les colères de Lucien qui fait exploser sa trompette pour atteindre la lune,  son injure préférée qui a beaucoup plu à Léonie… Elles sont aussi parfois un peu inquiétantes (mais pas trop, ouf!)  : Le petit pingouin victime de la chaleur dans le désert devient tout vert et s'évanouit : oui, il faut se couvrir la tête pour affronter le soleil!  Et elles font réfléchir : Lucien et Fernand sont enfermés dans un zoo et pour eux il s'agit d'une prison.
Le vocabulaire est simple mais introduit des mots qui nous ont permis de parler du pôle Nord,  des animaux qui le peuplent, de la banquise, des igloos …
Bref! ce livre a été un moment agréable de partage avec ma petite fille et nous les avons toutes lues deux fois d'affilé!.





Merci à Masse critique Jeunesse Babelio et aux éditions Pocket jeunesse

mardi 6 mai 2014

Susan Fletcher : Reflets d'argent





Susan Fletcher est née à Birmingham en 1979. Les Reflets d'argent est déjà son quatrième roman, après Un bûcher sous la neige, Avis de tempête et La Fille de l'Irlandais (tous disponibles chez J'ai lu), qui s'est vendu à plus de 50 000 exemplaires en France et a reçu le prestigieux prix Whitbread (l'équivalent du Médicis au Royaume-Uni). De plus en plus connue et reconnue en France, Susan Fletcher confirme à chaque nouveau roman un talent hors norme et s'impose à présent parmi les écrivains de la nature, comme une voix singulière, sensible et rare.

Une légende raconte qu'il y a très longtemps un homme, pleurant son amour perdu, entendit en marchant sur une plage de l'île de Parla, une voix portée par le vent, ces mots comme soufflés par la mer : l'espoir existe. Il se tourna alors vers la mer, et vit un homme au loin, flottant à son aise dans l'eau déchaînée. L'homme plongea et ne reparut pas. Il avait une queue de poisson. Certains le prirent pour un fou, d'autres le crurent, car cette île avait toujours charrié drames et miracles, et porté les hommes qui y vivaient comme des éléments naturels, composant sa force. L'homme retrouva celle qu'il aimait et vieillit avec elle sur les rives de l'île. Ce jour-là, sur cette même rive, le jeune Sam Lovegrove découvre le corps d'un inconnu, il s'approche terrorisé, croyant faire face à un cadavre. Puis recule en criant, car l'homme n'est pas mort. Colosse battu par les vagues, l'homme a survécu. Sam court chercher son père, son oncle et son cousin, pour l'aider à transporter le corps chez l'infirmière de l'île, Tabitha. Pour Tabitha, comme pour les quatre hommes, cette apparition est troublante, tout comme les cheveux noirs et la barbe de cet inconnu, qui réveillent les souvenirs d'un disparu. Personne n'a revu Tom depuis quatre ans. Et à présent que la rumeur de l'apparition se répand sur l'île, de proche en proche, jusqu'à la veuve de Tom, les légendes semblent tout à coup plus réelles, les hommes semblent soudain réécrire l'histoire de l'île, ramasser ses mythes sur le rivage, leurs espoirs bouillonnant dans les flots comme autant de reflets d'argent sous le vent.

L'homme d'Aran de O' Flaherty

Cet homme recueilli dans la mer, venu de nulle part -aucun naufrage n'a été signalé - est-il l'homme-poisson des légendes, venu redonner courage aux habitants de l'île, leur insuffler l'espoir?

 Parla, l'histoire d'une île

 

île d'Aran
Le roman de Susan Fletcher ne se résume pas et c'est pourquoi j'ai mis en exergue  cette présentation de l'éditeur qui dit l'essentiel mais qui n'est que l'écume du livre.
Car Reflets d'argent entre légende et réalisme, c'est aussi l'histoire d'une île que la narratrice nomme Parla et qui est le véritable personnage du roman : Parla avec la présence obsédante de la mer, les landes battues par la tempête et les embruns où la vie est difficile, avec son peuple rude de marins ou d'éleveurs qui s'accroche à cette terre à la fois belle et inhospitalière, Parla qu'ils rêvent parfois de quitter mais dont ils ne peuvent se détacher.
Et puis ces habitants cessent vite d'être anonymes et deviennent des individualités que nous apprenons à connaître dans leur vie quotidienne avec les blessures de leur passé qui les retiennent prisonniers aussi sûrement que les murs d'une prison, leurs souffrances mais aussi les joies.

Un hymne à la nature 

 

île d'Aran : Innishmore (source )
Dans ce roman l'on retrouve donc la belle plume de Susan Fletcher qui m'avait tant séduite dans Un bûcher sous la neige, cette façon qu'elle a de faire faire appel à tous les sens, en jouant sur les variations de lumière,  les contrastes des couleurs, les dominantes de gris et les noirs coupés ça et là par le toit rouge cerise de l'école, le jaune de la porte d'une maison, les reflets d'argent de la mer. Elle nous fait sentir les odeurs, les gifles du vent qui balaye l'île, le froid piquant qui mord les mains et le visage… Et c'est vraiment dans ce registre qu'elle excelle, dans cet amour de la nature qu'elle sait si bien transmettre.

Les reproches faites au roman

 

L'homme d'Aran de O'Flaherty
J'ai vu que l'on reprochait à l'écrivaine soit d'avoir trop chargé les personnages, de leur avoir fait porter sur les épaules trop de drames familiaux, d'épreuves personnelles, de haine de voisinage, soit au contraire d'être trop résolument optimiste, en permettant à ses personnages de se libérer, de surmonter leur chagrin, d'oublier les querelles et de se parler. Personnellement pour bien connaître une région montagnarde dure et austère à cause du climat, une région qui n'est pas une île mais qui est longtemps restée isolée à cause des conditions climatiques et des communications, je sais combien les rigueurs d'un pays modifient les caractères, les forgent et les durcissent. L'adaptation à une île ou à un montagne où l'on doit se battre pour survivre me paraît similaire et je ne suis pas surprise de rencontrer ce petit monde de Susan Fletcher, un microcosme livré à ses rancoeurs et ressassant ses douleurs.

Entre réalisme et merveilleux : la difficulté du choix

 

L'homme d'Aran de O' Flaherty
J'adhère moins pourtant à l'optimisme de l'auteure, à la grande réconciliation, aux langues qui se délient, aux relations qui se renouent… sauf si nous restons dans le merveilleux de la légende. Et c'est là à mon avis, la faiblesse du roman, en tout cas ce qui me gêne. C'est que Suzan Fletcher n'a pas su trancher entre réalisme et conte. L'homme-poisson qui réconcilie tout le monde, redonne vie et amour, était crédible tant qu'il restait mystérieux, un homme légende venu de la mer qui aurait dû repartir de même sans que l'on sache vraiment comment. Mais l'auteure introduit une explication réaliste, en faisant de son personnage un homme du quotidien, qui a voulu mourir après avoir perdu l'amour de sa vie (mais qui retombe tout de suite amoureux dès qu'il est sur l'île, ce qui ne tient pas au niveau psychologique ), un homme qui quitte l'île sur un ferry!  Elle en fait un homme banal ce qui tue le Merveilleux et la poésie et du coup elle nous force à nous interroger sur la vraisemblance psychologique de ses personnages et à en douter.  Et c'est vraiment ce qui m'a déçue dans ce livre malgré les qualités évidentes d'écriture et cette sensibilité envoûtante à la nature qui font de Susan Fletcher une écrivaine que j'aime beaucoup.  


Nota : Un Bûcher sur la neige reste mon préféré et je n'ai pas encore lu La fille de l'irlandais..
Si j'ai illustré ce billet par les photos de l'île d'Aran, c'est que Parla et les îles avoisinantes m'y font irrésistiblement penser.


Clara

Hélène lecturissime

Sur la route de Jostein

Les éditions PLON



dimanche 4 mai 2014

Retour de vacances : Les Cévennes, George Sand et le marquis de Villemer

A la demande d'une visiteuse de mon blog, une vue d'ensemble de la maison lozérienne

La grange à gauche, c'est chez moi et la maison à droite, celle de JackCactus, le sculpteur de totems


La maison aux Totems



L'atelier aux totems


Retour de vacances! Merci à toutes celles qui m'ont rendu visite dans mon blog et m'ont laissé des commentaires pendant mon absence!

La Lozère, Mes Cévennes en ce mois d'Avril, début mai? l'horreur... quand le ciel s'abat sur vous, quand les nuages, le vent du nord, du sud, de l'ouest, le froid, la pluie, la grisaille concourent à faire de ces quelques jours une épreuve... oui, à ce moment-là, tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire! Attendre les éclaircies pour sortir les enfants, se vêtir de plusieurs couches de vêtements pour lutter contre le froid! Pour moi, c'est l'hiver avignonnais lorsqu'il est... mauvais! Alors, comme je comprends mon grand père qui a quitté ce pays au début du XXème siècle pour s'en aller vivre sa vie loin de la terre où il est né! 
Pourtant que la montagne est belle! Car dans ce petit hameau situé à 1100 mètres d'altitude, ce que je considère comme l'hiver, c'est le printemps! Les prés sont verts, émaillés de primevères et de boutons d'or; les premiers narcisses pointent leur tête. Les genêts dorent les flancs des montagnes.

les couleurs du printemps

Les genêts et, sur le versant , en face, les verts des sapins et des feuillus.

Promenade au milieu des genêts
Cueillette des orchidées sauvages

Bon, me direz-vous mais que vient faire George Sand ici? Et bien le hasard a voulu que la LC  proposée par Eimelle à laquelle se sont jointes George, Miriam, et qui devait être une pièce de théâtre, s'est révélé un roman, en partie épistolaire, dont l'intrigue se passe à Paris d'abord puis dans les Cévennes.


George Sand : Le marquis  de Villemer

Il ne s'agit pas des Cévennes comme l'on entend cette région du massif Central de nos jours, située  dans les départements de la Lozère et du Gard, mais de la Cévenne au sens large, telle qu'on la définissait à l'époque de George Sand et qui englobait jusqu'à la Haute Loire avec le Mont Mézenc, le Mont Gerbier de Jonc. C'est dans ces lieux, en effet, et non loin du Puy en Velay, que se réfugie l'héroïne de notre roman fuyant Paris. Quoiqu'il en soit j'ai eu l'impression que George Sand était avec moi en lisant cet extrait!

Les sommets des Cévennes sont souvent chargés de vapeurs glaciales, et quand le vent les balaye, la pluie se rabat sur les bassins. Dans la saison où nous sommes c'est un éternel caprice; des combinaisons de nuées fantastiques, des éclipses subites de soleil et puis des clartés d'une limpidité froide qui ramènent la pensée à ces rêves de la première aube de notre monde, quand la lumière fut créée, c'est à dire quand l'atmosphère terrestre, dégagée de ses tourmentes, laissa percer les rayons du soleil sur la jeune planète éblouie.

Dans la saison où nous sommes, c'est un éternel caprice...

L'intrigue 

 Caroline de Saint-Geneix, après la mort de son père qui ne lui laisse aucune fortune et la disparition de son beau-frère, le mari de sa soeur Camille, qui meurt ruiné, doit se placer comme demoiselle de compagnie chez la marquise de Villemer, une vieille femme impotente, bonne mais imbue de sa caste et pleine de préjugés nobiliaires. De ses deux mariages, elle a deux fils, le duc Gaetan, charmant, dispendieux, séducteur et noceur, qui dilapide sa fortune et celle sa mère; et Urbain, le marquis de Villemer, un jeune homme mélancolique, de santé fragile, savant, qui consacre sa vie à l'étude et écrit un livre sur l'histoire de France. Il a eu une maîtresse, morte en couches, qui lui a laissé un fils mis en nourrice et dont il cache l'existence. Le marquis, altruiste, sacrifie une partie de sa fortune pour payer les dettes de son frère aîné et assurer une vie décente à sa mère. Quant au duc, toujours impénitent, il cherche à séduire Caroline mais en vain. Il cesse pourtant de lui faire des avances quand il comprend que le marquis aime sincèrement la jeune fille. Mais le mariage est-il possible entre la demoiselle de compagnie, sans fortune et sans titre,  et le noble et riche marquis? Camille blessée par la réaction de la marquise s'enfuit dans les Cévennes pour se réfugier chez sa nourrice. Mais Urbain la suit jusque là...

Un sujet traditionnel

On voit que le sujet choisi est  traditionnel au XIX  siècle : les soeurs Brontë, obligées de gagner leur vie en se plaçant comme gouvernantes, ont vécu cette situation qu'elles font revivre dans leurs romans respectifs; on se dit que chez Thomas Hardy, la tragédie serait au rendez-vous, avec une jeune servante séduite, enceinte, rejetée et mourant dans un fossé. 

 Un  roman optimiste et féministe

Mais George Sand est avant tout optimiste et elle a foi en la nature humaine. Sa Caroline, intelligente, lucide, instruite, pleine de dignité, sait mettre ses sentiments sous le joug de la raison. Elle sera de taille à résister à ce Dom Juan qui s'amuse à séduire les femmes, à les perdre de réputation, parce qu'il les méprise et ceci d'autant plus, si elles occupent une position subalterne. Urbain de Villemer découvre en elle, une femme cultivée, une âme soeur, avec laquelle il peut partager des idées et des discussions philosophiques. L'auteure ne se prive pas, d'autre part, de critiquer un autre type de femmes ambitieuses, rouées et superficielles qui n'ont de cesse de s'établir dans la bonne société en flattant, mentant, intriguant sans cesse, type incarné dans le roman par Léonie, l'amie de couvent de Caroline. Le roman est donc féministe même si la vision de la femme parfaite obéit à certaines conventions du XIX siècle : Caroline doit être vertueuse, dévouée. Douce et maternelle, elle soignera le marquis malade et admirera son génie, elle aimera son enfant comme une vraie mère. Elle doit aussi reconnaître qu'elle agit par orgueil et abandonner ce sentiment pour répondre à cet amour, ce qui passe par le sacrifice et l'oubli de soi-même : Je vous aime plus que ma fierté et que mon honneur! J'ai été assez orgueilleuse, assez cruelle et vous avez trop souffert par ma faute."

Un roman critique sur la noblesse

Le roman est un prétexte aussi à George Sand pour exposer ses idées sur la société et la noblesse. Elle fait du marquis de Villemer, historien, le défenseur de la cause du peuple spolié par les nobles : Ce fils d'une grande maison longtemps privilégiée, nourri de dans l'orgueil de la race et le dédain de la plèbe, apportait devant la moderne civilisation l'acte d'accusation du patriciat, les pièces du procès, les preuves d'usurpation, d'indignité ou de forfaiture, et prononçait la déchéance au nom de la logique et de l'équité, au nom de la conscience humaine, mais surtout au nom de l'idée chrétienne évangélique.

George Sand critique les préjugés, les hypocrisies de la noble société parisienne, leurs fastueuses réceptions mondaines et leurs dépenses ostentatoires pour tenir leur rang dans le monde. La marquise Villemer doit d'ailleurs quitter Paris pendant six mois chaque année pour s'exiler à la campagne afin de se reposer mais aussi pour renflouer ses finances. George Sand oppose à ce mode de vie factice, superficiel, une vie saine à la campagne, des plaisirs simples, et la joie de vivre proche de la nature.

Un roman intéressant mais qui présente quelques faiblesses dans la construction romanesque qui repose parfois un peu trop sur le hasard et les coïncidences; il est aussi peut-être trop optimiste car la plupart du temps les bergères n'épousent pas les princes! Il se révèle donc un peu trop romantique au sens où on prend parfois le mot, c'est à dire sentimental!  Mais il est agréable à lire!

chez George


lundi 21 avril 2014

Longue Pause en Lozère dans la maison aux totems

Totem de JackCactus
Jack Cactus totem


Et oui, je pars une quinzaine de jours avec livres et bagages et petits-enfants dans mon  hameau lozérien. Je logerai dans ma maison qui est aussi appelée La maison des Totems, oeuvres de JackCactus







Bonnes vacances à tous!