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samedi 29 mai 2010

Vaucluse : Camus et Char, La Postérité du soleil


La Postérité du soleil  d'Albert Camus est paru après la mort de l'écrivain. Il est né de l'amitié d'Albert Camus et de René Char unis par leur amour commun de cette Provence hautaine et tendre, funèbre et déchirante dans ses soirs, jeune comme le monde dans ses matins et qui garde, patiemment, comme tous les pays de la Méditerranée, les fontaines de la vie ou l'Europe épuisée et honteuse reviendra un jour s'abreuver. *

Le livre a été réédité récemment aux éditions Gallimard dans un grand format qui permet de mettre en valeur les photographies noir et blanc de Henriette Grindat, artiste suisse venue rencontrer René Char à Isle-sur-Sorgue et dont les images inspirent à Camus des poèmes en prose, aphorismes qui tendent un miroir aux images de la photographe.


Seigneur farouche, le mistral souffle en maître sur ses terres. Même les soleils sont ivres. Le cyprès résiste ou rompt. Mais le long frissonnement des peupliers déplie la force du vent et l'use. L'un enseigne l'honneur; les autres, l'obstination de la douceur. Que ferions-nous de vos villes et de vos écoles? Albert Camus, La postérité du soleil
Un dieu sourcilleux veille sur les jeunes eaux. Il vient du fond des âges, porte une robe de limon. Mais sous la lave de l’écorce, un doux aubier... Rien ne dure et rien ne meurt ! Nous, qui croyons cela, bâtirons désormais nos temples sur de l’eau.
Le taureau enfonce ses quatre pattes dans le sable de l’arène. L’église du Thor** ne bouge plus, force de pierre. Mais qu’elle se mire dans la Sorgue claire, la force s'épure et devient intelligence. Elle encorne le ciel en même temps qu’elle s’enfonce dans un lit de cailloux vers le ventre de la terre. Sur le pont du Thor, j’ai senti parfois le goût vert et fugitif d’un bonheur immérité. Ciel et terre étaient alors réconciliés.

La Postérité du soleil, magnifiquement préfacé par René Char, est un très beau livre dans lequel les voix des deux poètes s'allient à la photographie pour dire la lumière de Vaucluse que Camus qualifie de lumière de vérité *

Préface de René Char :  Et ce chemin, long comme un long squelette nous conduit à un pays qui n'avait que son souffle pour esclaader l'avenir. Comment montrer, sans les trahir les choses simples dessinées entre le crépuscule et le ciel? Par la vertu de la vie obstinée, dans la boucle du Temps, entre la mort et la beauté.
*Camus parle de René Char pour une émission radio : ce soir le rideau se lève sur René Char.


**L'église du Thor classée monument historique dès 1832 date  du XIIe siècle et est un chef-d’oeuvre de l’art roman provençal, intégrant déjà des éléments gothiques, telles les croisées d’ogive, premières de la région. Elle est remarquable par la richesse de ses ornements raffinés aussi bien sur ses murs extérieurs que dans l’abside. Elle se dresse près de la Sorgue.
source   
  le goût vert et fugitif d'une bonheur immérité

mardi 25 mai 2010

Enfantilles : un voyage au coeur de la Guadeloupe, album et CD


                                                                           Enfantilles  

Critiques et infos sur Babelio.com

Enfantilles, c'est le nom donné à ce livre-CD, enfance et musique, aux éditions Au Merle moqueur, dans lequel des voix enfantines relayées par des voix adultes chantent la Guadeloupe en créole mêlé de français.

Et d'abord, il y a le livre très agréablement illustré par Sophie Mondésir qui fait danser les couleurs vives et gaies, poissons multicolores pris dans la nasse, belle robe bariolée volée à maman le temps d'un déguisement, feuillages en ombre chinoise de mademoiselle Marie, nom d'une petite plante rétractile, douceur du bleu magique de la nuit étoilée...  Le livre? un plaisir pour les yeux!

Ensuite le CD et ses chansons variées décrivant la vie quotidienne de la Guadeloupe, ses marchés, ses paniers de grains de café, ses pêcheurs, ses marchandes de poissons, ses scieurs de bois :

 Syyé bwa tout' la jouné. siyé l'égoïne ka travay bien/ Atansyon, fatigué, fatigué : Scie du bois toute la journée/ la scie égoïne travaille bien/ Attention à la fatigue!
Ses airs, au rythme vif ou doux, parlant des joies et des peurs de l'enfance, diable tapi au fond de la nuit, fête de la Noël, câlins du soir, petit enfant qui ne veut pas dormir  :

E ti doudou ka fe foufou, me zanmi : et le petit doudou fait le foufou, mes amis.

Et puis il y a le charme de la langue créole, de ses sons si proches de la langue française, que l'on ne comprend pas mais .. que l'on comprend pourtant pourvu que l'on prête l'oreille!

Berceuse : Dodo pitit' / Papa pa la /se manman tou sèl/ Ki dan l'anbara
ou  encore la chanson d'Aliette : Aliette Kontan manman y pa la/ Pou'y mété soulié a gran talon

Un petit bémol cependant : dans certaines chansons les voix paraissent un peu écrasées par la musique. Ce qui n'empêche pas les  musiciens et les chanteurs de nous entraîner dans la découverte très sympathique de cette belle île des Caraïbes.

lundi 24 mai 2010

John Connor : Code Phénix



Code Phénix est le premier roman de John Connor et aussi le premier des enquêtes de l'inspecteur Karen Sharpe.

L'intrigue se déroule dans le West Yorkshire en Avril 1996, lorsque l'inspecteur Karen Sharpe est amenée à identifier son coéquipier Philip Leech et Fiona Mitchell, son indic dans une affaire de drogue, tous deux retrouvés morts, tués par balle. Karen comprend vite qu'elle n'a réchappé à la mort que parce qu'elle était ivre et n'a pu se rendre au rendez-vous fixé par Fiona. La recherche du meurtrier s'organise avec un grand déploiement de forces car c'est un policier qui vient d'être abattu. Le commissaire John Munro et son adjoint Tony Marshall sont chargés de coordonner les équipes. Karen Sharpe participe à l'enquête dont le nom de code est Phénix mais le lecteur va vite s'apercevoir que celle-ci en sait plus que ce qu'elle veut bien le dire. Pourquoi fait-elle ainsi de la rétention d'informations? Que cherche-t-elle exactement? Pourquoi ne suit-elle pas comme les autres la piste de la drogue? Quel secret cache cette femme qui a l'air de traîner un lourd passé derrière elle?

Ce qui retient l'attention d'abord dans ce roman, c'est la parfaite connaissance du milieu policier. L'écrivain, un ancien avocat, qui a, nous dit-on, conseillé la police pour de nombreuses opérations d'infiltration dans le milieu de la drogue, sait de quoi il parle. La description de l'enquête et de son déroulement rigoureux est menée de main de maître par John Connor et certaines scènes ne manquent pas de force : ainsi celle qui montre des dizaines de personnes, policiers, élèves officiers, soldats, réunis pour une "une fouille de zone", à genoux dans la lande marécageuse par une matinée glaciale...
Mais ce n'est pas cet aspect technique qui a m'a le plus intéressée.
La critique sans concession, du système policier, ses arrangements avec le milieu de la drogue et surtout la politique du rendement est aussi un des centres d'intérêt du roman comme l'est également la dénonciation des agissements de l'armée anglaise en Irlande et des pratiques terroristes de l'IRA.

Une vraie maladie, cette obsession du résultat. On leur fourrait ça dans le crâne dès l'école de police, rien d'autre ne comptait. En d'autres termes, il fallait toujours obtenir une inculpation. Non pas une condamnation, car, si le juge la rejetait ou si le jury déclarait l'accusé non coupable, ce n'était plus de leur ressort. Le haut commandement lui-même n'échappait pas à cette manie.

De plus, John Connor  possède  l'art  du récit  ramassé, vigoureux, qui en dit long sur les personnages et la société : celui où Munro  se confie à Karen ou encore celui du traumatisme subi par James Martin ont chacun la densité d'une nouvelle à l'intérieur du roman et la chute en est efficace!
Enfin, ce sont les personnages et surtout, bien sûr, Karen qui emportent l'intérêt! Pourtant, elle n'est pas très sympathique de prime abord! Pour une fois que l'inspecteur est une femme, j'aurais bien aimé que... Mais non! Peu douée pour l'amitié, sarcastique, blessante, manipulatrice, elle est tellement habituée à la violence et à la mort qu'elle paraît déshumanisée. Pourtant lorsque ses souvenirs affleurent à la surface, elle s'efforce de les refouler avec une souffrance que l'on devine immense.
John Connor nous avertit d'ailleurs : Karen est un iceberg, glaciale dans la partie immergée mais dont les  deux tiers  sont en dessous de la surface. Et ce sont ces deux tiers qu'il est passionnant de découvrir d'un indice à l'autre, comme une enquête dans l'enquête, jusqu'au dénouement qui nous réserve un surprise !
Les autres personnages nous interpellent aussi : le commissaire John Munro, un homme complexe et sensible et sa belle et triste histoire d'amour, et ce James Martin dont on devine quel être humain exceptionnel il aurait pu être sans la tragédie qui a fait basculer sa vie.
Ainsi, lorsque l'on arrive à la fin du roman, que l'on a pris la mesure de tous ces personnages, que l'antipathie ressentie envers Karen a disparu, l'on éprouve l'envie de les retrouver, de savoir ce qu'il va advenir d'eux.

Merci aux éditions JC Lattès et à masse critique Babelio!

http://www.babelio.com/livres/Connor-Code-Phenix/173942

mardi 18 mai 2010

Noëlle Châtelet : Au pays des vermeilles



Au pays des vermeilles est un livre qui se lit avec plaisir quand on est une grand mère toute neuve, comme moi, ou plus expérimentée. Qu'il puisse plaire aux plus jeunes n'est, cependant, pas exclu car il est écrit avec élégance et constitue un recueil de petites notations pleines de finesse.
Noëlle Châtelet qui fait pour la première fois l'expérience d'être grand mère, compose ce roman ou plutôt ces moments autobiographiques, comme autant de réflexions sur la transmission de la vie, les rapports à l'enfance et l'importance du souvenir qui perpétue la mémoire de ceux qui ont disparu, sur la vie et la mort, le passage du temps, le relais entre les générations.
La naissance de sa petite fille est pour l'auteur mais aussi pour chacune (et chacun) d'entre nous la clef nécessaire pour passer de l'autre côté du miroir, à la poursuite du lapin blanc qui ouvre la porte de notre enfance mais aussi de celles de nos parents et de nos enfants...

C'est toi petite fille, mon lapin blanc aux yeux roses. Tu sembles en savoir long sur le temps -même si tu ne portes pas de gilet avec une poche pour y mettre ta montre- puisque tu m'y promènes déjà.
Le temps... Tandis que j'y descends down down down, j'en remonte le cours. (...)
Burning with curiosity, dévorée de curiosité et captivée par le lapin blanc, je me sens prête à en vivre toutes les bizarreries.
Le feu de la curiosité est de teinte vermeille, la couleur aujourd'hui pour moi de l'émerveillement devant cette évidence; je commence à devenir assez grande pour redevenir petite.

Le jeu doit être bien captivant, la fierté bien tenace pour que ne m'effleurent même pas du moins en cet instant, la petite pointe de mélancolie, le pincement de l'âme à l'idée de vieillir, de la jeunesse trop vite passée, du temps, davantage compté, que me confère cette nouvelle place sur l'horloge du temps.



Biographie de l'auteur
Noëlle Châtelet, universitaire et écrivain, élabore depuis plus de trente ans une réflexion originale sur la question du corps, à travers ses essais, ses nouvelles et ses romans, dont Histoires de bouches (prix Goncourt de la nouvelle), La Dame en bleu (prix Anna de Noailles de l'Académie française) et Le Baiser d'Isabelle. Ses ouvrages sont traduits dans une douzaine de langues.

"Au pays des vermeilles : le mot de l'éditeur
C’est un événement banal et universel : une femme qui a été mère, il y a longtemps, entre dans l’âge de la « grand maternité ». La venue au monde de sa petite-fille (la fille de son fils) a déclenché ce nouveau livre de Noëlle Châtelet, récit minutieux et profond d’un lien qui se construit et des multiples échos émotionnels réveillés par cette expérience. Le sujet est plus profond qu’il n’y paraît.
L’enfant qui se pose dans nos bras à deux générations de distance soulève en nous la question de notre propre fin, et même le doux émerveillement de retrouver telle attitude, telle expression familières, renvoie inévitablement à cette part de nous-mêmes qui semble invitée à passer dans un autre corps.
Ainsi, ce livre réunit-il les deux extrémités de la chaîne humaine, refermant la boucle, avec en arrière-plan la figure inoubliable de la mère de l’auteur. D’un côté une très vieille femme qui informe ses enfants de sa volonté de mourir dans la dignité, de l’autre cette nouvelle Alice, petite fille qui joue avec son ombre et qui saute à cloche-pied sur l’échiquier du temps. "


dimanche 16 mai 2010

Dimanche poétique : Julos Beaucarne et Victor Jara


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                                            Victor Jara                                                        

Víctor Lidio Jara Martínez était un chanteur, auteur et compositeur populaire chilien. Membre du parti communiste chilien, il soutint l'unité populaire et le président socialiste Salvador Allende. Jara fut arrêté pendant la vague de répression qui suivit le  coup d'état du 11 septembre 1973 perpétré par les militaires avec l'aide du gouvernement de Nixon dont Kissinger était le secrétaire d'état.  Salvador Allende meurt (suicide? assassinat?) et le général Pinochet prend  pouvoir; c'est la fin de la démocratie.  Enfermé dans un stade avec des milliers de prisonniers, Jara est assassiné le 15 septembre et enterré à la hâte le 18 septembre 1973. Il faudra attendre le 5 décembre 2009 pour que le chanteur ait droit à des funérailles nationales en présence de la présidente du Chili, Michelle Bachelet.
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Quand il chante La lettre à Kissinger Julos Beaucarne, chanteur, auteur et compositeur belge, explique ainsi la raison de cette chanson : le devoir de mémoire

Il y a des centaines de silences qui assassinent
Pendant des siècles et des siècles
Nos oreilles sont là pour nous tenir éveillés
Il y a des réveille-matin qui sonnent comme des clairons
Il y en a peu qui chantent des berceuses

Quand nous écoutions La lettre à Kissinger dans notre jeunesse post 68, nous étions dans l'actualité  brûlante de la tragédie du Chili et éprouvions révolte, solidarité, émotion. La lette à Kissinger nous bouleversait. Mais d'où vient que ce texte est toujours aussi émouvant si longtemps après et qu'il peut toucher même ceux qui n'ont pas connu ces évènements?
C'est que le devoir de mémoire est de tous les temps et que l'écrivain, le poète témoignent de leur époque mais parlent aussi aux hommes de demain.
Le poète est là pour rappeler la fragilité d'une démocratie, le jeu souterrain des états qui ne respectent pas l'Humain, les crimes impunis des puissants; il est là pour prendre le parti de l'opprimé, de la victime. Il est là, faible en tant qu'être humain mais fort, pourtant, parce qu'il possède les Mots, et que la Parole  du poète fait trembler le pouvoir. Le martyre et l'assassinat de Jara ne s'expliquent pas autrement. C'est lui que l'on veut faire taire parce que l'on a peur de lui. Et  c'est un autre poète, Julos Beaucarne qui se lève à la mort du poète chilien, pour prendre le relais, et lui prêter sa voix .

j'veux te raconter Kissinger
l'histoire d'un de mes amis
son nom ne te dira rien peut-être
il était chanteur au Chili
ça se passait dans un grand stade
on avait amené une table
mon ami qui s'appelait Jara
fut amené tout près de là
on lui fit mettre la main gauche
sur la table et un officier
d'un seul coup avec une hache
les doigts de la gauche a tranché
d'un autre coup il sectionna
les doigts de la dextre et Jara
tomba tout son sang giclait
6000 prisonniers criaient
l'officier déposa la hache
Il s'appelait p't'être Kissinger
il piétina Victor Jara
chante dit-il tu es moins fier
levant les mains vides des doigts
qui pinçaient hier la guitare
Jara se releva doucement
faisons plaisir au commandant
il entonna l'hymne de l'U
de l'unité populaire
repris par les 6000 voix
des prisonniers de cet enfer
une rafale de mitraillette
abattit alors mon ami
celui qui a pointé son arme
s'appelait peut-être Kissinger
Cette histoire que j'ai racontée
Kissinger ne se passait pas
en 42 mais hier
en septembre septante trois


La littérature régionale est-elle affaire de ploucs ?

Je découvre souvent en lisant des blogs ou des chroniques,  des textes qui me parlent,  dont j’aime l’idée et l’écriture. J’ai envie de les conserver pour les relire. J’ai décidé de les “collectionner”.

  
Dans un article de son blog Scriptural intitulé La littérature régionale est-elle affaire de ploucs? Schlabaya dénonce le parti pris d'un article de Laurent Simon paru sur le site Zone Littéraire. Que l'article date de 2007 ne change rien car il est, a été, et malheureusement sera, je le crains, toujours d'actualité dans un pays centralisé comme la France. Il y a dans notre pays un  rejet de toute littérature française quand elle ne vient pas de Paris!

Le parisianisme aigu est, en effet, une maladie bien connue dont est atteinte une certaine frange culturelle, mineure, mais qui fait la loi et qui rejette comme inférieur tout ce qui n'est pas de son cercle! J'en profite pour affirmer ce qui est pour moi une évidence : il n'y a pas de littérature régionaliste, il y une bonne ou un mauvaise littérature et si elle est bonne, elle devient universelle.
Jean Giono
Si l'on s'en tient aux affirmations de Laurent Simon... 
"ces romans sont corps et âmes des utopies : une sorte de panthéisme littéraire, où le paysan est la terre et la terre est paysanne. En une conception finalement très rousseauiste, et complètement idéalisée, de la vie au contact de la nature matricielle : une sorte de mythologie païenne."
... l'on doit considérer les oeuvres de  Frédéric Mistral, de Giono, Bosco (ciel! des provençaux!) ou de George Sand pour ne citer qu'eux..  comme nulles. Et pourquoi pas Rousseau lui-même? Ou Virgile? Ah! j'oubliais, eux? non! Ils ne sons pas nés en province française!
Lisez donc  l'article de Schlabaya dans Scriptural (extrait) :
J'ai lu avec ahurissement et consternation, sur le site "Zone littéraire", un article, intitulé "Ouvrez le terroir-caisse !", dont le seul but est de dénigrer à l'envi la littérature dite régionale ou de terroir. Libre à chacun, bien entendu, d'exprimer librement son avis sur quelque ouvrage ou genre littéraire que ce soit - étant sous-entendu que la critique en question est également susceptible à son tour d'être critiquée. En l'occurrence, il y a de quoi s'en donner à coeur joie... Daté de 2007, ce billet d'humeur bilieuse commis par un certain Laurent Simon, a des relents assez malodorants.

Tout au long de son réquisitoire, Simon Laurent dénonce le fait que la littérature régionale, bien que peu médiatisée, se vend très bien, et rapporte donc aux auteurs et aux éditeurs des revenus conséquents. Il insinue évidemment qu'il s'agit là d'un fond de commerce peu honorable. Ce monsieur n'a sans doute pas réalisé que, dans un système capitaliste, toute entreprise privée est effectivement contrainte à la rentabilité. Il lui a sans doute échappé que même des maisons d'édition comme Actes Sud, P.O.L. ou Picquier, sont également soumises aux lois du marché, et tenues de générer des bénéfices. Toujours est-il que la prospérité d'une collection comme Terres de France  constitue à ses yeux un scandale qu'il convient de montrer du doigt. "Du propre aveu de Jeannine Balland, les à-valoir versés aux auteurs sont plutôt importants." Un "aveu" dont il conviendrait de rougir, sans doute ? Rétribuer équitablement les auteurs dont on publie les ouvrages, voilà qui est en effet répréhensible ! persifle-t-il...

jeudi 13 mai 2010

Une amitié en terre vauclusienne : Camus écrit sur René Char


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Dans ses carnets, tome II  (janvier 1942- mars 1951) paru aux éditions Gallimard, Albert Camus écrit sur René Char. Le philosophe et le poète se sont connus à la Libération, tous deux réunis par leur amour de la terre du Vaucluse. Une longue correspondance et de fréquentes rencontres ont nourri leur amitié.

L'Isle-sur-Sorgue. Grande chambre ouverte sur l'automne. Automnale elle-même avec ses meubles aux arborescences contournées et les feuilles de platane qui glissent dans la chambre, poussées par le vent sous les fenêtres aux rideaux couverts de fougères brodées.
 Lorsque RC quitte le maquis en mai 1944 pour rejoindre l'Afrique du Nord, un avion quitte les Basses-Alpes,  survole la Durance dans la nuit. Et il aperçoit alors tout le long des montagnes les feux allumés par ses hommes pour le saluer une dernière fois.
A Calvi, il se couche (irruption des rêves). Le matin il se réveille et voit une terrasse jonchée de grands mégots de cigarettes américaines. Au bout de quatre ans de luttes et de dents serrées, les larmes jaillissent, et il pleure, une heure durant, devant les mégots.

RC dans le train d'occupation, le jour se lève. Les Allemands. Une femme laisse tomber une pièce d'or. C. la couvre du pied et la lui rend. La femme : merci. Elle offre une cigarette. Il accepte. Elle en offre aux Allemands. RC : "toute réflexion  faite, madame, je vous rends votre cigarette." Un  Allemand le regarde. Tunnel. Une main serre la sienne. "Je suis polonais.". Au sortir du tunnel, C. regarde l'Allemand. Il a les yeux pleins de larmes. A la gare, l'Allemand, en sortant, se tourne vers lui et cligne de l'oeil. C. répond et sourit. "Salauds", leur dit un français qui a surpris la scène. (..)

Un ami de C.  : nous mourons à  quarante ans d'une balle que nous nous sommes tirée dans le coeur à vingt.
Char calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur. 


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dimanche 9 mai 2010

Dimanche poétique : Jacques Roubaud, Il pleut

Magritte

Dimanche poétique : je n'ai pas envie d'être classique, ni sérieuse! Alors, allons voir du côté des Oulipiens avec Jacques Roubaud, mathématicien, poète, essayiste.
Jacques Roubaud a rejoint Oulipo, (Ouvroir de littérature potentielle), coopté par Raymond Quenaud en 1966, au côté de son ami George Pérec, de François le Lionnais, Paul Fournel, Albert-Marie Schmidt, Italo Calvino...
Les membres d'Oulipo, groupe international de littéraires et de mathématiciens, pensent que l'imagination a tout à gagner si elle s'impose des contraintes formelles et mathématiques : Pérec a écrit un roman ou le e ne figurait jamais, Roubaud est l'inventeur du baobab.
Dans les textes créés sous contrainte, l'imagination n'a plus de bornes! Libéré, le poète joue avec les mots, avec les sons, avec la logique, flirtent avec l'absurde. Pas sérieux les Oulipiens? Au contraire, la plupart sont de doctes mathématiciens!



Il pleut (extrait)


- Je crois que je crois qu'il pleut et que je sais qu'il ne
pleut pas.
- Bien.
-  Si je crois que je crois ce que je crois, je le crois.
- Bien.
- Personne ne croit que et en même temps que ne
pas.
- Que quoi, que ne pas quoi?
- N'importe quoi : qu'il pleut, par exemple.
- Bon.
-  Si je crois que je crois à tort qu'il pleut,
Autrement dit, si je crois qu'il pleut bien que ce ne soit pas
le cas qu'il pleut
il s'ensuit que je crois que je crois qu'il pleut
Et au même moment que ce n'est pas le cas qu'il pleut
Et il s'ensuit alors que je crois simultanément qu'il pleut
et qu'il ne pleut
Pas.  Mais puisque personne n'a jamais cru
en même temps qu'il pleuvait et qu'il ne pleuvait pas, il est impos-
sible que je croie que je crois qu'il pleut
 Tout en sachant qu'il ne pleut pas.
- En effet.
-  Et pourtant je le crois.

-Tu crois quoi?

De toute façon, il pleut.
              
Six petites pièces logiques
Recueil :  La forme d'une ville change plus vite que les coeur des humains.  (Gallimard)

Pour les curieux  voir  aussi : Les contraintes oulipiennes

Voir aussi le billet que j'ai écrit sur une pièce de théâtre consacrée a des textes oulipiens pendant le festival d'Avignon 2009.

mercredi 5 mai 2010

Challenge English classics : Des auteurs britanniques avant 1900


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Je me suis lancée  depuis peu  dans le Challenge English classics proposé sur le site de Karine, Mon coin de lecture.
Voilà la liste des livres des  auteurs britanniques (publiés avant 1900) que j'ai commentés dans Ma Librairie.




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Vous les reconnaissez?

Poésie :
William Blake  : Jacottet un référence au poème de William Blake : Tyger
Robert Burns : littérature et Ecosse  : Robert Burns   my heart in the-Highlands
......

Romans :
Janes Austen : texte 1 Nothanger abbey ou l'anti- romantisme
Jane Austen : texte 2   Nothanger abbey
 James Matthew Barrie : le petit oiseau blanc
 Charlotte Brontë : Le Professeur ou la xénophobie et l'intolérance
Wilkie Collins : Basil, un roman de la trahison et de la vengeance
Thomas Hardy : Le retour au pays natal ou le roman de l'enfermement
Elizabeth Gaskell : Nord et sud
Walter Scott : Rob Roy
Robert Louis Stevenson : Littérature et Ecosse : Stevenson et un fait divers
Antony Trollope : Miss Mackenzie
Antony TrollopePhineas Finn


Théâtre
J'ajoute un article sur Le Globe , théâtre shakespearien que j'ai visité à Londres.


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mardi 4 mai 2010

C.J Box : Meurtres en bleu marine




De C. J Box, j'avais bien aimé Détonations rapprochées, qui racontait la première enquête de Joe Pickett, un héros récurrent, sympathique garde-chasse dans le Wyoming. Mais Meurtres en bleu marine ne fait pas partie de la série.
Ce thriller se déroule dans le Nord de l'Idaho, région qui attire, semble-t-il, irrésistiblement les policiers de Los Angeles qui viennent s'y installer pour vivre paisiblement une retraite bien méritée. Oui, mais, parmi eux, tous ne sont pas là pour couler des jours paisibles! Le titre Meurtres en bleu marine (référence à la couleur de l'uniforme) est là pour en témoigner.  C'est ce que va découvrir Annie Taylor (12 ans) quand, en colère contre sa mère Monica qui a encore fait venir un de ses  amants chez elle, elle  amène son petit frère  William à la pêche.  Au bord de la rivière, les deux enfants assistent au meurtre d'un homme abattu à coups de pistolet et sont repérés par les meurtriers. Une chasse à l'enfant commence et nous réserve de nombreux moments de suspense. Pour leur venir en aide, Jess Rawlins, un rancher qui a tout raté dans sa vie, Jim Hearne, un banquier qui a bien des choses à se reprocher, et Villatoro, un latino, policier à la retraite, intègre, qui  n'arrive pas à décrocher, forment un trio dévoué.
Sauf à quelques moments où je me suis sentie peu concernée, le livre se lit avec plaisir. L'histoire n'est pas sans rappeler La nuit du chasseur, toutes proportions gardées avec l'immense chef d'oeuvre de Laughton : une mère coupable, la poursuite d'enfants innocents mais matures, l'adulte salvateur qui les prend sous sa protection. Mais, si le roman ne se situe pas au même niveau que le film, il est bien écrit et C.J Box a une maîtrise incontestable dans l'art du suspense.
Ce qui m'a choquée, cependant,  dans ce livre, c'est la justification de l'auto-défense, le recours normalisé à la violence,  aux armes à feu.  Puisque les "méchants" sont des flics, quoi de plus naturel, en effet, que de tuer  soi-même les meurtriers! Le poor lonesome cow boy, Jess Rawlins, au demeurant très sympathique, a une armoire pleine d'armes à feu et n'hésite pas à s'en servir.  Le seul pacifiste, Villatoro, se sent honteux et lâche de ne pas s'être battu. Heureusement, il va pouvoir se "rattraper" selon le mot de Rawlins en prenant une arme pour abattre les bandits. Que cela soit pour la bonne cause ne me dérange pas moins! On pense à Michael Moore et son Bowling for Columbine.

samedi 1 mai 2010

Guillaume Apollinaire : Mai







Le mai le joli mai en  barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous êtes si jolies mais la barque s'éloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains.
*
Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
Les pétales tombés des cerisiers de Mai
sont les ongles de celle que j'ai tant aimée
Les pétales flétris sont comme ses paupières
*
Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menés par des tziganes
suivaient une roulotte traînée par un âne
Tandis que s'éloignaient dans les vignes rhénanes
sur un fifre lointain un air de régiment
*
Le mai le joli mai a paré les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes

*



vendredi 30 avril 2010

Claude Pujade-Renaud : Le désert de la Grâce



Je m'intéresse à Port Royal et aux jansénistes depuis que, adolescente ou étudiante, j'ai un peu approché leur vie par l'intermédiaire de Racine, un auteur que j'ai beaucoup aimé et fréquenté. Le problème de la grâce, les rapports de Religieuses de Port Royal et de messieurs les Solitaires avec saint Augustin, la parenté spirituelle des jansénistes et des calvinistes et leurs différences, ne me passionnent pas d'un point de vue religieux. Je suis très peu versée sur la religion. Mais ce savoir est indispensable pour comprendre les tragédies raciniennes, ce que la fatalité antique qui pèse sur Phèdre, par exemple, doit à l'éducation de Racine par Antoine le Maistre et à la notion de prédestination, de  grâce acquise ou de grâce accordée.
Acquérir un savoir ! C'est ainsi que j'ai abordé l'oeuvre et c'est peut-être pour cela que j'ai lu le roman de Claude Pujade-Renaud sans véritable passion parce que j'étais sur les traces de Racine qui n'était pas le sujet principal même s'il est forcément bien présent, parce que  j'ai voulu aussi y trouver des connaissances précises sur des question personnelles.
Le désert de la grâce est un  roman, solidement documenté, où les évènements historiques sont habilement présentés par des personnages les ayant vécus : Françoise de Joncoux qui maintient la mémoire de Port-Royal, Claude Dodart, médecin à la cour mais proche de Port Royal, les différents membres de la famille Arnauld qui, depuis, la fondatrice, la mère Angélique, sont l'âme de Port Royal, Madame de Maintenon, leur ennemie, Blaise Pascal et sa soeur Jacqueline religieuse sous le nom de Sainte Euphémie, Marie-Catherine, la fille de Racine ...
Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, donc, si je n'ai pas été très accrochée par cette lecture, certains aspects de l'histoire ou certains personnages m'intéressant moins. Mais je l'ai été suffisamment, cependant, pour le lire jusqu'au bout et pour apprendre beaucoup sur ce qu'a été Port Royal.
Il y a des moments très forts dans le récit : celui de l'exhumation des religieuses, des Solitaires et  des fidèles de Port-Royal enterrés dans le cimetière de l'abbaye et que Louis XIV fait jeter à la fosse commune. Le roi, sous l'influence des jésuites, veut effacer jusqu'à la mémoire de ceux qui constituent un contre-pouvoir religieux puissant dont le rayonnement spirituel au-delà des frontières lui est insupportable.
Celui où Angélique Arnauld décide la clôture de l'abbaye et tient tête à son père, refusant de le laisser pénétrer dans le cloître.
Celui où l'actrice, La Champmeslé, mourante, va jouer Phèdre, vingt ans après l'avoir créée en l'absence de Racine qui a renié son passé théâtral.
Celui où Marie-Catherine Racine lit pour la première fois les oeuvres de son père et découvre l'existence des passions, amour ou haine..
C'est bien sûr le personnage que j'ai préféré :  Marie-Catherine Racine que son père, courtisan, alors historiographe du roi, retira contre son gré de Port-Royal pour ne pas déplaire à Louis XIV. Mariée, mère de trois enfants, elle part à la recherche de ce père dont le cadavre, comme celui des autres puisqu'il a voulu être enterré à Port Royal, vient d'être exhumé sous ordre du souverain. Poursuivie par le souvenir de celui pour qui elle éprouve affection filiale et  ressentiment, elle fouille le passé de cet homme coupable de tant de bassesses, de reniements et pourtant si grand dans l'expression poétique de la passion et elle découvre les aspects troubles de sa personnalité. C'est finalement dans la lecture des pièces du grand dramaturge qu'elle finira par trouver une réponse et un apaisement.

mardi 27 avril 2010

De retour de Lozère!


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Le Pont de Montvert (Lozère)

De retour après quelques jours de "gratouillage" intense dans le jardin...
Merci à celles qui m'ont écrit, à celles qui ont deviné où se trouve ma montagne, celle de Jean Ferrat : Le Massif Central
le département : La Lozère dans le Parc National des Cévennes
le village  : Le Pont de Montvert d'où partit la révolte des Camisards après l'assassinat de François de Langlade, abbé du Chayla, archiprêtre des Cévennes, inspecteur des missions catholiques. Né en 1647 à Chaila, il a été tué par les Hugenots mené par Abraham Mazel le 24 juillet 1702 au Pont de Montvert.
Le hameau de Grizac qui est le lieu de naissance du sixième pape d'Avignon : Guillaume de Grimoard  né en 1310 à Grizac  et mort en 1370 à Avignon.

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Les boules de granit, un élément caractéristique du paysage

mercredi 21 avril 2010

Je pars : Quel est donc ce pays? Petit jeu-devinette


Je pars quelques jours dans mon "pays"

ici

et là

 

Quelle cette la Montagne? facile? puisque c'est celle de Jean Ferrat

Ils quittent un à un le pays
Pour s'en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés
Depuis longtemps ils en rêvaient
De la ville et de ses secrets
Du formica et du ciné
Les vieux ça n'était pas original
Quand ils s'essuyaient machinal
D'un revers de manche les lèvres
Mais ils savaient tous à propos
Tuer la caille ou le perdreau
Et manger la tomme de chèvre
Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles
Que l'automne vient d'arriver ?
Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu'au sommet de la colline
Qu'importent les jours les années
Ils avaient tous l'âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne ...(extrait)

Mais ce n'est pas la même région?  Plus difficile?  Voilà comment en parle Jean Pierre Chabrol dans Les Rebelles...  Alors?

Là-haut, lorsque la tramontane reprend son souffle, le silence est fait de mille et une sources d'eau pure, assez d'eau pour un paradis sur terre, mais, là-haut, il n'y a pas assez de terre, alors l'eau se déploie vers les quatre coins cardinaux, se disperse sur la France. Prenez la carte, vous verrez le rayonnement bleu qui jaillit de ce coeur : l'Allier, le Lot, l'Hérault, les trois Gardons naissent dans le roc même du sommet! comme les garçons du pays perdu, ils quittent leur montagne dès qu'ils se sentent assez de force pour travailler pour les autres. 

Ajoutons ici le Tarn qui y prend sa source

Et maintenant la ville? petite devinette historique : c'est de là que partit la révolte des Camisards pendant les guerres  de religion après le meurtre de l'abbé Cheyla.


Enfin le hameau?  C'est le lieu de naissance du pape avignonnais, Urbain V.