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jeudi 21 novembre 2024

Maria Turstschaninoff : Nevabacka, terre des promesses


"Au loin, de l'autre côté de la tourbière, il distingua une créature à longues pattes et au cou interminable, comme un serpent. A y regarder de plus près, elles étaient plusieurs. Grises et noires, elles s'envolaient, leurs ailes déployées et leurs pattes oscillant dans les airs.
Les grues cendrées dansaient sur la tourbière. Les ailes tendues les unes vers les autres, le cou courbé, elles criaient et approchaient, le garçon ne fit aucun bruit, retenant son souffle. Jamais il n'avait vu un tel spectacle."

Nevabacka formé de deux mots, l’un finlandais neva, les marais, l’autre en suédois backa, la colline, désigne la ferme et la forêt où se déroule l’action du roman de Maria Turstschaninoff, en Ostrobotnie, à l’est de la Finlande.

Maria Turstschaninoff, finlandaise de langue suédoise, écrit un roman historique puisqu’il commence au XVII siècle et se termine de nos jours, mais qui est aussi un conte nourri de légendes traditionnelles, un poème en prose amoureux de la nature, des forêts et des animaux et qui plonge le lecteur au coeur même de la vie et de la beauté mystérieuse et sauvage.

Un soldat, Matts Rak, reçoit du roi, comme récompense de ses bons services militaires, une terre éloignée et sauvage qu’il appellera Nevabacka et qu'il s’efforcera de défricher, de labourer et de rendre fertile en bon fermier qu’il jamais cessé d’être malgré la guerre qui avait fait de lui un soldat. Sur son domaine s’étend une grande tourbière et des marais que le jeune paysan se propose d’assécher. Mais dans ces lieux se cache le peuple des forêts, celui qui échappe au christianisme et que le peuple révère et craint. La fée de la Tourbière - manifestation des croyances populaires, allégorie de la forêt et plus généralement de la nature toute puissante ? -  lui interdit de toucher à la tourbière et lui donne un fils en cadeau comme une compensation pour son obéissance. Nous suivons les différents membres de la famille issus de ces deux ancêtres, au cours d’une longue remontée dans les siècles où l’on passe de croyances primitives en des éléments surnaturels qui imposent le respect, à un monde où L’Eglise combat le surnaturel, punit ceux qui y croient et, à notre monde contemporain qui maltraite la nature et l’exploite au nom d’une économie efficace et productive.

Le réalisme du récit nous amène à partager la dure vie de ces paysans dans la ferme Nevabacka, qui, pour être la plus grande et la plus riche de la région, n’en exige pas moins un travail pénible mais la présence de la nature, de sa beauté majestueuse, baigne le roman d’une aura magique.

"Je me suis installée sur un arbre couché et, ma chère Charlotte, j'ai été saisie par la beauté de ce moment. D'abord, le ciel est devenu rouge, presque écarlate, avec des tâches roses et jaunes. Puis le soleil s'est levé à l'horizon et les rayons ont traversé la forêt, ornant les ombres des arbres de gravures dorées. Je n'ai jamais écrit de poèmes, mais à ce moment-là, mon âme en est devenu un."

 Les personnages se succèdent dans des récits qui semblent  indépendants les uns des autres mais qui sont reliés par des liens de parenté. L’existence éphémère de chacun forme un grand Tout, à la fois au niveau familial mais aussi à la dimension du pays, célébrant ainsi l’âpre beauté de la Finlande. Les personnages attachants et le style de l’auteure, poétique, font de ce roman une belle lecture.

vendredi 13 septembre 2024

Normandie : Honfleur, Le Vieux Bassin, la Lieutenance, la jetée et l'église Sainte Catherine (1)

Louis-Alexandre Dubourg :  Les bains de mer à Honfleur

 
Louis-Alexandre Dubourg :  Les bains de mer (détail)


Quelle belle découverte que le port de Honfleur  avec son vieux bassin cerné par de maisons hautes aux façades d'ardoises grises alternant avec la couleur, ses vieilles rues aux maisons à pans de bois, sa Lieutenance, son musée Eugène Boudin !  La ville est située sur la côté sud de l'estuaire de la Seine, face au Havre. Une ville au riche patrimoine, vivante, accueillante.


Autour du vieux Bassin

Honfleur le vieux bassin

Honfleur le vieux bassin


Honfleur le vieux bassin

Honfleur : Eugène Boudin le vieux bassin


Honfleur : ancienne église Sainte Etienne : musée de la marine


Honfleur : Musée ethnographique et ancienne église Sainte Etienne

Attention tous les musées de Honfleur sont fermés le mardi !

 

La Lieutenance


François-Louis Français  : La lieutenance (musée Eugène boudin Honfleur)

La lieutenance est un vestige de la fortification élevée au XIV siècle sous le règne de Charles V.  Ces bâtiments qui surmontent la porte de Caen ont été affectés du XVII siècle jusqu'à la révolution au lieutenant du roi d'où son nom.

 

 

La jetée 

Honfleur : Louis-Alexandre Dubourg La jetée (détail) Musée des beaux-arts de Honfleur
 

De nombreux peintres ont peint cette jetée. Le peintre Louis-Alexandre Dubourg fut à l'initiative de la création du musée des Beaux-Arts de Honfleur dont il fut le premier conservateur en 1868. Il naît en 1821 à Honfleur où il meurt en 1891 mais il part étudier à Paris avec le peintre romantique Léon Cogniet. Il s'est attaché à représenter sa ville et sa région. 

 

Honfleur : Alexandre-Louis Dubour La jetée (détail)

Honfleur : Alexandre-Louis Dubour La jetée (détail)


Dans son tableau La Jetée il peint la promenade habituelle des Honfleurais à l'entrée du port avec le phare sur le droite. La foule  de promeneurs montre toutes les classes sociales, les dames élégantes, les bourgeois et le peuple.

Eugène Boudin, un autre peintre de Honfleur, l'a aussi représentée à plusieurs reprises.

 

Eugène Boudin : le jetée de Honfleur


L'église Sainte Catherine

 

Honfleur Eglise Sainte Catherine Johan Jongkind


Honfleur l'église Sainte Catherine : le double chevet

L'église Sainte-Catherine est une immense église en bois à double nef et au clocher séparé comme un campanile italien, installé sur l'ancienne maison du sonneur. L'église date de la deuxième moitié du XV siècle et remplace une ancienne église détruite par la guerre de Cent ans. Elle a été reconstruite par les habitants de la ville avec du bois en provenance de la forêt de Touques et selon leurs connaissances en construction  navale.


Honfleur l'église Sainte Catherine : le double chevet


Honfleur l'église Sainte Catherine : la double nef


Honfleur Eugène Boudin : L'église Sainte Catherine


Honfleur l'église Sainte Catherine : la double nef jour de marché



Honfleur l'église Sainte Catherine le clocher : Monet ou Boudin ?


Honfleur : Le clocher séparé de l'église Sainte Catherine

Honfleur : Le clocher séparé de l'église Sainte Catherine


Johan Bartold Jongkind le marché  le clocher de L'église Sainte catherine

 

 

Honfleur : Le musée Eugène Boudin (2) samedi 14 septembre









jeudi 22 août 2024

Le jeudi avec Marcel Proust : Le côté de Guermantes : Le Nom propre

Giovanni Boldini : Elégante

 

Les mots nous présentent des choses une petite image claire et usuelle comme celles que l’on suspend aux murs des écoles pour donner aux enfants l’exemple de ce qu’est un établi, un oiseau, une fourmilière, choses conçues comme pareilles à toutes celles de même sorte. Mais les noms présentent des personnes — et des villes qu’ils nous habituent à croire individuelles, uniques comme des personnes — une image confuse qui tire d’eux, de leur sonorité éclatante ou sombre, la couleur dont elle est peinte uniformément comme une de ces affiches, entièrement bleues ou entièrement rouges, dans lesquelles, à cause des limites du procédé employé ou par un caprice du décorateur, sont bleus ou rouges, non seulement le ciel et la mer, mais les barques, l’église, les passants. Du côte de chez Swann : livre III  

 
A l’âge où les noms…
 
Marcel Proust enfant


Le roman Du côté de Guermantes commence par un  texte sur le nom propre qui répond au dernier livre de Du côté de chez Swann justement intitulé Les noms de pays : Le nom. Par l'importance qu'il accorde au nom, il permet de voir l’évolution progressive de Marcel, à différents âges, par rapport aux  Guermantes.

« À l’âge où les Noms, nous offrant l’image de l’inconnaissable que nous avons versé en eux, dans le même moment où ils désignent aussi pour nous un lieu réel, nous forcent par là à identifier l’un à l’autre au point que nous partons chercher dans une cité une âme qu’elle ne peut contenir mais que nous n’avons plus le pouvoir d’expulser de son nom, ce n’est pas seulement aux villes et aux fleuves qu’ils donnent une individualité, comme le font les peintures allégoriques, ce n’est pas seulement l’univers physique qu’ils diaprent de différences, qu’ils peuplent de merveilleux, c’est aussi l’univers social : alors chaque château, chaque hôtel ou palais fameux a sa dame, ou sa fée, comme les forêts leurs génies et leurs divinités les eaux. Parfois, cachée au fond de son nom, la fée se transforme au gré de la vie de notre imagination qui la nourrit ; c’est ainsi que l’atmosphère où madame de Guermantes existait en moi, après n’avoir été pendant des années que le reflet d’un verre de lanterne magique et d’un vitrail d’église, commençait à éteindre ses couleurs, quand des rêves tout autres l’imprégnèrent de l’écumeuse humidité des torrents.
 

Ce texte revient sur une idée récurrente chez Proust, celle de l’importance du Nom propre, de sa sonorité, de ce qu’il dit à l’imagination. Peu importe qu’il désigne  un « univers physique »  ( c’est à dire un lieu : on se souvient combien il a rêvé autour de Venise ou de Balbec) ) ou un « univers social », ( la noblesse). Ainsi lorsqu’il est enfant, à Combray, il pare la duchesse de Guermantes d’une aura féérique avant de l’apercevoir à l’église  lors  mariage de Melle Percepied  :

Tout d’un coup, pendant la messe de mariage, un mouvement que fit le suisse en se déplaçant me permit de voir assise dans une chapelle une dame blonde avec un grand nez, des yeux bleus et perçants, une cravate bouffante en soie mauve, lisse, neuve et brillante, et un petit bouton au coin du nez. Et parce que dans la surface de son visage rouge, comme si elle eût très chaud, je distinguais, diluées et à peine perceptibles, des parcelles d’analogie avec le portrait qu’on m’avait montré, parce que surtout les traits particuliers que je relevais en elle, si j’essayais de les énoncer, se formulaient précisément dans les mêmes termes : un grand nez, des yeux bleus dont s’était servi le docteur Percepied quand il avait décrit devant moi la duchesse de Guermantes, je me dis : « Cette dame ressemble à la duchesse de Guermantes »  (Du côté de chez Swann)

Le bouton au coin du nez constitue pour le jeune Marcel une première confrontation entre le rêve et la réalité,  une première déception. Cependant cette désillusion ne parvient pas à tuer complètement le rêve mais est déjà une amorce de ce qui va arriver dans Du côté de Guermantes, à un autre âge, celui où Marcel entre dans l’âge adulte..

Ce que l’enfant projette dans le nom de la duchesse de Guermantes est lié à la sonorité du mot, sa forme, et à sa couleur. En effet, pour Proust, Guermantes est orangé et amarante. La magie tient aussi à la culture de l’enfant  (on sait l’importance de sa grand-mère et des tableaux des peintres italiens que lui fait connaître Swann), à ses lectures, mais aussi à  son imagination qui voit la vie selon le prisme de cette lanterne magique qui pare de couleurs et d’images sa chambre et présente l’histoire de la « pauvre Geneviève de Brabant », ancêtre des Guermantes, trahie par l’affreux Golo.

On avait bien inventé, pour me distraire les soirs où on me trouvait l’air trop malheureux, de me donner une lanterne magique, dont, en attendant l’heure du dîner, on coiffait ma lampe… Au pas saccadé de son cheval, Golo, plein d’un affreux dessein, sortait de la petite forêt triangulaire qui veloutait d’un vert sombre la pente d’une colline, et s’avançait en tressautant vers le château de la pauvre Geneviève de Brabant. » (Du côté de chez Swann)

Une imagination tournée vers le moyen-âge et ses légendes, si bien que la propriétaire d’un château ne peut-être qu’une « dame », une « fée » et le château, celui des contes, des « génies » et des « divinités ».


Lanterne magique Geneviève de Brabant qui épouse le seigneur Siffroy

Lanterne magique Geneviève de Brabant départ de Siffroy à la guerre

Lanterne magique Geneviève de Brabant; Golo cherche à séduire Geneviève

Mais dans Du côté de Guermantes, Marcel, le personnage, n'est plus "à l’âge où les noms"  sont liés à l'inconnaissable. Il entre dans la vie adulte et  c’est ainsi que dès le début de ce troisième volume de La Recherche, Marcel Proust établit l’impossibilité de faire coïncider, à travers les Noms,  « l’inconnaissable » , -c’est à dire le rêve-, et le réel, les deux étant antinomiques. Chaque fois que Marcel est confronté à la réalité, il est déçue : nous l’avons vu pour Balbec, pour La Berma, pour Gilberte ou Albertine, rien ne peut être à la hauteur de son imagination… Tout ce début de texte est construit d’ailleurs sur des antithèses. L’imagination a la couleur du rêve, « diaprent » « reflets » « merveilleux, « lanterne magique " "une âme" "une individualité " et le réel dément le rêve : ( une âme) qu’elle ne peut contenir » «  éteindre ses couleurs »

Il en est de même pour Madame de Guermantes qui est auréolée du prestige de son nom et du château qu’elle habite à Combray. L’image rêvée qu’il se fait d’elle et qu’il essaie de poursuivre quand il la retrouve à Paris  ou qu’il la voit à l’opéra semblable à une divinité, bref! ce qu’il nomme « les repeints successifs » du Nom, va finir par être  progressivement détruit par la réalité comme l’indique le champ sémantique de la mort dans le paragraphe suivant : 

Cependant, la fée dépérit si nous nous approchons de la personne réelle à laquelle correspond son nom, car, cette personne, le nom alors commence à la refléter et elle ne contient rien de la fée ; la fée peut renaître si nous nous éloignons de la personne ; mais si nous restons auprès d’elle, la fée meurt et avec elle le nom, comme cette famille de Lusignan qui devait s’éteindre le jour où disparaîtrait la fée Mélusine. Alors le Nom, sous les repeints successifs duquel nous pourrions finir par retrouver à l’origine le beau portrait d’une étrangère que nous n’aurons jamais connue, n’est plus que la simple carte photographique d’identité à laquelle nous nous reportons pour savoir si nous connaissons, si nous devons ou non saluer une personne qui passe.

A noter le chiasme antithétique La fée peut renaître / si nous nous éloignons de la personne // si nous restons auprès d’elle/ la fée meurt. On voit aussi comment la simple carte photographique d'identité s'oppose dans le texte aux mots "âme " et "individualité".

Au début donc, Marcel voit encore la comtesse Oriane de Guermantes comme une sorte de divinité, il en tombe amoureux et se ridiculise en cherchant à la rencontrer à chacune de ses sorties.  Quand il cesse d’être amoureux, c’est le moment où elle accepte de le recevoir et c’est là qu’il est confronté à la réalité du personnage et aussi à celle de son mari Basin de Guermantes. Cette destruction systématique de l’illusion face à la médiocrité, la méchanceté, la superficialité de ces gens et leur morgue, culmine avec le fameux texte final des chaussures rouges rouges dont je parlerai plus tard et qui met définitivement fin à l’illusion.

 


 
Le côté de Guermantes Proust (1008 pages édition de poche)




jeudi 11 avril 2024

Le jeudi avec Marcel Proust : Du côté de Chez Swann Première partie Cambray : La vieillesse

Giorgione :  La Vecchia (1505- 1508 ) sur le cartellino est écrit : Avec le temps ( Voilà ce que je suis devenue)

 

Quand Marcel Proust nous parle de Tante Léonie, il la décrit parfois d'une manière satirique qui révèle ses ridicules et qui nous fait sourire. Mais derrière ce portrait on sent l'affection du jeune garçon et une petite musique triste, une phrase musicale obstinée, lancinante, qui nous étreint le coeur, celle d'une vie gâchée, d'une mort lente, d'un abandon à la vieillesse. Comment Proust qui meurt à l'âge de 51 ans peut-il connaître aussi bien  "ce grand renoncement de la vieillesse qui se prépare à la mort"  si ce n'est par sa maladie, cette lutte qu'il a menée parfois cloué au fond de son lit, terrassé par l'asthme, pour achever son oeuvre.

Aussi A la Recherche du temps Perdu qui permet de ressusciter l'enfance où tout est encore possible, où tout est découverte et nouveauté, est aussi le livre de la vieillesse, thème récurrent de l'oeuvre.

Dans du côté de chez Swann Cambray, l'enfant est sensible très jeune au passage du temps et aux ravages qu'il inflige aux êtres humains et qu'il devine métaphoriquement en observant le dessèchement des tiges, des feuilles et des fleurs du tilleul de l'infusion que Françoise prépare à Tante Léonie.

  Françoise faisait infuser son thé ; ou, si ma tante se sentait agitée, elle demandait à la place sa tisane et c’était moi qui étais chargé de faire tomber du sac de pharmacie dans une assiette la quantité de tilleul qu’il fallait mettre ensuite dans l’eau bouillante. Le dessèchement des tiges les avait incurvées en un capricieux treillage dans les entrelacs duquel s’ouvraient les fleurs pâles, comme si un peintre les eût arrangées, les eût fait poser de la façon la plus ornementale. Les feuilles, ayant perdu ou changé leur aspect, avaient l’air des choses les plus disparates, d’une aile transparente de mouche, de l’envers blanc d’une étiquette, d’un pétale de rose, mais qui eussent été empilées, concassées ou tressées comme dans la confection d’un nid. 

 Les feuilles de tilleul sont présentées comme un tableau de peintre " les eût fait poser de la façon la plus ornementale". Jouant sur les mots, Proust suggère qu'il ne s'agit pas de n'importe quel tableau mais d'une nature morte car la mort est présente dans tous les mots, dans la comparaison avec une aile transparente de mouche mais aussi dans l'accumulation des termes qui introduisent l'idée du changement en autre chose et de la perte, de la destruction : dessèchement, treillages, incurvées, perdu, changé, empilées, concassées, tressée...

Et l'enfant s'interrogeant sur la nature de ces végétaux, conclut : C’était bien des tiges de vrais tilleuls, justement parce que c’étaient non des doubles, mais elles-mêmes, et qu’elles avaient vieilli. 

De même le portait de Giorgione ci-dessus ( c'est la mère du peintre) perd son identité pour devenir l'allégorie de la vieillesse et nous dit, pointant le doigt vers sa poitrine : "voilà ce que je suis devenue !" .  La Vieccha comme les fleurs du tilleul, a subi la métamorphose d'un caractère nouveau à un caractère ancien.

Et chaque caractère nouveau n’y étant que la métamorphose d’un caractère ancien, dans de petites boules grises, je reconnaissais les boutons verts qui ne sont pas venus à terme; mais surtout l’éclat rose, lunaire et doux qui faisaient se détacher les fleurs dans la forêt fragile des tiges où elles étaient suspendues comme de petites roses d’or – signe, comme la lueur qui révèle encore sur une muraille la place d’une fresque effacée, de la différence entre les parties de l’arbre qui avaient été « en couleur » et celles qui ne l’avaient pas été – me montrait que ces pétales étaient bien ceux qui avant de fleurir le sac de pharmacie avaient embaumé les soirs de printemps. Cette flamme rose de cierge, c’était leur couleur encore mais à demi éteinte et assoupie dans cette vie diminuée qu’était la leur maintenant et qui est comme le crépuscule des fleurs (I, 51-52).  

 Ainsi tout le texte est le prolongement de cette antithèse entre la couleur qui s'oppose à l'absence de couleur,  la jeunesse à la vieillesse,  la vie à la mort :  l'éclat rose,  roses d'or,  flamme rose, lueur, viennent ainsi en antithèse avec  pâles,  fragile, effacée, demi éteinte, assoupie, diminuée. Opposition renforcée par la comparaison entre les soirs de printemps (le début de la vie, la naissance)/ et le crépuscule des fleurs (la fin de la vie, la mort).

 Quant à la vie, une métaphore la symbolise tout au cours du texte, celle de la lumière, une petite flamme frêle, toujours prête à s'éteindre : éclat rose, lunaire et doux, c'est la lumière d'un cierge vacillant dans l'obscurité de l'église.

La description du tilleul séché représente donc la vieillesse ou plus précisément l'effacement de la vie comme si la mort n'intervenait pas brutalement mais s'imposait peu à peu, insidieusement, telle une "fresque" qui perd peu à peu ses couleurs avant de disparaître sous le passage du temps.

Dans le texte qui suit l'on peut noter le parallélisme entre la description du tilleul séché et le procédé de vieillissement de Tante Léonie, son effacement progressif.

« Oui, un jour qu’il fera beau, j’irai en voiture jusqu’à la porte du parc. » C’est sincèrement qu’elle le disait. Elle eût aimé revoir Swann et Tansonville ; mais le désir qu’elle en avait suffisait à ce qui lui restait de forces ; sa réalisation les eût excédées. Quelquefois le beau temps lui rendait un peu de vigueur, elle se levait, s’habillait ; la fatigue commençait avant qu’elle fût passée dans l’autre chambre et elle réclamait son lit. Ce qui avait commencé pour elle — plus tôt seulement que cela n’arrive d’habitude — c’est ce grand renoncement de la vieillesse qui se prépare à la mort, s’enveloppe dans sa chrysalide, et qu’on peut observer, à la fin des vies qui se prolongent tard, même entre les anciens amants qui se sont le plus aimés, entre les amis unis par les liens les plus spirituels, et qui, à partir d’une certaine année cessent de faire le voyage ou la sortie nécessaire pour se voir, cessent de s’écrire et savent qu’ils ne communiqueront plus en ce monde. Ma tante devait parfaitement savoir qu’elle ne reverrait pas Swann, qu’elle ne quitterait plus jamais la maison, mais cette réclusion définitive devait lui être rendue assez aisée pour la raison même qui, selon nous, aurait dû la lui rendre plus douloureuse : c’est que cette réclusion lui était imposée par la diminution qu’elle pouvait constater chaque jour dans ses forces, et qui, en faisant de chaque action, de chaque mouvement, une fatigue, sinon une souffrance, donnait pour elle à l’inaction, à l’isolement, au silence, la douceur réparatrice et bénie du repos.

 Comme dans toute grande oeuvre, quand un auteur vous parle de lui, il vous parle de vous. Cependant on ne peut pas lire les textes de Marcel Proust de la même manière, que l'on soit jeune ou âgé, et l'émotion qu'il suscite en nous ne peut-être la même quand on se sent proche ou non de la vieillesse. Il y a fort à parier que si vous êtes jeune, ce texte vous paraîtra remarquablement bien écrit voire plein d'émotion mais peu menaçant.  Mais si vous êtes âgé(e), si vous avez des amis qui, déjà, maladie ou fatigue, ne vous écrivent plus ou ne se déplacent plus, vous sentirez une sorte d'osmose passer de Tante Léonie à vous-même à peine encore retenu(e) au-dessus de l'abîme. Je crois que ce qu'il y a de plus triste dans le renoncement, c'est le fait que l'on éprouve du plaisir à le ressentir, aucune révolte mais un assentiment, et c'est ce que me fait découvrir Marcel Proust...




vendredi 12 janvier 2024

Gouzel Iakhina : Les enfants de la Volga

 

Dans Les enfants de la Volga, Gouzel Iakhina raconte l’histoire des Allemands de la Volga, près de Saratov,  une communauté attirée en Russie par la tsarine Catherine II dans la seconde moitié du XVIII siècle  et qui a conservé sa langue, ses traditions et sa culture. En 1918, Lénine reconnait leur autonomie. Dans les années 1921-1922, les Allemands connaissent la famine, ce qui en décide certains à retourner dans leur pays d’origine. Les autres ont eu à subir les vicissitudes de l’histoire, réquisitions, collectivisation, déportation en Sibérie pendant la guerre de 1940-45; après la guerre, la communauté ne s’est jamais  reformée et a disparu.

C’est dans ce cadre que s’inscrit l’histoire du schulmeister (maître d’école) Jakob Ivanovitch Bach, un être laid, falot, effacé et solitaire, à la parole difficile, qui mène une vie monotone, réglée  par la cloche de l’école dans un petit village allemand au bord de la Volga. Le cours de cette terne existence va être rompu lorsqu’un riche fermier, habitant l’autre rive de la Volga gardée par de hautes falaises, le fait venir pour donner des leçons à sa fille Klara. La jeune fille doit apprendre l’allemand car son père a décidé de repartir en Allemagne. Comment le destin va réunir les jeunes gens, comment la mort de Klara à la naissance de sa fille va les séparer, comment l’existence de Bach va se dérouler à l’écart du Monde, des révolutions, de la guerre, un monde tourmenté qui ne fait irruption que de temps à autre pour bouleverser la vie de Bach, à l’abri de la haute rive du fleuve, c’est ce que je vous laisse découvrir…

Il y a comme d’habitude chez Gouzel Iakhina une puissance d’écriture assez fulgurante qui font de la Volga un personnage à part entière, une  frontière qui retranche du cours de la vie, force protéïforme selon les saisons, prise dans la glace en hiver ou déchaînée au moment de la débâcle.

Ils voguaient dans la nuit : la Volga était comme une mer d'encre. L'encre clapotait contre la coque, l'encre noyait l'horizon - on ne comprenait pas où s'arrêtait le fleuve, où commençait la steppe, où arrivait la steppe et où commençait le ciel. Les étoiles se reflétaient sur les flots d'encre, les feux de Gnadenthal y tremblotaient, et personne n'aurait pu dire, à cette heure, quelles lumières venaient des maisons, et quelles lumières venaient du ciel.

La nature tient une place prépondérante dans le roman avec des descriptions somptueuses qui font appel à tous les sens.

Ces images figées -la ferme de Grimm, les forêts sur la rive droite de la Volga, les steppes sur la rive gauche, la Volga elle-même, et la chouette chassant le mulot -, tout avait été pétrifiéen un instant par la puissance du froid et recouverte du cristal glacé le plus pur, comme une fourmi peut-être enfermée dans un morceau d’ambre transparent.
Les mélodies à peine audibles de ce monde engourdi - le crépitement des glaçons entre les rondins de l’isba, le grincement des troncs des chênes dans la forêt - disparaissaient peu à peu, se transformaient en silence. L’ouïe de Bach se dissolvait dans ce merveilleux silence, tout comme ses sensations et ses pensées venaient de se dissoudre dans la glace. »


De beaux passages, prenants, témoignent du talent de narratrice de l’écrivaine, comme lorsque Jakob Bach donne des leçons à Klara Grimm qu’il ne peut voir, séparé d’elle par un paravent dressé par la méfiance d’un père, lorsque la littérature tient lieu de trait d’union entre les deux personnages. On a parfois l’impression d’être dans un conte traditionnel comme ceux que Bach aime tant, où une belle jeune fille retenue prisonnière par un méchant génie  devra sa liberté à l’amour. Et Bach est souvent semblable à un personnage de conte :

« Une nuit, il se fit soudain réflexion qu’il était devenu comme un nain avide tremblant pour son or. Comme Udo Grimm, qui avait essayé de séparer sa fille du monde avec un paravent. »

 Mais comme nous ne sommes pas réellement dans un conte, la réalité sera tout autre ! Moments d’une grande beauté morbide, le corps de Klara conservé dans la remise-glacière pendant l’hiver, princesse morte se parant des joyaux scintillants du gel comme une Blanche Neige dans son cercueil de verre.

« Elle était couchée, plus froide et plus blanche que la neige, dans un coffre en bois où ils conservaient les oiseaux abattus, les poissons morts, ses cils -couverts de givre. Il pleurait parceque Klara était morte. »
« Le corps de la femme étendue sur la glace -pâle, avec le dessin capricieux de ses veines bleues. »


Et puis il y a l’amour du maître d’école pour les mots, le folklore allemand, les légendes et les traditions qu’il nous raconte ou plutôt qu’il écrit, lui qui bégaie et finit pas ne plus parler.   

Mais d’où vient alors que j’ai moins aimé ce livre que Zouleika ou Convoi pour Sarmacande ! Je me le suis demandé à plusieurs reprises quand je sentais mon intérêt faiblir.

Ma réponse est la suivante : les personnages, Bach surtout, s’abîment tous deux dans le silence, sont dans l’impossibilité de partager leurs sentiments, de communiquer entre eux. Il m’a donc été difficile de m’intéresser à eux tout le temps !  Bach paraît souvent immobilisé, prisonnier de son absence de paroles, comme de son impuissance à exprimer ses émotions. Evidemment, c’est ce que veut montrer l’écrivaine mais j’ai éprouvé de la frustration de ne pas en savoir plus. Ce n’est pas toujours facile de retenir le lecteur avec un antihéros !  D’autre part, j’ai trouvé que le roman avait des longueurs. Je n’ai pas été intéressée, par exemple, par tout ce qui concerne le personnage de Staline, jamais nommé, mais mis en scène d’un manière un peu trop démonstrative. Bref ! j’ai trouvé que l’intérêt du livre n’était pas constant. Et c’est dommage car Gouzel Iakhine est une grande écrivaine au style évocateur, puissant, poétique et original !



lundi 2 octobre 2023

Pekka Juntti : Chien sauvage



 

Dans Chien sauvage de l'écrivain finlandais Pekka Juntti, paru aux éditions Gallmeister, le personnage principal,  Samuel Somerniva -dit Samu- semble avoir un destin tout tracé, du moins aux yeux de son père. Son fils sera mineur : « C’est la place des hommes de notre famille, nous y appartenons ». Oui, mais Samu, avec la complicité silencieuse de sa mère, veut échapper à ce déterminisme. Il part dans le Nord, en Laponie, travailler chez Sanna et Matti dans un élevage de chiens de traîneaux. Le travail est rude, de longues journées sans repos, du matin jusqu’au soir. Il s’agit de nourrir les Huskys, de nettoyer les cages, de recevoir les groupes de touristes, de préparer les repas. Rien d’exaltant, mais avec la récompense, parfois, de courses de traîneau fabuleuses avec Matti pour apprendre le métier. Samu tient le coup car son rêve est de devenir musher, conducteur de traîneaux, parmi les plus grands, ceux qui accomplissent des exploits avec leur attelage sur des milliers de kilomètres.

 Mais de la réalité au rêve, il y a loin. Les chiens de traîneaux coûtent cher, certains valent même des fortunes. Aussi lorsque les deux chiens d’un célèbre musher disparaissent, Nanok et Inuk, Samu se lance à leur poursuite. Si Inuk est retrouvé facilement, Nanok, lui, a repris goût à la liberté et est redevenu sauvage. Cependant, le propriétaire du chien promet au jeune homme que Nanok sera à lui s’il parvient à le capturer. Samu va partir de plus en plus loin dans le Nord, parmi les populations minoritaires qui semblent oubliées de tous sauf quand il s’agit de détruire leurs réserves naturelles et d'exploiter leur bois! Si les Samis l’aident au début, ils vont bientôt devenir hostiles, surtout les éleveurs de rennes, car le chien fait des ravages dans leurs troupeaux. L’entêtement de Samuel à  chercher l’animal et à le protéger suscite la colère des éleveurs, son ignorance des coutumes de la population vont le mettre en danger.
 

Le roman est construit sur deux périodes : Il commence en 2008 et se déroule jusqu’en 2009 pour l’histoire de Samu et est daté de 1942  jusqu’en 1949 pour celle d’Aila et de sa famille qui vivent près de la rivière Tengelio. Les deux récits se rejoindront en 2009 quand Samu, arrivant dans la région tombe amoureux d’Avaa. Mais il y a encore une autre partie insérée entre ces deux périodes, sous la forme de pages numérotées indiquant le nombre de jours que Samuel passe dans une cabane, isolé, mourant de peur et de faim sans que le lecteur sache vraiment ce qu’il fait là !  J’avoue que cela m’a un peu déroutée au début avant de comprendre qu’il s’agissait d’un futur par rapport au présent de Samuel et, là aussi, les deux espaces temporels vont finir par coïncider. Une construction un peu complexe.


Paysage finlandais


Chien sauvage
est d’abord un hymne à la nature mais sans idéalisation. On peut facilement y mourir si l’on ne sait pas respecter sa puissance. Ne jamais se croire plus fort qu’elle ! Les paysages sont magnifiques mais les villages miséreux. Quand Samuel part vers le nord à la recherche de ses chiens, il parcourt d’abord des paysages de marais avec des pins rabougris, une forêt peu dense mais qui devient de plus en plus épaisse coupée çà et là de quelques villages.

J’avais l’impression de remonter dans le temps. C’étaient des villages oubliés. Il y avait de la pauvreté , mais aussi beaucoup de vie. (…) Ces villages me faisaient penser aux pins tordus de mont Ousnasvaaara sur lequel j’avais grimpé en route vers le nord. La vie y était fragile mais tenace. Le panneau indiquait Ylitornio.

 
Les Samis croient aux âmes des ancêtres incarnées dans les arbres. L’environnement, la forêt, les rivières et les lacs sont sacrés non seulement pour assurer leur subsistance mais aussi sur le plan spirituel. Aila fait des offrandes au sapin séculaire d’Arviitti qui les protège en retour. La famille a une ferme, cultive un champ, élève des vaches, vit aussi de la chasse et de la pêche.

Quand le père part à la guerre en 1942, il explique à sa fille : 

… il est toujours agréable de rendre visite au sapin d’Arviitti. On y est seul et en même temps bien entouré : quand on raconte ce que l’on a sur le coeur, tout le monde nous écoute. Il y a le vieux Arviitti et Eevertti, Vänni et Liisi  et tous les autres qui sont partis.
Quand tu rends visite à l’arbre observe la rivière. Si tu l’écoutes bien, tu entendras les rapides chanter le chant de la liberté, les pins bouger au vent sur la colline et les saumons faire claquer leurs queues grandes comme des pelles dans les frayères. Il y en a un près de la rive, dans le contre-courant d’un rocher, là où le lac commence. Ma chère Aila, tu as bien constaté que sur la berge de la rivière, le rosier sauvage est encore en fleur. Il ne nous arrivera rien.

 

Pekka Halonen : peintre finlandais

 

Après la guerre, le gouvernement pour reconstruire le pays et relancer l’économie, ouvre de grandes campagnes de coupes forestières qui détruisent la forêt et ravagent des régions entières. Des chantiers pour construire des barrages et des centrales hydrauliques sur la rivière Tengelio voient le jour. Mais ce serait fatal aux saumons qui seraient dans l’impossibilité de remonter le cours d’eau. La colère des hommes s’éveille.

Ils trouvent toujours une bonne raison pour venir ici et tout détruire. Bon Dieu, on a vécu dans le sang et dans la merde à cause de ce satané état finlandais et voilà la récompense !

 Des forestiers, des chefs de chantier, disparaissent mystérieusement. Nul ne peut les retrouver. On dit que la  forêt se venge, qu’elle les a emportés. Et que signifient ces trois roses que certains se voient offrir car les roses poussent aussi sur les bords glacés de la Tengeliö ?  

Chanson de la Tengeliö

Là où scintillent la Tingeliö, 

ses miroirs, ses courants,

Tu peux trouver le bonheur

si tu découvres la fleur.

Pourtant, les jeunes, comme Vaïnö, le frère d’Aila, sont attirés par la grande ville, Helsinki, par l’argent gagné rapidement en s’engageant dans les chantiers bien payés, par le confort d’une maison avec l’électricité. Les femmes lancent des pétitions pour que leurs enfants aillent à l’école.  

« D’après elle, puisque nos forêts et nos eaux leur plaisent tant, ils nous doivent bien ça en contrepartie. »

C’est le monde ancien et moderne qui s’affrontent. Finalement, Le président de la République Urho Kaleva Kekkonen préserve la région  en faisant un parc national d’étude de la nature.

Chien sauvage
n’est pas un de mes coups de coeur, je n'ai peut-être pas été assez accrochée par les personnages qui me semblent parfois froids et un peu démonstratifs. Certains thèmes qui m'intéressaient comme celui de la réalisation du rêve de devenir musher est abandonné. Peut-être que mon attente était trop à la Jack London ou à la Oliver Curwood quand j'ai choisi ce livre !  Mais il présente de belles descriptions de la nature, une connaissance de la vie sauvage et de la vie des peuples du nord.  Le propos écologique est intéressant. J'ai lu ce roman avec plaisir.




 



jeudi 28 septembre 2023

Eva Jospin : Palazzo, exposition au Palais des papes d'Avignon

Palais des papes d'Avignon : exposition Eva Jospin, Grande Chapelle : Côté cour côté Jardin, Nymphée, Cénotaphe


"Diplômée de l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, Eva Jospin compose depuis une quinzaine d’années des paysages forestiers et architecturaux qu’elle développe dans différents médiums. Du 30 juin au 7 janvier 2024, l’exposition Palazzo investit différents espaces du Palais des Papes, invitant à une déambulation rêveuse entre des œuvres choisies de l'artiste pour répondre à l’histoire et l’architecture de la résidence pontificale."

 

Eva Jospin sculpte dans le carton des oeuvres monumentales
 

Le palais des Papes et les Mondes parallèles d'Eva Jospin  



La déambulation rêveuse parmi les oeuvres d'Eva Jospin est aussi une promenade dans le majestueux palais des Papes d'Avignon, ce qui décuple le plaisir de la découverte, le déplacement spatial devient aussi voyage temporel. 

Les tombeaux et des gisants du palais évoquent la mort toujours liée à la mémoire dans les ruines des cités disparues où nous fait pénétrer l'artiste. 

 

Cénotaphe : Eva Jospin
 

Et cette oeuvre, ci-dessous, dans la chapelle Saint Jean, répond aux fresques de Matteo Giovanetti du XIV siècle.

 

Eva Jospin : Chapelle saint Jean : fresques du XIV siècle

 

L'artiste crée des correspondances secrètes et subtiles entre son travail artistique  et le vieux palais,  piliers,  recoins obscurs,  passages dérobés, voûtes gothiques,...

 

Voûte en ogive : rappel du  palais gothique

qui n'est pas sans rappeler aussi les voûtes nervées des palais hispano-musulmans :

 

 art hispano-musulman

 

 Palais des Papes : pilier sculpté par le vent, pilier à cinq colonnes

Dans la salle du Parement, une forêt inextricable, semé d'embûches, hérissées de piquants, cache, comme dans un conte de fées, un vieux château oublié.

 

 Salle du parement : Une forêt inextricable... carton et bois

  

Des Mondes imaginaires


Eva Jospin Palais des papes  : Nymphée


La Grande Chapelle présente les oeuvres monumentales d'Eva Jospin qui donnent l'impression de pénétrer au coeur de mondes mystérieux si bien que l'on ne sait plus vraiment où l'on est.  Intitulées  : Côte cour, côté jardin, Nymphée, Cénotaphe, elles s'élèvent, couronnées par les arcs en ogive, et se déploient dans ce vaste ensemble. 


Côté cour côté jardin comme dans un théâtre mais aussi fontaine

Dans Côté cour, Côté jardin qui évoque le théâtre peut-être en souvenir de Shakespeare : "le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs",  le décor est une fontaine d'où s'écoulent de minces filets d'eau. Eau ou sable poussé par le vent ou cendres  ? Car le  corps replié sur lui-même, en position foetale, rappelle la mémoire de Pompéi ou de tout autre cité disparue. Le corps emprisonné devient alors un de ces moulages que les archéologues ont pu recueillir dans la ville ensevelie.


Eva Jospin Palais des Papes côté cour Côté jardin


 Architecte et sculptrice

 

Cambodge : Angkor Temple
 

Ainsi l'on peut dire que Eva Jospin est architecte, elle crée avec du carton et du bois des villes oubliées, des grottes décorées de coquillages, des nymphées, des ruines envahies par la végétation luxuriante, croulant sous les lianes comme sous le poids des années, témoins de l'éphémérité des civilisations humaines.  Parfois l'on part dans un autre continent, on pense aux temples kmers dévorés par des arbres  gigantesques aux racines tentaculaires.


Eva Jospin Palais des papes : La forêt corinthienne


La forêt corinthienne (détail)


Regardez les détails : cet escalier qui monte jusqu'à ce temple prisonnier de la végétation. On est dans un film d'Indiana Jones ! 

 Sur le plan pictural on pense à la mode des ruines au XVII siècle, Monsu Desiderio, ou des peintres du XVIII siècle, Piranesi... 

 

Monsu Desiderio : l'Atlantide

  

 Piranesi : Temple de Minerve


Mais elle est aussi sculptrice, elle façonne dans le carton, ces décors étranges, ces reliefs qui semblent érodés par le vent et qui nous transportent au milieu d'un désert de pierres

 

Des formes érodées par le vent
 

 

Eva Jospin  : un désert


Les Tapisseries de soie

 

Eva Jospin : Les tapisseries de soie dans le Grand Tinel
 

Eva Jospin abandonne de temps en temps le carton pour présenter de splendides tapisseries de soie qui reprennent ses thèmes de prédilection, les ruines, les cités étouffées sous la végétation. Le Grand Tinel du Palais des Papes est un cadre somptueux qui les met en valeur.

 


 

 

Eva Jospin : Tapisserie de soie : détail

 

Eva Jospin : Les tapisseries de soie : détails
 


Exposition Eva Jospin : Palazzo

 Du 30 Juin 2023 au 7 Janvier 2024

Ouverture : 

Du 30/06/2023 au 07/01/2024, tous les jours.

  • du 30 juin au 5 novembre : de 9h à 19h.
  • du 6 novembre au 22 décembre : de 10h à 17h.
  • du 23 décembre au 7 janvier 2024 : de 10h à 18h.

Fermeture des caisses 1h avant.

Découvrez l'univers de l'artiste

 

Exposition Eva Jospin au Palais des Papes d'Avignon