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lundi 25 avril 2022

Carrières des Lumières 2022 : Venise et Yves Klein

Carrière de Lumière : Venise

« La pause petite fille » est terminée avec le retour en classe. Toutes les deux, grand mère et petite fille,  publions ici les photographies que nous avons prises lors de notre visite aux Carrières des Lumières des Baux de Provence pendant les vacances.
Cette année la projection (45 minutes) est consacrée à Venise et cette visite de la ville est magique,  avec cette magnifique architecture dont les images fixes ou animées, projetées sur les murs gigantesques de la carrière, forment un cadre somptueux. Les gondoles glissent à côté du visiteur, les canaux défilent devant ses yeux, les ponts, les palais, l’opéra, les  églises… Nous entrons dans la cathédrale Saint Marc  brillante de tout l’or de ses mosaïques. Le Titien, Tintoret, Veronèse, Bellini viennent à notre rencontre,  mais aussi à l’époque contemporaine,  les stars de la Mostra de Venise. L’aspect visuel est particulièrement réussi cette année et le choix musical des plus heureux. Un beau voyage. 

Venise, la Sérénissime

 






















Venise Carrières des Lumières voir ici


 Yves Klein : L'infini du bleu











Le programme court (10 minutes) s'intéresse à l'artiste contemporain Yves Klein et nous plonge dans dans ce bleu qui porte le nom de son inventeur, le bleu Klein,  si particulier, si entièrement bleu, que l'on a l'impression de se dissoudre dans cette couleur, sa profondeur, son infini.


Yves Klein : Carrières des Lumières voir ici



Logo d'Apolline

mardi 12 avril 2022

Cracovie : Musée Sukiennice peintres polonais du XIX siècle.


Musée Sukiennice : peintres polonais du XIX siècle : la salle des peintures historiques (source)
 

Je n’ai pas eu le temps de voir le musée national de Cracovie mais je suis allée au musée Sukiennice. C'est une partie du musée national, peut-être pas la plus importante, mais elle a le mérite de faire connaître des oeuvres qui racontent l'histoire du pays (la salle des peintures historiques) et l'évolution de l'art en Pologne au XIX siècle, du  classique au réalisme, puis à l'impressionnisme et au symbolisme.
La collection a commencé avec un premier tableau offert par le peintre Henryk Siemiradzki, la torche de Néron : après l’incendie qui a ravagé Rome, Néron accuse les chrétiens et les supplicie en les brûlant sur des bûchers..

Henryk Siemiradzki, la torche de Néron

 Bien sûr, dans le genre peinture historique, nationaliste, monumentale, exaltant les victoires de la Pologne, on trouve le peintre le plus célèbre de Pologne : Jan Matjeko. Difficile de l'ignorer quand vous allez à Cracovie !

Jan  Matjeko : La bataille de Grunenwald

Si vous ne connaissez pas la bataille de Grunenwald, vous allez passer à côté de nombreuses oeuvres et symboles. En effet,  cette bataille qui a eu lieu en 1410 et qui vit la victoire de la Pologne et du grand duché de Lituanie réunis contre les chevaliers teutoniques est partout. Elle est devenue aussi  le symbole de la résistance contre l'occupation nazie en Pologne. ( Lire les chevaliers teutoniques de Henrik Sienckiewicz et Voir Ici)

Maintenant vous dire que j'aime ce genre de peinture ... je n'irai pas jusque là !!

Jan Matjeko : L'hommage prussien
 

 L'hommage prussien de Jan Matejko : Les Chevaliers Teutoniques défait signe la paix en 1525. Leur territoire devient le duché de Prusse, vassal du Royaume Polono-lituanien.

Jan Matjeko : La Pologne enchaînée 1863

L'insurrection de la Pologne en 1863 contre la Russie qui l'occupe se solde par une défaite et est la dernière des grandes insurrections patriotiques.

Voici maintenant quelques peintres et oeuvres que j'ai trouvées intéressantes.  

Roman Kochanowsky (1857_1945)

Kochanowsky Roman paysage d'hiver (détail)


Kochanowsky Roman :  paysage d'hiver

Stanislas Maslowsky (1853_1926)

Maslowsky Stanislas  Lever de lune lever de lune 1884


Maslowsky Stanislas  Lever de lune (détail) lever de lune 1884

Le tableau suivant n'est pas au musée Sukiennice mais j'ai été stupéfaite  en le découvrant sur le Net de voir l'évolution de la peinture de Maslowsky de 1884 à 1908.  Il y a quelque chose de Munch dans cette peinture et une annonce de Van Gogh.


Maslowsky Stanislas  Lever de lune 1908


Artur Grottger(1837-1867)

Artur Grottger Crossing the border 1865

Artur Grottger  est un peintre romantique particulièrement connu pour ses cinq cycles de dessins, destinés à être gravés, autour de la lutte pour l'indépendance de la Pologne pendant l'insurrection de 1863.

La jeune fille vêtue du  costume  de Cracovie, un panier de framboises à la main, aide des soldats insurgés à franchir la frontière pendant l'insurrection de 1863  sur l'ancien territoire polonais occupé par la Russie. À la suite des trois partages successifs de la Pologne qui ont eu lieu à la fin du XVIIIᵉ siècle, la république des Deux Nations, divisée entre les empires russe, allemand et austro-hongrois, a cessé d'exister. Bien que la république ait disparu de la carte, des générations successives réclament sa reconstruction et bataillent contre les oppresseurs. Le XIXᵉ siècle présente ainsi un enchaînement de soulèvements polonais : l'insurrection de Kościuszko de 1794, la participation aux guerres de Napoléon, l'insurrection de novembre de 1830, le soulèvement de Cracovie de 1846, et l'insurrection de Grande-Pologne de 1848, avec leurs lourds tributs en vies humaines.

 

Witold Pruszkowsky (1846_1896)

Pruszkowsky Witold : Roussalki 1877

Witold Pruszkowsky  est connu pour ses peintures de la vie rurale mais il s'est aussi intéressé aux contes et folklore slaves. Les Roussalki sont des nymphes d'eau ou ondines mais il ne fait pas toujours bon de les rencontrer. On dit que ce sont des filles maudites par leurs parents, suicidées, volées par le diable ou mortes avant le baptême. L'hiver, elles vivent dans leur palais de glace mais au printemps, elles sortent et s'en prennent aux passants; celui qui a l'imprudence de se baigner est noyé ou chatouillé à mort. Si l'une d'elle s'éprend d'un jeune homme, elle en fait son amant et l'entraîne au fond de l'eau.

Aleksander Gierymski (1850_1901)


Gierymski Aleksander  Soir sur la seine

Peintre réaliste, Aleksander Gierymsky fit de longs séjours à l'étranger et à Paris. Son style évolua vers l'impressionnisme. Séduit par les lumières électriques de Paris, il peignit une série de scènes nocturnes.  Les tableaux suivants ne sont pas au musée Sukiennice et j'aimerais bien les voir "en vrai" car je les trouve fascinantes.

Aleksander Gierymski Paris Le Louvre, la nuit

Aleksander Gierymski Paris  l'opéra, la nuit (1891)

Leon Wiczolkowsky (1852-1936)

Wiczolkowsky Leon  arrachage des betteraves

Leon Wiczolkowsky   arrachage des betteraves









Władysław_Podkowiński (1866-1895)

Władysław_Podkowiński quatre tableaux

Władysław_Podkowiński  Les lupins


Władysław Podkowiński Champ de trèfles


Władysław_Podkowiński Le char de foin

Podkowinski Wladyslaw : la Folie ou l'Extase( 1894)
    

 Les peintres polonais de la deuxième moitié du XIX siècle  séjournèrent pour certains en France et furent influencés par l'impressionnisme. Ce fut le cas de Podkowinski qui fut le précurseur de l'impressionnisme en Pologne ; il se tourna vers le Symbolisme à la fin de sa vie : L'extase ou La Folie est la première oeuvre de ce mouvement en Pologne.

Le titre du tableau diffère selon la traduction  adoptée : Extase, Folie ou Frénésie. L'oeuvre causa un scandale car elle symbolise aux yeux de l'artiste l'orgasme féminin : Une femme nue sur un cheval fou. Cette représentation d'un érotisme osé à l'époque fit scandale. Malade, le peintre lacéra la toile à coups de couteau avant de mourir de la tuberculose. Elle fut restaurée peu après sa mort.


Podkowinski Wladyslaw : la Folie ou l'extase ou Frénésie

Au musée contemporain de Cracovie, le MOCAK, le détournement de l'oeuvre de Wladyslaw Podkowinski  par un artiste contemporain,  Marcin Maciejowski,  proclame : We, young artists.

Marcin Maciejowski place dans le tableau la réponse d'un autre peintre polonais Wlodzimierz Tetmajer - appartenant au mouvement de la Jeune Pologne - à la bourgeoisie qui voulait interdire l'accrochage du  tableau de Podkowinski jugé scandaleux : " Nous jeunes artistes, nous accueillons avec joie le chef d'oeuvre de Wladyslaw Podkowinski".

Musée contemporain : Marcin Maciejowski : We, young artists


Et  pour finir un petit portrait par Olga Boznanska que je trouve très moderne et pour cause. Je lis dans Wikipédia : Olga Boznańska, née le 15 avril 1865 à Cracovie, morte le 26 octobre 1940 à Paris, est une peintre polonaise, liée au mouvement du modernisme. Elle fit l'essentiel de sa carrière en France

Olga Boznanska (1865-1940)


 Boznanska Olga  Fillette aux chrysanthèmes



samedi 9 avril 2022

Niko Tackian et Jorn Lier Horst : romans policiers français et norvégiens.

 

Comme je lis plus vite que mon ombre et que j'écris moins vite, il y a beaucoup de mes lectures qui n'ont pas été commentées depuis quelques mois, et, entre autres, des romans policiers. Parmi eux, certains que j'ai lus avec plaisir,  c'est pourquoi je veux en garder la trace dans mon blog, moments de détente ou d'évasion, sans qu'ils soient pour autant des coups de coeur.

 

Niko Tackian Avalanche hôtel

 
 
 Niko Tackian, romancier, scénariste et réalisateur, est devenu en quelques romans une des références du polar français. Après avoir joué avec nos peurs dans un thriller hypnotique (Avalanche Hôtel, Calmann-Lévy, 2019), il nous plonge dans une nouvelle enquête de son commandant Tomar Khan avec un style toujours aussi percutant dans celle qui pleurait sous l’eau..
  (éditeur Calmann-Levy)


 

Janvier 1980. Joshua Auberson est agent de sécurité à l’Avalanche Hôtel, sublime palace des Alpes suisses. Il enquête sur la disparition d’une jeune cliente et ne peut écarter un sentiment d’étrangeté. Quelque chose cloche autour de lui, il en est sûr. Le barman, un géant taciturne, lui demande de le suivre dans la montagne, en pleine tempête de neige. Joshua a si froid qu’il perd connaissance…
… et revient à lui dans une chambre d’hôpital. Il a été pris dans une avalanche, il est resté deux jours dans le coma. Nous ne sommes pas en 1980 mais en 2018. (quatrième de couverture)


Le début du livre m’a beaucoup plu et m’a entraînée dans une histoire fantastique, m’a perdue, à la suite du personnage principal Josua, dans un hôtel aux couloirs labyrinthiques, puis dans paysages de montagnes enneigées en compagnie d’un étrange personnage. Mais lorsque Joshua se réveille du coma, il s’interroge :  Avalanche hôtel existe-t-il ? Qui est le personnage rencontré dans l’hôtel ? A-t-il rêvé pendant son coma ? Ce qu’il a vu a-t-il un rapport avec la réalité ? Que faisait-il dans la montagne quand il a été pris dans une avalanche ?  D’autre part, il découvre qu’il n’est pas agent de sécurité mais policier et il qu'il est en train de mener une enquête sur une jeune femme sans identité, retrouvée sans connaissance, dans le coma.
Nous sommes dans les Alpes Suisses, au bord du lac Léman. Joshua retrouve ses forces et va recommencer à enquêter. Le roman est bien écrit, d’une lecture aisée et agréable et non dépourvu d’humour. C’est aussi une réflexion intéressante sur la mémoire. J’ai bien aimé le jeu entre rêve ou réalité.  Mais j'ai trouvé que les personnages ne sont pas toujours approfondis, leur évolution, en particulier, amoureuse, me paraît trop rapide. Comment croire à l’amour si rapide de la « Crevette » pour la « Géante » alors qu’il ne l’avait jamais regardé en dehors de la nuit où il couche avec elle ! De ce fait, les personnages secondaires bien campés, prennent d’autant plus de relief. Un auteur français de polars qui a des qualités d’écriture. Intéressant ! A suivre !

Niko Tackian Celle qui pleurait sous l’eau


Et j’ai suivi !

Une jeune femme, Clara Delattre, la trentaine, est retrouvée morte dans une piscine. Apparemment, elle s’est ouvert les veines et flotte dans l’eau rougie par son sang. José, le chef des maîtres-nageurs la découvre et n’appelle pas tout de suite la police. Manifestement, il a quelque chose à cacher. Il ne sera pas le seul. L’inspecteur Tomar Khan conclut à un suicide et ne cherche pas plus loin. Il faut dire qu’il a de graves soucis au niveau professionnel et au niveau de sa santé. Il est prêt à clore l’affaire. Rhonda, son adjointe, pourtant s’obstine. Elle s’accroche à une intuition et elle continue à enquêter.
Une double enquête court dans le roman, celle qui concerne Clara, la victime, qui introduit un thème féministe mais je ne peux vous en dire plus pour ne pas dévoiler l’intrigue, et une autre menée par Tomar sur lui-même, pour chercher à résoudre le cauchemar qu’il est en train de vivre. A-t-il tué son collègue, le lieutenant Bokor, qui s'acharnait sur lui et qu’il avait fini par haïr ? Il lui est difficile de répondre à cette inquiétante question car l’épilepsie dont il souffre le prive de pans entiers de sa mémoire.
Encore un livre bien écrit, efficace, ancré à Paris, au 36 qui n’est plus celui du quai des Orfèvres et où les « flics » errent un peu déboussolés. Le roman est intéressant et se lit avec plaisir. 
"Clara, c’était une fille pleine de passion, et très courageuse. Mais il y avait quelque chose d’enfoui… une souffrance. Elle pleurait sous l’eau.
– Comment ça, elle pleurait sous l’eau ? Qu’est-ce que vous voulez dire ?
– C’est une expression qu’on utilise en compétition. Quand un nageur vient s’entraîner et qu’il traverse des épreuves dans sa vie privée, on lui dit qu’il n’a qu’à pleurer sous l’eau, là où personne ne pourra le voir. "


Jorn Lier Horst  : L’usurpateur

"Jørn Lier Horst, né le 27 février 1970 à Bamble, dans le comté de Telemark, en Norvège, est un écrivain norvégien, auteur de roman policier et de littérature d'enfance et de jeunesse. Ancien inspecteur de la police, Jorn Lier Horst connaît parfaitement les rouages du système. Vendu à plus de 2 700 000 exemplaires à travers le monde et traduit dans dix-huit langues et 26 pays, il est considéré comme le digne héritier d'Henning Mankell."



 

Dans la petite ville de Larvik, à deux pas de la maison de l'inspecteur Wisting, un homme mort depuis quatre mois est retrouvé chez lui, devant sa télé allumée. La fille de l'enquêteur, Line, décide d'écrire un article sur ce voisin disparu dans l'indifférence générale en pleine période des fêtes. Pendant ce temps, Wisting apprend la découverte d'un autre cadavre dans une forêt de sapins avec, dans la poche, un papier portant les empreintes d'un tueur en série recherché par le FBI. À quelques jours de Noël, par moins quinze... (quatrième de couverture)

William Wisting et sa fille Lina sont des personnages récurrents des romans policiers de Jorn Lier Horst. Je les avais déjà rencontrés dans Fermé pour l’hiver. C’est pourquoi j’aime bien les retrouver. L’enquête menée par le policier sur les meurtres est animée et pleine de rebondissements avant la résolution de  l'intrigue. Mais ce que j’ai préféré c’est l’enquête de Line, la journaliste, tout en demi-teinte, en finesse, car elle explore le côté humain du drame policier. Elle écrit sur la solitude des personnes âgées. Par son observation attentionnée du vieil homme, Viggo Hansen, elle parvient à recréer le personnage, ses goûts, ses habitudes et  les derniers moments de sa vie. Le titre, d’ailleurs, est une allusion à ceux qui, inaperçus, traversent la vie en solitaire et sont effacés de la surface de la terre sans que personne ne s’en aperçoive. Une certaine tristesse naît de cette constatation et donne une coloration nostalgique. Un bon roman  bien écrit malgré quelques faiblesses au niveau scénarique !

Jorn Lier Horst  : Fermé pour l’hiver


Puisque je ne l’avais pas commenté en temps voulu, voici quelques mots sur Fermé pour l’Hiver.

"Les chalets du comté de Vestfold, qui servent de résidence estivale aux Norvégiens aisés, sont fermés pour la morte saison, et ont été la cible d’une série de cambriolages… Lorsqu’un homme cagoulé est retrouvé assassiné dans le chalet d’un célèbre présentateur de télévision, William Wisting, inspecteur de la police criminelle de Larvik, une ville moyenne située à une centaine de kilomètres au sud-ouest d’Oslo, est chargé de l’enquête. Mais la disparition du corps avant son autopsie et l’incendie d’un appartement, détruisant des indices essentiels, risquent d'anéantir tous ses efforts. La situation se complique encore puisque la propre fille de Wisting se voit mêlée malgré elle à cette affaire." (quatrième de couverture )

Fermé pour l’hiver est un roman qui m’avait bien plu quand je l'ai lu il y a quelques mois.  Pourquoi ?  Et bien, pour la Norvège : je me souviens de ces petits chalets au bord des lacs, résidences d’été, que le gens de la ville ferment pour l’hiver. Leur évocation me parle et fait naître des images très précises. J’aime la description de la nature, ces paysages automnaux de pluie et de brouillard. Le roman est bien écrit et de même l’intrigue est bien conduite et intéressante. L'auteur sait créer des ambiances. Une lecture que j'ai aimée et qui m'a donné envie de retrouver les personnages.
 

mercredi 6 avril 2022

Festival In Avignon : 76 ème édition annonce du programme



Olivier Py dont c'est la dernière année en tant que directeur du festival à présenté le programme du Festival In composé d'oeuvres et d'artistes venus du monde entier, avec des spectacles en langue originale surtitré. Une  lettre d'information du mois d'Avril 2022 nous en donne le détail. L'année prochaine, Tiago Rodriguez prendra la relève.

Dans cette lettre, on annonce 18 spectacles et 1 exposition mais j'en ai vu plus dans la présentation d'Olivier Py publiée  par le Monde.

  • Le Moine Noir de Kirill Serebrennikov
  • First but not Last Time in America de Kubra Khademi
  • ONE SONG de Miet Warlop
  • Lady Magma de Oona Doherty
  • MILK de Bashar Murkus
  • Via Injabulo de la compagnie Via Katlehong avec Amala Dianor et Marco da Silva Ferreira
  • Et la terre se transmet comme la langue de Franck Tortiller et Elias Sanbar
  • Solitaire de Sofia Adrian Jupither
  • Le projet Shaeirat avec Henri jules Julien et les quatre poétesses Carole Sansour, Asmaa Azaizeh, Soukaina Habiballah et Rasha Omran
  • La Tempesta de Alessandro Serra
  • Flesh de Sophie Linsmaux et Aurelio Mergola
  • Le Sacrifice de Dada Masilo
  • Le Septième Jour de Meng Jinghui
  • Futur proche de Jan Martens
  • Una imagen interior de El Conde de Torrefiel
  • Jogging de Hanane Hajj Ali
  • Du temps où ma mère racontait de Ali Chahrour
  • The Line is a Curve de Kae Tempest
 

 
Je ne sais pas encore grand chose de tous ces spectacles si ce n'est ce que j'ai lu dans un article du Monde  :
" C’est le metteur en scène et cinéaste russe Kirill Serebrennikov qui aura les honneurs du spectacle d’ouverture dans la Cour d’honneur du Palais des papes – un choix décidé bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Il y offrira sa vision puissante du Moine noir, adaptation d’une nouvelle d’Anton Tchekhov, qu’il a pu créer début mars au Théâtre Thalia de Hambourg (Allemagne)."
 
 Pourquoi tient-on à nous faire savoir que le choix a été fait avant la guerre en Ukraine ? Parce que sinon, les metteurs en scène russes n'auraient plus droit de cité en France ? Et pourquoi pas nous interdire aussi  de lire les livres des auteurs russes ? Pourquoi ne pas faire un autodafé de toute la culture russe  ?  S'attaquer à la culture d'un pays, c'est s'attaquer à ce qu'il y a de meilleur dans ce pays !
 

 
Il y aura deux Shakespeare dans ce festival !  Je m'en réjouis à l'avance mais avant de crier victoire il faudra voir comment les metteurs en scène vont monter ses pièces. 
Quand je vois cette annonce : La tempête d'Alessandro Serra  sans que William Shakespeare soit cité, cela me fait peur  ! Bien sûr, cela ne met pas en cause le metteur en scène Alessandro Serra  (metteur en scène  italien) qui n'y est pour rien mais plutôt ceux qui ont rédigé l'article et l'ont publiée ainsi   : La tempête d'Alessandro Serra !  Comme si La Tempête était du metteur en scène  !
 
Or c'est parfois ce que croient trop de metteurs en scène mégalomanes. Et j'en ai marre d'eux, de ceux qui se croient l'auteur des pièces et ne respectent pas l'auteur ! Le metteur en scène n'est pas, ne sera jamais l'auteur de la pièce ou alors il en écrit une, à lui, s'il en est capable ! Par contre, il doit, bien sûr en présenter sa lecture personnelle et Alessandro Serra interprètera le texte comme une critique du colonialisme nous dit-on.  Ce qui me paraît intéressant, à priori ! J'espère qu'il saura aussi en conserver la poésie de la langue et le côté onirique de la pièce proche de la nature, avec l'intervention des éléments que Prospéro, croit pouvoir dominer.

Le roi Richard II

Et Christophe Rauck, le directeur du Théâtre Nanterre-Amandiers, présentera Richard II de WILLIAM SHAKESPEARE avec Micha Lescot dans le rôle-titre Je ne connais pas les mises en scène de Christophe Rauck mais je vois qu'il aime Jean-Pierre Vincent (vu de ce dernier un Dom Juan inoubliable à la maison de la culture de  Reims) et Patrice Chéreau. Alors, il y a de l'espoir ! Ce qui est bien avec Olivier Py, c'est qu'il a tenu, pendant tout son mandat, à faire venir à Avignon des metteurs en scène des grandes théâtres français, ce qui n'a pas toujours été le cas. Par contre les auteurs classiques français sont très peu à l'honneur au festival d'Avignon.

 Les thématiques féminines et les artistes femmes seront nombreux. Le Moyen-Orient et l'Afrique seront aussi à l'honneur.
Olivier Py présentera un spectacle de 10 heures intitulé :  Ma jeunesse exaltée 
 
" Portrait d’une jeunesse indomptable dont Arlequin est le personnage central. Vingt-sept ans après La Servante, Olivier Py convoque des compagnons de toujours et une nouvelle génération d’interprètes pour une épopée de 10h oscillant entre manifeste, célébration et pèlerinage."
 
et Simon Falguières signera un marathon de 13 Heures :  Le Nid de cendre.
 
 "Avec son Nid de Cendres, Simon Falguières nous entraîne dans non pas un, mais dans deux mondes vertigineux. Dans deux contes épiques qui avancent en parallèle pour finir par s’entrelacer. Et les histoires, et le théâtre vécurent heureux et eurent de nombreuses autres histoires." Voir suite Ici

 Exposition de Christophe Raynaud de Lage
L'oeil présent, photographier le festival d'Avignon 
Au risque de l'instant suspendu
 
"Plongée sensorielle dans la mémoire récente du Festival d’Avignon, l’exposition-déambulation fait renaître dix-sept ans d’émotions collectives.
Photographe officiel du Festival d’Avignon depuis 2005, il y poursuit avec constance une quête de la captation de l’instant fugace, du jeu des ombres et de l’indicible émotion.
"

Une belle affiche pour ce 76 ième festival !
 
 
 

samedi 2 avril 2022

Evgueni Vodolaskine : Les quatre vies d’Arseni

 

Je ne perçois plus l'unité de ma vie dit Lavr. Je fus Arseni, Oustine, Amvrossi et voilà que je suis Lavr. Ma vie a été vécue par quatre personnes qui ne se ressemblent pas, avec des corps différents et des noms différents. Qu'y a-t-il de commun entre moi et le petit garçon blond du bourg de Roukino ? La mémoire ? Mais plus je vis et plus mes souvenirs me semblent inventés. Je n'y crois plus alors ils ne peuvent plus me relier à ceux qui furent moi à différentes époques. Ma vie me rappelle une mosaïque et se fragmente en petits morceaux.

Etre une mosaïque ne signifie pas être fragmenté, répondit le starets Innokenti. C'est seulement quand on est tout près qu'on a l'impression que chaque petit morceau de pierre n'a aucun lien avec les autres. Dans chacune d'entre eux, Lavr, il y a quelque chose de plus important : ils visent celui qui les regarde de loin. Celui qui est capable de voir toutes les petites pierres à la fois.

Ingammic me l’avait dit ( voir son billet ici) : « ce livre est fait pour toi ». Donc, autant vous le dire tout de suite, Les quatre vies d’Arseni d'Evgueni Vodolaskine est un coup de coeur et je le trouve tellement riche que je ne sais comment en rendre compte ici.

 

Alors, puisqu’il faut bien se lancer, dans ce livre, il y a le Moyen-âge, cette époque fabuleuse, terrifiante, bouleversante, ou règne l’ignorance, l’obscurantisme, mais où, paradoxalement, la spiritualité, l’intelligence et le savoir-faire les plus élevés, font sortir de terre les cathédrales, les arts et la littérature. Cette période me fascine depuis toujours.
 Avec Les quatre vies d’Arseni, nous sommes plongés dans l’Ancienne Russie du XVème siècle, nous voyageons dans le temps mais aussi dans l’espace accompagnant l’errance du personnage toujours en mouvement, toujours fuyant, toujours à la recherche de la rédemption au milieu de paysages enneigés, de lacs gelés, de villages dévastés par la peste.
L’auteur Evgueni Vodolaskine est non seulement un médiéviste érudit mais aussi un écrivain de talent et il fait revivre magnifiquement ces moments de l’Histoire, dominés par la peur et par quelque chose de plus grand que l’homme qui le pousse à aller de l’avant. On vit les grandes épidémies, les famines, les guerres, les croyances en un surnaturel inquiétant, démons, fantômes, esprits des morts qui ont toujours tendance à se mêler aux vivants… Une période où l’amour de Dieu est toujours en balance avec la crainte du diable, où l’attrait du Paradis le dispute à la terreur de l’Enfer, ou le combat entre le Bien et le Mal ne semble pas avoir de répit. Le livre nous plonge dans une immersion passionnante de cette période de l’humanité.

un Iourodivy : un fou de dieu

Et puis, il y a les personnages sans lesquels il ne pourrait pas y avoir de bons romans, en particulier le personnage éponyme, Arseni, attachant, émouvant : Arseni, enfant et son affection pour son grand père le bon Kristofor, médecin herboriste qui lui dévoile le monde, Arseni et ses lectures - la vie d’Alexandre- qui l’ouvrent à l’imagination et à d’autre horizons, Arseni et son bel amour Oustina, Arseni coupable d’un péché impardonnable et qui part sur les routes pour expier, Arseni le Médecin et son combat contre la maladie, Arseni, l’ascète, le saint, Arseni et ses quatre vies, ses quatre noms, ses terribles souffrances, ses désespoirs illuminés pourtant par la foi. Capable du don de soi, il vit comme un saint et pourtant nous le sentons proche de nous avec ses fragilités et ses doutes.
 
Les autres personnages du livre sont nombreux et si divers qu’ils donnent une image du peuple russe et de toutes les classes sociales, mendiants, paysans, marchands, artisans, religieux, possadniks, princes... toute une galerie de portraits typiques de l’ancienne Russie que l’on rencontre encore au XIX siècle dans les oeuvres de Tolstoï ou de Dostoiewsky.

Certains sont dotés de sagesse et représentent la voix de Dieu comme les starets, vieux moines possédant la sagesse. D’autres sont étonnants, truculents parfois, pittoresques, carrément fous ou prétendant l’être comme les Iourodivy, ( ce mot signifie en russe les fous de Dieu ). Dans le roman, ils introduisent parfois une note humour. Et oui, car le roman n’en est pas dépourvu, bien au contraire. Pour ne citer qu’un exemple, les Iourodivy Karp et Foma qui se disputent le territoire à grands coups de gifle marchent sur l’eau maladroitement (mais comme le Christ tout de même, excusez du peu !). Loin d’émerveiller les habitants, ils s’attirent leurs critiques blasées :
« Sur l’eau ils ne peuvent que marcher. Ils ne savent pas encore courir. »

 

La porte du Paradis de Lorenzo Ghiberti

Enfin, il y a l’ami d’Arseni, Ambrogio, que j’aime beaucoup, d’abord parce qu’il est italien et nous fait visiter Florence, Venise, et puis que, doté d’un pouvoir visionnaire, tel Cassandre, il prédit l’avenir des siècles à l'avance. Evidemment, personne ne se souvient de ses nombreuses prédictions et n’en tient compte. Ainsi, il prédit la fameuse inondation de Florence de 1966, catastrophe dont je me souviens très bien. Elle avait même emporté la porte du Paradis de Ghiberti à mon grand désespoir ! C’est ainsi qu’entre l’avenir (pour Ambrogio qui vit au dans la deuxième moitié du XV siècle) et le passé (pour le lecteur qui évoque un souvenir de la deuxième moitié du XX siècle), se poursuit le jeu avec le temps engagé par l'auteur ! Et l’on s’aperçoit que très souvent le passé, le présent et le futur se télescopent dans le roman et que nous sommes amenés à voir ce qui est, ce qui fut et ce qui sera et parfois tout en même temps. Ce n’est pas étonnant qu'Ambrogio soit celui qui cherche le plus à déterminer la date de la fin du Monde que tout le monde attend pour bientôt ! Et pour Arseni vieillissant, le temps devient source d'inquiétude, d'interrogation :

A partir de ce moment-là Lavr perdit le compte du temps linéaire. A présent, il ne percevait plus que le temps cyclique, refermé sur lui-même, le temps de la journée, de l’année de la semaine et de l’année. Il avait perdu sans retour le compte des saisons.

Dans sa mémoire les évènements n’étaient plus corrélés au temps. Ils coulaient  librement dans sa vie, adoptant un ordre particulier, intemporel.

De toutes les expressions  qui indique le temps, celle qui lui venait le plus souvent à l’esprit était « une fois ». Elle lui plaisait parce qu’elle surmontait la malédiction du temps. Elle soulignait le caractère unique et irreproductible de tout ce qui avait lieu « une fois ». « Une fois », il se rendit compte que cette indication était largement suffisante.

Le temps est le plus grand thème du livre, on peut même dire le principal ! En effet, il faut noter le sous-titre que Evgueni Vodolaskine donne à son livre  : roman non historique. Une manière de nous avertir que le Moyen-âge qu’il décrit questionne aussi bien le passé, le présent, et pourquoi pas le futur ? Une manière de s'interroger sur ce qu’est le temps.

Le chemin des vivants, Amvrossi, ne peut pas être un cercle. Le chemin des vivants, même s’ils sont moines, est ouvert, car sans la possibilité de sortir du cercle, que deviendrait le libre arbitre, on se le demande ? (…)
Tu penses que le temps ici n’est pas un cercle mais une figure ouverte, demanda Mavrossi au starets.
Tout juste, répondit le starets. Comme j’aime la géométrie, j’assimilerai le mouvement du temps à une spirale. C’est une répétition, mais sur un autre niveau plus élevé. Ou, si tu veux, on vit quelque chose de nouveau, mais pas à partir d’une feuille blanche. Avec le souvenir de ce qu’on vécu auparavant.


Roman historique non historique passionnant,  roman  d'amour intense et touchant, roman d'aventures mouvementé, tragique et tumultueux, roman philosophique, Les quatre vies d'Arseni  fait entendre une voix originale et  poignante qui parle du Moyen-âge avec intelligence, en nous ramenant à nous-mêmes.