Ayant emprunté à la bibliothèque le recueil intitulé dans les Naufragés Témoignages vécus aux éditions Omnibus, je n’ai eu le temps de lire, avant de partir en voyage, que L’aventure sanglante du Batavia et les Robinsons des îles Auckland, ce dernier ayant paru sous le titre originel de Les naufragés ou Vingt mois sur un récif des Îles Auckland.
Je dois dire que c’est ce dernier que j’ai préféré non seulement pour les aventures qui y sont contées mais parce que l’auteur François Edouard Raynal possède une belle plume descriptive et vivante, et nous livre d’intéressantes réflexions sur l’homme, sa capacité de résistance, ses efforts pour garder son humanité malgré le doute et le désespoir. Le récit du Batavia, beaucoup moins littéraire, ne lui cède en rien au niveau des aventures mais est glaçant car les rescapés échoués sur l'île tombent sous la coupe d’un espèce de
psychopathe qui fait régner la terreur, le viol et le meurtre et se livre à la piraterie!
|
Emplacement des îles Auckland
|
Loin d'être seulement un témoignage Les naufragés ou Vingt mois sur un récif des Îles Auckland, est donc un objet littéraire qui se lit comme une extraordinaire aventure de naufrage. C’est lui qui a inspiré à Jules Vernes son roman, L’île mystérieuse.
|
François Edouard Raynal
|
François Edouard Raynal écrit ce récit et le publie en1870. Français, il était chercheur d’or en Australie ( ce qui explique ses multiples savoir-faire et son entraînement à la survie) quand un de ses amis lui propose une mission sur l’île Campbell dans le but de découvrir une mine aurifère ou, à défaut, une réserve naturelle de phoques. Raynal part sur le Grafton avec ses compagnons : Il y a l’américain Tom Musgrave, qui est le capitaine du navire. Bon marin, il a une grande valeur intellectuelle et morale, nous dit Raynal. Les deux hommes sont du même milieu. Les autres sont des hommes du peuple qui se révèleront courageux et inventifs : le norvégien, Alexandre dit Alick Mac-Larren, l’anglais, George Harris et le portugais, Henri dit Harry Forgès.
|
Les îles Auckland en Nouvelle-Zélande
|
L’expédition s’étant révélée infructueuse sur l’île Campbell, le Grafton prend le chemin du retour mais, poussé par la tempête, il s’échoue dans la nuit du 2 au 3 Janvier 1864 sur l’une des îles de l’archipel néo-zélandais des Auckland. C’est dans ce lieu inhabité, ingrat, battu par les vents, à l’hiver glacial, que les cinq hommes vont passer vingt mois de leur vie dans de rudes conditions, en proie à l’angoisse mais ne perdant pas courage.
|
La hutte construite par les naufragés
|
Ce récit eut beaucoup de succès à sa parution et il fut longtemps, en France, offert comme livre de prix dans les écoles. On comprend pourquoi ! Les aventures racontées ne pouvaient que plaire, la construction de la cabane étayée par des arbres pour résister aux tempêtes, la chasse aux lions de mer qui un jour les attaquent, la famine quand ces animaux quittent l’île pendant l’hiver, la fabrication du savon par Raynal, la reprise des vêtements élimés, la confection de chaussures en peau de phoque… Tout est passionnant. Les hommes établiront même une forge pour construire un bateau quand les secours n’arrivent pas.
|
Les lions de mer attaquent la barque
|
On a parfois reproché à ce récit d’être (trop?) moral. Mais personnellement, c’est cette partie que j’ai trouvée particulièrement intéressante. On sait ce qui est arrivé aux naufragés du Wager, de la Méduse, du Batavia, et bien d’autres…
Raynal a tout de suite conscience du danger qui les guette, de partir à la dérive, de sombrer dans l’anarchie, l’individualisme, la violence et la folie. Aussi, il propose à ses compagnons de nommer non pas un chef mais plutôt un « père » qui sera là pour apaiser les querelles, régler les différents. C’est Tom Musgrave qui est désigné. Tous ensemble ils rédigent une constitution qu’ils écrivent sur les pages de la Bible pour la rendre sacrée. La journée est consacrée au travail en commun, à la chasse, la soirée est dédiée aux leçons. Chacun peut apprendre de l’autre. Harry, analphabète, apprend à lire mais il enseigne à son tour le portugais. Il est ainsi valorisé. Un jour, François Edouard Raynal fabrique de l’alcool à partir de baies. Quand il voit l’effet du breuvage sur les hommes, il vide tous les récipients dans la mer. Conserver sa dignité, se maintenir propre, raccommoder ses vêtements, oeuvrer pour la collectivité, apprendre de l’autre, célébrer l’office, les aident à rester des êtres humains. C’est peut-être moralisateur mais pourtant c’est vrai et c’est ce qu’ils ont fait.
Une belle histoire et qui fait plaisir car, à l’inverse du roman de William Golding Sa majesté des mouches, elle montre que les hommes peuvent réussir à ne pas tomber dans l’abjection même quand ils sont éloignés des lois de leur pays et de leur civilisation mais pourtant c'est difficile et cela ne va pas tout seul !
|
Les îles Auckland
|
Port Carnley a été le lieu de naufrage du Grafton dans Les naufragés ou Vingt mois sur un récif des Îles Auckland, l'archipel est incorporé au territoire néo-zélandais en 1863.
Les toponymes de la baie Musgrave, du mont Raynal (644 m) et de la pointe Raynal au sud d'Epigwaitt sur les îles Auckland commémorent la vie des naufragés du Grafton.
Dans les collections du Museum of New Zealand (Te Papa Tongarewa) à Wellington se trouvent des photographies14, un morceau de la quille et deux boîtes.
Divers objets de cette aventure ont été offerts par F.-E. Raynal à la bibliothèque de Melbourne : une paire de bottes en peau de phoque, une aiguille à voile en os d'albatros, des soufflets de forge en peau de phoque. Certains se trouvent aujourd'hui dans la collection du muséum de Melbourne. ( wikipédia)
|
Chez Fanja
|
Marcel Proust : Les Plaisirs et les jours