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mercredi 24 juillet 2013

Binari, mémoire d'une mère par la compagnie Mac Théâtre : une petite merveille coréenne


Binari un beau spectacle donné au Festival d' Avignon par la compagnie coréenne Mac Theatre
En coup de coeur du festival Off 2013, vu à La condition des soies, Binari-souvenirs d'une mère est un spectacle coréen dont Jungnam Lee est l'auteur et le metteur en scène. J'ai eu envie de découvrir la culture coréenne à travers cette pièce qui emprunte aux danses chamaniques (portant le nom de Binari) de la côte est de la Corée et à la traditionnelle danse masquée du sud de la Corée.
Si les explications données avant le début de la représentation sur le sens du rituel, le KUT, qui apaise l'âme des humains, sur la signification des objets, ne sont pas inutiles, l'on peut aussi, tout simplement, se laisser emporter par la beauté de la musique, des chants et des danses, des costumes et des lumières.

Thématique de la pièce : Binari ou souvenirs d'une mère  raconte l'histoire d'une vieille femme qui attend entre le monde des vivants et le monde des morts, refusant le passage dans l'au-delà. Elle raconte l'histoire  de sa vie à une femme chaman, la mudang, qui lui permettra en effectuant le rituel chamanique de partir l'âme apaisée. 
Binari : danses chamaniques

Nous sommes entraînés dans un monde magique où tous les gestes, les objets, les chants et la musique ont un sens précis. Le masque à quatre yeux qui permet de chasser les mauvais esprits,  le palanquin où est installé le défunt, le bateau qui symbolise la traversée de l'âme, la toile blanche qui est le pont permettant d'atteindre le ciel sont l'expression d'une grande spiritualité. Accompagné par les chants de de regret ou de résignation, rythmé par les percussions, mis en valeur par les éclairages, le spectacle transmet une pure émotion. Le déroulement des rites funèbres est entrecoupé par des scènes de comédie très réussies qui racontent avec beaucoup d'humour la vie de la mère, son mariage, la naissance des enfants, l'infidélité du mari..
Je suis sortie ravie du voyage dans le temps et l'espace, de cette errance entre la vie et la mort vers les portes de l'au-delà...

La Compagnie coréenne MAC théâtre a été fondée en 1986 et sa création s’enracine dans le riche patrimoine artistique de la Corée, engendré par une civilisation cinq fois millénaire. Son travail se concentre sur l’histoire du pays, sur le folklore coréen, le chamanisme... les créations présentées mêlant en général, artistement, le théâtre, la musique et la danse. Depuis ces dix dernières années, la compagnie a beaucoup tourné à l’étranger et y a remporté nombre de succès et de distinctions, notamment à Montréal, en Bosnie et en Turquie.
Spectacle récompensé meilleures création, direction et comédienne au Festival de théâtre de Gomanaru en 2008.



Demain : billet sur La dame d'Ithaque au Théâtre du Balcon
Etant donné que je n'aurais peut-être pas le temps de parler de tous les spectacles que j'ai vus, je commence, comme vous le voyez, par mes coups de coeur...








Chez Eimelle

mardi 23 juillet 2013

Festival In : Angelica Liddell, Todo el cielo sobre la tierra, un théâtre qui secoue!

Todo  el cielo sobre la tierra d'Angelica Lidell

Todo el cielo sobre la tierra  ( Tout le ciel au-dessus de la terre) est  pour moi ma première découverte d'Angelica Liddell sur scène. Mais je connaissais bien le personnage et son théâtre qui ont secoué les spectateurs  Avignon antérieurement. Je  savais que j'allais assister à un cri de souffrance,  à l'agonie toujours renouvelée d'une femme qui dit son mal être, sa peur de l'abandon et de l'amour … Une blessée grave de la vie pour qui le théâtre est une catharsis salvatrice.

Cette  pièce Todo cielo el Sobro la Tierra  porte comme sous titre Le syndrome de Wendy. Wendy, bien sûr c'est Angelica Liddell et  toutes les filles qui refusent  de grandir, effrayées par la perspective de l'âge adulte, par la décrépitude du corps et de l'esprit qui les attend. Les vers de  William Wordworth  qui reviennent  dans la pièce comme un leit motiv  disent cette peur d'une autre manière :

 Et si rien ne peut ramener l'heure
De la splendeur dans l'herbe, de l'éclat dans la fleur
Au lieu de pleurer, nous puiserons
Nos forces dans ce qui n'est plus.

A la  voix sentencieuse d'un professeur qui interroge, on entend une jeune élève répondre : "Je crois que cela signifie que lorsque nous sommes jeunes nous vivons d'idéaux, mais quand nous perdons notre jeunesse nous devons trouver en nous les forces pour vivre".

Jouée dans la grande cour du lycée Saint Joseph,  la pièce est pour moi très nettement divisée en trois parties dont je ne suis pas arrivée  forcément à voir la logique au moment où le spectacle se déroulait, ce qui fait que j'ai eu des difficultés à entrer dans l'univers d'Angelica Lidell. Ce n'est que peu à peu que j'ai vu le puzzle se mettre en place, la cohérence apparaître.

Angelica a écrit cette pièce en hommage aux soixante-neuf jeunes gens tués sur l'île d'Utoya en Norvège en 2011 par Anders Breivik. La première partie de la pièce est une réflexion sur ce massacre, sur l'horreur insoutenable qui lui est inhérent, sur la difficulté de continuer à vivre face à une telle monstruosité. A l'image de l'île d'Utoya se superpose alors celle de Peter Pan, le pays où se réfugient les enfants qui ne veulent pas grandir car la métaphore de la mort est très apparente dans le mythe de Peter Pan. Est-ce à dire que pour ne pas grandir, il faut mourir jeune comme les enfants d'Utoya?
C'est là que Peter Pan amène Wendy-Angelica, pour la soustraire à la terreur et à la solitude. Pourtant malgré le tragique du propos, ce début m'a laissé  froide, occupée que j'étais à comprendre le sens et le pourquoi et le comment! Le théâtre de Lidell n'est pas d'un abord aisé pour une non-initiée!

La seconde partie nous amène en Chine. Il faut dire que chaque fois que Angelica Liddell est  malade de dégoût et de peur, elle apprend une langue étrangère. C'est ce qu'elle a fait cette fois encore avec le chinois. Puis elle est allée se perdre, toute petite, insignifiante, dans la grande ville de Shanghaï. Sur scène, retentit la musique du compositeur chinois, Hong Dae Sung, qui a créé des valses pour le spectacle. Un couple venu de Shanghaï valse. Ils sont âgés, ce ne sont pas des danseurs professionnels mais ils aiment danser, on le sent. La musique est belle, douce, joyeuse, les valses s'enchaînent, spectacle hors du temps. Etonnement des spectateurs et même protestations à côté de moi, visiblement ce n'est pas cela que l'on attend d'Angelica! Pourtant je comprends son propos, c'est comme si elle s'enfermait dans un monde idéalisé où la vieillesse n'est pas une déchéance, une parenthèse qui la soustrait à l'horreur de la réalité. Shanghaï comme une île lointaine accueille Wendy.



Et puis la troisième partie! Là, Angelica est seule sur la scène, plus rien ne la protège de la souffrance et sa voix éclate, s'élève et semble envahir l'espace au-dessus de nous. Elle crie sa haine des mères, elle qui a toujours refusé d'en être une, elle crie son mépris de celles qui exploitent leurs enfants en exigeant amour et reconnaissance, celles qui se drapent dans ce rôle de mère pour acquérir un "supplément de dignité". Elle dit surtout comment sa propre mère a détruit en elle le bonheur en la punissant d'éprouver ce sentiment, comment elle a fait en sorte que le rire soit synonyme de honte et de péché. Elle dit sa solitude, sa peur de l'abandon, sa soif d'être aimée. Et tout son corps se tord et participe à cette souffrance tandis que se découpe l'ombre géante de sa silhouette torturée sur les hautes façades de l'ancienne bâtisse du lycée Saint Joseph. Sa voix se métamorphose, rugit, murmure, prend des inflexions profondes qui semble sortir de ses entrailles. Car il s'agit bien de cela, un rugissement qui surgit de l'intérieur : la douleur est physique et transmissible, le spectateur l'éprouve, le spectateur chavire tandis que les enfants d'Utoya s'écroulent sur la scène dans leur vêtement ensanglanté… L'obscurité se fait! Les spectateurs restent silencieux, sonnés!  Il faut un moment pour revenir à soi-même et donner à Angelica Liddell les remerciements qu'elle mérite.


Chez Eimelle

lundi 22 juillet 2013

Ubu Kiraly : Alfred Jarry, Alain Timar et la Compagnie hongroise du Cluj Un coup de coeur!

Les acteurs hongrois du Cluj dans Ubu Kiraly mis en scène par Alain Timar

Dans la série coup de coeur du festival OFF 2013 : la pièce d'Alfred Jarry, Ubu roi mise en scène par Alain Timar au théâtre des Halles jusqu'au 28 Juillet


Ce n'est pas sans humour qu'Alain Timar nous convie à venir goûter Ubu roi ou Ubu Kiraly  en hongrois puisque la pièce est jouée dans cette langue, farce grotesque, satirique et  réjouissante :
"À l’heure où aucun despote ne règne plus, pourquoi se replonger dans l’odyssée du Père Ubu ? En effet, peut-on encore, dans notre monde ouvert et civilisé, trembler en imaginant les ravages d’une "machine à décervelage" sur nos esprits sagaces ? Ou frémir à l’idée d’être ponctionnés par une fantastique "pompe à phynances" ? Non, bien sûr. Rassurons-nous : personne de nos jours ne cherche plus, par les moyens les plus brutaux, à "se procurer un parapluie", ou à semer la misère et la désolation dans le seul but de "manger plus souvent de l’andouille"… On pourra donc rire sans mélange aux facéties toujours vertes d’Alfred Jarry, absurdités fomentées en 1896 dans le seul but de semer la merdre… Un projet qu’il allait jusqu’à énoncer : "Il fallait que la pièce ne pût aller au bout et que le théâtre éclatât."
Et comme, non, bien sûr, une telle aberration ne peut plus exister dans notre monde "ouvert et civilisé", je m'abstiendrai donc de vous parler de l'actualité de cette pièce, de sa modernité et de la pérennité des thèmes explorés par la pièce, l'ambition démesurée, la soif du pouvoir qui mène au meurtre, les abus des puissants qui exploitent le peuple et s'enrichissent à leur dépens, l'absurdité de la guerre. On pense à Macbeth pour sa version tragique, paternité revendiquée par Jarry, et pour sa version comique à Rabelais, son roi Picrochole et son capitaine Merdaille.

Avec la pièce d'Alfred Jarry, Ubu roi, Alain Timar signe  au théâtre des Halles, la meilleure de ses mises en scène,  animée d'un souffle délirant, d'une inventivité sans cesse renouvelée. C'est avec un rouleau de papier blanc que les acteurs sont invités à créer eux-mêmes leurs costumes, leurs accessoires. Le papier se transforme sous leurs doigts en vêtements, capes, couronnes, fichus, noeuds papillon, épées ou croix et il suffit à lui seul à créer des personnages, à évoquer un décor, à caractériser une classe sociale. Le résultat est surprenant, astucieux, amusant, bouffon mais aussi esthétiquement réussi. La langue hongroise (sur-titrée) ajoute au charme et la manière qu'ont les comédiens de prononcer "Ubu papa" ou "Ubu mama" met en joie.  Rythmés par des instruments de cuivre cabossés, à leur image, les évolutions des excellents acteurs du théâtre hongrois de Cluj servent avec dynamisme, drôlerie et un grain de folie cette mise en scène échevelée qui les met dans tous leurs états! Ils incarnent tour à tour chacun des personnages si bien qu'il y a plusieurs Mère Ubu ou Père Ubu, reconnaissables chacun à ses attributs en papier. C'est d'une drôlerie irrésistible et le public ne boude pas son plaisir! Mais sous le grotesque et le rire, la mise en scène souligne la férocité du propos, la dénonciation de la monstrueuse sottise de l'homme confronté au pouvoir. Une grande réussite!


Alfred Jarry
 Alfred Jarry (1873-1907) a créé le personnage d'Ubu alors qu'il était au lycée, inspiré par l'un de ses professeurs. Ubu Roi est la première pièce d'un cycle autour du personnage d'Ubu qui incarne à la fois la tyrannie et la sottise. La pièce est un prétexte à explorer la soif du pouvoir, ses dérives, ses cruautés et la cupidité jamais assouvie des puissants.
Dans Ubu roi, Le père Ubu poussé par sa femme, la mère Ubu (véritable lady Macbeth grotesque) veut prendre le pouvoir. Il tue le roi de Pologne  Venscelas et s'empare de son trône, aidé par ses partisans dont le capitaine Bordure.  Jarry prend soin de préciser que la Pologne peut-être n'importe quel pays. Devenu roi, Ubu se débarrasse de tous ceux qui s'opposent à lui et accablent le peuple d'impôts. Mais le fils du roi, Bougrelas, a juré de se venger. Il va demander de l'aide au Tsar...
 


Challenge d'Eimelle




Festival IN  : Demain  un billet sur Angelica Lidell : Todo el Cielo sobre la Tierra (le syndrome de Wendy)

dimanche 21 juillet 2013

Festival OFF d'Avignon : La compagnie des spectres de Lydie Salvayre et Zabou Breitman : Un coup de coeur!



Zabou Breitman et le maréchal Pétain dans la compagnie des spectres
 Dans la série coup de coeur, La Compagnie des spectres avec Zabou Breitman au théâtre du Chêne Noir jusqu'au 28 Juillet à 18H.

Quand Zabou Breitman s'empare de La compagnie des spectres, un roman de Lydie Salvayre, l'adapte, le met en scène et enfin l'interprète d'une manière magistrale, c'est pour nous enlever, nous ravir au sens premier du terme, pour nous faire vivre une aventure théâtrale qui est un pur bonheur, un grand moment d'émotion partagé entre le rire et les pleurs, la révolte et la compassion.
La compagnie des spectres est en effet la rencontre entre un texte fort, intense, subtil, un belle langue qui emprunte à tous les registres et une actrice lumineuse, tendre et tragique, et amusante aussi, qui sait faire partager toute une gamme de sentiments et nous met en empathie avec les personnages qu'elle incarne.

 Epoque actuelle-1943  : Soit un appartement  misérable et un huissier qui vient faire l'inventaire de biens (sans valeur) pour procéder à une saisie puis une expulsion. Ici, vit Louisiane timide, recluse, incapable de vivre en société, un rien obséquieuse envers l'homme de justice… Et puis il y a sa mère Rose, très âgée, folle, dont la mémoire est resté figée à cette journée de Janvier 1943 où son frère a été sauvagement assassiné par deux miliciens et où sa propre mère, sous le choc, s'est elle aussi retirée dans le silence de son esprit. Trois générations de femmes qui ont été détruites par l'horreur de la collaboration du régime de Vichy et la complicité active (des milliers de lettres de dénonciation) ou passive de nombreux français. Le texte puissant dénonce l'antisémitisme, la dictature, elle dénonce les responsables, le maréchal Pétain, Joseph Darnand, le fondateur de la milice, René Bousquet et son adjoint Jean Leguay, et tous les collaborateurs qui, soit par intérêt, cruauté, désir de puissance et de reconnaissance, soit par lâcheté, ont collaboré avec le meurtre et l'horreur.

Il suffit d'un rien pour que Zabou Breitman devienne tour à tour une des trois femmes, l'huissier et même le maréchal, le pharmacien délateur, un milicien… un geste, une cigarette au bec, une inflexion de voix, un corps qui se courbe d'humilité… Elle  tient ainsi les spectateurs sous le charme, captifs. Mais si le texte est tragique, l'actrice sait nous amener au rire. Là encore une nuance dans son jeu, un mot mis en relief, un déhanchement et le rire surgit. Oh! cette scène inénarrable où elle danse avec le maréchal Pétain himself! Et oui!
Le décor est laid : misérables et étriqués ce salon et cette chambre encombrés d'objets hideux, abimés, cassés, comme si le temps s'était arrêté, comme s'il reflétait le néant de ces femmes détruites, enfermées dans un passé qui sans cesse recommence, dans une violence qui  rejoint le présent. Car au fur et à mesure que la mère parle on comprend que c'est elle, la "folle", qui détient la vérité. L'horreur  n'a jamais cessé pour elles, pour ces deux femmes malades, dans l'incapacité de travailler, dotées d'une petite pension qui leur permet à peine de survivre à deux. La violence actuelle est représentée par cet huissier qui vient insulter leur misère. Soixante et dix ans après, Louisiane et Rose vivent les conséquences de ce passé tragique mais la violence s'exerce sur elles d'une manière plus subtile comme elle touche tous ceux qui vivent de nos jours "avec 400 € par mois" et ne peuvent payer leur loyer. Et c'est ainsi que le présent et le passé sont solidaires! Et de là naît la révolte qui constitue aussi, peut-être, un espoir.

Un très beau texte! Un grand moment de théâtre!



 Je cite ici un extrait de l'interview de l'auteur Lydie Salvayre Pour comprendre le sens profond de ce roman  voir la suite  ICI

- On a l'impression que c'est le face à face de deux discours qui tournent à vide, celui du présent traumatique éternel de la mère et celui de l'huissier, enchaînement mécanique de formules juridiques, qui va rendre impossible la tentative de reconstruction de la fille. -Un discours qui tourne à vide, mais qui produit des effets. La société, qui devrait l'aider à s'étayer, la rejette, la renvoie vers sa mère, dont elle reçoit cette révolte. Quant à l'huissier, j'ai reçu une lettre d'un lecteur me reprochant d'avoir fait de l'huissier un vichyste, alors que la monstruosité ordinaire des huissiers se suffit à elle-même.

-En ce sens, c'est un livre politique?
-Oui, et pas seulement dans ses aspects historiques. D'ailleurs, on ne s'y est pas trompé, notamment dans les jurys littéraires, même si on ne le dit pas comme ça.
-Dans vos derniers livres, on voit un personnage investi, habité par un discours qui n'est pas le sien, et le confrontent, parfois tragiquement, au réel. Ici, on perçoit une radicalisation de ce dispositif.
-Tant mieux si c'est comme ça. Mais ce qui distingue mes deux derniers romans, c'est la place qu'y tient le discours littéraire. Dans 'la Puissance des mouches', le personnage était possédé par Pascal. Ici, la littérature, Cicéron, Sénèque, respire dans les paroles de la mère, y est incorporée. Quand elle cite Epictète à la face de l'huissier, ces mots sont les siens. Et parfaitement inutiles. La littérature ne peut rien face à la brutalité d'un huissier. On sent à quel point elle est luxe pur, surcroît absolu, renvoyée à l'inefficacité sur le plan de la résistance au social. Pourtant Rose ne serait pas ce qu'elle est, aussi coléreuse, aussi rebelle sans ses lectures.
-Vous n'êtes donc pas la pessimiste radicale qu'on dépeint parfois.
-On me dit même désespérée. Il est vrai que le malheur est au centre de mes romans. Mais c'est un malheur qui ne s'abîme pas en lui-même, qui se tempère, qui est soutenable. Ce n'est pas le malheur insoutenable de Primo Levi. Il peut se dire, et souvent par le rire. La liberté n'est jamais hors de portée.

je n'ai pas encore lu La compagnie des spectres mais après cette belle aventure théâtrale,  je viens de commander le livre pour découvrir le roman.

Editions le Seuil : la compagnie des spectres de Lydie Salvayre

Editions Points : la compagnie des spectres de Lydie Salvayre


samedi 20 juillet 2013

Le festival d'Avignon 2013 : une brassée d'images


Une parade pour Cendrillon

Décidément il faut que je vous parle du festival d'Avignon. Voici que commence la troisième et dernière semaine, il serait temps! Quelques photos d'abord pour vous montrer les affiches qui montent à l'assaut des gouttières, des poteaux, qui tapissent les murs... des couleurs bariolées et puis la foule  partout, les théâtres pleins à craquer, bref! tout ce qui fait du festival une grande fête du théâtre. Avec ces 1258 pièces du Off, avec une soixantaine de spectacles du In, les concerts, les lectures, les conférences, les expositions... la difficulté reste de faire un choix et qu'il soit judicieux!

Pièce de Gilles Deshots à la Maison de la Parole

La Place des Carmes

Place des Carmes

Rue des Teinturiers

Spectacle Baudelaire





Je vous parlerai demain et après demain de mes deux coups de coeur du OFF (mais j'en ai encore beaucoup à voir!)

Zabou Breitman fait danser le maréchal Pétain


La compagnie des spectres d'après l'oeuvre de Lydie Salvayre,  magnifiquement adaptée,  mise en scène et interprétée par la merveilleuse Zabou Breitman  au théâtre du Chêne noir.





 
Alain Timar présente Ubu Kiraly en hongrois


Ubu Kiraly d'Alfred Jarry mis en scène par Alain  Timar au théâtre des halles en hongrois sur-titré : une excellente mise en scène et une troupe de très bons acteurs.





Toutes les deux dans un genre très différent sont un vrai  régal! A bientôt!



jeudi 18 juillet 2013

Laure Murat : La maison du Docteur Blanche



Dans La maison du docteur Blanche, Laure Murat retrace pour nous l'histoire  de l'institution psychiatrique fondée par Esprit Blanche et reprise par son fils Emile, une célèbre clinique privée qui accueillit pendant une grande partie du XIX siècle tous les grands de ce monde atteint de troubles mentaux, assez fortunés pour pouvoir y séjourner.

Esprit Blanche
 L'essai est donc passionnant car en s'appuyant sur  les dossiers de la Maison du docteur Blanche, sur des archives, des lettres, des articles de journaux, Laure Murat reconstitue l'histoire de la folie au XIX siècle, ses avancées mais aussi ses faiblesses et ses ignorances.
Le mot "psychiatre" n'apparaît qu'en 1802 et "psychiatrie" en 1842, mais, nous dit Laure Murat, la libération des aliénés est l'acte fondateur à partir duquel la nouvelle discipline s'élabore et se pratique. Philippe Pinel serait, en effet, à la fin du XVIIIème, celui qui libéra les fous de leur chaîne : jusqu'alors à peine mieux considéré qu'un animal, créature du diable ou sorcier malfaisant, le fou commence à être regardé comme un malade. Avec la révolution il gagne un statut de "patient.
Mais si le XIX siècle est un creuset bouillonnant quant aux recherches et aux théories qui s'élaborent sur les maladies mentales que l'on commence à nommer et à classer, les médecins sont bien souvent démunis devant les cas graves. Les docteurs Blanche, père et fils, sont entièrement dévoués à leurs patients qui prennent les repas avec eux et avec lesquels ils vivent en famille mais la connaissance du cerveau et des troubles psychiatriques en est encore à ses balbutiements. Ainsi le rapprochement n'est pas fait entre la syphilis et la paralysie, les crises de démence et la dégénérescence qu'elle entraîne. D'autre part, bien souvent, Emile Blanche comme la plupart des médecins de son époque réagit lorsqu'il faut juger de la santé mentale d'une personne selon les préjugés et les principes religieux et sociaux de sa classe, bourgeoise et bien pensante. Certaines femmes (le cas n'est pas isolé) qui essaient de se libérer de la tutelle de leur père ou veulent divorcer de leur mari sont considérées comme anormales et enfermées dans un asile!  Il vaut mieux aussi quant on est un fils de famille entrer dans le rang et obéir à son père, ce qui n'est pas le cas du fils de Jules Verne considéré pour cette raison comme fou.
De plus, cet essai nous fait rencontrer des écrivains et des artistes célèbres et ce n'est pas le moindre de ses intérêts car Laure Murat va à travers eux étudier les rapports entre la folie et la création artistique ou littéraire. 

Gérard de Nerval
 Un des premiers malades suivi par Esprit Blanche puis par Emile est Gérard de Nerval. Les registres de la Maison du docteur Blanche sont assez elliptiques sur son cas et c'est son oeuvre Aurélia, transposition poétique de ses troubles mentaux, de ses visions, qui est à la fois le meilleur document scientifique autant qu'un monument littéraire, un témoignage autant qu'une oeuvre d'art. Ce texte, les psychiatres du XXème siècle s'en serviront pour étudier sous la prose poétique, l'intérêt clinique du récit.
Nous rencontrons aussi à la maison du docteur Blanche  le musicien Gounod, au faîte de sa gloire, les Halévy, Marie D'Agoult, la comtesse de Castiglione, maîtresse de Napoléon III, Theo Van Gogh peu de temps après la mort de son frère Vincent. Nous assistons à l'horrible et lente agonie de Guy de Maupassant qui fut durant toute sa vie fascinée par la folie qu'il explora avec une triste prescience dans son oeuvre.  Toutes ces souffrances indicibles qu'aucun médicament ne peut soulager à l'époque font dire à Emile Blanche - et ce sont ces derniers mots  : Moi, j'ai trop vu de misères, je n'en puis plus.

J'ai beaucoup apprécié cette étude fouillée et complète sur la Maison du docteur Blanche et ses patients de 1821 à 1893, date de la disparition d'Emile qui n'a pas connu les débuts de la  psychanalyse. Une étude qui est aussi un témoignage historique, traversé par les révolutions, la guerre franco-prussienne, la Commune, de la vie parisienne et de la société du XIXème siècle dans les milieux littéraires et artistiques.




Chez l'Ogresse de Paris

mercredi 17 juillet 2013

Les plumes d'Asphodèle : Départ


L'asphodèle


L'atelier d'écriture d'Asphodèle nous invite aujourd'hui à écrire un texte sur le départ avec ces mots imposés  :  retour, euphorie, liesse, valise, chant, solitude, larme, immortel, mouchoir, voyage, destination, horizon, retard, trajet, rupture, retraite, rater et incandescent, impétueux, inverser.
Voici mes deux poèmes !

Départ 1

Va-cance! Va! Va! Vacance!
Le voyage s'offre à toi comme un chant
Plein de liesse, incandescentes fleurs,
Coquelicots d'ivresse, horizon sans retour,
Ouvre les portes de ta retraite!
Euphorie immortelle, trajet courbe de l'espoir.
 Impétueuse vague de l'esprit qui va, va, va...
 

Vo-yage! Vo-yage! Vois! Vois! Vois!
 

Oublie les larmes de la rupture
Fais entrer la couleur dans ta vie
Ne secoue plus le mouchoir de ta douleur
Et inverse l'image de ta solitude, 

Rattrape le retard de ta vie,
Ne rate plus l'aiguillage de la joie
Bourre tes valises de rêves!
Va et vois!




 

Départ 2

Le retour est toujours le départ inversé
Si l'un est solitude, larme, mouchoir, tristesse
L'autre, impétueux, est chant, euphorie, liesse,
Si l'un  est horizon, voyage immortel, trajet incandescent
Destinations bleutées, valises emplie de rêves,
 L'autre devient retard, rupture et ivresse.
Et ainsi de ta vie qui inverse son cours
Car si tu as su faire de ta vie un voyage
La mort sera pour toi un dur arrachement
Mais ta consolation sera dans ce voyage.
Si elle est solitude, larme, mouchoir, tristesse
Et que de l'aiguillage tu as raté le chemin
La mort t'accueillera dans sa douce retraite
Viendra la guérison de la maladie-vie.




lundi 15 juillet 2013

Mes nouveaux challenges : Pavé de l'été, Destination PAL, Le mois de Septembre québécois


Et voici le challenge estival de Brize (blog : Sur mes brizées)

L'été revient (enfin, l’été théorique au moins !) et avec lui, le Challenge pavé de l'été, dans sa deuxième édition (avec pour marraine celle qui m’avait suggéré l’année dernière de le lancer, dans la foulée de mon billet "Où l’on échange[ait] des idées de pavés-pour-l’été") !
Les règles du jeu sont les suivantes :
- vous vous engagez à lire un pavé ( = au moins 600 pages, quel que soit le format) au cours de cet été. Le pavé peut être un roman, ou bien un recueil (du style omnibus) de romans ou nouvelles, mais aussi une biographie, un essai (euh, là, j’ai des doutes ;) !). Pas besoin d’indiquer déjà quel sera le pavé choisi, vous verrez en fonction de l’humeur du moment.
- vous publiez un billet au sujet de ce pavé avant la date de clôture du challenge, à savoir le 15 octobre 2013 (date postérieure à la fin de l’été, vous l’aurez noté, mais c’est pour vous laisser le temps de rédiger).

J'ai adopte le challenge Pavé de l'été, d'abord parce que j'adore les pavés (et oui un gros livre me procure un frisson de bonheur par anticipation : ah! je vais avoir le temps de me régaler!), ensuite par ce que j'en ai beaucoup dans ma PAL. J'ai déjà choisi les romans suivants  :

Les amoureux de Sylvia d'Elizabeth Gaskell

L'homme qui rit de Victor Hugo (lecture commune avec Aifelle, Miriam, Rosamond pour le 30 août)

 Un recueil de "romans terrifiants" : Walpole, Lewis, Radcliffe, Hoffmann...)

ce qui m'amène à mon second challenge estival chez Lili Galipette :



Bonjour à tous. Je suis Lili Galipette, votre capitaine de bord. Merci d’avoir pris place à bord d’Air Galipette. Notre destination : votre PAL.

Avant le décollage, quelques consignes de sécurité. Veuillez ne pas attacher votre marque-page à un seul livre. Les issues de secours se situent à chaque page. En cas de dépressurisation, des romans tomberont des étagères : merci d’aider vos conjoints et vos enfants à les ouvrir et à suivre chaque ligne. Notre personnel de bord reste à votre disposition pendant tout le voyage.

 Pour moi, il comprendra évidemment le roman irlandais à lire dans le cadre du blogoclub de Sylire et Lisa :

Nuala O'Faolain : On s'est déjà vu quelque part 

Robert Louis Stevenson : Le maître de Ballantrae :  publié aujourd'hui

Laure Murat : La maison du docteur blanche : que je viens de terminer
 
Les pavés notés plus haut et je puiserai au hasard dans les livres de ma PAL ... 





Le but: découvrir davantage la littérature de chez nous.  Et comme je vais être généreuse cette année, je peux aussi inclure la littérature canadienne francophone (en fait, je veux relire Gabrielle Roy, qui a vécu au Québec mais qui est née au Manitoba... oui, je sais, je suis en conflit d'intérêt avec moi-même... mais ya des avantages à faire les règles!)
 
Pour ma part, je compte bien lire uniquement du québécois pendant ce mois de septembre.  Mais pour participer, pas obligé d'en faire autant!  Il suffit d'un billet, en fait.  Et je suis ouverte à tout : livres, BDs, photos de voyage, musique, documentaire sur la poutine, artistes, histoire, langage et expressions... ce qui vous plaît!  Et pour compter, il faut soit que l'auteur soit né au Québec, soit qu'il ait vécu au Québec, ou que l'histoire se passe au Québec.  Comme l'an dernier, quoi!   Plus on est de fous, plus on rit!
 
Pour l'instant, il n'y a pas des milliers d'événements prévus mais ça a le temps de changer. 
 
Pour ce qui est des lectures communes... il y en a relativement peu... pour l'instant.
 
12 septembre -  Autour de de Gabrielle Roy - Yueyin, Denis et moi pour Bonheur d'occasion, Sylire pour "La montagne secrète". 
16 septembre -Un roman de Michel Tremblay au choix - Yueyin, Jaina, Cryssilda, Mélissa, Clara, Choupynette, Denis, moi
20 septembre - Un roman de Jacques Poulin - Yueyin, Sylire, moi, Anne, Valentyna
25 septembre - Un tome de "Filles de lune" d'Elisabeth Tremblay - Isallysun et moi
Un roman de Sylvain Trudel pour Yueyin, Alexand

Je n'ai pas encore fait mon choix et sachez que l'on peut proposer  nous aussi des LC. Allez voir chez karine pour trouver des idées.

Merci à toutes les organisatrices de ces challenges et bonnes lectures!


Robert Louis Stevenson : Le maître de Ballantrae


Le maître de Ballantrae de Robert Louis Stevenson est un superbe roman qui se déroule en Ecosse, au XVIII siècle et commence avec la bataille de Culloden en 1745 qui vit l'écrasante défaite des écossais, partisans des Stuart, battu par les anglais. Du côté des écossais, le prince Charles, descendant du roi catholique Jacques II Stuart s'oppose au  roi George, descendant de la dynastie des Hanovre, protestant…

Cette tragédie retentit dans tous les foyers écossais déchirés entre le passé et le présent, la fidélité aux Stuart ou la nécessité de faire allégeance au roi George, et marque plus profondément encore la noble famille des Durrisdeer puisqu'il consacre la fracture entre les deux frères, l'aîné, Sir James, le Maître de Ballantrae, et Henry, le cadet .

James, l'héritier, est le préféré de son père et de sa cousine Alison qui doit l'épouser. James a toutes les séductions, racé, élégant, il est intelligent, cultivé, brillant et beau parleur. Il séduit tous les coeurs et jouit d'un immense prestige dans le pays. Mais toutes ses qualités sont au service du mal : il aime trop  l'alcool et l'argent; il est dissimulé,  malhonnête, rusé et sans scrupules, violent, habile manipulateur car très bon connaisseur de l'âme humaine. Tout le contraire de son frère, Henry qui est terne, sans culture, ennuyeux mais  honnête, bon fils et bon gestionnaire du domaine, ce qui le fait considérer par rapport à son frère dissipé et prodigue, comme un avare. Deux personnalités entièrement opposées. 
En 1745, le maître de Ballantrae  décide de rejoindre le prince Charles alors que son père ordonne qu'il reste au domaine puisqu'il est l'aîné. Quant à Henry, il désire partir. Il sait que sa position en tant que cadet sera délicate dans le pays si ce n'est pas lui qui part. Une violente dispute éclate entre les deux frères et James l'emporte. Il part et sa mort est annoncée après la défaite de Culloden. Henry devient l'héritier du domaine  mais il passe pour traître et est très impopulaire auprès de la population. Il  épouse Alison qui continue à vouer un culte à son cousin, un héros qui a donné sa vie pour une noble cause.  Pourtant, James n'est pas mort. Il ne supporte pas la perte de son titre et de son héritage. Dès lors, une lutte féroce va opposer les deux frères.

Le roman de Stevenson est d'abord un magnifique récit d'aventures (même s'il n'est pas que cela). Si nous sommes plongés dans l'Ecosse du XVIII siècle, nous voyageons bien loin à la suite du maître de Ballantrae, dans les sauvages contrées d'Amérique du Nord peuplées d'indiens féroces, où anglais et français s'affrontent dans des guerres meurtrières, en France mais aussi dans les  Indes orientales en proie à la révolte des Cipayes. Nous partageons la vie de pirates dont le capitaine sanguinaire, sorte de psychopathe sans cervelle, passe allègrement à la planche ou au fil de l'épée tous ses ennemis voire aussi ses amis s'ils le contrarient!  Certaines moments du roman, marquants, sont des scènes de bravoure parfois hallucinantes et inoubliables comme celle du duel qui oppose les deux frères dans la nuit à la lueur des chandelles, celles réitérées où Henry va s'asseoir  sans mot dire sur un banc devant la porte de son frère devenu tailleur pour mieux savourer la déchéance de celui-ci, ou encore la scène où l'on sort de sa tombe le maître de Ballantrae enterré vivant…  Le roman oscille ainsi sans cesse entre réalisme (la situation historique) et fantastique (le maître de Ballantrae laissé pour mort renaît plusieurs fois de ses cendres comme le phoenix! Il semble parfois doté d'une force ou d'une habileté satanique)  et la puissance du style donne à sentir et à partager ces courants de haine fulgurants qui circulent entre les deux hommes.

La structure du roman vient ajouter à la complexité du récit.  Le narrateur est Mackellar, l'intendant, qui entre au service de la famille peu de temps après 1745. Il devient un fidèle de Henry dont il raconte l'histoire en prenant fait et cause pour lui.  C'est aussi un personnage à part entière qui joue un rôle dans le récit, intervient et modifie le destin des deux frères en prenant des initiatives et en révélant la vérité à Lady Alison au sujet de James. Un narrateur qui est aussi témoin de l'histoire. Les aventures du Maître sont complétées par les mémoires du chevalier Burke, irlandais, lui aussi rescapé de Culloden, qui partage un moment la fuite du Maître et subit son influence, tout en éprouvant envers lui un curieux mélange de répulsion et d'admiration.

 Stevenson en reprenant l'image biblique de Cain et Abel,  explore à travers les deux frères comme il l'a fait dans L'étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde le dualisme entre le Bien et le Mal. Mais ici, ce n'est pas un seul personnage qui incarne, par un dédoublement de la personnalité, à la fois le mal et le bien. James et Henry sont comme les deux côtés d'une pièce, pile ou face, cette même pièce que James va jeter pour décider lequel d'entre eux va rejoindre l'insurrection de 1745 remettant au hasard, comme s'il s'agissait d'un jeu, une décision qui va provoquer au-delà de la tragédie nationale, une tragédie familiale. L'un, James semble représenter le mal, l'autre, Henry, le Bien, un manichéisme qui va pourtant être bouleversé par l'intelligence de l'analyse. Car si l'on y regarde près, Henry ne représente le Bien que parce qu'il est terne, sans élévation, sans  désir et sans grande passion. Même l'amour qu'il éprouve pour sa  cousine, ne fait pas de lui un amant romantique et prêt à tout. La raison guide Henry, alors que la démesure caractérise le maître de Ballantrae et c'est à lui que va notre admiration. C'est, pour l'auteur, l'occasion de révéler à travers ce personnage la fascination exercée par le Mal, les séductions qu'il présente et qui le rend mille fois plus attirant que la grise sagesse. Le maître de Ballantrae peut séduire même ceux qui lui sont le plus farouchement opposés comme l'intendant, Mackellar, fidèle partisan de Henry, le chevalier de Burke, ou le lecteur lui-même qui est amené à apprécier les qualités brillantes de cet homme extraordinaire. Et de même que le mal séduit, de même le Bien peut être sapé peu à peu et détruit. Henry corrompu par la haine, tombe dans une déchéance mentale proche de la folie et ne peut penser qu'à la vengeance.

Un très grand roman dont on dit à juste titre qu'il est le chef d'oeuvre de Stevenson.


Lecture commune   du maître de Ballantrae avec Nathalie et Ys :


Voir Nathalie : Chez Mark et Marcel 



 Chez Aymeline

Chez Lili Galipette

lundi 8 juillet 2013

Rappel : La LC de Stevenson Le maître de Ballantrae





Ys a lancé une LC  : Le maître de Ballantrae de Stevenson  dont je vous avais parlé sans préciser la date : Le 15 Juillet. Pour celles qui se sont inscrites chez moi mais pour qui la date serait trop rapprochée, vous pouvez prendre plus de temps, du 15 Juillet au 29 Juillet. Cette lecture rejoint le challenge victorien d'Aymeline .
Si vous n'êtes pas inscrit vous pouvez toujours nous rejoindre. 






Quant à moi, je suis absente dans mon blog - en dehors des LC - et dans les vôtres pour quelque temps pour cause de petite fille et de festival d'Avignon...

A bientôt... Bonnes vacances à tous!

dimanche 30 juin 2013

Beaucoup de bruit pour rien de William Shakespeare : réponse à l'énigme n° 72

Mois anglais de Ttitine et Lou
La pièce Beaucoup de bruit pour rien a été publiée en 1600 et été vraisemblablement interprétée au théâtre en 1598-1599. Si cette comédie a la faveur du public, elle a essuyé au cours des siècles de nombreuses critiques, ce qui n'empêche pas d'être une délicieuse comédie et l'une des plus jouées sur scène.

Beaucoup de Bruit pour rien de Kenneth Branagh

Beaucoup de bruit pour rien, le titre, résume bien la pièce. Tous les personnages s'y agitent, se disputent, s'accusent, souffrent ou rient, mais pour des raisons qui  ne correspondent à aucune réalité. Il s'agit d'une comédie des erreurs, les personnages portent des masques au sens propre, se déguisent, refusent de s'avouer leurs sentiments, jouent sans cesse un rôle et se laissent abuser par les apparences.
La pièce est fondée sur un parallèle entre deux couples, les inénarrables Benedict, gentilhomme de Padoue, et Beatrice, nièce de Leonardo, seigneur de Messsine, qui représentent l'aspect comique. Tous deux professent le même dédain pour le mariage, tous deux sont dotés d'une grande intelligence, d'un esprit brillant et d'un art piquant de la répartie, tous deux s'affrontent dans des joutes verbales qui sont un des grand plaisirs du spectacle. Et tous deux se détestent bien sûr, sauf qu'ils ne s'intéressent qu'à l'un et l'autre et prennent bien trop de plaisir à se disputer … ensemble! Mais pour s'avouer leur amour, il leur faudra l'intervention malicieuse de leurs amis qui imaginent une ruse dans laquelle les deux jeunes gens tombent de plain-pied! Beaucoup de bruit pour rien!
L'autre couple, Hero et Claudio, incarnent le pendant romanesque de Benedict et Beatrice.  Ainsi Héro, la fille vertueuse de Léonato, est fiancée à Claudio, seigneur de Florence et compagnon d'armes du prince d'Aragon, Don Pedro. Ils vont se marier mais Don Juan, le frère bâtard de Don Pedro, plein de haine pour Claudio veut empêcher le mariage. Grâce à un subterfuge, il fait croire au jeune homme que sa promise le trompe. Claudio, furieux, la répudie en public ; celle-ci, déshonorée, s'évanouit et bientôt son père effondré annonce sa mort. Mais est-elle réellement morte? Le spectateur sait que non! Comment Claudio comprendra-t-il son erreur?  Le personnage a été trompé par l'apparence, toute l'accusation repose sur du vide. Son attitude a provoqué larmes et cris, souffrances, fureur et querelles. Bref! Là encore beaucoup de bruit pour rien!

Pourtant, même si nous restons dans le domaine de la comédie, il y a dans les deux derniers actes où Hero est faussement accusée une violence qui tranche avec le ton de la comédie. En fait, tous  les ingrédients de la tragédie sont réunis et annoncent déjà Othello : Claudio se laisse berner par Don Juan et ses comparses, il est prompt à croire à la culpabilité de Hero, il est cruel et impitoyable quand il l'humilie devant tous, Hero meurt symboliquement comme Desdemone mourra réellement.  Il bafoue Léonato, le père de Hero, qui demande justice en vain. Il raille Benedict qui le défie pour venger Hero à la demande de Beatrice.

C'est ce qui a suscité les critiques négatives  des critiques envers cette pièce : En premier lieu, écrit Palmer, il semble que Shakespeare ait fait l'erreur de choisir une histoire romanesque qui ne se prêtait pas à un traitement comique.

Et c'est vrai que ces scènes sont chargés d'une si forte émotion que la fonction comique de Benedict ou des personnages de farce comme Verjus et Cornouille, ne parvient pas à les dédramatiser. Si bien que Claudio nous apparaît comme un personnage brutal, dur, sans aucune sensibilité. Son amour semble bien superficiel à tel point que certains critiques ont pu dire que son mariage n'était que de convenance. Ce que n'a pas voulu Shakespeare. Claudio aime Hero d'amour vrai mais le dramaturge en voulant maintenir le registre comique ne peut pas développer les sentiments du jeune homme sauf au moment où il exprime sa douleur d'avoir été trahi par Hero. A sa mort, il nous paraîtra par contre bien indifférent.

Kenneth Branagh et Emma Thompson : Benedict et Beatrice

C'est certainement une erreur que j'ai ressentie chaque fois que j'ai vu la pièce. Je n'arrive pas à croire à l'amour de Claudio et je suis furieuse que Hero l'épouse malgré tout! Ceci dit, j'adore cette pièce brillante et gaie et les personnages de Beatrice et de Benedict qui sont mes chouchous.  Et puis quelle femme, cette Beatrice! Elle n'a pas l'intention de se laisser dominer par les mâles et elle agit en conséquence. Je suis sûre qu'à cette époque on l'appellerait facilement mégère mais heureusement non apprivoisée (ouf!). Elle a les qualités de la Catherine de La mégère apprivoisée sans en avoir les défauts et elle se montre l'égale de Benedict qui la reconnaît comme telle..

Acte II scène 1
Leonato 
Allons ma nièce, j'espère te voir un jour pourvue d'un mari.
Beatrice
Pas avant que Dieu fasse les hommes de quelque autre substance que l'argile. N'est-ce pas affligeant pour une femme d'être sous la domination d'un petit tas de fanfaronne poussière, d'avoir à rendre compte de sa vie à une motte de glaise despotique? Non, mon oncle, je n'y consens pas. Les fils d'Adam sont tous mes frères et vraiment, je tiendrais à péché de prendre un mari parmi les miens.

 Le film de Kenneth Branagh : J'ai adoré l'interprétation de Kenneth Branagh et d'Emma Thompson dans les rôles de Benedict et Beatrice : ils sont pleins d'esprit, de gaité, de vivacité. les autres personnages aussi sont très bien interprétés. La mise en scène dans des décors naturels est vivante, amusante et enlevée. Un film très réussi.



La réponse à l'énigme de ce samedi 29 Juin :


 
  l'énigme n°72


la pièce : Beaucoup de bruit pour rien de William Shakespeare


le film : Beaucoup de bruit pour rien de Kenneth Brenagh


Les vainqueurs du jour  : Dasola, Eeguab, Keisha, Lewerenz,  Nanou, Pierrot Bâton ... et merci à vous tous, les fidèles qui êtes venus au  rendez-vous du cinéma et de la littérature chaque samedi pendant toute l'année.


 Ceci est le dernier samedi avant les vacances. Je vous souhaite à tous un bel été et de bonnes vacances!

Challenge de Maggie et Claudialucia

Théâtre  : Challenge d'Emelle