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dimanche 20 janvier 2013

Un livre/ Un film : Jane Eyre de Charlotte Brontë




Résultat de l'énigme n°54
Bravo à : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Keisha, Pierrot Bâton, Shelbylee, Syl.

Le roman :  Jane Eyre de Charlotte Brontë
Le film  :  Jane Eyre de Cary Fukunaga





Le roman de Charlotte Brontë, Jane Eyre est peut-être l'un de plus grands titres de la littérature anglaise du XIX siècle. Paru en 1847, sous le pseudonyme masculin de Currer Bell pour éviter de choquer la bonne société, il peut être classé par la date dans les oeuvres de l'époque victorienne qui s'appuient sur le réel et décrivent la société de leur temps. Mais il est appartient encore largement par la sensibilité, l'esprit, l'imagination et le style  au mouvement romantique.

Le récit :
Orpheline, Jane Eyre est élevée par sa tante Madame Reed qui ne l'aime pas. Enfant sensible, imaginative et fière, elle se révolte contre son cousin qui la maltraite et est envoyée en pension.
Au pensionnat de Lowood, Jane Eyre connaît brimades, humiliations, mauvais traitements. Elle voit mourir sa jeune amie Helen Bruns. Mais grâce à la sympathie d'un de ses professeurs et à  son amour de l'étude, elle acquiert une solide instruction et devient institutrice. Elle est engagée à sa majorité comme gouvernante de la petite Adèle chez le riche Edward Rochester à Thornfield Hall. Edward, tourmenté, secret, mystérieux, semble cacher un secret et une lourde peine. Il ne tarde pas à être s'intéresser à Jane qui, elle, se sent attirée par ce ténébreux personnage.


Un roman réaliste : Ce roman est largement autobiographique et s'appuie donc sur la réalité  en présentant une étude de la société. 
La pension: Charlotte Brontë a mis, en effet, beaucoup de sa vie, dans le récit de Jane Eyre. Comme Jane, Charlotte a été envoyée en pension, à l'école de Cowan Bridge, avec ses soeurs, comme elle, elle  a eu  à subir les mauvais traitements, le froid, le manque de nourriture, les punitions corporelles, la maltraitance inhérents à  ce genre d'établissement qui se proposait de sauver l'âme en matant le corps. On sait comment les soeurs aînées de Charlotte, Maria et Elizabeth, ont contracté la tuberculose et en sont mortes. Charlotte et Emily sont alors retirées du pensionnat. L'amie de Jane, Helen Burns, qui meurt de consomption sous les yeux de la petite fille, a eu pour modèle Maria. L'odieux directeur de la pension dans le roman, Monsieur Brocklehurst,  n'est autre que le Révérend Carus Wilson.  Mais c'est aussi dans un de ces pensionnats pour jeunes filles que Charlotte (comme Jane) a pu acquérir une instruction solide, basée sur l'étude de l'anglais, des langues étrangères, du latin, de l'art, du dessin et de la musique. Jane Eyre est donc bien Charlotte Brontë, institutrice, comme le fut aussi sa soeur cadette Anne.
La misère : La société du XIX siècle apparaît avec sa terrible misère. Lorsque Jane erre dans les landes et les villages après son départ de chez Rochester, elle est obligée de mendier son pain et de coucher dans la lande. Elle se voit refuser tout aide de la part de gens qui sont plus pauvres qu'elle et qui se méfient des mendiants comme des voleurs, la misère conduisant souvent de l'un à l'autre. 
La hiérarchie sociale :Nous voyons aussi la stricte hiérarchie sociale à travers la famille de Madame Reed, la tante de Jane, qui l'a recueillie par charité mais lui fait sentir sans cesse le poids de sa supériorité. 
La religion : Réalisme aussi dans l'analyse des mentalités. Jane décrit une Angleterre pliant sous le joug de la religion puritaine, qui brime le corps, va même jusqu'à lui refuser les soins nécessaires, pour fortifier l'âme. Un puritanisme qui tient en bride les sentiments, considère l'amour charnel comme secondaire  et impur par rapport à l'amour divin. C'est le discours du pasteur Saint-John qui demande à Jane de l'épouser pour le suivre dans son sacerdoce aux Indes et estime qu'elle n'est pas née pour l'amour mais pour servir.

Un roman romantique
Un roman gothique : Jane Eyre s'apparente au roman gothique anglais qui  dès la fin du XVIII siècle répond à un goût pour le sentimental et le mystère et à un engouement pour l'architecture médiévale que l'on redécouvre à l'époque. Ces écrivains, Walpole, Radcliffe, Lewis …  sont les précurseurs du romantisme. Thornfield Hall est un immense château, mystérieux, sombre et austère, situé dans un paysage désolé, au milieu de la solitude, du froid et du brouillard. Dans le roman gothique  il est peuplé d'âmes errantes, en proie au remords et au désespoir. Ici, il ne s'agit pas d'un fantôme mais d'une folle, enfermée dans une pièce secrète, gardée par une femme effrayante elle-même, dont l'antre rappelle l'antichambre de l'Enfer. Le feu, la destruction du château par l'incendie, toutes ces péripéties, participent à l'imagination débridée du romantisme. Charlotte et ses soeurs ont été marquées par les écrivains romantiques, Lord Byron ou Walter Scott…

Conception de l'amour romantique :  Dans le roman de Jane Eyre, Charlotte Brontë développe sa conception de l'amour. Il présente les critères propres au romantisme :  éternel,  l'amour  est l'union de deux êtres qui sont faits l'un pour l'autre; il résiste à l'usure du temps mais ne peut se réaliser que dans la vertu, un amour sanctifié et voulu par Dieu. Un sentiment désintéressé et si fort qu'il peut conduire à la rédemption de l'être le plus méprisable et le plus avili. C'est la cas d'Edward Rochester qui a une vie dissolue, allant de maîtresse en maîtresse, méprisant les femmes et se méprisant lui-même. Le Mal s'est emparé de lui puisqu'il s'expose à la damnation en décidant de contracter un double mariage. Lorsqu'il cherche à entraîner Jane dans sa déchéance en en faisant sa maîtresse, il perd tout sens moral car il risque de détruire ce qu'il aime dans la jeune femme,  la luminosité qui permet à Jane de préserver cette dignité qui est sa force. Il doit, par une descente aux Enfers, obtenir le pardon divin, purifier son âme  et se libérer du Mal.. Ses souffrances morales, la perte de Jane qui s'enfuit pour lui échapper s'allient à la douleur physique. Il risque sa vie pour sauver son épouse de l'incendie, frôle la mort et se retrouve infirme, diminué, mais digne de Jane.

Recours au surnaturel, au Merveilleux chrétien:  Jane  entend la voix de son Bien-aimé qui l'appelle au-delà des montagnes et il a lui aussi la même sensation. Nonobstant la distance, la voix et l'âme de ceux qui s'aiment peuvent se rejoindre.

Un roman féministe

Jane Eyre est un personnage apparemment faible. Orpheline, elle est méprisée et mal aimée par sa famille; pauvre, elle ne peut prétendre  à la considération des autres. Chez sa tante, même les servantes la traitent comme une inférieure car elles gagnent leur vie, disent-elles, mais pas Jane; sans dot, elle n'a pas droit à l'amour et au mariage. De plus, la condition de gouvernante s'accompagne souvent d'humiliations et de rebuffades.  Tout ceci va la placer tour à tour sous la coupe d'hommes qui cherchent à la dominer voire à la briser. C'est le cas du directeur de la pension qui lui inflige brimades et vexations. Ce sera ensuite Monsieur Rochester qui est son maître et à qui elle doit obéir. Il  cherche à la manipuler, ne reculant pas devant le mensonge, au risque de la compromettre, de perdre son âme et de la pousser au désespoir : il la conduit à l'autel alors qu'il est déjà marié! Plus tard, il veut faire d'elle sa maîtresse, jouant sur ses sentiments, employant tour à tour, la séduction, la colère, les pleurs. Elle tombe enfin sous la coupe du pasteur Saint-John qui exercera sur elle, grâce à son ministère, une autorité  incontestable sur son âme mais n'en cherchera pas moins à  la dominer et la forcer au mariage avec lui sous prétexte de devoir religieux. Cependant Jane parviendra à tenir tête à tous ces hommes et à gagner sa liberté. Elle possède une valeur morale, une conception de l'honneur et un sens de sa dignité qui en font une héroïne à part entière. Elle force l'admiration et représente une conception de la femme libérée du pouvoir masculin, ne rendant des comptes qu'à elle-même et en paix avec sa conscience.

Le film de Cary Fukunaga

Il s'agit d'une adaptation très proche et très respectueuse du roman et j'ai apprécié les belles images montrant ces paysages désolés, la lande interminable, déserte et inhospitalière, le château imposant et noir.  C'est très beau. En discutant avec Wens, pourtant, j'ai été d'accord avec lui pour dire que l'image est peut-être, en effet, trop sage, trop bien léchée, cherchant l'esthétisme plutôt que la vérité des passions, le bouleversement, la violence des évènements et des personnages. C'est vrai que l'errance de Jane dans la lande où elle subit la faim, la peur, la souffrance morale et physique, où elle échappe de bien peu à la mort dans un pays où la solidarité n'a pas cours est très édulcoré par rapport au roman. Le personnage de Rochester est également affadi soit par la volonté du réalisateur ou le jeu trop retenu de l'acteur, Michael Fassbender. Certes celui-ci peut faire rêver les jeunes filles romantiques mais.. il ne rend pas la violence de cet homme, son dégoût de lui-même, ses luttes intérieures, le déchirement de sa conscience face au choix qu'il a devant lui : renoncer à Jane donc au bonheur ou devenir parjure et hors la loi en l'épousant, enfin sa révolte contre Dieu qui le voue à la damnation. Par contre j'ai beaucoup aimé l'interprétation de Jane et cette force intérieure que l'actrice Mia Wasikowka parvient à faire apparaître en opposition avec sa fragilité physique.  

Jane Eyre de Robert Stevenson



De même le récit dans la pension dans le film de Cary Fukunaga manque de relief et est filmé d'une façon assez plate. Je m'en suis rendue compte en revoyant l'adaptation de Robert Stevenson avec Orson Wells et Joan Fontain  dans les rôles principaux. La scène de la pension est magiquement filmée, le style impressionniste accentuant les contrastes entre l'ombre et la lumière, entre le Bien et le Mal  lorsqu'apparaît  la petite Helen Burns (Elizabeth Taylor), symbole de la pureté et de la bonté, apportant du pain à Jane. Le film présente de très beaux passages dans ce film que je préfèrerais à celui de Cary  Fukunaga… mais à qui je reproche un manque de sobriété  encore accentué par une musique assez pompier dans les scènes tragiques.





samedi 19 janvier 2013

Un livre/Un film : Enigme n° 54





Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.
Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.


Enigme n° 54

Le roman est un classique paru au milieu du XIX siècle, incontournable monument de la littérature anglaise.  Il est en grande partie autobiographique et ancré dans le réel. Mais un autre aspect de l'oeuvre le fait classer dans les romans gothiques.


Il étendit la main pour me demander de le conduire; Je pris cette main chérie et je la tins un moment pressée contre mes lèvres; puis je la passai autour de son épaule : étant beaucoup plus petite que lui, je pouvais lui servir d'appui et de guide. Nous entrâmes dans le bois et nous retournâmes à la maison.

vendredi 18 janvier 2013

Isabelle Marsay : Le fils de jean-Jacques




Le fils de Jean-Jacques d'Isabelle Marsay est une heureuse surprise car il explore bon nombre de questions que je me suis toujours posé sans les résoudre vraiment sur Jean-Jacques Rousseau. Comment en lisant l'Emile, son traité d'éducation, peut-on accepter le fait qu'il ait abandonné ses cinq enfants? Comment ses justifications à ce sujet dans Les Confessions ou Les Rêveries d'un promeneur solitaire ne jettent-elles pas le discrédit sur sa pensée?

Cependant il est sûr que c'est la crainte d'une destinée pour eux mille fois pire et presque inévitable par une autre voie, qui m'a le plus déterminé dans cette démarche*. Plus indifférent sur ce qu'ils deviendraient et hors d'état de les élever moi-même, il aurait fallu dans ma situation, les laisser élever par leur mère qui les aurait gâtés et par sa famille qui en aurait fait des monstres. Je frémis encore d'y penser. (Les Rêveries du promeneur solitaire) * abandonner ses enfants

 Comment peut-on écrire des textes qui influenceront les générations à venir, être l'auteur du Contrat social et jouer un si grand rôle dans l'évolution du monde occidental puis agir parallèlement a contrario? Comment accorder foi au philosophe qui écrit : Pour être quelque chose, pour être soi-même et toujours un, il faut agir comme on parle; être toujours décidé sur le parti qu'on doit prendre, le prendre hautement et le suivre toujours … mais ne respecte pas ses propres préceptes! Doit-on considérer l'oeuvre et faire abstraction de l'homme? C'est une question qui se pose souvent en littérature.

Celui qui ne peut remplir ses devoirs de père n'a pas le droit de le devenir. Il n'y a ni pauvreté, ni travaux, ni respect humain qui le dispensent de nourrir ses enfants et de les élever lui-même. Lecteurs, vous pouvez m'en croire. je prédis à quiconque a des entrailles et néglige de si saints devoirs qu'il versera sur sa faute des larmes amères et qu'il ne sera jamais consolé. (L'Emile Livre 1)

Isabelle Marsay a eu la très belle idée d'imaginer ce qu'était devenu le fils de Jean-Jacques, son aîné, Baptiste Joseph-Marie, le seul dont nous ayons le nom. Une oeuvre de fiction qui nous fait découvrir ce qu'était la réalité de cette institution des Enfants-Trouvés, un mouroir où les bébés, non pas trouvés mais abandonnés légalement par leur famille, mouraient en grand nombre dès les premiers jours avant d'être confiés à des nourrices, au sein d'un foyer misérable. Là, la malnutrition, le manque de soins et d'hygiène et les sévices achevaient de les tuer. Certes, la mortalité enfantine était grande à l'époque même dans les familles où l'on prenait soin des nourrissons mais elle atteignait des records dans le cas des enfants abandonnés.
On ne craint pas d'avancer qu'on n'en trouvera pas un dixième à l'âge de vingt ans, affirme Piarron de Chamousset, conseiller du roi Louis XV, qui préconisait d'envoyer ces enfants (si coûteux pour L'Etat) en Louisiane dès l'âge de cinq à six ans pour les occuper à élever des vers à soie…. Ceux qui parvenaient à atteindre l'âge adulte pouvant aussi être enrôlés dans l'armée où on les mettait en première ligne car aucune famille ne les réclamerait!

Rousseau pouvait-il ignorer, écrit Isabelle Marsay , que 70% des nourrissons confiés à l'hospice des Enfants-Trouvés mouraient avant d'atteindre un an et que l'abandon constituait une forme "d'infanticide différé"

La réponse est dans L'Emile. Voilà comment Rousseau parle de la coutume de mettre ses enfants en nourrice dans les familles  aisées  : Depuis que les mères méprisant leur plus cher devoir, n'ont plus voulu nourrir leurs enfants, il a fallu les confier à des mères mercenaires qui, se trouvant ainsi mère d'enfants étrangers pour qui la nature ne leur disait rien, n'on cherché qu'à s'épargner des peines… Pourvu qu'il qu'il n'y ait pas de preuve de la négligence de la nourrice, pourvu que le nourrisson ne se casse ni bras, ni jambe qu'importe, au surplus qu'il périsse ou qu'il demeure infirme le reste de ses jours. (L'Emile)

 Le récit est donc très intéressant et bien mené et nous nous intéressons à Baptiste, un personnage attachant, et à tous ceux qui gravitent autour de lui comme la famille qui l'a recueilli et l'a ainsi sauvé d'une mort certaine. Parallèlement, Isabelle Marsay met en exergue de chaque chapitre des extraits de L'Emile, des Confessions, de lettres… qui forment un contre-point ironique et terrible à cette histoire qui pour être en partie fictive n'en retrace pas moins la réalité de ces 4300 enfants abandonnés chaque année, en moyenne, à l'époque de Rousseau, dans la seule ville de Paris. Ce que j'ai découvert et dont je n'avais pas pris conscience, c'est que Jean-Jacques Rousseau malgré ses justification, a été tourmenté dans sa conscience. On sait qu'il a cherché vainement à retrouver son fils aîné à la fin de sa vie même s'il n'y a pas mis beaucoup de conviction.

Merci à George de m'avoir fait découvrir ce  livre-voyageur passionnant.

Chez George  Voir ICI

Chez George , je découvre aussi un commentaire laissé par l'auteur, Isabelle Marsay :
Merci pour le fil de vos commentaires, découverts à l’instant. Je tente de répondre à Estelle qui tente de démêler la part de fiction et de réalité. L’auteur, en l’occurrence ma petite personne, s’est fondé sur des recherches biographiques, historiques pour tenter de comprendre les paradoxes de notre éminent pédagogue.
Mon but n’est pas tant de juger Rousseau mais de donner au lecteur le maximum de clefs pour le faire et exaucer le voeu de l’auteur des « Confessions ». Le destin du petit Baptiste se fonde sur des recherches relatives au sort des enfants abandonnés, mais il n’existe que sur le papier, même si je me suis beaucoup attachée à lui!!! Excellente soirée, isabelle Marsay.

Chez Asphodèle

Chez Hélène chocolat

jeudi 17 janvier 2013

Citation avec Montaigne : Le trajet d'une rivière



Je suis en train de lire Le trajet d'une rivière d'Anne Cuneo, roman historique qui nous amène dans le passé, d'abord en Angleterre à l'époque élizabethaine puis en voyage en Europe déchirée par les guerres de religion.  Or, qui ai-je rencontré dans ce XVI siècle où s'affronte les fanatismes et où  l'on tue au nom de Dieu?  Montaigne, bien sûr, et ce texte magnifique et si vrai qui explique le titre de ce roman dont je vous parlerai bientôt.



Ce que notre raison nous conseille de plus vraisemblable, c'est généralement à chacun  d'obéir au loi de son pays, comme est l'avis de Socrate inspiré, dit-il d'un conseil divin. Et par là que veut-elle dire, sinon que notre devoir n'a d'autre règle que fortuite? La vérité doit avoir un visage pareil et universel.. Il n'est rien de sujet à de plus continuelle agitation que les lois. Depuis que je suis né, j'ai vu trois et quatre fois rechanger celle des Anglais, nos voisins, non seulement en sujet politique, qui est celui que l'on veut dispenser de la constance, mais au plus important sujet qui puisse être, à savoir la religion. De quoi j'ai honte et dépit, d'autant plus que c'est une nation à laquelle ceux de mon quartier ont eu autrefois une si privée accointance qu'il reste encore en ma maison aucunes traces de notre ancien cousinage… Que dira donc en cette nécessité que la philosophie? Que nous suivons les lois de notre pays? C'est à dire cette mer flottante des opinions d'un peuple ou d'un Prince, qui me peindront la justice d'autant de couleurs et la réformeront d'autant de visages qu'il y aura en eux de changements de passion? Je ne peux pas avoir le jugement si flexible.
Quelle bonté est-ce, que je voyais hier en crédit et demain plus, et que le trajet d'une rivière fait un crime? Quelle vérité que ces montagnes bornent, qui est mensonge au monde qui se tient au-delà?

mercredi 16 janvier 2013

Sur les traces de Chateaubriand de Saint Malo à Combourg, Les mémoires d'Outre-tombe


Je ne pouvais pas aller à Saint Malo sans chercher la maison où est né François-René de Chateaubriand le 4 Septembre 1768. A vrai dire, il n'est pas trop difficile de la trouver!

Saint Malo



La maison qu'habitaient alors mes parents est située dans une rue sombre et étroite de Saint−Malo, appelée la rue des Juifs : cette maison est aujourd'hui transformée en auberge. La chambre où ma mère accoucha domine une partie déserte des murs de la ville, et à travers les fenêtres de cette chambre on aperçoit une mer qui s'étend à perte de vue, en se brisant sur des écueils. J'eus pour parrain, comme on le voit dans mon extrait de baptême, mon frère, et pour marraine la comtesse de Plouër, fille du maréchal de Contades. J'étais presque mort quand je vins au jour. Le mugissement des vagues, soulevées par une bourrasque annonçant l'équinoxe d'automne, empêchait d'entendre mes cris : on m'a souvent conté ces détails ; leur tristesse ne s'est jamais effacée de ma mémoire. Il n'y a pas de jour où, rêvant à ce que j'ai été, je ne revoie en pensée le rocher sur lequel je suis né, la chambre où ma mère m'infligea la vie, la tempête dont le bruit berça mon premier sommeil, le frère infortuné qui me donna un nom que j'ai presque toujours traîné dans le malheur. Le Ciel sembla réunir ces diverses circonstances pour placer dans mon berceau une image de mes destinées. (Livre 1 chapitre Mémoires d'Outre−tombe)


La cour intérieure de la maison telle qu'elle était au XIX ème siècle.

Combourg




En sortant de l'obscurité du bois, nous franchîmes une avant−cour plantée de noyers, attenante au jardin et à la maison du régisseur ; de là nous débouchâmes par une porte bâtie dans une cour de gazon, appelée la Cour Verte. A droite étaient de longues écuries et un bouquet de marronniers ; à gauche, un autre bouquet de marronniers. Au fond de la cour, dont le terrain s'élevait insensiblement, le château se montrait entre deux groupes d'arbres. Sa triste et sévère façade présentait une courtine portant une galerie à mâchicoulis, denticulée et couverte. Cette courtine liait ensemble deux tours inégales en âge, en matériaux, en hauteur et en grosseur, lesquelles tours se terminaient par des créneaux surmontés d'un toit pointu, comme un bonnet posé sur une couronne gothique.
Quelques fenêtres grillées apparaissaient çà et là sur la nudité des murs. Un large perron, raide et droit, de vingt−deux marches, sans rampes, sans garde−fou, remplaçait sur les fossés comblés l'ancien pont−levis ; il atteignait la porte du château, percée au milieu de la courtine. Au−dessus de cette porte on voyait les armes des seigneurs de Combourg, et les taillades à travers lesquelles sortaient jadis les bras et les chaînes du pont−levis.
La voiture s'arrêta au pied du perron ; mon père vint au−devant de nous. La réunion de la famille adoucit si fort son humeur pour le moment, qu'il nous fit la mine la plus gracieuse.
(Livre 1 chapitre 7 Mémoires d'Outre−tombe)




Les distractions du dimanche expiraient avec la journée ; elles n'étaient pas même régulières. Pendant la mauvaise saison, des mois entiers s'écoulaient sans qu'aucune créature humaine frappât à la porte de notre forteresse. Si la tristesse était grande sur les bruyères de Combourg, elle était encore plus grande au château : on éprouvait, en pénétrant sous ses voûtes, la même sensation qu'en entrant à la chartreuse de Grenoble. Lorsque je visitai celle−ci en 1805, je traversai un désert, lequel allait toujours croissant ; je crus qu'il se terminerait au monastère ; mais on me montra, dans les murs mêmes du couvent, les jardins des Chartreux encore plus abandonnés que les bois. Enfin, au centre du monument, je trouvai enveloppé dans les replis de toutes ces solitudes, l'ancien cimetière des cénobites ; sanctuaire d'où le silence éternel, divinité du lieu, étendait sa puissance sur les montagnes et dans les forêts d'alentour.  Le calme morne du château de Combourg était augmenté par l'humeur taciturne et insociable de mon père. Au lieu de resserrer sa famille et ses gens autour de lui, il les avait dispersés à toutes les aires de vent de l'édifice. (livre 3 chapitre 3 Mémoires d'Outre−tombe)





La terre de Combourg n'avait pour tout domaine que des landes, quelques moulins et les deux forêts, Bourgouët et Tanoërn, dans un pays où le bois est presque sans valeur. Mais Combourg était riche en droits féodaux ; ces droits étaient de diverses sortes : les uns déterminaient certaines redevances pour certaines concessions, ou fixaient des usages nés de l'ancien ordre politique ; les autres ne semblaient avoir été dans l'origine que des divertissements.
Mon père avait fait revivre quelques−uns de ces derniers droits, afin de prévenir la prescription. Lorsque toute la famille était réunie, nous prenions part à ces amusements gothiques : les trois principaux étaient le Saut des poissonniers, la Quintaine, et une foire appelée l'Angevine. Des paysans en sabots et en braies, hommes d'une France qui n'est plus, regardaient ces jeux d'une France qui n'était plus. Il y avait prix pour le vainqueur, amende pour le vaincu.
La Quintaine conservait la tradition des tournois : elle avait sans doute quelque rapport avec l'ancien service militaire des fiefs. Elle est très−bien décrite dans du Cange (Voce Quintana). On devait payer les amendes en ancienne monnaie de cuivre, jusqu'à la valeur de deux moutons d'or à la couronne de 25 sols parisis chacun.
La foire appelée l'Angevine se tenait dans la prairie de l'étang, le 4 septembre de chaque année, le jour de ma naissance. Les vassaux étaient obligés de prendre les armes, ils venaient au château lever la bannière du seigneur ; de là ils se rendaient à la foire pour établir l'ordre, et prêter force à la perception d'un péage dû aux comtes de Combourg par chaque tête de bétail, espèce de droit régalien. A cette époque, mon père tenait table ouverte. On ballait pendant trois jours : les maîtres, dans la grand−salle, au raclement d'un violon ; les vassaux, dans la Cour Verte, au nasillement d'une musette. On chantait, on poussait des huzzas on tirait des arquebusades. Ces bruits se mêlaient aux mugissements des troupeaux de la foire ; la foule vaguait dans les jardins et les bois et du moins une fois l'an, on voyait à Combourg quelque chose qui ressemblait à de la joie.
Ainsi, j'ai été placé assez singulièrement dans la vie pour avoir assisté aux courses de la Quintaine et à la proclamation des Droits de l'Homme ; pour avoir vu la milice bourgeoise d'un village de Bretagne et la garde nationale de France, la bannière des seigneurs de Combourg et le drapeau de la Révolution. Je suis comme le dernier témoin des moeurs féodales. (Livre 2 chapitre 2)





Le soir je m'embarquais sur l'étang, conduisant seul mon bateau au milieu des joncs et des larges feuilles flottantes du nénuphar. Là, se réunissaient les hirondelles prêtes à quitter nos climats. Je ne perdais pas un seul de leurs gazouillis : Tavernier enfant était moins attentif au récit d'un voyageur. Elles se jouaient sur l'eau au tomber du soleil, poursuivaient les insectes, s'élançaient ensemble dans les airs, comme pour éprouver leurs ailes, se rabattaient à la surface du lac, puis se venaient suspendre aux roseaux que leur poids courbait à peine, et qu'elles remplissaient de leur ramage confus. La nuit descendait ; les roseaux agitaient leurs champs de quenouilles et de glaives, parmi lesquels la caravane emplumée, poules d'eau, sarcelles, martins−pêcheurs, bécassines, se taisait ; le lac battait ses bords ; les grandes voix de l'automne sortaient des marais et des bois : j'échouais mon bateau au rivage et retournais au château. Dix heures sonnaient. (Livre 3 chapitres 12 et 13)




La vie que nous menions à Combourg, ma soeur et moi, augmentait l'exaltation de notre âge et de notre caractère. Notre principal désennui consistait à nous promener côte à côte dans le grand Mail, au printemps sur un tapis de primevères, en automne sur un lit de feuilles séchées, en hiver sur une nappe de neige que brodait la trace des oiseaux, des écureuils et des hermines. Jeunes comme les primevères, tristes comme la feuille séchée, purs comme la neige nouvelle, il y avait harmonie entre nos récréations et nous.
Ce fut dans une de ces promenades, que Lucile, m'entendant parler avec ravissement de la solitude, me dit : " Tu devrais peindre tout cela. " Ce mot me révéla la muse, un souffle divin passa sur moi. Je me mis à bégayer des vers, comme si c'eût été ma langue naturelle ; jour et nuit je chantais mes plaisirs, c'est−à−dire mes bois et mes vallons ; je composais une foule de petites idylles ou tableaux de la nature. J'ai écrit longtemps en vers avant d'écrire en prose : M. de Fontanes prétendait que j'avais reçu les deux instruments.
(Livre 3 chapitre 7)

Le grand Be


Le Grand Be : tombeau de Chateaubriand

Saint−Malo n'est qu'un rocher. S'élevant autrefois au milieu d'un marais salant, il devint une île par l'irruption de la mer qui, en 709, creusa le golfe et mit le mont Saint−Michel au milieu des flots. Aujourd'hui, le rocher de Saint−Malo ne tient à la terre ferme que par une chaussée appelée poétiquement le Sillon. Le Sillon est assailli d'un côté par la pleine mer, de l'autre est lavé par le flux qui tourne pour entrer dans le port. Une tempête le détruisit presque entièrement en 1730. Pendant les heures de reflux, le port reste à sec, et à la bordure est et nord de la mer, se découvre une grève du plus beau sable. On peut faire alors le tour de mon nid paternel. Auprès et au loin, sont semés des rochers, des forts, des îlots inhabités ; le Fort−Royal, la Conchée, Cézembre et le Grand−Bé, où sera mon tombeau ; j'avais bien choisi sans le savoir : be, en breton, signifie tombe. (L 1 Chapitre 3)  


Lettre de remerciement au maire de Saint Malo :
Je n'avais jamais prétendu et je n'aurais jamais osé espérer, Monsieur, que ma ville natale se chargeât des frais de ma tombe. Je ne demandais qu'à acheter un morceau de terre de vingt pieds de long sur douze de large, à la pointe occidentale du Grand-Bé. J'aurais entouré cet espace d'un mur à fleur de terre, lequel aurait été surmonté d'une simple grille de fer peu élevée, pour servir non d'ornement, mais de défense à mes cendres. Dans l'intérieur je ne voulais placer qu'un socle de granit taillé dans les rochers de la grève. Ce socle aurait porté une petite croix de fer. Du reste, point d'inscription, ni nom, ni date. La croix dira que l'homme reposant à ses pieds était un chrétien : cela suffira à ma mémoire.






dimanche 13 janvier 2013

Un livre/ Un film : Patricia Highsmith, L'inconnu du Nord- Express





Résultat de l'énigme n°53
Bravo à : Aifelle,  Dasola, Eeguab, Keisha, Pierrot Bâton, Somajaet puis une (un?) mystérieuse inconnue qui a signé anonyme!

Le roman :  : L'inconnu du Nord Express  de Patricia Highsmith
le film : L'inconnu du Nord Express de Hotchcock







Mary Patricia Plangman, dite Patricia Highsmith est née au Texas en 1921 et est morte en Suisse, à  Locarno, en 1995.

C'est à l'âge de vingt ans que Patricia Highsmith commence à écrire. En 1950, elle publie son premier roman, L' Inconnu du Nord-Express, qui sera porté à l'écran par Alfred Hitchcock. Cet écrivain classé, à son corps défendant, comme auteur de romans policiers, revendique pour maîtres Henry James et Dostoïevski. Débouchant souvent sur le fantastique comme dans L' Amateur d'escargot, le récit peut atteindre l'horreur : comme Le Journal d'Edith (1977), qui relate la lente décomposition d'une américaine ordinaire. Ce texte, qu'elle qualifie elle-même de livre sur le métier de femme, contient une phrase que Patricia Highsmith a faite sienne : Ne pense pas, mais avance. Autre livre à part, publié sous le pseudonyme de Claire Morgan, Les Eaux dérobées (1952) est un plaidoyer en faveur des lesbiennes. Tom Ripley, le personnage préféré de Patricia Highsmith, un tueur bisexuel, est également présent dans de nombreux romans comme Le Talentueux Mr Ripley. Patricia Highsmith excelle dans les analyses psychologiques et aime à explorer le comportement de personnages en marge de la société. Elle a même publié ses méthodes et techniques d'écriture dans L' Art du suspense. (source L'évènement)

Le roman de Patricia Higsmith,  L'inconnu du Nord-Express présente une idée de départ géniale que Hitchcock  a repris intégralement  pour  s'en éloigner ensuite.

L'intrigue du Roman :
Dans un train en direction de la petite ville de Melcalf, Guy Haines, un architecte de talent à qui l'on vient de faire une commande qui lancera sa carrière, se trouve en présence d'un inconnu, Charley Bruno. Ce dernier, un riche héritier, lui avoue bien vite qu'il hait son père et souhaite le tuer. Guy, sous l'effet de quelques verres d'alcool, se livre à des confidences. Il lui confie qu'il est en route pour rencontrer sa femme Miriam, enceinte d'un autre, et obtenir le divorce. Il souhaite, en effet, se remarier avec Anne et n'éprouve plus que haine et mépris pour Miriam, légère et vulgaire, qui l'a trompée et l'a fait souffrir. Bruno lui fait un proposition : Il se charge de tuer Miriam et Guy éliminera son père! Comme il n'y a aucun lien entre eux, le crime sera parfait. Guy repousse cette proposition sans la prendre au sérieux. Il va voir Miriam. Celle-ci refuse de divorcer. Charley Bruno qui continue à s'intéresser à Guy décide alors de supprimer la jeune femme. Il va ensuite exiger que Guy fasse de même pour son père sinon il le fera accuser du meurtre de Miriam.



Farley Granger (Guy) et Robert Walker (Bruno)


L'intrigue du film
Elle est semblable à celle du livre  si ce n'est  que Guy est un joueur de tennis réputé et, à ce titre, il est déjà repéré par Bruno qui sait tout sur lui et peut le manipuler aisément. La scène du meurtre a lieu  au même endroit  que dans le roman, dans un parc d'attraction, sur  une petite île, et Hitchcock retient l'idée du manège qu'il va utiliser avec tant de brio dans la scène finale. Comme dans le roman, Charley  Bruno  va alors persécuter Guy,  s'immiscer entre lui et Ann, exercer une pression constante sur lui pour qu'il exécute la seconde partie de son plan. Mais  c'est à partir de là que film et roman vont différer.
Hitchcok imagine que Guy se confie à Ann qui lui apporte son soutien.  Il cherche à avertir le père de Charley  tandis que Ann fait une démarche auprès de sa mère pour dénoncer l'état mental de son fils mais en vain. Devant le refus de Guy de tuer  son père, Bruno cherche à apporter une preuve de la culpabilité de Guy en déposant le briquet de celui-ci sur le lieu du crime. Guy, déjà fortement soupçonné par la police, le poursuit. Un affrontement final a lieu sur le manège où Bruno perdra la vie, Guy est disculpé.
Dans le roman de Patricia Highsmith, le piège dans lequel Guy Haines est  tombé se referme sur lui! Il n'y a plus d'échappatoire possible et les deux personnages liés indissolublement, "frères" dans le Mal, vont  tous deux vers une issue fatale. Guy ne peut se confier à Ann d'un milieu social supérieur à lui car il a peur de la perdre. Il subit le harcèlement constant de Bruno, malade mental machiavélique que rien n'arrête, et qui le pousse au meurtre. Lui aussi devient un criminel.

Les thèmes
Dans les deux oeuvres, les thèmes qui intéressent les créateurs sont les mêmes :
Patricia Highsmith s'interroge sur la notion du bien et du mal. Le personnage de Charley Bruno, pervers, malade mental, machiavélique, prétend que nous sommes tous capables de tuer.

Voilà justement où vous vous trompez! N'importe qui peut tuer! C'est  une simple question de circonstances et ça n'a rien à voir avec le caractère! Les gens vont jusqu'à un certain point... et il suffit d'un rien pour faire déborder le vase, n'importe qui. Même votre grand-mère, j'en suis sûr!

Chaque homme, dit-il, porte en soi un double,  le Bien et le Mal.  

 Les gens, les sentiments, tout est double, expliqua-t-il. Il y a deux personnes dans chacune de nous. Il y a soi et quelqu'un qui est exactement votre opposé, comme un double invisible qui vous attend quelque part dans le monde, en embuscade.
Et il a raison puisqu'il parviendra à pousser Guy au meurtre. Patricia Higsmith analyse avec beaucoup de talent la lente mais inexorable érosion morale qui se fait en Guy et qui l'amène peu à peu à envisager le crime puis à l'exécuter. Elle analyse aussi avec finesse le sentiment de culpabilité qui ronge Guy, le pousse au désespoir et fait de sa vie un enfer.
Alfred Hitchcok s'intéresse aussi au thème de la culpabilité. Comme dans le roman, Guy porte une responsabilité morale  et n'est pas entièrement innocent du meurtre de Miriam puisqu'il a souhaité sa mort. Lui aussi est manipulé par le "Diable" qui tire les ficelles et ne lui laisse aucune initiative. Mais Guy refusera le mal et ne tuera pas. Une fin optimiste!

Le roman est donc beaucoup plus noir que le film. Highsmith poursuit une logique dans la psychologie des personnages que Hitchcock ne pouvait pas respecter, tenu par la censure, obligé par la morale de l'époque et les impératifs de la réussite… Le héros devait d'être au-dessus de tout soupçon, une victime innocente pour que le public puisse s'intéresser à lui et pour qu'il y ait une fin heureuse. C'est pourquoi, si la réalisation de Hitchcock est brillante, il me semble que le roman de Highsmith va plus loin dans l'analyse du bien et du mal, de la culpabilité, et est, par conséquent, plus profond.

samedi 12 janvier 2013

Un livre/un film : Enigme n° 53






Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.
Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.
Enigme  53
Cette écrivaine américaine, maître du suspense, écrit avec ce roman dont vous devez trouver le titre, une  intrigue oppressante s'interroge sur le bien et le mal en posant cette question : sommes-nous tous des meurtriers en puissance? Ce roman sera adapté trois fois au cinéma mais l'adaptation qui nous intéresse ici est celle d'un très grand réalisateur anglais. 

- Il se peut que de telles idées m'aient traversé l'esprit, mais ça n'est pas allé plus loin. Ce n'est pas mon genre.
- Voilà justement où vous vous trompez! N'importe qui peut tuer! C'est  une simple question de circonstances et ça n'a rien à voir avec le caractère! Les gens vont jusqu'à un certain point... et il suffit d'un rien pour faire déborder le vase, n'importe qui. Même votre grand-mère, j'en suis sûr!
- Je regrette mais je ne suis pas de votre avis, fit G. sèchement.

samedi 5 janvier 2013

Je vous souhaite.... avec Jacques Brel







Je vous souhaite des rêves à n'en plus finir
 Et l'envie furieuse d'en réaliser quelques uns.
 je vous souhaite d'aimer ce qu'il faut aimer,
 Et d'oublier ce qu'il faut oublier.
 Je vous souhaite des silences,
 Je vous souhaite des chants d'oiseaux au réveil,
 Et des cris d'enfants.
 Je vous souhaite de résister à l'enlisement, à l'indifférence,
 Aux vertus négatives de notre époque
 Je vous souhaite surtout d'être vous
 

vendredi 21 décembre 2012

Joyeux Noël, Bonnes fêtes à tous!



C'est avec ce bouquet de fleurs de Van Gogh que je vous souhaite de bonnes fêtes, un joyeux Noël à tous et d'heureuses vacances pour ceux qui ont la chance d'être en congé.

L'énigme du samedi est arrêtée pendant les fêtes et ne reprendra que le samedi 12 Janvier.

Quant à moi, vous avez pu constater que je n'ai pas été très présente ni dans mon blog ni dans les vôtres. Ce n'est pas par manque d'intérêt mais par manque de temps! J'espère une reprise plus dynamique au mois de janvier!

Je pars en Bourgogne demain où toute la famille va se réunir... A bientôt!


Joyeux Noël à tous et toutes!

 

 

dimanche 16 décembre 2012

Un livre/un film : Hemingway, Le vieil homme et la mer






Résultat de l'énigme n°52
Bravo et merci à  : Aifelle, Dasola, Eeguab,  Keisha,  Miriam, Pierrot Bâton 
Le roman Le vieil homme et la mer Ernest Hemingway
Le film :  Le vieil homme et la mer John Sturges








Le Vieil homme et la mer écrit par Hemingway à Cuba en 1951 est paru en 1952. Il a obtenu  le prix Pulitzer en 1953 et  il a donné à son auteur la notoriété nécessaire pour obtenir le prix Nobel de littérature en 1954. C'est peut-être parce qu'il est devenu un classique, qu'il est trop connu, trop étudié en classe et dans toutes les langues, que l'on oublie parfois que ce livre qui paraît si simple et si sobre, atteint une perfection qui fait de lui une oeuvre littéraire universelle.

Ce roman très court, ramassé et dense, concentre l'action sur cinq jours et quatre nuits. Le livre raconte le combat d'un vieil homme Santagio envers un énorme poisson, une lutte intense et impitoyable qui permet au vieux pêcheur de triompher de l'animal. Mais lorsqu'il s'apprête à le ramener, des requins attaquent et dévorent le marlin (et non l'espadon comme le veut la traduction française) dont il ne reste plus que l'arête lorsque Santagio rejoint le port.

 Un huis-clos 
Un huis-clos, le terme peut sembler surprenant puisque le récit se déroule dans un espace immense et ouvert, l'océan, mais le pêcheur et le poisson vont rester face à face dans un combat loyal mais sans merci et qui ne peut se terminer que par la mort de l'un des deux adversaires. C'est un affrontement entre deux personnages, sans échappatoire, avec pour seuls témoins l'océan et les étoiles.
Pourtant l'océan n'est pas seulement le cadre du récit; il est personnifié. C'est l'élément féminin de ce roman par ailleurs entièrement masculin, de Santiago à Manolin au poisson. Il s'agit de la mar ainsi que le nomme Santiago, toujours au féminin pour ceux qui l'aiment ou la couvrent d'insultes, car si la la mar se conduit comme un folle, ou comme une mégère, c'est parce qu'elle ne peut faire autrement: la lune la tourneboule comme une femme.
Un combat épique

Comme dans Moby Dick, le combat que mène le vieillard contre le marlin, prend des dimensions épiques. L'adversaire  n'est pas un simple poisson mais un sorte de monstre splendide, un géant d'une taille phénoménale, doué de raison, de ruse et de courage, l'égal de l'homme  qui l'affronte.
 L'espadon nageait au-dessous de la surface; le vieux entrevit sa masse énorme et les bandes pourpres qui cerclaient son corps.
L'espadon était si grand qu'il semblait que c'était son  propre bateau que  le vieux amarrait à un bateau plus vaste.
 Un immense respect anime Santiago envers cet animal hors du commun, en même temps qu'une grande admiration et  même de l'amour. En fait, il y a une sorte d'osmose qui s'établit entre la bête et l'homme qui ne font plus qu'un aux yeux de Santiago. Les douleurs physiques  ressenties par le vieux mais aussi par le poisson sont aussi intenses d'un côté que de l'autre et n'ont d'égales que les souffrances morales.

Une philosophie
 Le vieillard n'est pas sûr de gagner dans cette lutte, il éprouve d'immenses souffrances, un épuisement presque total,  mais il ira jusqu'au bout, jusqu'à la mort s'il le faut :
Mais l'homme ne doit jamais s'avouer vaincu. Un homme cela peut-être détruit, mais pas vaincu.
Même lorsque les requins attaquent, alors qu'il se sait impuissant à lutter contre eux, il continue à essayer : Les  chasser, je me battrai contre eux jusqu'à la mort.
Libres à certains lecteurs de ne pas adhérer à cette philosophie qui peut paraître ne s'adresser qu'aux hommes et glorifier leur courage viril. Mais ce serait une interprétation bien réductrice. Si l'on étend cette conception au genre humain, la leçon peut apporter l'espoir et nous toucher universellement. 
 Faut jamais désespérer, pensa-t-il, c'est idiot.
Car elle dit qu'il n'est pas nécessaire de réussir son entreprise pour triompher. L'important c'est de ne pas abandonner, c'est le combat que l'on mène envers soi-même.
C'est peut-être pour cela que le suicide d'Hemingway en 1961 a tant déçu ses amis et en particulier Howard Hawks qui n'a plus jamais voulu entendre parler de lui.



samedi 15 décembre 2012

Un livre/Un film : Enigme 52




Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.
Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.
 
Enigme  52

Après le classique français de la semaine dernière, voici un classique américain. Ce livre paru dans les années 50  a valu  à son auteur le prix Pulitzer et le prix Nobel de littérature. Cet extrait propose le sens de l'oeuvre :


- Mais l'homme ne doit jamais s'avouer vaincu, dit-il. Un homme, ça peut être détruit mais pas vaincu. Je regrette d'avoir tué ce poisson, pensa-t-il. Le dentuso c'est méchant, c'est fort, c'est malin. Pourtant j'ai été plus malin que lui. Sait-on jamais ? pensa-t-il. Ce qu'y a de certains c'est que j'étais mieux armé que lui.
- Raisonne pas tant, bonhomme, dit-il tout haut. Navigue de ton mieux, et prends les choses comme elles viennent.

lundi 10 décembre 2012

Lecture commune Shakespeare et George Sand : Mise au point, titres et dates




Pour la lecture  commune de Shakespeare fixée pour la dernière semaine de Janvier, du 27 au 31, voici les participants et les titres qui ont été retenus après tirage au sort  :
La tragédie : Coriolan
La comédie : Les joyeuses commères de Windsor
Vous pouvez choisir de lire soit la comédie, soit la tragédie!

Les inscrits pour  Shakespeare et les pièces qui ont été proposées:

Maggie : Coriolan ou Othello
comédie?

Keisha :
Romeo et Juliette
Comédie?

Shelbylee : 
  Richard II
La nuit des roi
Eeguab
Titus et Andronicus
Comme il vous plaira

Océane
Titus et Andronicus
Les Joyeuses commères

Miriam :
tragédie?
Les joyeuses commères
L'ogresse
Hamlet
Comédie?

Claudialucia:
Coriolan
Comme il vous plaira
 
Avec George nous proposons une lecture commune de Teverino pour le mois de Janvier. Date à préciser. Le livre existe en livre gratuit sur Kindle ou chez Actes Sud Babel.(7€)
Les inscrits pour  : Teverino de George Sand

Claudialucia
Cleanthe
George 
Miriam peut-être? 

Nathalie
Thérèse

Nous ne fixons pas un jour mais une semaine pour laisser plus de liberté à chacune. Ce sera donc la semaine du 20 au 26 Janvier

A bientôt pour toutes ces lectures!

dimanche 9 décembre 2012

Un livre/Un film : La maison Tellier, Le masque, Le modèle, de Guy de Maupassant




Résultat de l'énigme n°51
Bravo à : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Gwen, Keisha,  Maggie, Miriam, Pierrot Bâton

Les trois nouvelles de Maupassant : Le masque; La Maison Tellier;  Le modèle
le film : Le Plaisir de Max Olphus



Les trois nouvelles de Maupassant réunies dans Le plaisir de Max Ophuls sont Le masque, La maison Tellier et le Modèle. Ophuls rejoint Maupassant dans les thèmes qu'il traite : Refus de vieillir, étourdissement dans le plaisir, critique sociale des bourgeois et des paysans dans leur vénération de l'argent, symbole de réussite… Mais le réalisateur se rapproche aussi de Pascal. L'influence pascalienne se fait sentir dans cette recherche du plaisir  par les personnages du film.  Puisque l'homme ne peut oublier sa condition de créature fragile, vouée au vieillissement et à la mort, il cherche à détourner son esprit de ce qui le peine, l'angoisse. C'est un comportement d'évitement. Pascal parle de divertissement! C'est pourquoi le cinéaste choisit de commencer par Le masque pour finir par Le Modèle. (voir Wens)

Le masque est l'histoire de cette homme, ancien séducteur, qui refuse de vieillir et court de bal en bal, portant sur ses traits vieillis le masque de la jeunesse. Hélas! Il a beau chercher à s'étourdir, il n'échappe pas à ce qu'il fuit, la vieillesse, la déchéance du corps et la mort semble guetter ce danseur effréné qui cherche à oublier son âge.

  

 La maison Tellier  montre aussi la vaine agitation des hommes qui cherchent dans la maison close un échappatoire. Les clients aussi bien que les filles peuvent s'étourdir dans le bal, la boisson et le sexe, ils restent tous prisonniers de leur condition.





Dans Le modèle, Max Ophuls trouve une réponse (pessimiste) à ses interrogations. Le peintre qui pousse sa femme dans un fauteuil roulant ( son ancien modèle devenue infirme par amour pour lui) ne cherche pas à fuir dans le plaisir et regarde en face la réalité. C'est peut-être cela le bonheur même s'il n'est pas gai?



                                                                     La Maison Tellier

Dans sa nouvelle La Maison Tellier, Maupassant, en client régulier, a dépeint avec talent le monde  des maisons closes et des prostituées (Boule de Suif, Yvette).
Un samedi soir à Fecamp, petit port de pêche normand, les bourgeois, clients habituels de la Maison Tellier, le bordel du lieu,  trouvent porte close. Ils sont désespérés, Madame a amené sa petite troupe de filles de joie assister à la communion de sa nièce dans l'arrière-pays, chez son frère artisan- menuisier.  Dans le village, l'arrivée de ces dames de la ville, qui font commerce de leur corps, ne choque pas les paysans. Car pour eux, tenir une maison close ou une épicerie est comparable, l'important c'est que le commerce soit rentable. Les pensionnaires de la maison close, sorties de leur univers urbain et calfeutré, sont émues par le silence et la beauté de la campagne. Lors de la cérémonie religieuse, les demoiselles de petite vertu pleurent à chaudes larmes et deviennent des nouvelles Marie-Madeleine au pied de Jésus-Christ. Leurs larmes sincères et bruyantes sont bientôt partagées par les braves paroissiens et leur curé. Après le repas de communion, vient le temps du retour. Il n'est pas question de fermer la maisonnée de  Fécamp. Les affaires sont les affaires et les notables, célibataires ou mariés, attendent avec impatience le retour de ces dames.
Maupasssant est un observateur critique et ironique de sa société. Sa principale cible est la bourgeoisie et les propriétaires terriens qui n'envisagent le monde que sur le plan de la rentabilité, tout s'achète et se vend. La respectabilité est une affaire de richesse sous le regard bienveillant de l'Eglise catholique. A travers eux, l'écrivain fustige l'hypocrisie de ces classes sociales. Si Maupassant se moque des prostituées, c'est toujours avec une certaine tendresse. Enfermées dans le bordel, comme les oiseaux dans une cage, elles n'ont qu'une fois de temps en temps la possibilité de montrer leurs sentiments.
Une nouvelle bien cruelle où Maupassant est excellent!

samedi 8 décembre 2012

Un livre/un film : Enigme N° 51




Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.
Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.
 
Enigme  51
 
Il est l'écrivain français le plus adapté au cinéma et à la télévision. Impossible de ne pas le connaître! Le film regroupe sous un seul titre, trois de ses nouvelles. Quel est cet auteur? Quelles sont les trois nouvelles?
 
 Les communiants sortaient des portes, allaient vers le bâtiment communal qui contenait les deux écoles et la mairie, et situé tout au bout du pays, tandis que la “maison de Dieu” occupait l'autre bout.
Les parents, en tenue de fête avec une physionomie gauche et ces mouvements inhabiles des corps toujours courbés sur le travail, suivaient leurs mioches. Les petites filles disparaissaient dans un nuage de tulle neigeux semblable à de la crème fouettée, tandis que les petits hommes, pareils à des embryons de garçons de café, la tête encollée de pommade, marchaient les jambes écartées, pour ne point tacher leur culotte noire.
C'était une gloire pour une famille quand un grand nombre de parents, venus de loin, entouraient l'enfant : aussi le triomphe du menuisier fut-il complet.