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mardi 8 septembre 2015

Pete Fromm : Lucy in the Sky



Bien sûr, Pete Fromm, pour moi, c’est d’abord l’inoubliable Indiana Creek et aussi Avant la nuit. C'est le premier auteur qui m’aura amenée à m’intéresser à des histoires de pêche (ou plutôt de pêcheurs) car le sujet de ses livres c’est avant tout l’humain  : c’est à dire nous!
Avec Lucy in the Sky  - qui est un clin d’oeil à la chanson des Beatles- , paru aux éditions Gallmeister, Pete Fromm brosse avec beaucoup de vérité le portrait d’une jeune fille de 14 ans. Pour Lucy, la métamorphose de l'adolescence est un processus douloureux.  La fin de l’enfance, c’est la découverte de la mésentente de ses parents : un père, bûcheron, qui quitte la maison une grande partie de l’année et qui ne témoigne de son affection que par un mot derrière une carte ! Une mère, mariée jeune, qui ne peut plus supporter l’attente, qui meuble sa solitude avec les amants d’un moment. Et puis le corps de Lucy change, la voilà embarrassée par les attentions des garçons, une nouveauté qu’elle accepte mal, elle qui  a toujours eu la tête rasée par son père et qui s’est toujours comportée comme celui-ci le souhaitait, en garçon. Les rapports sexuels sont pour elle une source de tourments et elle se défend de « finir » comme sa mère. Elle ne veut pas tomber dans le piège de l’amour et se retrouver mise de côté, en attente!
Le roman de Pete Fromm est très bien écrit. L'atmosphère de Greats Falls, petite ville du Montana, est bien rendue. La condition féminine aux Etats-Unis dans les classes populaires n’a pas de quoi faire rêver et l’écrivain excelle à faire vivre devant nous ces femmes qui ont dû assumer une maternité non souhaitée alors qu’elles étaient trop jeunes et qui se retrouvent bien vite seules et sans rêves. Il semble qu’il y ait là un déterminisme social et il est très difficile d’y échapper d’où la révolte de Lucy. Mais c’est une fille qui n’a pas froid aux yeux et le dénouement nous laisse sur un interrogation plutôt positive : Peut-être s’en sortira-t-elle?
J’ai donc bien aimé ce livre mais moins que les autres oeuvres de l’auteur, peut-être parce qu’il traite d’un sujet moins original et que j’ai déjà retrouvé dans de nombreux romans américains. Ce qui ne l'empêche pas d'être réussi!

Pete Fromm est un des auteurs favoris des libraires indépendants américains : il a été 5 fois lauréat du prix des libraires du Pacifique Nord-Ouest (PNBA Award), y compris avec Lucy in the Sky.
Ce livre a obtenu un succès critique important à sa sortie aux États-Unis, notamment pour la finesse et la profondeur des personnages féminins. Il vient d’être adapté au cinéma avec Claire Danes dans un des rôles principaux. (Editions Gallmeister)







dimanche 6 septembre 2015

Pouchkine Les récits de feu Petrovitch Belkine : Le marchand de cercueils, le coup de pistolet, la demoiselle paysanne, le maître de poste


Récits de feu Ivan Petrovitch Belkine

C’est sous le nom fictif de Petrovitch Belkine que Pouchkine publie un recueil de nouvelles Les récits de feu Petrovitch Belkine (1831) dont les titres sont autant de réussites littéraires. 

Le coup de pistolet 

Alexandre Pouchkine

Le coup de pistolet est l’histoire d’un duel et surtout d’une vengeance longuement élaborée. Le narrateur, un jeune officier, raconte l’histoire de son ami Silvio, un civil, qui a un comportement  étrange. On sait peu de choses sur lui, sur son passé, sa fortune… Mais alors qu’il s’exerce tous les  jours au pistolet, devenant ainsi un des plus fins tireurs de leur cercle d’amis, il refuse de se battre en duel, se déshonorant selon les règles de cette société. Alors qu’il est rappelé impérativement chez lui, il explique au narrateur pourquoi il a refusé de se battre.  Il voulait se garder en vie pour assouvir une vengeance. 

En effet, il y a longtemps de cela, il était en rivalité  avec un jeune homme brillant et riche, amoureux comme lui de la même jeune fille, qu’il a fini par provoquer en duel. Mais ce dernier, alors que Sylvio le tient en joue, affecte de manger des cerises avec insouciance tout en crachant les noyaux vers son adversaire.

Sylvio refuse alors de tirer sur cet homme puisque la vie ne semble pas lui importer mais il garde le droit à son coup de pistolet et promet de revenir tuer son adversaire quand la vie aura plus de valeur pour lui :
« Depuis lors pas un jour ne s’est passé que je n’aie songé à la vengeance? Aujourd'hui mon heure est venue ». Je vous laisse découvrir le dénouement.
La nouvelle est un témoignage de la mentalité de ces jeunes militaires nobles qui ne manquent pas de panache mais jouent facilement avec leur vie. Désoeuvrés, hors des périodes de conflits, ils passent leur temps à jouer, à boire, à entretenir des liaisons amoureuses et à se battre en duel. On sait comment Pouchkine mourra à l’âge de 35 ans, tué en duel par un français d’Anthès, l’amant de sa femme Natalia Goncharova.  Sylvio est, comme le Hermann de La dame de Pique, un personnage en proie à une idée fixe : ici, la vengeance... et qui va jusqu'au bout  de son obsession. A noter que tous les deux ont des prénoms d'origine étrangère, ce qui est étonnant car ils personnifient ce qu'il est convenu d'appeler "l'âme russe", une sensibilité exacerbée. Silvio est  un personnage qui a eu un modèle historique : le colonel IP Liprandi.

Le marchand de cercueils 

Adrien Prokhorov, marchand de cercueils, aménage dans une nouvelle maison. Le cordonnier, Gottlieb Schultz, l’invite pour faire sa connaissance mais, au cours du repas un peu arrosé, les convives se moquent du métier de Prokhorov. Le marchand de cercueil, vexé, jure qu’il ne rendra pas l’invitation à ses voisins. Il préfère inviter ses clients, ceux qu’il enterre depuis des années. Oui, mais voilà, les morts le prennent au mot! Un conte où Pouchkine joue avec le fantastique mais non sans humour!

Le maître de poste

 Un maître de poste voit sa vie détruite quand sa fille Dounia est enlevée par un jeune noble. Le père va à la ville et cherche à récupérer Dounia mais le noble le met à la porte en lui jetant une poignée de billets. Le maître de poste mourra sans revoir sa fille avec la peur que celle-ci ne finisse sur le trottoir comme beaucoup d’autres jeunes filles enlevées de la même manière pour servir un moment les caprices du maître. Le récit est un cruel fait de société que Pouchkine inscrit dans la vie russe, avec la description des intérieurs humbles, des métiers, et des portraits vrais et douloureux de pauvres gens soumis au pouvoir des grands comme le vieux maître de poste. Il annonce le réalisme qui suivra plutôt que le romantisme de l'époque de Pouchkine.

La demoiselle paysanne  

Lisa, une jeune fille romanesque et indépendante, nourrie de romans anglais, se déguise en paysanne pour faire connaissance d’Alexeï, fils de son voisin. Le père de ce dernier, le propriétaire Ivan Pétrovich Bérestov, et le père de la jeune fille, Grigory Ivanovich Mouromsky, sont fâchés! Comme il se doit les deux jeunes gens tombent amoureux l’un de l’autre. Pendant ce temps les pères se rabibochent et décident de marier leurs enfants … mais le jeune homme refuse obstinément car il veut épouser sa paysanne! Un récit on ne peut plus romanesque que Pouchkine raconte avec humour et avec une certaine distanciation, se moquant gentiment de ses amoureux et prenant le lecteur à parti, si bien que celui-ci est complice et rit du dénouement qui n’est une surprise… pour personne! Pouchkine parle d'une manière plaisante et légère d'un thème récurrent à la littérature du XIX siècle : l'influence de la lecture de romans sur les jeunes filles en fleurs! ( Mode comédie douce-amère avec Northanger Abbey de Jane Austen; tragique avec Emma Bovary de Flaubert)

La tempête de neige

La tempête de neige fait aussi partie de ce recueil. Voir mon billet :  La tempête de neige Pouchkine et Tolstoï

Avec ces cinq nouvelles qui mettent en valeur la prose et la langue russe jusqu'alors dédaignés par les intellectuels, Pouchkine ouvre à la nouvelle et au roman russe une voie qui se révèlera d'une grande richesse. Il nous offre en même temps un tableau passionnant des classes sociales à travers des personnages du peuple ou des nobles, et nous renseigne sur de nombreux détails de la vie quotidienne en Russie à son époque.




Enigme du samedi : Un livre/un film Reprise en Octobre


Un Livre/un film une énigme où vous devez découvrir le titre d'un livre et le film qu'il a inspiré.
Ce billet pour vous annoncer la reprise de l'énigme du samedi au mois d'Octobre.

Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme sera donnée le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Rendez-vous  le premier samedi du mois d'Octobre : samedi 3


A bientôt peut-être?

vendredi 4 septembre 2015

James McBride : L'oiseau du Bon Dieu

L'oiseau du bon dieu James MC Bride
Pour cette rentrée littéraire 2015, il me fallait un livre d’un auteur américain, étant donné que la littérature américaine m’a toujours séduite par sa richesse, sa diversité, son originalité et ses racines profondément enfoncées dans le terreau humain et social. J’ai donc choisi le livre de James Mc Bride paru aux éditions Gallmeister, récompensé par le National Book Award en 2013  : L’oiseau du bon dieu  et je n’ai pas été déçue! Quel roman à la fois hilarant et grave, profond, généreux et humain!

John Brown personnage principal du roman De James Mcbride : L'oiseau du Bon Dieu
John Brown

Nous sommes en 1856, James McBride place son héros, un garçon noir d’une douzaine d’années, auprès d’un personnage historique John Brown dont la figure légendaire marque un moment de l’histoire des Etats-Unis et de la lutte contre l’esclavage. C’est ce même John Brown, condamné à mort en 1859  par le gouvernement américain, qui a inspiré l’hymne chanté par les nordistes en son honneur pendant la guerre de Sécession en 1861. Ce personnage hors du commun a fait avancer par son action la cause des abolitionnistes.

 Henry Sackleford, petit esclave, est enlevé contre son gré par John Brown qui le prend pour une fille (et quand John Brown est persuadé d'une chose, rien ne le fera jamais changer d’avis) et c’est donc sous les vêtements de fille que « Henrietta »  dit Echalote, va suivre (tout en cherchant à  lui échapper) ce personnage haut en couleur, calviniste convaincu, exalté, illuminé puisqu’il tient sa mission de Dieu lui-même avec qui il est en conversation directe.
Illuminé, oui, fanatique, oui, complètement à la masse, oui, mais John Brown est absolument sincère dans son désir d’abolir l’esclavage et profondément convaincu de l’égalité des races comme des sexes. Et, bien sûr, voilà qui le rend profondément sympathique encore que... ne vous y trompez pas! Quand John Brown décide d’agir, le sang coule et  son « armée » qui rassemble une poignée d’aussi fous que lui, composée en grande partie de ses fils, sème la terreur!  Son dieu est celui de l’Ancien Testament, oeil pour oeil, et il est persuadé que seule la violence pourra venir à bout de l’esclavage. Il n’a pas tort, d’ailleurs! Il a fallu une guerre civile, une des plus meurtrières de l’histoire des Etats-Unis, pour y parvenir!
L’oiseau du bon dieu a tout du roman picaresque puisque le jeune héros subit une rude initiation à la suite de son mentor parcourant les états du Kansas et de Virginie mais aussi les grandes villes de Philadelphie, de NewYork et du Canada, et échouant même pour un temps dans un bordel. Il y a des moments hilarants même si l’humour est souvent féroce. Le portrait de John Brown vu par Echalote qui ne le comprend pas mais l’observe avec un bon sens terre à terre est désopilant! Les personnages sont passionnants. On s’intéresse aux tribulations d’Echalote, à ses aventures marquées par des hauts et des bas. L’enfant est souvent plein de défauts, d’égoïsme, et de faiblesses; il est beaucoup plus prompt à essayer de sauver sa peau qu’à accomplir des actes héroïques mais il a une humanité, des sentiments qui fait qu’on le trouve attachant. Quant aux actes héroïques, ils sont accomplis par les autres, la noire Sibonia pendue pour s’être rebellée ou Harriett Tubman qui impressionne même John Brown! Et cela, il faut le faire! 

Harriet Tubman, esclave libérée, héroïne du chemin de fer clandestiin.

 Le roman, pourtant, n’hésite pas à poser les responsabilités des uns et des autres : Les blancs remplis de haine et de mépris, les noirs, étant les derniers à venir secourir la lutte de John Brown surtout ceux qui, libérés et instruits, semblent plus habiles dans l’art oratoire que dans la bataille! Ainsi Frédérik Douglass que McBride semble avoir dans son collimateur!

En lisant L’oiseau du bon dieu j’ai pensé à  Beloved de Toni Morrison et bien que le style des  deux écrivains soient aux antipodes, j’ai retrouvé ici l’art de nous faire vivre  par l’intérieur ce qu’est l’esclavage, de nous faire sentir comment il détruit la personnalité, comment il sape la confiance, la dignité. Un excellent roman, donc!

J'en étais venu à aimer ces discussions, vu que, même si je m'étais habitué à vivre un mensonge -être une fille-, pour moi les choses étaient claires : être Noir, c'est un mensonge, de toute façon. Personne ne vous voit tel que vous êtres vraiment. Personne sait qui vous êtes à l'intérieur. Vous êtes jugé sur ce que vous êtes à l'extérieur, quelle que soit votre couleur. Mulâtre, brun, noir, peu importe.

Pour moi, tout ce qu'il disait n'avait ni queue ni tête et je devais apprendre plus tard que le vieux John Brown pouvait mêler le Seigneur à pratiquement n'importe quel aspect de ses activités dans la vie, y compris l'utilisation des lieux d'aisances. C'était une des raisons pour lesquelles j'étais pas croyant, ayant été élevé par P'pa, qui lui était croyant et cinglé, et il me semblait que ces deux choses-là  allaient ensemble. Mais j'étais pas bien placé pour discuter avec un homme blanc, surtout celui qui m'avait kidnappé, alors j'ai tenu ma langue.


James McBride
 James McBride est né en 1957. Écrivain, scénariste, compositeur et musicien de jazz, il est saxophoniste au sein du groupe Rock Bottom Remainders. Il publie son premier livre en 1995, La Couleur d’une mère, un récit autobiographique devenu aujourd’hui un classique aux États-Unis. Son œuvre romanesque commencée en 2002 plonge au coeur de ses racines et de celles d’une Amérique qui n’a pas fini d’évoluer. L’Oiseau du Bon Dieu est son dernier roman. (Editions Gallsmeister)


Frédéric Douglass, personnage secondaire du roman de James MCBride : L'oiseau du Bon Dieu
Frédéric Douglass, esclave libéré, orateur, homme politique


mercredi 2 septembre 2015

Alexandre Pouchkine : La dame de pique



La dame de Pique ( Пиковая дама) est une nouvelle de Pouchkine que j’ai étudiée pour mon mémoire de maîtrise, c’est à dire il y a fort longtemps. Je l’ai relue avec un vif plaisir pour me plonger dans un bain de culture russe avant mon départ à Moscou et à Saint Pétersbourg  prévu pour le 15 septembre.

Comme quoi la rentrée littéraire n’empêche pas le retour de temps en temps aux bons vieux classiques!! Et pourquoi les deux seraient-ils antinomiques comme le pensent par fois certain(e)s d’entre vous?

 Le récit

Au cours d’une soirée consacrée au jeu, à Saint-Pétersbourg, chez son ami Naroumov, le comte Tomsky raconte à ses amis l’histoire de sa grand mère la comtesse Anna Fedotovna. Celle-ci a été, dans sa jeunesse, une beauté célèbre, courtisée par tous et qui adorait le jeu. En visite à Paris, elle perd une partie de sa fortune aux cartes et confie son désarroi au comte de Saint Germain, un aventurier qui prétend avoir des pouvoirs d’alchimiste. Celui-ci lui indique le secret des trois cartes qui feront sa fortune mais à condition qu’elle ne rejoue plus jamais.
Ce récit enflamme l’imagination de Hermann, un ami de Tomsky, dont la fortune est médiocre. Il séduit la pupille de la comtesse, Lisaveta Ivanovna, pour s’introduire dans les appartements de la vieille dame qu’il menace avec son pistolet afin de lui extorquer son secret. Mais cette dernière, terrassée par la peur, meurt sans le lui révéler. Le soir de l’enterrement d’Anna Fedotovna, son spectre apparaît à Hermann pour lui donner la combinaison gagnante qui lui permettra, en faisant fortune, de sortir de sa condition. Et je vous laisse découvrir la suite!

Romantisme ou antiromantisme?

La dame de Pique adaptation  de Tchaïkowsky
Romantique, Alexandre Pouchkine l’est, par son appartenance à une époque, le début des années 1800, et à une classe sociale, noble, désoeuvrée, aisée, très occidentalisée.
 Ainsi le tableau qu’il nous donne de la société pétersbourgeoise dans La dame de Pique, est  celle d’une jeunesse dorée à la sensibilité exacerbée qui brûle sa vie en beuveries et aux cartes. Hermann semble être le parfait exemple de ce héros romantique, un peu en marge des autres par son milieu plus modeste, et en proie à une obsession qui va le conduire à la folie.
Le thème fantastique qui est introduit dans ce récit convient donc au genre romantique :  l’apparition du spectre de la comtesse,  la révélation des trois cartes qui supposent l’intervention de puissances occultes et peut-être même l’existence d’un pacte satanique. Et puis il y a l'image de cette Dame de pique, qui dans le langage des cartes est la personnification de la mort.

Mais l’ironie Pouchkiniennne vient démentir le romantisme du récit. Et d’abord avec Hermann! Ce dernier pourrait être le prototype du héros romantique, amoureux et fougueux; il fait une cour assidue à la jolie Lisaveta, mais n’a pas d'autre but que de satisfaire sa cupidité, son désir de faire fortune. La manière dont il abuse la jeune fille en fait un être froid et calculateur.
Le style de Pouchkine aussi est aux antipodes du romantisme, un style classique (l’écrivain est un admirateur de Voltaire), simple, sans flamboyance, qui ne recherche pas l’effet. Bien  au contraire, il en prend le contrepied. Mais pour être dépouillé, il n’en est pas moins efficace, témoin la description saisissante de la toilette de la vieille princesse. La vieillesse qui jaunit sa peau, la sénilité qui rend ses lèvres pendantes et affecte tout son corps d’un tremblement mécanique, en font un spectacle bien plus horrible que la mort elle-même. Finalement la réalité est plus effrayante que le fantastique, la vivante plus repoussante que le spectre!

Il faut lire le dénouement de La dame de Pique pour comprendre ce refus de la dramatisation. La fin est si volontairement plate, elle contraste si violemment avec ce qui précède, qu’il me semble y voir l’expression d’un sentiment de dérision de la part de son auteur. Les héros sont terre à terre et conformistes. A l’exception de Hermann, ils continuent leur vie, comme si rien ne s’était passé. La passion de Lizévata pour Hermann, ses sentiments exaltés nourris par ses lectures et son imagination enflammée semblent complètement oubliés. Lizaveta entre dans les rangs, avec un retour au correctement social, au bon ton.

La dame de pique est une des plus célèbres nouvelles de Pouckine. Elle a été adaptée à l’opéra dans par Piotr Ilitch Tchaïwkosky.
Je vous parlerai bientôt de Les Récits de feu Ivan Petrovitch Belkine de Pouchkine

La dame de pique opéra de Tchaïkowsky

 Je suis allée voir l'opéra de Tchaïkowsky d'après l'oeuvre de Pouchkine à l'opéra de Saint Petersbourg. Voici quelques photographies.

Saint Petersbourg L'opéra ancien à droite et contemporain à gauche
L'opéra ancien à droite et contemporain à gauche

l'opéra contemporain Intérieur

Opéra de Saint Petersbourg La salle de concert : arrivée du public représentation de La dame de PIque
La salle de concert : arrivée du public

La fosse d'orchestre

Opéra de Saint petersbourg Partition de la dame de pique pupitre du chef d'orchestres
Partition de la dame de pique pupitre du chef d'orchestres Saint Petersbourg

Opéra  de Saint Petersbourg la dame de pique tchaïkovsky Fin de la représentation
Fin de la représentation




mardi 1 septembre 2015

Toni Morrison : Beloved




 Toni Morrison : Prix Nobel de Littérature en 1935
Vers 1870, aux États-Unis, près de Cincinnati dans l'Ohio, le petit bourg de Bluestone Road, dresse ses fébriles demeures. L'histoire des lieux se lie au fleuve qui marquait jadis pour les esclaves en fuite la frontière où commençait la liberté. Dans l'une des maisons, quelques phénomènes étranges bouleversent la tranquillité locale : les meubles volent et les miroirs se brisent, tandis que des biscuits secs écrasés s'alignent contre une porte, des gâteaux sortent du four avec l'empreinte inquiétante d'une petite main de bébé. Sethe, la maîtresse de maison est une ancienne esclave. Dix-huit ans auparavant, dans un acte de violence et d'amour maternel, elle a égorgé son enfant pour lui épargner d'être asservi. Depuis, Sethe et ses autres enfants n'ont jamais cessé d'être hantés par la petite fille. L'arrivée d'une inconnue, Beloved, va donner à cette mère hors-la-loi, rongée par le spectre d'un infanticide tragique, l'occasion d'exorciser son passé. (Source Babelio) 
Beloved de Toni Morrison est un roman magnifique qui échappe à toute classification. Ce n’est pas à proprement parler un roman réaliste même s’il parle de toutes les humiliations, les tortures, les souffrances de l’esclavage. Les détails sont terribles, crus et sans complaisance. L'horreur des punitions, la brutalité et la violence, la privation de la liberté qui avilissent l'esclave, le ravalent au rang de la bête, forment un leitmotiv incantatoire et douloureux. Mais le style de l’écrivain transcende la souffrance des individus pour en faire un chant de douleur du peuple noir. Le lyrisme de la prose rappelle les gospels et spirituals qui accompagnaient les fugitifs dans leur recherche de la liberté tout au long du chemin de fer clandestin.
Mais, tout en soulignant le destin du peuple noir, Toni Morrison dresse des portraits individuels inoubliables; en particulier ceux de ces femmes fortes auxquels nous nous attachons comme celle de la grand mère Baby Suggs, une femme qui ne semble ne pas pouvoir plier, chef spirituel de toute la communauté mais qui, dans son immense générosité, sera victime de la mesquinerie de ses semblables. Et puis, Sethe, bien sûr, la mère courage, la mère tragique, qui sacrifie ses enfants dans un geste d’amour grandiose et fou pour leur épargner ce qu’elle a vécu. Une mère qui porte le poids du remords et de la culpabilité durant toute sa vie. Enfin, la frêle Denver qui se révèle de la même trempe que ses aïeules et qui représente peut-être l’espoir dans l’avenir. Autour de ces figures centrales gravite tout une foule de personnages qui forment une humanité étonnante parfois dans ses élans de bonté ou de cruauté mais toujours hautement colorée.
Et puis il y a la dimension fantastique du roman, la présence des morts parmi les vivants, ces esprits qui semblent appartenir à des réminiscences des croyances ancestrales africaines, un fantastique qui côtoie le réel. Mais peut-être faut-il voir ce fantôme, Beloved, comme l’incarnation de la souffrance du peuple noir? C'est peut-être pourquoi quand Beloved est enfin chassée et disparaît, l’espoir est à nouveau permis?
Un grand roman qui occupe une place à part dans la production littéraire des Etats-Unis.

Ce roman a été lu dans le cadre du blogoclub de Sylire et Lisa


Chez Titine Blog Plaisirs à cultiver

lundi 31 août 2015

Delphine Le Vigan : D'après une histoire vraie


D’après une histoire vraie, aux éditions JCLattès,  de Delphine Le Vigan est un livre que j’ai n’ai pu lâcher une fois que je l’ai commencé tant j’ai été happée par l’histoire et par le personnage dont le lecteur ne connaîtra que l’initiale L., mystérieuse et fascinante image du double, allégorie contemporaine du vampire.

Le récit semble autobiographique puisque le personnage, Delphine, écrivaine, est perturbée par le retentissement imprévu de son dernier livre dans lequel elle parlait de la maladie de sa mère, un livre qui a touché les lecteurs et qui a été douloureux pour elle. Fragilisée, elle  a du mal à se remettre à écrire. En effet, on sait que Delphine Le Vigan après la parution de Rien ne s’oppose à la nuit en 2011 n’a rien écrit jusqu’à cette année. De plus, c’est le moment où ses jumeaux quittent le nid familial pour poursuivre leurs études après le bac et d’autre part son compagnon, François, part à l’étranger pour son travail. C’est dans cet état de vulnérabilité qu’elle rencontre L., une jeune femme séduisante qui va devenir son amie et peu à peu s’immiscer dans sa vie privée et professionnelle à tel point qu’elle semble vouloir prendre sa place. L'analyse psychologique des personnages est bien menée et subtile. Chacune des deux femmes a ses failles, chacune porte ses deuils, ses renoncements. Peut-être ne sont-elles que les deux facettes d'un même personnage?
Au-delà de l'intrigue proprement dite, j'ai beaucoup aimé aussi le thème du départ des enfants, ces petits riens auxquels se raccroche la mère, les images qui surgissent dans la mémoire au détour d'un parc et d'un bac à sable, le bonheur éprouvé autour des livres lus et relus le soir jusqu'à connaître le texte par coeur. C'est plein de finesse, très vrai, très pris sur le vif, je suis là (et toutes les mères) pour en témoigner!

Le livre qui est un hommage à Misery de Stephen King se lit comme un roman à suspense et épouse les codes du genre; la tension narrative est maintenue avec beaucoup d’habileté par l’écrivaine jusqu’au dénouement et même au-delà car le lecteur peut légitimement conserver un doute quand le récit se termine; mais je ne peux vous en dire plus! Sachez cependant que le personnage de L. devient de plus en plus inquiétant et l’on se sent totalement impliqué dans le récit, dans l’expectative du drame qui, semble-t-il, ne peut manquer de se produire. Mais le roman n'est pas un thriller et la fin est beaucoup plus subtile.

Ce livre est  bien autre chose qu’un roman à suspense. Reprenons le titre D’après une histoire vraie et voyons avec quelle malice Delphine Le Vigan nous oblige à nous demander ce qui est vrai dans ce récit? Elle mêle si machiavéliquement des éléments autobiographiques et d’autres qui ne le sont sûrement pas, savant brassage entre réalité et fiction, que nous sommes obligés de nous poser la question. Et c’est là le sujet du livre. A notre époque ou sévit la téléréalité, où chacun se met en scène à la télévision et dans les réseaux sociaux, la littérature peut elle encore être fictionnelle? Faut-il, pour toucher le lecteur, ne raconter que des histoires « vraies »? Et d’ailleurs la vérité existe-elle en littérature? "Mais tout écriture de soi est un roman " écrit l'auteure.  Un passionnant débat littéraire auquel ce roman est une brillante réponse!

LIVRE VOYAGEUR mais pas avant le mois d'Octobre

dimanche 30 août 2015

Rentrée littéraire 2015 : J'ai craqué!

La lectrice soumise de René Magritte

Je m'étais dit que cette année, je n'achèterais pas de livres de la rentrée littéraire 2015... J'ai tant de retard dans mes lectures ! Des  romans des années précédentes croupissent dans ma PAL! Et puis, je pars en Russie bientôt (Moscou, Saint Pétersbourg) et c'est l'occasion de lire ou relire la littérature russe que j'aime tant.  Il faut être un peu raisonnable dans la vie, non?

"Mais la raison n'est pas ce qui guide l'amour"! 

Et d'abord, je n'aurais pas dû lire les critiques littéraires qui m'ont donné de furieuses envies de découvrir certains de ces livres et puis je n'aurais pas dû mettre les pieds dans cette librairie tentatrice (pour y acheter un guide  sur la Russie)  qui offrent en grappes toutes ces oeuvres alléchantes et pas seulement bonnes pour les goujats! Bref! j'ai craqué, j'ai brûlé la carte bleue et je n'ai pas acheté la moitié des livres que je voulais : j'ai laissé tomber, le dernier Benameur, le dernier Atiq Rahimi, le dernier Toni Morrison,  le David Foster Wallace (L'Infini comédie, un pavé qui me tente beaucoup après lecture d'une critique) et encore bien d'autres.  Que le choix est cruel!

Mais enfin voici les quelques titres dont je vous parlerais bientôt en espérant qu'ils ne tomberont pas eux aussi dans la gueule du Montre Glouton PAL! 

Mais qui a dit qu'un livre acheté est déjà un livre lu?


La terre qui penche :  Blanche est morte en 1361 à l'âge de douze ans, mais elle a tant vieilli par-delà la mort ! La vieille âme qu'elle est devenue aurait tout oublié de sa courte existence si la petite fille qu'elle a été ne la hantait pas. Vieille âme et petite fille partagent la même tombe et leurs récits alternent. L'enfance se raconte au présent et la vieillesse s'émerveille, s'étonne, se revoit vêtue des plus beaux habits qui soient et conduite par son père dans la forêt sans savoir ce qui l'y attend. ....
  
Pourquoi ce choix?

Parce que c'est Carole Martinez, parce que j'aime l'univers du livre, parce que le récit de la quatrième de couverture me plaît.


  La petite femelle : Au mois de novembre 1953 débute le procès retentissant de Pauline Dubuisson, accusée d'avoir tué de sang-froid son amant. Mais qui est donc cette beauté ravageuse dont la France entière réclame la tête ? Une arriviste froide et calculatrice ? Un monstre de duplicité qui a couché avec les Allemands, a été tondue, avant d'assassiner par jalousie un garçon de bonne famille ? Ou n'est-elle, au contraire, qu'une jeune fille libre qui revendique avant l'heure son émancipation et questionne la place des femmes au sein de la société ?

Pourquoi ce choix?
Parce que j'ai lu la critique de l'Express qui m'a donné envie de le découvrir; parce que je suis attirée par le thème féministe.
 A mon mari qui s'étonnait que je choisisse un sujet tiré d'un fait divers, j'ai répondu : "Emma Bovary, Madame de Rénal aussi étaient des faits divers!"


Millenium 4 : Elle est une hackeuse de génie. Une justicière impitoyable qui n’obéit qu’à ses propres lois.
Il est journaliste d’investigation. Un reporter de la vieille école, persuadé qu’on peut changer le monde avec un article. La revue Millénium, c’est toute sa vie. Quand il apprend qu’un chercheur de pointe dans le domaine de l’intelligence artificielle détient peut-être des informations explosives sur les services de renseignements américains, Mikael Blomkvist se dit qu’il tient le scoop dont Millénium et sa carrière ont tant besoin. Au même moment, Lisbeth Salander tente de pénétrer les serveurs de la NSA…

Pourquoi ce choix?

Oui, je connais la controverse voire le scandale suscité par ce livre et cette suite "opportuniste" selon certains
MAIS
 Ce sont les éditions Actes Sud et donc il me semble que cela ne peut être entièrement mauvais(?)
ET
 j'ai refusé de lire les critiques de peur de savoir que cela ne valait pas le coup parce que je sais bien que n'est pas Stieg Larson qui veut! Mais que voulez-vous? j'ai trop aimé les trois premiers Millenium! 


 L'oiseau du bon Dieu : En 1856, Henry Shackleford, douze ans, traîne avec insouciance sa condition de jeune esclave noir. Jusqu’à ce que le légendaire abolitionniste John Brown débarque en ville avec sa bande de renégats. Henry se retrouve alors libéré malgré lui et embarqué à la suite de ce chef illuminé qui le prend pour une fille.
Dans cette épopée romanesque inventive et désopilante, récompensée par le prestigieux National Book Award en 2013, James McBride revisite avec un humour féroce et une verve truculente l’histoire de son pays et de l’un de ses héros les plus méconnus.

Pourquoi ce choix?
Parce que je suis attirée par le sujet, parce que le livre a eu le National Book Award, parce que j'aime les éditions Gallmeister.


Vernon Subutex : Un titre qui claque comme le nom d'un groupe de rock, des personnages qui sombrent, un Paris désolé pour une génération désenchantée. C'est nerveux, dense et drôle, parfois. Vernon Subutex, c'est aussi le retour de Despentes, en plus grande et en plus forte ! Coup de cœur absolu de cette rentrée littéraire !

Pourquoi ce choix?

Parce que justement ce n'est pas un choix mais un cadeau : 2 volumes! Alors je découvrirai.





D'après une histoire vraie :
On pourrait penser que la reconnaissance donne une assise dans la vie d’un écrivain… Pourtant, suite au succès inattendu de son récit autobiographique, une auteure que l’on nommera Delphine, épuisée, et surtout incapable d’écrire, se laisse prendre dans les filets d’une amie trop bien attentionnée.

Pourquoi ce choix?

Parce que j'ai lu une très bonne critique dans Télérama; parce que le thème m'attire et le débat littéraire sur le roman aussi.


 
Cordélia la Guerre est un roman multiple, à la fois épique, policier, contemporain et mythologique. C'est un roman en perpétuel équilibre dont la narration éclatée agrège, avec une forte connotation politique, une enquête, une guerre et la pièce de théâtre du Roi Lear.

Pourquoi ce livre ?
Parce que le club Dialogues le proposait, parce qu'une version contemporaine du Roi Lear ne peut se refuser!!

vendredi 31 juillet 2015


Chateau de Grizac (source)

Et voilà après ce mois de juillet intensif  au festival d'Avignon, je vais me reposer en Lozère où je serai sans internet donc.. silencieuse. Je vous remercie tous de m'avoir suivie dans mon blog pendant ces semaines entièrement consacrées au théâtre alors que j'avais peu de temps pour venir vous voir.

Je vous souhaite à toutes et à tous de bonnes vacances ou, dans le cas contraire, bon courage pour la reprise du travail.

Je rappelle les trois LC suivantes à ceux qui sont intéressés :

Toni Morrisson : un roman au choix pour le blogo club  1er Septembre

Virginia Woolf  :  Mrs Dalloway vers le 15 Septembre

Victor Hugo : Notre Dame de Paris  le 10 Octobre

A mon grand regret, je ne vous ai pas suivi dans vos challenges d'été parce que je sais que j'aurais peu de temps. Mon "métier" de grand mère m'attend...  pour mon plus grand bonheur, bien sûr!

mercredi 29 juillet 2015

Caché dans son buisson de lavande Cyrano sentait bon la lessive compagnie basque Hecho en casa

Caché dans son buisson de lavande Cyrano sentait bon la lessive. photo Guy Labadens

Voici  un article avec lequel je terminerai mon festival 2015 qui fut un bon cru aussi bien dans le In que dans le Off, dans les spectacles pour les adultes comme pour les enfants. Je n’ai pas pu écrire sur tous mais je vais juste dire une petit mot sur Caché dans son buisson de lavande Cyrano sentait bon la lessive.



Vous connaissez peut-être le merveilleux album de Taï-Marc Le Thanh illustré par Rébecca Dautremer : Cyrano. Il s’agit d’un Cyrano qui n’est plus de Bergerac. Il est transposé au japon et adapté aux enfants. Les illustrations sont splendides avec les décors la ville, les costumes, les masques. Le récit y est conté simplement et en prose. Il s’agit d’une belle histoire d’amour qui montre aux enfants qu’il ne faut pas s’arrêter à l’apparence extérieure mais chercher, au-delà, la beauté intérieure. Ou plus simplement pour les tout-petits qu’il ne faut pas se moquer des autres car ils en souffrent beaucoup et qu’il faut savoir accepter la différence.


Cyrano illustré par Rébecca Dautremer

Le metteur en scène, Hervé Estebeteguy, de la compagnie basque Hecho en casa, adapte cet album au théâtre sous le titre qui est un extrait du texte : Caché dans son buissons de lavande Cyrano sentait bon la lessive. 
 
Caché dans son buissons de lavande Cyrano sentait bon la lessive.  photo Guy Labadens

Il s’agit d’un spectacle d'un grande beauté qui compte parmi mes préférés et que Léonie, ma petite fille, (5 ans) a bien aimé. Le titre, d'ailleurs, l'a beaucoup amusée et nous avons lu l'album ensemble avant d'assister à la représentation. 
 Les costumes, de splendides kimonos, les masques, la chorégraphie épurée et stylisée nous transportent dans le Japon ancien.  C'est un régal pour les yeux. De jolies inventions de mise en scène, pleines de poésie, montrent les conteuses, jardinières qui font pousser des plantes et des histoires avant de devenir les personnages de la pièce. Peut-être peut-on reprocher une certaine froideur dans l’expression des sentiments car tout est en retenue. Pour ma part, j’aurais aimé ressentir un peu plus d’émotion au dénouement.  Un beau spectacle à voir  absolument malgré cette remarque.

Récapitulation spectacle enfants

NINI (5 ans) dans l’ordre de ses préférences (14 spectacles, 15 représentations)

  Son top 3   
                                                                    
1 Molière dans tous ses éclats
2 Qanta                                                         
3 La sorcière la Trouille

Parmi ses préférés
 
4 Ninika (vu deux fois)
5 Le chat botté
6 Cyrano
7 Un bon petit diable

 
Ceux qu'elle a bien aimés

8 Mozart (vu dans de mauvaises conditions)
9 Momart
10 Vagabundo 
: Nini a trouvé l'histoire trop triste; un beau spectacle pourtant!
11 Augustin pirate

Ceux qu'elle n'a pas aimés
 
12 Peau d’âne (le texte de Perraut est difficile et le prologue en vers trop long et pas assez mis en action pour un enfant de cet âge) Mais le spectacle a des qualités.
13 voyage au centre la terre : à partir de 7 ans, pas de son âge et puis on ne voyait pas assez les dinosaures (elle y était allée pour eux!)


14  Index  un spectacle Hip hop qui l'a beaucoup déconcertée, elle qui n'a vu que des classiques et un peu de contemporain. Mais je ne désespère pas de lui faire aimer ce style de danse qui était interprétée  par la compagnie Pyramid au théâtre Golovine d'une manière éblouissante et avec beaucoup d'humour. Il fait partie pour ma part de mon top 3 avec tout de suite après Molière dans tous ses éclats et Cyrano.

 


Sa grand mère 13 représentations

Mon top 3 :

1 Ninika (billet ici)
2 Vagabundo (billet ici)
3 Index (voir ci-dessus)

Parmi mes préférés
 
4  Molière dans tous ses éclats (billet ici)
5 Cyrano (billet)

Ceux que j'ai bien aimés

6 Mozart vu dans de mauvaises conditions (billet)
7 la sorcière La Trouille ( billet)


8 Peau d’âne En hommage au film de Demy les comédiens chantent des chansons issues du film.
Une très belle idée pour les trois robes, du jour, de la lune et du soleil :   un tissu blanc sur lequel sont projetées des vidéos du temps, de la nuit, du soleil, des lumières changeantes ...






Ceux pour lesquels je n'ai pas tout aimé


9 Qanta  ou la terrible histoire de Lulu Schödringer : de beaux décors; je n'aime pas les chansons.
 









10 Voyage au centre de la terre : de bons moments mais des passages parfois ennuyeux pas assez théâtralisés.
11 Un bon petit diable

Ceux que je n'ai pas aimé

12 Le chat botté : une mise en scène tirée vers la farce qui plaît beaucoup aux enfants mais ne présente aucune poésie, aucun éclairage du sens. Le conte traditionnel est un récit d'initiation :  quand le metteur en scène conçoit les personnages comme des imbéciles qui n'évoluent pas, du début à la fin,  il perd le sens du conte et manque de finesse et de discernement. Certes, la pièce fait rire le jeune public mais ne lui apporte rien.
 
13 Momart : une histoire de l'art très mauvaise, un niveau amateur.
 



Fugue de Samuel Achache festival In d'Avignon

Fugue de Samuel Achache : le cloître des Célestins sous la "neige".

Ce jour-là il fait jusqu’à 45°dans les rues d’Avignon et quand j'arrive au cloître des Célestins pour assister au spectacle de Samuel Achache : Fugue, la température avoisine encore le 40° même à 22H. Enfin installée dans ce lieu qui est l'un des plus beaux du festival In, je relis les notes du metteur en scène :
   
 À partir d'une forme musicale existante et ancienne, la fugue, le spectacle du même nom en dissèque les principes pour en révéler le squelette. L'histoire évidemment musicale, peut être même opératique, s'appuie sur la question de l'accord et du tempérament de Pythagore. Son paradoxe : le cycle de quintes qui le fonde est impossible à clore. Un comma manque à la dernière. Le rapport mathématique est parfait et pourtant, dans son application, le cycle se décale en spirale. Pour incarner cette question, s'en amuser et peut-être en résoudre l'impossible harmonie, les musiciens comédiens chanteurs réunis par Samuel Achache mêlent leurs voix, comme les sujets et les contre-sujets d'une fugue, et se penchent sur les notions d'accord et de malentendu.

Accablée par la chaleur, le découragement me gagne : mais qu’ai-je fait? Pourquoi avoir choisi ce spectacle s’il faut sortir de polytechnique pour le comprendre!

Fugue de Samuel Achache : en plein pôle sud
 Entrent les comédiens : gros pull, anorak, bonnet, gants, écharpe, fourrure.. Et là, je comprends que la surface blanche de la scène n’est pas faite de graviers comme je le croyais mais de glace et de neige. Le froid s’intensifie. Nous sommes au pôle sud, les hommes creusent la calotte glaciaire pour découvrir un lac située à des profondeurs insoupçonnées. La vie s’organise à l’intérieur de la petite base rudimentaire où travaillent les scientifiques. Les situations les plus farfelues se déroulent sur scène. Les explorateurs affrontent le blizzard, se perdent dans les grandes étendues arctiques, se disputent, noient leur doute dans l’alcool, rencontrent des pingouins, disparaissent dans des trous. Nous sommes en pleine farce et les comédiens sont d’un comique inénarrable. Le burlesque à la Keaton est irrésistible de drôlerie surtout dans la scène de la baignoire qui est un véritable moment d’anthologie théâtrale, l’apothéose!

Fugue Samuel Achache : la fameuse scène de la baignoire (source)
Et la musique dans tout cela? On y vient, on y vient, les comédiens sont musiciens et chanteurs, ils interprètent de la musique baroque entre les péripéties mouvementées de leur vie trépidante. Et s’il y a manque d’accord et dissonance c’est surtout dans les rapports humains : le chef traite le stagiaire avec hauteur, toujours sur le mode comique, la scientifique ne lui adresse pas la parole et ratiocine et pontifie même dans ses rapports amoureux..
Quelques petites remarques critiques, cependant. Il m’a semblé que le rythme, après cette fameuse scène de la baignoire ralentissait et parfois piétinait un peu (au moment où ils boivent ensemble par exemple), des idées sont abandonnées en cours de route  et c’est dommage (l’amoureux mort dont la scientifique ne peut se débarrasser) et j’aurais apprécié que les rapports humains soient peut-être un peu plus méchamment accentués sans abandonner le mode de la farce, bien sûr.
Mais ne boudons pas notre plaisir! J’ai aimé cet humour iconoclaste qui vient secouer le discours parfois un peu trop sérieux du In. J’ai aimé que le metteur en scène et ses comédiens soient en plein délire et provoquent ainsi l’hilarité des spectateurs. Ce spectacle musical est très inventif et très drôle.

Mise en scène Samuel Achache

Collaboration Sarah Le Picard

Direction musicale Florent Hubert

Scénographie Lisa Navarro, François Gauthier-Lafaye

Lumière Viara Stefanova, Maël Fabre

Costumes Pauline Kieffer avec l'aide de Dominique Fournier

Arrangements musicaux collectifs
De et avec Vladislav Galard, Anne-Lise Heimburger, Florent Hubert, Léo-Antonin Lutinier, Thibault Perriard et Samuel Achache


   

mardi 28 juillet 2015

L’oubli des anges Géraldine Lonfat/ André Pignat Compagnie Interface


L'oubli des Anges compagnie Interface

La compagnie Interface avait donné l’année dernière un spectacle, Téruel, qui avait obtenu le prix du public en 2014 et que je n’avais pu aller voir. Aussi je n’ai pas voulu manquer celui-ci intitulé L’oubli des anges qui est d’un grande beauté.
Cette pièce, opéra, ballet et théâtre à la fois, unit le chant lyrique, la danse et la voix et commente pour nous le douloureux passage de la vie à la mort, le refus de la séparation, le déni qui est celui de l’amoureux refusant de laisser partir celle qu’il aime, la révolte de la jeune morte qui s’accroche à la vie. Un ange représenté par une femme enceinte vient les aider à franchir le pas. Son ventre plein symbolise la renaissance, la suprématie de la vie qui succède toujours à la mort.

La chorégraphie d’une grande pureté, transmet une émotion qui dépasse le seul aspect esthétique : La danseuse, Géraldine Lonfat, qui incarne magnifiquement la jeune fille, exprime la douleur et la violence; elle se tord, s’arc-boute, s’élance pour toujours retomber, pour prendre un envol qui ne peut avoir lieu. C’est la jeunesse qui repousse la mort, c’est le désespoir d’un corps qui refuse l’anéantissement. La voix de l'amoureux, dont les pieds sont lourdement enchaînés, retenus à terre parmi les vivants, accompagne la jeune morte dans un requiem douloureux, des chants liturgiques en latin rythment les spasmes d’un corps qui ne veut pas céder. La voix des récitants, l’ange et les parents de la morte, incantatoires, s’élèvent pour l’accompagner, pour dire la douleur mais aussi les bienfaits de l’acceptation.
 Une très belle scénographie contribue à l’émotion provoquée par le spectacle. Les costumes sombres des personnages contrastent avec le blanc du linceul dont est parée la danseuse. Le bel éclairage en clair-obscur, entre vie et mort, symbolise le drame qui se joue devant nous. Le faisceau de lumière vertical qui encercle la danseuse paraît être d’inspiration divine et semble la retenir prisonnière; le jeune homme, lui, se situe à la limite du cercle parfois à l'intérieur, parfois à l'extérieur au fur et à mesure que le processus d'apaisement se fait jusqu’au moment où le cercle disparaît, la lumière s’étend, le corps s’apaise et la jeune fille lâche prise et accepte.
Un spectacle vibrant d'émotion. Un coup de coeur!

L'oubli des Anges : Géraldine Lonfat (source)

Interprète(s) : Géraldine Lonfat, David Faggionato, Thomas Laubacher, Paul Patin, Virgine Quigneaux, Carmen Cruz
Chorégraphe : Géraldine Lonfat
Compositeur : André Pignat
Auteur : Stéphane Albelda
Régisseur : Jérôme Hugon