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samedi 27 janvier 2018

Audur Ava Olafsdottir : Ör



Le mot islandais Ör nous dit Audur Ava Olafsdottir « signifie  cicatrices. Le terme s’applique au corps humain mais aussi à un pays, à un paysage malmené par la construction d’un barrage ou d’une guerre.»

Jonas Ebeneser pour sa part a sept cicatrices. La première étant celle de la vie, elle-même. « Nous sommes tous porteurs d’une cicatrice à la naissance : notre nombril »  explique l’auteure. Jonas est un écorché vif de naissance. Tout est blessure pour lui, un oiseau à l’aile cassée, la méchanceté des hommes entre eux, les guerres. Une autre cicatrice, l’abandon de son père. Et puis sa mère Gudrun, professeur de maths, a laissé son esprit aux oubliettes et survit dans une maison de retraite. Son amour Gudrun a trouvé un autre homme et est partie. Sa fille Gudrun-Nymphéa, il l’a appris au moment de la séparation d’avec sa femme, n’est pas de lui. Et le tatouage d’un nymphéa blanc sur la poitrine pour cacher l’une de ses cicatrices ne semble pas remédier à la blessure initiale.
C’est donc un homme qui ne peut guérir. Et c’est dans un pays blessé, un pays qui sort de la guerre, qu’il décide de partir quand il veut se suicider.

Je suis entrée dans le livre d’Audur Ava Olafsdottir avec bonheur. J’aime cette écriture limpide, poétique et intimiste. J’ai retrouvé le goût de cet univers qui parle de personnes sensibles, attentives aux autres.
Pourtant, lorsque le récit s’oriente vers le départ dans un autre pays, j’ai éprouvé de la déception. Il m’a semblé que c’était un poncif  : il y a tellement dans la littérature actuelle de personnages féminins (en général) désespérées qui partent à l’étranger pour y découvrir la guérison voire l’amour ! Et le fait que ce soit un pays qui sorte de la guerre et que Jonas parte, en plus, muni d’une boîte à outils, m’a paru invraisemblable. 
Il y a donc eu un flottement dans ma lecture avant que je ne me rende compte, d’après l’orientation du récit, que oui, bien sûr, c’est invraisemblable mais que le récit est métaphorique, qu’il ne faut pas s’en tenir à une interprétation réaliste comme je le faisais ! Les réparations que Jonas est amené à faire dans ce pays où tout est détruit, où plus rien ne marche, le répare lui-même, panse les blessures, atténue les cicatrices.
Jonas y apprend beaucoup de choses, évidentes mais que l'on oublie trop souvent, que c’est en s’occupant des autres, en agissant qu’il se sentira plus fort, que l’amour paternel et filial (c’est Nymphéa qui le lui dit) ne tient pas à un chromosome mais à l’amour, aux  soins affectueux, au dévouement, au respect, au partage, et à tous les bons et même les  mauvais moments d’une vie commune.

Finalement, malgré ce moment d'hésitation, j'ai aimé ce roman. La pensée d’Audur Ava Olafsdottir est simple, certains diront un peu trop gentille donc simpliste, mais je ne suis pas d'accord. Car l’optimisme, la foi en l’homme et au triomphe de la bonté, sont autant de baumes qui permettent de panser les Ör de notre vie personnelle, la noirceur de la haine, les horreurs des guerres.

26 commentaires:

  1. J'ai assisté à un entretien avec elle sur ce livre, à Caen, cet automne. Quand on l'écoute, elle n'a rien d'une auteure un peu gentillette et naïve. Elle a de l'humour et de la finesse et sait où elle veut aller. J'aime beaucoup sa manière de voir le monde. J'ai voulu acheter le livre et dans la cohue, je me suis trompée, j'en ai acheté un autre ... que je n'avais heureusement pas encore lu et qui était déjà en poche, c'est bête.

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    1. De nos jours on a toujours tendance à regarder les auteurs optimistes avec suspicion, tu as remarqué ? C'est qu'on a toujours peur de tomber dans la romance fleur bleue. J'ai eu peur quand Jonas part que cela dégénère en roman sentimantal mais non, bien heureusement, ce n'était pas ça !

      Lequel tu as acheté ?

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    2. J'ai acheté "l'exception". J'ai plusieurs nordiques devant moi pour le challenge de Margotte (et pour le plaisir ..)

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    3. Tu participes au RAT nordique samedi et dimanche ?

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    4. Non, les RAT ce n'est pas du tout pour moi, rien que l'idée de devoir le faire j'aurais envie de sortir toutes les cinq minutes ;-)

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    5. C'est ce que je pensais moi-même et pourtant je m'y lance ! Il m'arrive quand il ne fait pas beau ici de passer mon week end à lire et je trouve ça très agréable alors pourquoi pas un RAT ? Mais j'ai pris celui en liberté où je peux faire ce que je veux, lire autant que je veux.

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    6. Alors bravo et je vais te suivre avec curiosité !

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  2. J'ai plutôt aimé ce roman, et le fait de savoir, quand on connaît l'auteur, "où on va". J'aime beaucoup sa vision du monde, même si elle est un peu optimiste.

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    1. Moi aussi, je l'ai bien aimé et l'optimisme fait du bien dans un monde qui ne l'est pas !

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  3. Il est dans ma PAL, c'est une auteure que j'apprécie !

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  4. A un stade dans ma vie j'ai vu pire autour de moi et je ne me suis plus jamais posée de questions. Tout est dans l'état d'esprit, la preuve en est ici si je comprends bien. Il n'est pas toujours facile de réagir. Si je croise ce livre un jour je me le procurerai.

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    1. Oui, bien sûr ,ce n'est pas toujours facile de réagir. C'est pourquoi le départ de Jonas est un acte salutaire. Son voisin qui ne part pas, qui reste enfermé en lui-même, ne s'en sortira pas aussi bien.

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  5. j'aimerais bien te suivre dans tes lectures nordiques, mais ma liste méditerranéenne est encore longue! Je me délecte de la pensée chatoyante qui est une évocation très poétique de l'Odyssée et que je te recommande.

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    1. Continuons nos lectures aux antipodes, un jour nous nous rejoindrons ! Tu m'as donné très envie de lire La pensée chatoyante. Je vais le commander.

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  6. un Islandais optimiste? c'est si rare qu'on ne peut être que chez Zulma :-)
    il y a trop longtemps que je n'ai plus fait de billets sur cette maison de confiance :-)
    merci ClaudiaLucia!

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    1. Un islandais qui ne voit pas tout noir comme les longues nuits d'hiver de son pays ! Mais oui, tu vois, cela existe !
      J'aime beaucoup cette édition Zulma.

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    2. http://www.zulma.fr/auteur-auour-ava-olafsdottir-329.html

      N'oublions pas le charmant livre:
      Rosa Candida
      du même auteur - au féminin

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  7. J'ai suivi le lien indiqué par Thérèse , or , par un hasard extraordinaire, j'ai emprunté ce livre à la bibliothèque, il se trouve sur ma table de chevet!
    Je lirai votre critique , plus tard , pour la confronter à mon point de vue.

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    1. Tu as raison. j'essaie de ne pas dévoiler l'histoire mais parfois c'est mieux de ne pas lire d'autres avis avant et d'arriver dans un livre sans à priori!

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    2. Je l'ai lu,et j'ai aimé-sans "flottement"
      Après quoi j'ai lu ton commentaire, que je commenterai un peu plus tard!

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  8. Oh ! j'ai failli le prendre à la bibliothèque samedi, et finalement, j'ai renoncé... Sauf que tu vends clairement mieux le livre que la 4e de couverture !
    Et en passant, j'ai vu ton com' pour le challenge, je vais aller mettre tout ça à jour dans la journée. A bientôt ;-)

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    1. A bientôt ! Je continue, en effet, sur ma lancée nordique !

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  9. J'ai lu deux romans de l'auteure je pense. Mais celui-là, je l'ai. Et j'avais vu l'auteure en entrevue. Elle m'avait beaucoup plu.

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    1. J'ai aimé Rosa Candida mais beaucoup moins L'embellie.

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  10. Un livre dans lequel l'optimisme, la foi en l'homme et la bonté l'emportent, ne doit jamais être écarté. C'est si rare et si souvent mal vu ! Il y a quelques semaines, j'en cherchais justement, pour échapper à la noirceur dans laquelle mes dernières lectures m'avaient plongée. Ne trouvant rien, j'e me suis mise à relire "Ma famille et autres animaux" de Gerald Durell. Sourire et rire font tellement de bien !

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