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lundi 14 septembre 2020

Pat Barker : Le silence des vaincues Rentrée littéraire 2020

Le silence des vaincues de Pat Barker 

Qui a dit que la rentrée littéraire n’était pas intéressante ? Pas moi en tout cas ! Le silence des vaincues est un coup de coeur.

 J’en aime le sujet : la guerre de Troie revue par une femme, Briséis, la captive d’Achille, son trophée, l’enjeu de sa rivalité avec Agamennon, la raison de sa colère et de son refus de se battre ! Et je trouve audacieux et intelligent de la part de Pat Barker cette Iliade débarrassée des ors de la légende, du grandissement épique qui auréole les guerriers grecs ou troyens. Les héros sont ramenés à leur condition d’hommes, les combats ne sont plus orchestrés par les dieux. Pat Barker refuse l’épopée parce qu’elle magnifie la guerre et elle nous ramène à ce que nous sommes, près de la terre ! Ce thème est introduit dès l’incipit du roman qui claque comme une gifle :
« Le GRAND ACHILLE, LE BRILLANT ACHILLE, le bouillant Achille, le divin Achille… Comme les épithètes s’accumulent ! Nous ne l’appelions jamais par aucun de ces noms; nous l’appelions « le boucher ».

La guerre, donc, vue à hauteur de femme : tuerie de masse, ivresse du meurtre et de la violence, la guerre et ses horreurs sans gloire qui révèle les pires instincts, folie, cruauté, qui peint les combattants tels qu’ils sont, couverts de sang et de souillures organiques, cervelles éparses, intestins déversés. Et le sort des des vaincues, toujours le même, éventration des femmes enceintes, assassinat de leurs enfants, viol, servitude sexuelle, esclavage, humiliations, maltraitance, avilissement, désespoir… Pat Barker nous révèle une autre réalité sous la richesse affichée des vainqueurs. Achille mange dans une vaisselle d’or mais la saleté et la misère règnent dans le camp des Grecs, odeurs délétères des latrines et de l’hôpital, amoncellement des dépôts d’ordure qui entraîne la peste, réinterprétation du récit homérien qui décrit l'épidémie comme une vengeance du dieu Apollon offensé en la personne de son prêtre Chrysès.

 Ajoutez à ces propos, un roman passionnant, addictif, plein de compassion, qui nous fait découvrir des êtres vivants, complexes, tourmentés, divisés, tout en nous plongeant au coeur de l’humanité, de ses souffrances, de ses contradictions. C’est aussi une grande réussite de l’écrivaine d’avoir évité le manichéisme, d’avoir su montrer la fragilité de ces « héros » devenus machines à tuer. Achille, enfant abandonné par sa mère, la déesse Thétys, quand il était enfant, souffrant toujours d’un manque affectif, Patrocle, empathique, mais se transformant en tueur sur le champ de bataille. Les rapports ambivalents des deux amis, entre domination, soumission et amour indéfectible. 

L’écrivaine connaît son Iliade sur le bout des doigts et nous fait partager le plaisir érudit, mis à la portée de tous, même de ceux qui ne connaissent par l’oeuvre d’Homère, de retrouver les personnages illustres, Hécube, Hélène, Cassandre, Ulysse, Nestor, Ajax…et d’assister aux grands sommets de l’histoire de Troie : la visite de Priam à Achille pour réclamer son fils Hector mort sur le champ de bataille, celle de de Chrysès, le prêtre d’Apollon, venu chercher sa fille Chryséis, la dispute entre Agamemnon et Achille, sa mort … Mais en même temps, elle démystifie tous ces personnages et nous parle des victimes, de ces femmes obscures, livrées à la soldatesque, battues, survivant dans la peur et dans la violence. 

C’est ainsi que le récit de Pat Barker offre une vision féminine ( féministe ? mais pas obligatoirement, tous les pacifistes peuvent se reconnaître dans cette proposition) de la guerre de Troie mais elle décrit aussi avec réalisme ce que sont toutes les guerres. A travers l’Iliade, elle nous parle de notre époque ou plutôt de toutes les époques et donne une vision universelle de la guerre avec sa corrélation, la violence faite aux femmes. Elle nous oblige à réfléchir à notre humanité qui n’a jamais pu et su éviter que les conflits dégénèrent en boucherie et qui n’a jamais su gagner en sagesse ! 

Un beau roman, au style efficace, sensible et vibrant, qui, tout en nous renvoyant à l’actualité, donne pour la première fois la parole aux femmes, reines déchues, filles violées, arrachées à l’enfance, esclaves battues, victimes d’hier et d’aujourd’hui. Une belle réussite !

samedi 12 septembre 2020

Lola Lafon : Chavirer rentrée littéraire 2020


Chavirer de Lola Lafon chez Actes Sud

Depuis La petite communiste qui ne souriait jamais, je lis les romans de Lola Lafon avec attention et décidément, c’est un écrivain que j’aime ! Elle traite de thèmes qui ne sont pas toujours ma tasse de thé, à priori, mais auxquels elle parvient à donner une intensité qui vous tient captive, en haleine, thèmes qui sont toujours intégrés dans la société et répondent à vos questionnements.
Il en est ainsi pour « chavirer « .
J’ai d’abord eu peur du sujet découvert en lisant la quatrième de couverture : 1984. Cléo, treize ans, qui vit entre ses parents une existence modeste en banlieue parisienne, se voit un jour proposer d’obtenir une bourse, délivrée par une mystérieuse Fondation, pour réaliser son rêve : devenir danseuse de modern jazz. Mais c’est un piège, sexuel, monnayable, qui se referme sur elle et dans lequel elle va entraîner d’autres collégiennes.
Mais connaissant Lola Lafon, je savais que ce thème n’avait pas été choisi par opportunisme, à l’heure du mouvement du Me too,  mais parce qu’elle avait beaucoup à dire sur la question!

                                                          Culpabilité et innocence

Danseuse de modern jazz


On lit toute la première partie du livre en apnée sans pouvoir refermer le livre. Il y est racontée le piège qui se referme sur la jeune fille et sur celles qu’elle entraîne avec elle. Alors que dès le début nous savons ce qui va se passer, une impression d’angoisse naît, liée à notre impuissance à arrêter ça ! « Ça »? le saccage de l’enfance, du rêve et de l’innocence.
Le roman pose le problème de la culpabilité. Quand cesse-t-on d’être une victime pour devenir coupable? C’est la question que toute sa vie Cléo se posera, elle qui a envoyé ses camarades de collège dans le piège, sachant ce qui allait leur arriver. Pourquoi les fillettes n’en ont jamais parlé ? Honte, peur d’être jugées, coupables quelque part de ce que « on » leur a fait subir.
Mais Lola Lafon montre aussi que ce sont les classe sociales modestes qui sont les plus touchées. Cléo a pour consigne de ne viser que les enfants des milieux et des quartiers  populaires, dont elle fait partie elle-même  : le milieu social, les fins de mois difficiles, les problèmes d’argent, l’ignorance de la famille désarmée, l’impossibilité de s’attaquer à des hommes haut placés, puissants, riches, intouchables, l’acceptation aussi de certains parents comme seul moyen pour leur fille d’échapper à la misère sociale, le laxisme de l’époque vis à vis des prédateurs, ces hommes âgés qui font de bons « fiancés » argentés. Nous sommes dans les années 80.

 Culpabilité  individuelle mais aussi collective, et par delà ce thème, celui du pardon. Cléo pourra-t-elle un jour être pardonnée et surtout se pardonner ?

                                                       Une construction savante

La dame de Shangaï Orson Wells
                                 La dame de Shangaï Orson Wells/ Rita Hayworth : jeu de miroirs

La construction du roman qui ne respecte pas l’ordre chronologique  introduit tout une galerie de personnages qui croisent la vie de Cléo :  Yonaz son ami de collège, qui ne « veut pas être juif », Claude, son habilleuse, si proche d’elle, comme une seconde « maman » et qui pourtant la déçoit, Betty jeune danseuse noire, victime comme elle, Ossip son Kiné, Lara son amante…
Ces nombreux personnages sont autant de portraits individuels, intéressants en eux-mêmes, mais qui ont aussi une fonction narrative puisqu’ils qui reflètent comme dans jeu de miroirs multiples les différentes personnalités de Cléo et nous donnent des points de vue différents. Mais c'est parfois Cléo qui nous renvoie l'image des autres.

Le milieu de la danse

Danseuses du Lido

 Et puis nous pénétrons dans le milieu de la danse, non celle du classique, celle qui se produit sur la scène de Garnier, adoubée par la bourgeoisie mais celle des plateaux télévisés de Drucker, des danseuses du Lido :   strings et  paillettes. La danse populaire, la danse méprisée par la « bonne » société !

"Tout était faux, là résidait la beauté troublante de ce monde-là... Les filles faisaient semblant d'être nues, elles surjouaient leur joie sur scène quatre-vingt-dix minutes durant Ca c'est Paris, elles venaient d'Ukraine, d'Espagne ou de Clermont-Ferrand. La sueur ternissait le satin de leurs bustiers, des traces jaunâtres persistaient en dépit des nettoyages, les strings étaient pulvérisés de spray antibactérien, les résilles s'incrustaient dans le tendre des cuisses, elles laissaient des ratures quadrillées : de loin, on n'en apercevait rien. (...) La lumière escamotait les accrocs, les faux plis, les traces de cellulite, les cicatrices, elle atténuait les rides et le roux criard d'une coloration bon marché. Les bustiers en tissu à paillettes laissaient des plaques vermillon sur les flancs de Cléo, des estafilades bordeaux sous ses aisselles : des débris de plastique que la sueur aiguisait. De loin, on n'en apercevait rien." 

Savez-vous que les danseuses du Lido sont d'excellentes danseuses qui ont des années de travail assidu derrière elles, souvent issues du classique, mais trop grandes pour interpréter le répertoire ? Elles sont traitées comme des objets, dans les mains des chorégraphes, des directeurs des revues, des décideurs de tout bord et parfois d’un certain public.  Un taxi vient les chercher à la sortie de leur loge pour les soustraire aux empressements de ces messieurs libidineux.  Si, en plus, elles sont noires, alors, elles ne peuvent prétendre à faire du classique ! Une sylphide ou une Gisèle pourrait-elle être noire ?
Savez-vous qu’il n’y a jamais leur nom sur les programmes comme il est d’usage pour n’importe quel artiste ? qu’elles sont payées des clopinettes, qu’elles risquent leur place si elles se blessent et s'arrêtent, que leur sécurité n’est pas assurée! 

Lola Lafon, avec son style efficace, sensuel, réaliste et élégant à la fois, sait comme nulle autre nous montrer l’envers du décor, la souffrance sous le sourire obligatoire, les odeurs de sueur et de pommade de camphre, les irritations des aisselles, le sang sous les paillettes, tout un monde de faux-semblant dans lequel, toujours, les femmes sont des victimes. 

Et pourtant, l’amour de leur art les pousse à endurer la souffrance, à repousser les limites de leur corps pour un dépassement d’elles-mêmes avant que la désillusion, l’amertume, l’échec, les poussent au renoncement.

Un beau roman, très bien écrit, riche en émotions ! Une des belles découvertes de cette rentrée littéraire 2020 !

 

jeudi 10 septembre 2020

Rentrée littéraire 2020 : Mes choix

 

Certains livres de la rentrée littéraire 2020 m'ont tentée et j'ai "craqué" sur ces titres qui ne sont pas obligatoirement ceux qui sont en tête de la course aux prix, je crois...

Et j'en ai déjà lu deux avec beaucoup de bonheur : Chavirer de Lola Lafon  et Le Silence des vaincues de Pat Barker que je vous présenterai bientôt. Je ne regrette pas mon choix  !

Chavirer de Lola Lafon

1984. Cléo, treize ans, qui vit entre ses parents une existence modeste en banlieue parisienne, se voit un jour proposer d’obtenir une bourse, délivrée par une mystérieuse Fondation, pour réaliser son rêve : devenir danseuse de modern jazz. Mais c’est un piège, sexuel, monnayable, qui se referme sur elle et dans lequel elle va entraîner d’autres collégiennes.

2019. Un fichier de photos est retrouvé sur le net, la police lance un appel à témoins à celles qui ont été victimes de la Fondation.

Devenue danseuse, notamment sur les plateaux de Drucker dans les années 1990, Cléo comprend qu’un passé qui ne passe pas est revenu la chercher, et qu’il est temps d’affronter son double fardeau de victime et de coupable.

 Le silence des vaincues de Pat Baker éditions Charleston  : Une Illiade écrit par une femme, Briséis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Elle était reine. Briséis de Lyrnessos, vénérée et respectée. Mais, hors des murs du palais, la guerre de Troie fait rage et bientôt la cité de Lyrnessos tombe sous les assauts grecs. En quelques heures, Briséis voit son mari et ses frères massacrés ; de reine, elle devient esclave. Un trophée parmi d’autres pour l’homme qui l’a conquise : le divin Achille dont les générations futures chanteront les exploits. Captive du camp grec, Briséis doit choisir : se laisser mourir ou survivre. 

J'ai très envie aussi de lire le roman de Barbara Kingsolver, Des vies à découvert et de David Bailly, L'autre Rimbaud Ariane de Tant qu'il y aura des livres voir ici  

 ou encore Richard Russo Retour à Marha'sVineyard dont Ingammic propose une LC voir ici  J'espère avoir l'un des trois demandés chez Masse Critique Babelio! J'attends la réponse  avant d'acheter !

* remarque ajoutée le 12/09  ; je n'ai eu aucun des livres ! Des romans de la rentrée littéraire, tout le monde a dû s'y précipiter ! Et comme c'est tiré au sort !

Comment je choisis mes livres ? Je lis les critiques, bien sûr, et en particulier les vôtres, amies blogueuses ainsi les billets que vous avez rédigés sur Des vies à découvert de Barbara Kingsolver m'ont donné envie de découvrir le livre ! Keisha voir ici

Ensuite le nom de l'auteur peut emporter l'adhésion mais il y a aussi le thème général.  Pour Chavirer, le thème me faisait peur mais j'ai fait confiance à Lola Lafon, et j'ai eu raison ! Pour Le silence des vaincues, c'est le thème qui m'a emballée, je ne connaissais pas l'auteur.  Et quelle belle découverte! C'est un coup de coeur !

 Pour Loins-Confins, le résumé de la quatrième de couverture m'a intéressée et puis j'aime beaucoup la première de couverture de ce livre publié dans les éditions La Brune aux Rouergue. Et oui, l'attrait du livre compte aussi !

Loin-Confins
Marie-Sabine Roger

Il y a longtemps de cela, bien avant d’être la femme libre qu’elle est devenue, Tanah se souvient avoir été l’enfant d’un roi, la fille du souverain déchu et exilé d’un éblouissant archipel, Loin-Confins, dans les immensités bleues de l’océan Frénétique. Et comme tous ceux qui ont une île en eux, elle est capable de refaire le voyage vers l’année de ses neuf ans, lorsque tout bascula, et d’y retrouver son père. Il lui a transmis les semences du rêve mais c’est auprès de lui qu’elle a aussi appris la force destructrice des songes. 
Dans ce beau et grave roman qui joue amoureusement avec les mots et les géographies, Marie-Sabine Roger revient à ce combat perdu qu’on nomme l’enfance et nous raconte l’attachement sans bornes d’une petite fille pour un père qui n’était pas comme les autres.

Térébenthine choisi pour le débat sur la peinture considérée comme dépassée. Il faut dire que c'est un art que j'aime énormément et ce rejet me paraît stupide. Comme si l'art conceptuel et l'art pictural ne pouvaient pas coexister.  Ceux qui dictent  "la mode" dans l'art créent des formes d'académisme.  C'est dire que le sujet m'intéresse !

Térébenthine


 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Collection Blanche, Gallimard
Parution : 20-08-2020

J'ai eu envie de découvrir Lumière d'été puis vient la nuit parce que le livre parle de l'Islande,  un pays que je rêve de visiter après la Norvège, la Suède et la Finlande. Il a l'attrait des pays nordiques que j'aime tant. La photo de la première de couverture introduit le rêve.

Lumière d'été, puis vient la nuit

Dans un petit village des fjords de l’ouest, les étés sont courts. Les habitants se croisent au bureau de poste, à la coopérative agricole, lors des bals. Chacun essaie de bien vivre, certains essaient même de bien mourir. Même s’il n’y a ni église ni cimetière dans la commune, la vie avance, le temps réclame son dû.
Pourtant, ce quotidien si ordonné se dérègle parfois  : le retour d’un ancien amant qu’on croyait parti pour toujours, l’attraction des astres ou des oiseaux, une petite robe en velours sombre, ou un chignon de cheveux roux. Pour certains, c’est une rencontre fortuite sur la lande, pour d’autres le sentiment que les ombres ont vaincu - il suffit de peu pour faire basculer un destin. Et parfois même, ce sont les fantômes qui s’en mêlent…
En huit chapitres, Jón Kalman Stefánsson se fait le chroniqueur de cette communauté dont les héros se nomment Davíð, Sólrún, Jónas, Ágústa, Elísabet ou Kristín, et plonge dans le secret de leurs âmes. Une ronde de désirs et de rêves, une comédie humaine à l’islandaise, et si universelle en même temps. Lumière d’été, puis vient la nuit charme, émeut, bouleverse.

Traduit de l'islandais par Éric Boury

Et Frank Buysse, Buveurs de vent, pour le thème, le résumé, le titre (que je trouve beau) mais je n'ai pas lu de critiques.

Buveurs de vent - Cover image

Ils sont quatre, nés au Gour Noir, cette vallée coupée du monde, perdue au milieu des montagnes. Ils sont quatre, frères et sœur, soudés par un indéfectible lien.

Marc d’abord, qui ne cesse de lire en cachette.

Matthieu, qui entend penser les arbres.

Puis Mabel, à la beauté sauvage.

Et Luc, l’enfant tragique, qui sait parler aux grenouilles...

Tous travaillent, comme leur père, leur grand-père avant eux et la ville entière, pour le propriétaire de la centrale, des carrières et du barrage, Joyce le tyran, l’animal à sang froid…

Dans une langue somptueuse et magnétique, Franck Bouysse, l’auteur de Né d’aucune femme, nous emporte au cœur de la légende du Gour Noir, et signe un roman aux allures de parabole sur la puissance de la nature et la promesse de l’insoumission.


lundi 7 septembre 2020

Olivier Truc : Le cartographe des indes boréales


D’Olivier Truc, j’ai lu ses romans Le dernier lapon, Le détroit du loup, La montagne rouge, qui nous font vivre dans le pays des samis norvégiens, la Laponie, tel que j’ai pu le découvrir récemment au cours de mon séjour en Norvège, au-delà du cercle polaire. C’est dire si j’avais apprécié ces lectures qui précédaient mon voyage et qui décrivaient la vie de ces éleveurs de rennes, la transhumance, leurs coutumes, leur religion, la colonisation, les problèmes qu’ils rencontrent dans la Norvège contemporaine. Descriptions tellement précises et justes que je reconnaissais les lieux et m’attendais presque à tomber nez à nez avec les personnages du roman !
Ici, avec ce roman de 739 pages, intitulé Le cartographe des Indes boréales,  nous partons du pays basque où vit Izko pour voyager à travers l’Europe du XVII siècle, de 1628 à 1693, Portugal,  France, Pays-bas, Suède, Laponie suédoise, sans oublier une tragique chasse à la baleine dans l’archipel du Svalbard norvégien dans l’océan Arctique.
Ce roman qui s’appuie sur des bases historiques solides met en scène des personnages qui ont réellement existé, illustres comme la reine Christine, Pierre de Lancre, juge au parlement de Bordeaux pour en citer qu'eux.
Et puis il y a Izko, jeune garçon, âgé de 13 ans au début du roman. Il vit à Saint-Jean-de- Luz et rêve de devenir chasseur de baleines comme son père. Mais Pierre de Lancre, va en décider autrement. Pour des raisons que Izko mettra toute une vie à découvrir, ce personnage tout puissant va convaincre ses parents de faire de leur fils, un espion à la solde de Richelieu. Celui-ci doit partir à l’Ecole de Sagres au Portugal puis à Lisbonne pour apprendre la cartographie et il sera ensuite envoyé en Suède, à la cour de la reine Christine, puis en Laponie. Tout en cartographiant ces pays encore mal connus, il envoie des rapports qui permettent à la France de connaître les ressources naturelles de ces puissances étrangères et de louvoyer dans ses rapports conflictuels avec la Suède et les Pays-Bas.
La cartographie comme base de l’espionnage ! C’est là qu’on découvre l’importance de cette science toute nouvelle, les ateliers de cartographie d’Amsterdam, et le pouvoir que détiennent les cartographes capables d’envoyer à la mort un équipage d’un navire pour une faute de relevé involontaire ou de tricher sur les défenses d’une ville pour la rendre plus redoutable à ses ennemis !
Je me suis passionnée pour de nombreux aspects du roman : participer dans les moindres détails à une chasse à la baleine et découvrir les conditions de la vie rude et dangereuse de ces marins, rencontrer la fameuse reine Christine qui se convertit au catholicisme et renonça au trône, assister au naufrage du Vasa, le bateau que j’ai visité au musée de Stockholm, découvrir l’horreur de la chasse aux sorcières en France, et renvoyer ainsi dos à dos l’intolérance, le fanatisme, la folie meurtrière de l’église catholique et des pasteurs luthériens, deux églises toute puissantes qui font contrepoids au pouvoir royal  dans leur pays respectif pour le pire et non pour le meilleur !  Le portrait du pasteur luthérien rigide, cruel, avide de pouvoir, zélateur, est d’ailleurs très bien campé.
Mais plus que tout ce qui m’a intéressée, c’est d’en apprendre plus (les livres d’Olivier Truc et mes visites dans les musées ethnographiques m’en avaient donné un bon aperçu) sur la colonisation brutale, sauvage des samis, paupérisés par les exactions des colons, obligés de se convertir, d’abandonner leurs pratiques religieuses, privés de liberté, bref! traités comme des esclaves… Et de le découvrir par le biais du roman, c’est à dire à travers de personnages qui vivent l’histoire. Même si pourtant j’ai trouvé parfois trop longs et répétitifs certains passages.

J’ai beaucoup aimé ce roman mais il m’a manqué quelque chose pour qu’il devienne addictif. Parfois, il paraît un peu trop long comme je l’ai noté ci-dessus. Mais parfois, au contraire, les années défilent trop rapidement! Quand on commence à se laisser emporter par des passages de la vie d’Izko, on le retrouve déjà adulte ou âgé dans les chapitres suivants. 65 ans de la vie d’Izko, cet enfant sacrifié, cet homme victime, tourmenté, auquel on s’attache mais que l’on aimerait voir vieillir moins vite !
Alors trop long ou trop court, ce roman ? Je parais être en contradiction ! Mais j’ai parfois eu l’impression que ce roman fleuve avait en lui la matière pour plusieurs romans, une sorte de saga, permettant de s’attarder sur l’enfance d’Izko, sur certaines parties de sa vie tout en ne sacrifiant pas, bien sûr, l’intérêt historique du roman que j’ai vraiment apprécié !

Lu dans le cadre du pavé de l'été initié par Sur mes Brizées édition 2020




vendredi 4 septembre 2020

Jack London : La Petite Dame de la Grande Maison



Après une jeunesse aventureuse qui lui apprend la vie  et forge son caractère, Dick Forrest, riche héritier, revient pour faire fructifier ses  immenses propriétés, ses riches cultures, ses élevages modèles, ses mines et entreprises diverses. S’il vit dans le luxe, reçoit beaucoup d’amis,  il a une vie de travail rigoureuse et réglée qui lui laisse peu de temps pour s’occuper de sa jeune, jolie et spirituelle épouse, « la Petite Dame de la Grande Maison », Paula Desten.

Paula est l’idéal féminin de Jack London, non seulement parce qu’elle est belle et gracieuse mais parce qu’elle est intrépide, aventureuse, et ne connaît pas la peur. Cavalière émérite, nageuse hors pair, c’est aussi une musicienne et une chanteuse pleine de sensibilité. Elle a beaucoup d’humour et le sens de la répartie, inspire l’amour à tous les hommes qui l’entourent mais s’attire aussi leur respect et leur dévotion.
Dick Forrest est présenté comme un homme hors du commun, non seulement par son intelligence, sa grandeur de vue, sa force de travail, son sens extraordinaire des affaires, mais aussi par sa virilité,  son courage, son caractère ferme et sa culture. C’est un meneur d’hommes. Bel homme, il séduit son entourage féminin. Comment dans ces conditions pourrait-il avoir un rival ?
Et pourtant, celui-ci existe en la personne d'Evan Graham, son ami, qui se révèle l’égal de Dick et tombe, bien sûr, amoureux de Paula. Homme supérieur, lui aussi ! Aventurier, il a perdu une partie de sa fortune et vit dans une aisance realtive. Musicien lui aussi, il est pourtant plus sensible que Dick et plus à l’écoute.
On comprend ce qui va se jouer entre ces trois personnages. Mais je vous le laisse découvrir.


Je dois dire que cette histoire d’amour à trois m’a très peu touchée.  Ces personnages trop parfaits, et leur trop nombreuses qualités, m’ennuient et par conséquent me laissent de marbre. Et non seulement, ils m’ennuient mais en plus, je ne les aime pas.
Paula et son côté mondain, sa façon de faire admirer ses prouesses, de se donner en spectacle à ses invités, me déplaît. Mais c’est surtout Dick, cet homme d’acier, qui m’est antipathique. Je ne comprends pas comment Jack London, le socialiste, peut donner à admirer ce capitaliste avide, ce faiseur d’argent, qui ne parle que chiffres et rendements. Son paternalisme m’irrite : il n’appelle pas  ses serviteurs chinois par leur nom mais leur donne des surnoms ridicules. Il a des préjugés de classe et préfère noyer ses mines mexicaines que de les laisser aux mains des péons de Villa, pourtant, ô combien, misérables !  Il pense appartenir à une race d’homme supérieur et le proclame. Comment ressentir alors une quelconque empathie pour eux et leur déchirement intérieur ? Mais… car il y a un mais !

Mais l’histoire est traitée avec originalité et une certaine audace puisque l’on y voit, une femme aimer deux hommes. Situation scandaleuse pour l’époque dans une Amérique puritaine.  London évite la banalité, laisse une grande place à la femme et à sa liberté. Les sentiments de Paula sont subtilement analysés et complexes. Pourquoi n’aurait-elle pas le droit de ne pas choisir ? Est-elle réellement libre si l’on considère le dénouement ?  Les discussions sur la femme que Dick partage avec ses invités dont d’ailleurs édifiantes sur ce thème, allant de la misogynie la plus pure à l’affirmation de l’amour libre. 

« Il ne saurait y avoir d’amour sans liberté.. »
« Les hommes, tous les hommes et les femmes, toutes les femmes, sont capables d’aimer plus d’une fois, de voir mourir le vieil amour et d’en sentir naître un nouveau. Pas plus que l’homme et la femme, l’Etat ne peut s’immiscer dans les affaires d’amour ... »

Il est vrai que Dick gâche un peu cette belle déclaration puisqu’il accorde cette liberté seulement aux hommes (et aux femmes ) « supérieurs ».
 N’oubliez pas que je me place au point de vue des natures supérieures. Et ce point de vue éclaire ma réponse à votre question. La grande majorité des individus doit être maintenue dans la légalité et au travail par l’institution de la monogamie ou tout autre espèce de mariage rigoureux. La plupart ne sont pas prêts pour l‘union libre.
Tous ces questionnements nourrissent le récit et l’étoffent, lui donnent de la consistance.  
 
D’autre part, l’attitude de Dick est équivoque. Pourquoi, voyant ce qui se passe, ne fait-il rien pour l’en empêcher? Est-ce l’orgueil qui dicte sa conduite ? Fait-il taire ses sentiments pour être à la hauteur de l’image qu’il veut donner de lui-même, sans faiblesse et sans mesquinerie ?  

Je ne puis concevoir ni la loyauté ni la satisfaction qu’il peut y avoir à retenir une femme qu’on aime dès le moment où elle n’aime plus.
Ou est-ce le goût du jeu qui le motive ? La devise qu’il partage avec Paula est : 

 Au diable la dépense quand il s’agit de s’amuser » !  Et peu importe s’il faut payer de nos dollars, de notre peau ou de notre vie!   
Un jeu dangereux !  Savoir qui va gagner de lui ou de son rival ? Découvre-il trop tard qu’il ne supportera pas la perte de Paula ?  Du coup, le personnage gagne en zones d’ombre, devient plus humain donc plus intéressant, et ouf! nous sauve du poncif  - trop cher au coeur de London et trop récurrent -  de l’homme supérieur, blanc et de « race » anglo-saxonne !

Il semble donc qu’il y ait une lecture au second degré beaucoup plus intéressante, celle qui dépasse les apparences lisses de ces héros au panache éblouissant et superficiel pour découvrir en profondeur leurs failles, leurs faiblesses, leurs peurs et apprendre que ce qu’ils jouent ensemble, c’est tout simplement leur vie !

C’est en ce sens que ce roman m’a intéressée. 

Lecture commune dans le cadre du Challenge Jack London avec Nathalie ICI

 


 

mercredi 2 septembre 2020

Retour à Avignon : A bientôt !

Et voilà, je vais bientôt quitter mon village lozérien pour Avignon et dire au revoir à la maison des Totems aussi surnommée la maison aux belles joubarbes. Retour qui correspond à celui que je vais faire dans mon blog.






Le frêne au bas du pré

La cabane des enfants sur le frêne : que de belles nuits passées à se faire peur !


Et je vous dis à bientôt pour les LC du challenge Jack London que je rappelle ici :

Les lectures de l'été : rendez-vous au mois de Septembre

Pour le 4 Septembre : La petite dame de la grande maison

Pour le 18 Septembre : Contes des mers du sud

Pour le 30 septembre : Le fils du loup et autres nouvelles


vendredi 10 juillet 2020

Camilla Grebe : L'archipel des larmes


Autour de meurtres horribles et de femmes crucifiées, trois enquêteuses, policières, et une professeur d’université, vont mener une enquête qui se prolongera, d’une femme à l’autre,  de 1944 à nos jours, à la poursuite de celui que l’on a appelé : l’assassin des bas-fonds. C’est le sujet du thriller de Camilla Grebe qui se déroule à Stockholm et permet à Camilla Grebe d’explorer un thème féministe ayant pour fond l’histoire de son pays.

Je n’ai pas lu L’archipel des larmes  de Camilla Grabe, prix du meilleur roman suédois 2019, mais je l’ai écouté aux éditions Audiolib que je remercie pour cet envoi, texte dit par Audrey Sourdive.
C’est une de mes rares expériences de livre audio et c’est pourquoi, je commence mon billet par mon ressenti en l’écoutant. Je l’ai trouvé bien interprété par une comédienne qui fait entendre les voix des différents personnages et nous permet ainsi de les imaginer. Mais contrairement à la lecture personnelle et silencieuse, je pense que ces longues heures d’écoute ( ce qui pour moi est plus fatigant que lorsque je lis moi-même) met en relief - et m’a permis ainsi de les remarquer-  certains imperfections du livre, tics de langage qui reviennent souvent sous la plume de Camilla Grebe, comme l’expression « les papillons dans le ventre », certains moments répétitifs dans le discours féministe, et l’aspect un peu trop didactique de l’histoire des femmes dans la famille et le travail, en particulier dans la police. 
 Et puisque j’en suis à mon ressenti négatif, je note aussi que la quasi-absence de personnages masculins positifs me paraît aussi trop démonstratif et systématique. Maris ou chefs, il y en a peu qui plaident en faveur de la gent masculine. Je sais bien que la misogynie n’a jamais cessé au cours des siècles et que l’égalité des sexes n’est encore qu’un rêve lointain. Mais, tout de même, oui, il y a des hommes qui se comportent autrement. Ce serait intéressant de les montrer. Heureusement, Camilla Grebe introduit avec le dernier personnage de la jeune Malin, mère d’un petit garçon, une autre idée qui me plaît et qui compense un peu cette peinture caricaturales des hommes : lorsque, dans le travail, les femmes peuvent enfin accéder aux postes supérieurs, elles se comportent de la même manière que les hommes et discriminent les femmes qui cherchent à concilier travail et enfants mais pas obligatoirement au détriment de l’enfant. Il s’agit d’une question de pouvoir et non de sexe.
D’autre part, c’est un détail qui a de l’importance pour moi, je n’aime pas les portraits qui donnent trop de détails vestimentaires. Parfois, oui, quand ils apportent des renseignements sur le caractère et la classe sociale du personnage mais systématiquement, non ! Qu’il ait une cravate rayée ou unie n’est pas essentiel !

Ce que j’ai aimé dans le roman, c’est l’originalité de la construction romanesque qui s'appuie, chaque fois, sur un destin de femme différent et permet de prendre la mesure de l’évolution de la conditions féminine des années 40 à nos jours : en 1944, lors du premier meurtre, Elsie ne peut être que « aide policière » dans son commissariat et son chef la méprise; en 1971, Britt-Marie est intégrée dans la police mais bien qu’elle soit la meilleure tireuse du groupe, et une bonne enquêtrice, on la cantonne au secrétariat. Dans les années 80, Linda, de milieu populaire, est une jeune adjointe optimiste et gaie. Hanne qui devient son amie, issue d’un milieu bourgeois intellectuel, a fait de hautes études et est devenue profileuse. Si certains collègues masculins la considèrent comme une égale et même ont de l’admiration pour elle, elle subit encore le harcèlement d’un supérieur éconduit. Enfin Malin, à notre époque, est elle aussi discriminée mais par une femme. L’égalité n’est pas encore à l’ordre du jour mais elle a désormais des moyens de se défendre. Ces personnages féminins sont très attachants et l’on ne peut qu’être en empathie avec elles.
L’enquête est suffisamment compliquée pour que l’on se demande tout au long du roman qui peut être le coupable. En tout cas, je n’avais pas deviné.

Les inconditionnels de Camilla Grebe seront conquis. Pour ma part, malgré mes restrictions, j’ai pris plaisir à suivre le récit de ces femmes courageuses et victimes.


Merci à Masse critique et aux éditions Audiolib 


 

lundi 22 juin 2020

Cordélia : Alana et l'enfant vampire



La lecture de Alana et l’enfant Vampire de Cordélia  aux éditions Scrineo, apporte la preuve que les vampires existent. Mais cela, vous le saviez déjà, soit ! Par contre, c'est moins connu, vous découvrirez l’existence de Médiateurs humains chargés de mener des négociations auprès des vampires, les immortels, pour éviter les guerres intestines mais aussi pour protéger les mortels. Car il y a des lois! Et les vampires doivent les respecter.
Les parents d’Alana, une fillette de 13 ans, sont médiateurs depuis des générations, et sa soeur aînée Alexia semble déjà très douée. Dans ce métier, il faut avoir l’art de la diplomatie mais aussi celui de courir très vite !
Alana parviendra-t-elle à réaliser son rêve : suivre la voie tracée par sa famille, elle qui est nulle en sport et toujours fatiguée? Quand sa grand-mère lui confie sa première mission auprès de Joâo un enfant de sa classe qui semble être un vampire, Alana aidée de son amie Olympes (Pour Olympe de Gouges, bien sûr ! ), Oli pour les intimes, va devoir faire ses preuves ! Y parviendra-t-elle ?

Le thème du vampirisme plaira aux enfants dont l’âge est proche de celui d’Alana et d’Oli. Suspense garanti, car, croyez-moi, Alana et ses amis affrontent de nombreux dangers. Surtout que, parmi les vampires, il y a toujours ceux qui vous considèrent comme une gourmandise et cela même s'ils ont des poches de sang congelé au réfrigérateur ! Enfin, si vous lisez ce livre, un bon conseil,  munissez-vous de gousses d'ail !

L’auteur, Cordélia, explore aussi d’autres thèmes plutôt rares dans les romans dits pour enfants. Alana a les problèmes de son âge, elle déteste les cours de maths, elle se fait punir par le prof de sport, elle a des règles douloureuses. Mais, il y est aussi question de la fatigue chronique de la jeune fille, maladie à laquelle personne n’a pu mettre un nom et qui la fait passer pour une paresseuse voire une simulatrice..

Je ne parle pas de mes douleurs à mes parents. A force, ça doit les saouler. Et ils m'ont déjà emmenée voir des médecins qui n'ont absolument rien trouvé. "C'est psychologique", " C'est pour faire l'intéressante", " C'est la croissance". Vous ne vous rendez pas compte de l'enfer que c'est quand personne ne vous croit, y compris vos propres parents.

Oli, elle, ne sait pas trop quel est son genre. Elle ne se « sent » pas fille ! C 'est ce qu'elle confie à ses amis.

 — Et genre tu voudrais être ? un garçon ?
 —  J'sais pas trop. Peut-être. J'ai pas décidé. Je sais pas si j'ai vraiment envie de me décider.
Oli se mord les lèvres, le regard fuyant. Je lui souris. Je suis contente qu'elle ait eu envie de nous parler de ça. Et j'espère qu'elle finira par trouver tranquillement qui elle veut devenir.

Quant à Joâo, humain transformé en vampire, il ne peut s’intégrer dans aucune société, c’est un exilé qui n’a plus de racines, un être à part ! On voit donc que le thème le plus visité du roman est celui de la différence, de la souffrance qui en résulte. Avoir une grand-mère compréhensive et pouvoir parler de ses difficultés avec ses amis, voilà qui permet de faire face aux difficultés plus facilement et gagner confiance en soi.








Merci à Masse critique et aux éditions Scrinéo

samedi 20 juin 2020

Jack London : Une femme de cran



Une femme de cran est le titre éponyme d’un recueil de nouvelles qui se déroule dans le grand nord canadien, le Konklide au temps de la ruée vers l’or. Dans une tente où ils sont réfugiés autour d’un poêle, unique moyen de survie, Sitka Charley, indien de naissance mais blanc de coeur, selon ses dires, raconte à ses compagnons l’histoire de Passuk, une femme exceptionnelle.

La femme était petite, mais son coeur était plus grand que le coeur de boeuf de l’homme, et elle avait un sacré cran !

Il l’a achetée à son père sans même la regarder parce qu’il lui fallait une femme pour faire la cuisine, s’occuper des chiens et partager son unique couverture. Mais il n’a jamais été question d’amour envers elle. Elle n’existait pas pour lui. C’est peu à peu qu’il a pu apprécier ses qualités, sa force morale. Mais c’est surtout au moment de la grande famine que Sitka Charley va découvrir la grandeur d’âme, le courage, l’abnégation de cette femme et qu’il prendra conscience de son amour pour elle.

Mon idée était de rester là et d’aller à la rencontre de la Mort main dans la main  avec Passuk, car j’avais vieilli et j’avais appris ce qu’est l’amour d’une femme.
Pendant une longue marche qu’ils entreprennent pour sauver leur village, Forty Mile, de la famine, Passuk se révèle, à la fois, impitoyable pour un de leur compagnon de route car c’est la loi du grand Nord qui élimine les faibles mais tout aussi exigeante envers elle-même. Elle ira même jusqu’à sacrifier à celui qu’elle aime un être qui compte énormément pour elle.

On a trimé sur une longue piste, jusqu’à l’Eau salée, le froid était terrible, la neige profonde et on crevait de faim. Et l’amour de la femme était un amour immense- on ne peut pas dire autre chose.

Au moment de mourir, elle lui découvre ses sentiments, le grand amour qu’elle a pour lui et combien elle a souffert de son indifférence. Il prend alors conscience du dévouement sans limite de sa femme et trouvera le courage pour poursuivre sa route et sauver les hommes de Forty Mile. Un très beau portrait de femme.

Cette nouvelle est une très belle et poignante histoire d’amour et il y a tant de pudeur et de dignité dans ces personnages que leurs sentiments ne peuvent s’exprimer qu’au seuil de la mort.
Jack London fait preuve d’une grande compréhension du coeur humain et en particulier des femmes et lorsqu’il laisse la parole à Passuk. Ce qu’elle dit est à la fois d’une grande tristesse et d’une grande beauté. L’écrivain analyse avec finesse et sensibilité les sentiments d’une jeune fille ainsi vendue, humiliée et rabaissée à un niveau inférieur.

Lorsqu’au début tu es venu à Chilkat et que, sans même me regarder, tu m’as acheté comme on achète un chien et emmenée mon coeur était dur envers toi et rempli de crainte et d’amertume. Mais c’était il y a longtemps. Car tu as été bon envers moi, Charles, comme un brave homme l’est pour son chien.Et il décrit aussi avec beaucoup de justesse comment les sentiments de Passuk ont pu évoluer.

J’ai pu te mesurer aux hommes des autres races et j’ai vu que tu occupais parmi eux une place pleine d’honneur et que ta parole était sage et vraie. Et je suis devenue fière de toi, au point que tu as empli mon coeur tout entier et occupé toutes mes pensées.
La réponse de Charley est aussi d’une grande beauté car l’amour qu’il éprouve se traduit en images et se mêle à la grande voix de la nature. Pour lui que l’hiver soumet à la loi rigoureuse de la vie et la mort, l’amour emprunte la voix du printemps et de la chaleur retrouvée. Il faudrait le citer tout entier pour rendre compte du style de  Jack London.

C’est vrai, il n’y avait pas de place pour toi dans la froideur de mon coeur. mais c’est du passé. Maintenant mon coeur est comme la neige au printemps quand reparaît le soleil. Le temps est venu du grand dégel, du murmure de l’eau qui coule, du bourgeonnement et de l’éclosion de la verdure. On entend le ramage des perdrix, le chant des merles et toute une immense musique, car l’hiver est vaincu, Passuk, et j’ai compris ce qu’est l’amour d’une femme.

La nature est toujours présente et London comme d’habitude excelle à en révéler la puissance et la cruauté mais aussi l’éblouissement que procure les grandes étendues givrées, le silence, la pureté de la neige comme une poussière de diamant qui palpitait et dansait sous nos yeux , l’étrange proximité des étoiles dans le ciel, l’air tout entier qui brillait et qui scintillait.
Et puis comme d’habitude dans ses livres de froid et de neige, ce récit d’aventures rapporté par un grand conteur est aussi celui de l’aventure intérieure, d’un cheminement personnel qui transforme l’individu et révèle en lui le pire ou le meilleur.

LC pour le challenge Jack London


samedi 30 mai 2020

Jack London : Deuxième bilan du Challenge



Deuxième bilan du challenge Jack London avec vos participations. Merci  à toutes !

Je rappelle en quoi consiste ce challenge  :  Il s'agit de découvrir et de commenter des romans, des nouvelles et des essais de Jack London. On peut aussi lire des BD, voir des films qui sont des adaptations de ses oeuvres, et s'intéresser à sa biographie.
 
On peut s'inscrire à tout moment à ce challenge qui durera un an, il suffit d'avoir envie de lire au moins UN livre de l'écrivain et pour les passionnés autant que vous le désirez. Je propose des Lectures Communes chaque mois que vous êtes libre de rejoindre ou pas car vous pouvoir choisir les oeuvres que vous préférez et les dates de publication.

  La seule contrainte est de venir mettre un lien dans mon blog pour que je puisse noter les oeuvres lues et venir vous lire. (Pour trouver la page ou déposer les liens, cliquez sur la vignette du challenge Jack London dans la colonne de droite de mon blog).

 Logos au choix à utiliser






Les lectures communes

 Je vous invite à des LC  pour le challenge Jack London

Je serai au mois de Juillet et d'août en Lozère sans internet donc je repousse les  dates possibles de publication au mois de septembre, les lectures pouvant avoir lieu en juillet et août.


Jack London dont nous découvrons la diversité des thèmes est souvent plein de contradictions. Il peut-être raciste, persuadé de la supériorité de la "race anglo-saxonne"sur les autres, et dénoncer le colonialisme féroce des blancs. En tant que socialiste il défend les exploités, les misérables, mais il cultive l'image de l'homme fort qui survit aux faibles selon les théories de Spencer.
A propos de L'appel de la forêt ICI  Nathalie dénonce ce qu'elle pense être la misogynie de London. Pour découvrir la femme vue par l'écrivain (lui qui a milité pour le vote des femmes dès le début du XX siècle) je vous propose de lire deux livres sur ce thème : L'aventureuse et La petite dame de la grande maison.

Ensuite pour changer un peu : un livre sur la mer / Un livre sur la neige

Pour le 20 Juin  : L'aventureuse  et /ou une femme de cran

Les lectures de l'été : rendez-vous au mois de Septembre

Pour le 4 Septembre : La petite dame de la grande maison

Pour le 18 Septembre : Contes des mers du sud

Pour le 30 septembre : Le fils du loup et autres nouvelles

Les participants au challenge



Aifelle   Le goût des livres   

 

  

 

 

 

   

Claudialucia : Ma librairie

 
 








Electra La plume d'Electra




Martin Eden




Ingammic Book'ing


Martin Eden


Kathel : Lettres express




Contruire un feu London/Chabouté

La peste écarlate



Lilly et ses livres :

La peste écarlate

Le vagabond des étoiles

Le peuple d'en bas ou le peuple de l'abîme

Le vagabond des rails




Maggie Mille et un classiques







Marylin Lire et merveilles

Le vagabond des étoiles

Adaptation BD Riff Reb  du Vagabond des étoiles





Miriam Carnet de voyages et notes de lectures

Une fille des neiges 

La peste écarlate

Martin Eden 

Le peuple de l'abîme

Le vagabond des étoiles


Construire un feu

L'amour de la vie

Le talon de fer