Pages

mercredi 30 novembre 2011

Les Romantiques français : des pistes de lecture (1)

Girodet : Atala de Chateaubriand


Quelques suggestions de lecture en ce qui concerne la littérature française. La liste n'est pas exhaustive et si vous voulez  la compléter dans les commentaires, vos conseils seront les bienvenus. N'oubliez par cependant de consulter la liste N2 toujours sur la littérature française que je suis obligée de publier à part à cause du chargement des dossiers. La semaine prochaine je publierai une liste sur la littérature anglaise, allemande, russe ...

 Le  début du romantisme  (1800-1815)

Le romantisme a été longuement préparé au XVIII°siècle par des écrivains comme Jean-Jacques Rousseau (La Nouvelle Héloïse 1761) ou Bernardin de Saint-Pierre (Paul et Virginie 1788).  Mais c'est madame de Stael et François-René de Chateaubriand qui sont les initiateurs du Romantisme en France. Après la Révolution, avec ses espoirs et ses violences, après les changements inéluctables de l'ancien monde,  apparaît ce sentiment d'insatisfaction métaphysique, composante fondamentale de l'âme romantique, source de mélancolie, du recours au rêve. Germaine de Stael avec De la Littérature (1800) et De l'Allemagne (1810), Chateaubriand avec le Génie du Christianisme (1802) sont les fondateurs du mouvement  et incarneront le début du  Romantisme.


Lectures possibles :
Les romans épistolaires et féministes de madame de Stael : Corinne et l'Italie (en partie autobiographique), Delphine.
Chateaubriand : Atala, René, Mémoires d'Outre-Tombe (le premier où il raconte son enfance et son adolescence  est très agréable à lire.)
                                               
Le romantisme 

 La bataille d'Hernani

La Restauration (1814) et la chute de l'Empire (1815) aggravent "le mal du siècle" et l'insatisfaction  profonde d'une jeunesse qui se voit privée à la fois de ses rêves de gloire liés à l'Empire et des libertés. Aussi la poésie lyrique de Lamartine avec les Méditations en 1820 correspondant à cette sensibilité romantique vont remporter un vif succès. Mais c'est dans le domaine du théâtre que la lutte contre le classicisme et la liberté des règles va être le plus intense. La fameuse bataille d'Hernani, drame romantique de Victor Hugo consacre la victoire du Romantisme en 1830. C'est l'apogée du Romantisme.
On a coutume de dater le déclin du romantisme de l'échec des Burgraves, drame de Victor Hugo, en 1843, ou encore de la révolution de 1848 et du coup d'état de 1851 qui amène le Second Empire. Et certes l'évolution de la société de la seconde moitié  du siècle, la révolution industrielle, la foi dans le progrès, le culte de la science, amènent un changement des mentalités qui se marquent en littérature par les mouvements littéraires comme le réalisme ou le naturalisme. Cependant le romantisme n'est pas mort, il évolue vers ce que l'on a appelé le surnaturalisme avec Nerval, Nodier, Aloysius Bertrand... des écrivains comme George Sand, Hugo... continuent d'écrire et  l'influence du Romantisme perdurera encore très tard dans la seconde moitié du XIX siècle.
Lectures possibles
 Lamartine : poésie,  Les Méditations, Jocelyn, Graziella (si cela n'a pas trop vieilli? )

Hugo : ses poésies, son théâtre : Hernani et Ruy Blas qui sont ses deux meilleures pièces, ses romans : Notre-Dame de Paris; les Misérables, Le dernier jour d'un condamné, L'homme qui rit..


Vigny : Les destinées, La mort du Loup, théâtre : Chatterton (je l'ai aimé quand j'étais au lycée mais je ne sais pas si je résisterai à une seconde lecture?)

Dumas : ses romans historiques : Le comte de Monte-Christo, La reine Margot, Les Trois mousquetaires...


Musset : Sa poésie, Les confessions d'un enfant du siècle,  son théâtre toujours aussi vivant sur scène : On ne badine pas avec l'amour, Les caprices de Marianne, Lorenzaccio

George Sand : Indiana, Lélia, Mauprat, Consuelo et la comtesse de Rudolstadt,  Valentine, Horace, Le meunier d'Angibault, Le compagnon du tour de France etc...
 

Théophile Gautier : Histoire du Romantisme que Gautier écrit avant de mourir et qui raconte la bataille d'Hernani, Le capitiane Fracasse, le roman de la momie, Mademoiselle de Maupin

Eugène Sue : Les mystères de Paris (très agréable à lire)


Nerval : Les chimères (poésies) Les Filles du Feu dont Sylvie, Aurélia. Surtout Sylvie!



mardi 29 novembre 2011

Invitation au romantisme : Un film, un poème, un chanteur




De temps en temps, je vous inviterai à aller voir de blog en blog les billets écrits dans le cadre du challenge romantique afin d'en découvrir les richesses et trésors. Il ne s'agira pas d'un bilan mais d'un voyage  dans l'univers romantique de la blogosphère.


Eeguab: Blogart (La Comtesse)*

UN  FILM : émois, et moi


 Il y a bien des manières d'aborder le romantisme, Eeguab nous parle d'abord de cinéma, une de ses  grandes passions, en se souvenant d'un film qui a marqué son enfance. Il m'a donné envie de voir ce film mais aussi de lire le livre dotn il est adapté en admettant que l'on puisse le trouver en traduction française : Quand Claudialucia a lancé ce beau projet j'ai eu tout de suite envie d'en être. Je ne savais pas vraiment, et ne le sais toujours pas vraiment, par quel biais j'aborderais ce périple. Mais par contre ma première intervention est l'évidence même, sur le plan cinématographique. La quintessence du Romantisme éclate d'ailleurs déjà dans le titre, Marianne de ma jeunesse. Lire la suite 


UN POEME  :  L'ombre des Valois

 Le poète bien-aimé de Eeguab, son  Poète, qui partage avec lui le même amour du Valois, est Gérard de Nerval. Eeguab a écrit une poésie pour lui rendre hommage.
 
Aux étangs émergeant d'une brume à damner

Quand le cerf coléreux de nos chemins cognait

Sa fureur et ses hargnes

Sous les hêtres et le ciel

Et qu'automne en ses eaux

Tendait les bras déjà

A ta douleur, toi, Nerval mon ami...




UN CHANTEUR: L'homme en ex-île



 S'il y a un chanteur français qui me paraît digne du joli challenge initié par Claudialucia il me  semble que c'est lui. Cela n'engage que moi (phrase que j'écris souvent, très souvent, nécessaire, nécessaire). Il me faut vous dire que j'écoute peu de chanson française, sauf les piliers, bien entendu. Mais bien d'autres chansons de William Sheller, par ailleurs grand musicien et compositeur "néo-romantique", feraient l'affaire : William Sheller Guernesey. Lire la suite et écouter la chanson

Et pour terminer une devinette : Qui peut expliquer le titre du blog de Eeguab Blogart (La Comtesse)?




lundi 28 novembre 2011

Saneh Sangsuk : Venin



Avec cette nouvelle Venin je découvre Saneh Sangsuk, écrivain thailandais. Ce livre raconte l'étonnante l'histoire de" Patte folle" comme le nomment les habitants mal intentionnés de son village, petit garçon estropié, et de sa lutte avec une gigantesque cobra de quatre mètres de long. Maintenant le serpent enroulé autour de son corps à bout de bras, la main enserrant le cou du monstre, il parcourt le village à la recherche d'un secours.
Ce récit est court, très ramassé. Il est d'abord précédé d'une présentation de l'enfant et de sa famille dans le contexte d'un  village. Le petit garçon n'a plus qu'un bras à la suite d'un accident et il a développé une grande force physique dans son bras unique. Il garde les vaches de ses parents et rêve à son avenir. il sera montreur de marionnettes et possède déjà un don particulier pour animer des figurines fabriquées  avec de la paille de riz. La vie du village, ses dissensions, les croyances qui animent chacun et qui les déchirent forment une première partie rapide qui laisse place  à l'apparition du serpent monstrueux.
Et c'est là le vrai sujet de la nouvelle. La lutte de l'enfant contre le serpent racontée sobrement est d'une grande intensité. On a l'impression d'être confronté à un combat mythique, celui de  l'être humain face à une force supérieure presque divine. Le serpent n'est-il pas envoyée par la Mère des Eaux, un monstre surgit des entrailles de la terre ? C'est ainsi que l'on peut le voir même si  Saneh Sangsuk a pris soin de dénoncer  au préalable les fausses croyances des villageois dominés par un devin simulateur et fourbe.
L'art de l'écrivain pour maintenir un suspense haletant est très habile. Parfois, il  nous entraîne à la limite de l'angoisse puis il nous laisse respirer   lorsque l'enfant, qui a envie de relâcher l'étreinte de sa main (mais sait que cela lui sera fatal),  arrive à s'évader par la pensée. L'angoisse revient pourtant, lancinante car penser à autre chose affaiblit le combattant et il a besoin d'être lucide pour continuer le combat. Nous sommes ainsi maintenus en haleine, avec l'espoir que les parents ou les villageois  viendront apporter de l'aide au  petit garçon. Nous  sommes  ainsi menés jusqu'à épuisement et puis soudain, tout se dénoue avec une rapidité surprenante. Trente et une pages sont nécessaires à décrire ce combat, dix lignes suffisent pour  en donner le dénouement. On pense au procédé utilisé par Victor Hugo dans sa légende des siècles "Le lendemain Aymeri prit la ville". Mais contrairement au poème de Hugo, le récit de Saneh Sansuk n'est pas épique, tout au moins stylistiquement, il est au contraire, d'une retenue remarquable, phrases courtes et sobres, sans émotion ou pathos. Et c'est de ce style épuré que la nouvelle tire sa force.
Quand le cobra projeta son corps vers le haut à nouveau, le petit d'homme se dressa d'un bond lui aussi. Les yeux du petit d'homme se révulsèrent, sa bouche béa pleine du vacarme d'un silence assourdissant. Il était trop terrorisé pour prendre la fuite. Il était tout à son jeu. Les cris des autres petits d'hommes sonnaient comme dans un rêve. Fuis, mais Fuis donc, Patte Folle! Fuis! La furie du serpent ne fit qu'augmenter.  Il se dressa plus haut encore. Sa tête se rétracta vers l'arrière comme un grand arc tendu à l'extrême. Sa gueule s'ouvrit grande, révélant des crocs recourbés et luisants. Le vent continuait à souffler en rafales. (...) Un milan planait haut dans le ciel, lançant son cri suraigu d'affamé tandis qu'il faisait demi-tour pour regagner son aire inaccessible.. Le cri du Milan n'avait pas pris fin que le serpent frappait de toutes ses forces.


dimanche 27 novembre 2011

Un livre, un Jeu : réponse à l'énigme n° 12 Pierre Very : les disparus de Saint Agil



Je décerne le César Chiche-Capon à  : Aifelle. Eeguab, Keisha, Dominique, Maggie, Lireau jardin, Dasola, Miriam, Loup rayé ... Bravo à tous et merci pour votre participation.

Pierre Very : Les disparus de Saint-Agil
Christian-Jaque : Les disparus de Saint-Agil, acteur américain d'origine autrichienne : Eric Von Stroheim voir chez WENS

Vous avez tous vu le film (génial) mais le roman est un peu moins connu. Paru en 1935, il est en partie autobiographique puisque Pierre Véry y raconte ses souvenirs d'adolescence au pensionnat Sainte-Marie de Meaux juste avant la guerre de 1914. 
Il va sans dire, écrit-il, qu'aucun des évènements mystérieux qui constituent la trame des Disparus ne s'est jamais produite à Sainte-Marie, au grand jamais! Le directeur et les professeurs étaient tous des honnêtes gens du monde, les plus affectueux, et les plus dévoués.
Mais ce qui a réellement existé, c'est  la société secrète de Chiche-Capon qui  se composait de trois membres,  le N°22, le n°7 et le N° 95 comme dans le roman.
J'étais le n° 95, ajoute-t-il. je rêvais déjà d'écrire des romans.(...) Le n° 22 était mon ami Georges Ninaud... Ninaud était l'aspirant globe-trotter/ Le n°7 était l'aspirant-détective. Du N° 7 et de ses activités sur cette planète, je ne puis rien révéler."
Tous les trois sont arrivés à réaliser leur rêve de carrière mais un seul, l'aspirant Globe-Trotter Ninaud, est allé aux Etats-Unis - ce pays dont l'amour les unissait- et à voyager dans le vaste monde! Quand Pierre Véry l'a vu reparaître un jour, des années après, il s'exprimait en anglais avec aisance mais avait presque oublié le français qu'il parlait avec un atroce accent yankee.

Cela peut faire sourire, écrit Pierre Very a propos de cette admiration pour les Etats-Unis,  mais, en ce temps-là, aux yeux de la plupart des jeunes, l'Amérique était paré de mille et un prestiges de l'imagination sous les signe de jack London, de Curwood et n'oublions pas l'humour!- de Mark Twain et de O. Henry. L' Amérique le pays des gratte-ciel et des gangsters (Oh,  Nick Carter!...), des cow-boys et des indiens (Oh! Buffalo Bill!...), des trappeurs et des chercheurs d'or....

Dans le roman le 95 s'appelle Mathieu Sorgue. Il est le premier à disparaître. Le deuxième est le N° 22, Philippe Macroy et le troisième, le n°7, est André Baume. Mais les trois enfants sont-ils partis pour réaliser leur projet fabuleux, atteindre les Etats-Unis par n'importe quel moyen ou ont-ils été enlevés comme se le demande André Baume juste avant sa propre disparition? Et par qui? Que se passe -t-il dans ce pensionnat où ont lieu tous ces évènements étranges car aux trois disparitions va bientôt s'ajouter une mort violente. L'intrique policière et le suspense sont bien menés.

Le roman a cette saveur  et ce charme de l'adolescence quand on croit encore très fort aux rêves et que l'on cultive le secret. Les jeunes garçons se réunissent dans la salle de science en présence de Martin Squelette, ils ont des signes de ralliement comme celui de Chiche-Capon, ils se saluent avec ce mot de passe Longue vie et dollars!, prépare leur futur voyage aux Etats-Unis avec le catalogue des Armes et cycles de Saint Etienne comme beaucoup d'autres enfants l'ont fait  avec eux!

Et c'est à ces enfants que Pierre Véry dédie son livre : A l'intention de tous ceux qui, étant enfants, ont, dans tous les internats de France et du monde, fondé des "Sociétés secrètes"....
Et de tous ceux qui continuent d'en fonder, grâce à Dieu... aussi longtemps qu'il y aura des enfants!
A quel âge est destiné ce livre? Les héros ont seize ans mais, en 1914, ils paraissent par leur comportement beaucoup moins âgés.  Cela s'explique par le fait que les adolescents de Saint-Agil n'avaient pas les mêmes moyens de documentation, de communication que maintenant. A cette époque  les voyages étaient encore très rares et les moyens de transport rendaient les distances encore plus grandes que de nos jours. Bref! dans le roman ils réagissent comme des enfants de 10-12 ans. Et c'est bien à cet âge-là, à mon avis, que le livre s'adresse. Je l'avais d'ailleurs fait lire avec succès à mes élèves de sixième et cinquième. j'ai lu, d'autre part, dans un blog, qu'une petite fille de neuf ans ne voulait pas le lire car elle avait peur de Martin Squelette!




samedi 26 novembre 2011

Un livre, un Jeu : énigme n° 12



Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens ICI vous devez trouver le film et le réalisateur et un des comédiens,chez moi le livre et l'auteur.

Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs qui n'auront gagner que la gloire de participer (avouez que c'est beaucoup!) sera donnée le Dimanche.
 
Enigme n° 12

 Le livre qui  fait depuis de nombreuses années les délices des adolescents est un roman policier paru en 1935. L'histoire se déroule avant la première guerre mondiale dans un pensionnat des garçons.
 
Le numéro 95 ferma les yeux et s'appliqua à respirer fort, avec régularité. Il n'avait pu réprimer un tressaillement lorsqu'il avait perçu que la porte s'ouvrait. La lueur bleuâtre était trop faible pour que l'on pût voir tourner le bouton de porcelaine. Aussi, malgré que le numéro 95 attendît ce grincement, et peut-être justement en raison même de l'impatience avec laquelle il l'attendait, en avait-il ressenti une secousse nerveuse.
L'homme était entré, avait refermé. Le numéro 95 entendait s'élever autour  de lui les respirations de ses camarades : certains extraordinairement légères, d'autres rauques, encombrées.
L'homme circulait entre les couchettes. Toutes les cinq secondes, le numéro 95 se demandait en quel point du dortoir le personnage pouvait se trouver.

jeudi 24 novembre 2011

François-René de Chateaubriand : Mémoires d'Outre-tombe (2)


Pour la citation du jeudi continuons ensemble la lecture de ce premier volume des Mémoires d'Outre-Tombe dans lequel Chateaubriand narre son enfance. Ce passage célèbre raconte les soirées passées au château de Combourg ainsi que les nuits dans le donjon isolé où l'enfant était relégué à l'écart des autres.

Vie à Combourg-journées, soirées

Ce torrent de paroles écoulé, j’appelais la femme de chambre, et je reconduisais ma mère et ma sœur à leur appartement. Avant de me retirer, elles me faisaient regarder sous les lits, dans les cheminées, derrière les portes, visiter les escaliers, les passages et les corridors voisins. Toutes les traditions du château, voleurs et spectres, leur revenaient en mémoire. Les gens étaient persuadés qu’un certain comte de Combourg, à jambe de bois, mort depuis trois siècles, apparaissait à certaines époques, et qu’on l’avait rencontré dans le grand escalier de la tourelle ; sa jambe de bois se promenait aussi quelquefois seule avec un chat noir.
Mon donjon
La fenêtre de mon donjon s'ouvrait sur la cour intérieure ; le jour, j'avais en perspective les créneaux de la courtine opposée, où végétaient des scolopendres et croissait un prunier sauvage. Quelques martinets qui, durant l'été, s'enfonçaient en criant dans les trous des murs, étaient mes seuls compagnons. La nuit, je n'apercevais qu'un petit morceau du ciel, et quelques étoiles. Lorsque la lune brillait et qu'elle s'abaissait à l'occident, j'en étais averti par ses rayons, qui venaient à mon lit au travers des carreaux losangés de la fenêtre. Des chouettes, voletant d'une tour à l'autre, passant et repassant entre la lune et moi, dessinaient sur mes rideaux l'ombre mobile de leurs ailes. Relégué dans l'endroit le plus désert, à l'ouverture des galeries, je ne perdais pas un murmure des ténèbres. Quelquefois, le vent semblait courir à pas légers ; quelquefois, il laissait échapper des plaintes ; tout à coup, ma porte était ébranlée avec violence, les souterrains poussaient des mugissements, puis ces bruits expiraient pour recommencer encore. A quatre heures du matin, la voix du maître du château, appelant le valet de chambre à l'entrée des voûtes séculaires, se faisaient entendre comme la voix du dernier fantôme de la nuit. Cette voix remplaçait pour moi la douce harmonie au son de laquelle le père de Montaigne éveillait son fils.
L'entêtement du comte de Chateaubriand à faire coucher un enfant seul au haut d'une tour pouvait avoir quelque inconvénient ; mais il tourna à mon avantage. Cette manière violente de me traiter me laissa le courage d'un homme, sans m'ôter cette sensibilité d'imagination dont on voudrait aujourd'hui priver la jeunesse. Au lieu de me chercher à me convaincre qu'il n'y avait point de revenants, on me força de les braver. Lorsque mon père me disait d'un sourire ironique : « Monsieur le Chevalier aurait-il peur ? » il m'eût fait coucher avec un mort. Lorsque mon excellente mère me disait : « Mon enfant, tout n'arrive que par la permission de Dieu ; vous n'avez rien à craindre des mauvais esprits, tant que vous serez bon chrétien », j'étais mieux rassuré que par tous les arguments de la philosophie.