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samedi 4 octobre 2014

Budapest : La galerie nationale hongroise

Berény Robert : Femme jouant du violoncelle (1928)

Quelques images pour vous faire  partager mes coups de foudre dans la Galerie nationale hongroise installée dans le Château royal de Buda.


les salles du gothique tardif

Les salles consacrées au gothique tardif au premier étage offrent une collection de retables dont la statuaire est d'une finesse incroyable.
J'aime aussi beaucoup cette peinture qui représente La Visitation dont les personnages de Marie et d'Elizabeth sont d'une finesse et d'une grâce émouvantes et d'où émane une grande douceur: 



J'ai choisi ensuite de visiter au deuxième étage la peinture avant 1945 à la recherche peintres hongrois.


Szinyei Merse Pal  : Pique-nique en Mai (1873)

Un pique-nique très influencé par le déjeuner sur l'herbe de Manet et qui provoqua le scandale à Budapest parce que l'on y voit des femmes assises dans l'herbe avec des messieurs même si, contrairement à celles de Manet, elles sont habillées!

 Csok Istvan : Les orphelins ((1891)

Rippl-Ronai Jozsef : Femme à la cage (1892)

Ferenczy Karoly : 1906

Ferenczy Karoly

Korosfoi Kriesh Aladar : La Toussaint (1914)

Tihanyi Lajos : vue d'une rue de Nagybania (1908)

Ziffer Sandor :  paysage (1910)
Szonyi Istvan :  Funérailles à Zebegény (1928)
Szonyi Istvan : les parapluies

vendredi 3 octobre 2014

Budapest : Sur l'autre rive, côté Buda du jour à la nuit



Vue sur la ville de Pest du château royal : du jour...

Vue sur le Danube : à la nuit


Aujourd'hui visite de Buda et de son château royal : montée par le funiculaire, arrivée au moment du changement de la garde devant le palais du président. De là haut, une vue splendide sur la ville de Pest, on ne s'en lasse pas car elle change à toute heure de la journée selon les éclairages. Evidemment on retombe toujours sur les incontournables, le parlement, le pont des Chaînes, la basilique Saint Etienne et le beau Danube qui n'a été bleu que le soir sous les illuminations. Un spectacle féérique!
Le château royal abrite un très beau musée : la galerie nationale hongroise et nous avons vu l'église Saint Mathias, église médiévale où avaient lieu les couronnements et le bastion des Pêcheurs, bâti au début du XXème siècle en hommage aux pêcheurs chargés de défendre la ville au Moyen-âge, puis les petites ruelles sur la colline de Buda avec leurs maisons baroques bâties sur des vestiges médiévaux.

Le Pont des Chaînes vue de Buda


Vue de Buda sur le pont Elizabeth
L'église Saint Mathias, église des couronnements


Le Bastion des Pêcheurs

      
l'église Saint Mathias : détail des tuiles vernissées                        

Sur la colline de Buda : l'église Saint Mathias et le Bastion des Pêcheurs

Sur la colline de Buda, le Château royal

Le Parlement illuminé

Le Pont des Chaînes


Demain : quelques peintres hongrois de la Galerie nationale que j'ai particulièrement aimés

jeudi 2 octobre 2014

Budapest : Promenade au bord du Danube : Vues du Parlement

Le parlement de Budapest à Pest

Le parlement à Pest (détail)
Le parlement à Pest (détail)              


Buda , face au parlement : l'église Saint Mathias et le Bastion des pêcheurs
Le Château royal et la Galerie nationale

Le Pont des chaînes et le château royal

Le mémorial aux juifs fusillés et jetés dans le fleuve : Chaussures au bord du Danube

La statue de la Liberté sur le Mont Geller au-dessus du Pont Elizabeth

mercredi 1 octobre 2014

Agota Kristof : Hier et C'est égal




Agota Kristof, écrivain d'origine hongroise, née le 30 octobre 1935 à Csikvánd et morte le 27 juillet 2011 à Neuchâtel en Suisse où elle a émigré en 1956.  Poète, romancière et dramaturge, elle écrit la plus grande partie de son œuvre en français.



Si j'ai à définir par quelques mots les livres de Agota Kristof :  C'est égal et Hier, écrits en langue française, je dirai : cruauté et légèreté. Cruauté car je n'ai rien lu de plus triste, de plus définitif, légèreté car le style a l'air de ne pas y toucher, à la fois poétique, simple, presque élémentaire, un style qui semble effleurer seulement et pourtant fait très mal. Au départ, on est un peu surpris par cette économie de moyens jusqu'au moment où l'on sent la fêlure… qui ne cesse de s'agrandir.

Hier (1995)


  Sandor Lester, ouvrier, travaille dans une usine d'horlogerie, après avoir fui son pays. Le récit s'appuie sur la réalité triste et sans espoir de celui qui loin de ses racines travaille entre les murs gris d'une usine et qui traîne sa vie, irrémédiablement blessé par son enfance, aspirant à la mort ou tout au moins au repos.
Se dépêcher, enfiler la blouse grise, pointer en se bousculant devant l'horloge, courir vers la machine, percer le trou le plus vite possible, percer, percer, toujours le même trou dans la même pièce, dix mille fois par jour si possible, c'est de la vitesse que dépendent notre salaire, notre vie?
Agota Kristof parle de ce qu'elle connait bien puisque cela a été son sort lorsqu'elle est arrivée en Suisse. Elle parle de la misère, de l'injustice sociale, de la souffrance des déracinés, du découragement, du suicide…
Mais pour bien comprendre ce petit livre qui a une grande puissance sous une forme concentrée et sous une apparente simplicité, il faut rendre compte de l'autre aspect, poétique, onirique, absurde, symbolique, celle du tigre qui vient tirer Sandor Lester du néant, de la musique qui tue les oiseaux, du vent qui, seul, peut chasser la peur, de l'oiseau noir aux ailes blessés qui a appris à aimer sa propre mort. Et puis de Line, la femme idéale, celle qu'il attend depuis toujours, celle pour qui il deviendra un grand écrivain, lui qui toujours écrit, écrit sans cesse… Mais rien ne pourra jamais effacer les blessures du passé et de l'exil.

C'est égal (2005)


C'est égal est un recueil de nouvelles publié en 2005, à une époque ou Agota Kristof, malade, n'écrivait plus. Elle y a réuni des textes écrits depuis 1956, date de son exil en Suisse qui sont parmi les plus intimes qu'elle ait écrit sur elle-même. Pourquoi ce titre? Elle l'explique dans une interview accordée au Nouvel Observateur :  
Titre du livre ou titre de sa vie? «J'aime bien cette formule. Ça veut dire : je m'en fous. Je suis née pessimiste. Même enfant, je ne comprenais pas pourquoi les gens rigolaient. Je critiquais mes parents quand je les voyais rire.»
Dans ces écrits, il y est question de la solitude, de la mort, et d'un sentiment récurrent, la souffrance lié au déracinement, à l'éloignement.
 La maison est une des nouvelles les plus représentatives de ce sentiment.
"Quitter une maison pour une autre, c'est aussi  triste que si l'on avait tué quelqu'un."
Il y est question d'un vieil homme qui  retourne dans la maison de son enfance après l'avoir quittée à l'âge de quinze ans :
Mais en retournant vers son passé, il y rencontre le petit garçon qu'il a été et qui regarde l'avenir avec espoir :
L'avenir? dit l'homme. L'avenir, j'en viens. Il n'y a que des champs morts et boueux.
Mais l'homme honteux du chagrin qu'il inflige au petit garçon ajoute :
-Tu sais, c'est peut-être seulement parce que moi, je suis parti.
-Ah! bon, dit l'enfant rassuré. Moi, je ne partirai jamais.

Dans Les rues, le jeune homme musicien compose un hymne à sa ville qu'il a dû quitter :
le crescendo de la solitude au souvenir de ces rues abandonnées, trahies.
La révolte d'un corps qui ne peut se reposer ailleurs, la révolte des pieds qui ne peuvent marcher ailleurs, le refus des yeux qui ne veulent  voir rien d'autre.

Mon père est une des nouvelles peut-être les plus poignantes : une petite fille va à l'enterrement de son père :
Nulle part mon père ne s'est promené avec moi la main dans la main.
Un sentiment de nostalgie profonde imprègne tous ces textes, comme une meurtrissure qui ne guérira jamais. C'est ce qu'exprime l'écrivaine interrogée sur son exil en Suisse : 

«Je ne fuyais pas volontiers. Si j'avais su que je resterais toujours, je ne serais pas partie. Oui, je regrette ce choix.» La phrase tombe, comme une feuille de papier dans la corbeille de la vie. «Atroce», dit-elle encore. Mais la liberté d'expression? «Je n'étais pas mieux ici.»
Et de commenter son arrivée à Neuchâtel, où son mari put obtenir une bourse de l'université et où elle réside toujours aujourd'hui : «Au début, on avait un tout petit appartement dans un village, et je travaillais dans une fabrique d'horlogerie. C'était pire qu'en Hongrie. Je n'avais même pas le temps d'écrire. Quelques poèmes, le soir, après les enfants et le ménage.» La Suisse, son pays de douleur.

Anecdote lue dans la presse : Quant à la liberté d'expression, une enseignante,  a été arrêtée en pleine classe pour avoir fait lire Le cahier à ses élèves, un des volumes de la trilogie Les jumeaux qui a valu à Agota Kristof sa notoriété mondiale.


Et quand vous lirez ces lignes, je serai en route vers à Budapest. Au revoir!


dimanche 28 septembre 2014

Miklos Banffy : Chronique transylvaine




Miklós Bánffy est un homme politique et écrivain hongrois (1873-1950).
Issu d'une grande famille aristocratique de Transylvanie, il devient membre du parlement hongrois en 1901, puis ministre des Affaires Étrangères en 1921, après la chute de l'Empire austro-hongrois, malgré son peu de sympathie pour le régime de l'amiral Horthy. Ses efforts pour obtenir la révision des frontières issus des traités mettant fin à la première guerre mondiale ayant échoué, il quitte cependant rapidement le gouvernement.
Il rédige entre 1934 et 1940 une vaste Trilogie transylvaine qui décrit la chute du monde aristocratique hongrois, et plus particulièrement celui de sa région natale, à partir des années précédant la première guerre mondiale. (wikipédia)


Affiche de Farago Ceza (Hongaria National gallery)

 Chronique transylvaine est composé de de trois volumes aux titres révélateurs : Vos jours sont comptés, Vous étiez trop légers, Que le vent vous emporte inspirés d'une prophétie de Daniel (mise en exergue) qui prédit la chute de Babylone assiégé par Cyrus. La fin d'un monde, c'est donc le thème de cette chronique dont le récit court sur dix années de 1904 à 1914. L'action se déroule entre Budapest et la Transylvanie qui appartient alors à la Hongrie et fait partie de l'empire austro-hongrois.  Banfly fait le portrait d'une  noblesse hongroise  frivole, insouciante, égoïste, peu clairvoyante, qui dépense sa fortune dans des fêtes somptueuses, une noblesse qui ne pense qu'à s'amuser quitte à vivre au-dessus de ses moyens : bals, réceptions, chasses à courre, opéras, duels, luxe ostentatoire… il montre aussi l'impéritie des hommes politique et le marasme dans lequel ils tombent, tant ils sont incapable d'analyser une situation à l'échelle internationale, tant ils sont divisés, tellement préoccupés de faire triompher leur avis au détriment d'une analyse sérieuse de la situation, tellement soucieux de leur carrière, de leur succès, qu'ils ne voient pas le gouffre ouvert sous leurs pieds.  Il s'agit donc de la fin de la noblesse mais aussi de celle d'un empire. Après la défaite de 1918, l'empire austro-hongrois sera démantelé par le traité de Trianon en 1920. La Hongrie retrouve son indépendance mais est amputée d'une part de ses territoires, en particulier de la Transylvanie annexée à la Roumanie.

Le château de la famille Banffy au XIX siècle

Pour lire le livre, il faut d'abord accepter de se perdre un peu et j'avoue que c'est très difficile de rentrer dans cette analyse complexe qui détaille le passé et le présent du gouvernement hongrois, les différentes tendances, les enjeux politiques, mais qui montrent aussi le sort des minorités dans cette empire, en particulier des roumains de Transylvanie. Toutes les péripéties de l'histoire des Balkans nous sont racontées qui vont nous amener inexorablement vers l'apocalypse de 14-18.
Mais on s'accroche et on se passionne pour les personnages qui nous amènent dans cette aventure : le comte  Balint Abady est un jeune homme qui s'engage dans la politique avec un enthousiasme juvénile et sincère. Comme tous les jeunes gens de bonne famille il a fait ses études à Vienne.  Il se déplace désormais entre son domaine transylvain et Budapest où, élu député, il nous introduit dans la sphère politique.  Il va rencontrer  beaucoup de difficultés  quand il veut venir en aide aux paysans exploités par la bourgeoisie roumaine, notables qui s'enrichissent sur leur dos à force de malversations.
Il est amoureux de la belle Adrienne, un amour impossible car celle-ci est déjà mariée avec un homme inquiétant et menaçant, Pat Uzdy.  Le cousin de Balint,  Lazlo est orphelin de père et abandonné par sa mère et s'il est reçu par ses tantes qui occupent une haute place dans la société, il est considéré comme le parent pauvre. Occasion de découvrir toutes les nuances de hiérarchie et de préséance de cette société arrogante et futile qui jugent les gens sur leur titre et leur fortune. C'est pourquoi Laszlo va être éconduit quand on découvre l'amour qu'il voue à sa cousine Klara et réciproquement. Deux histoires d'amour contrariés dont je ne vous dis pas l'issue mais que on lit avec plaisir.
Si l'on suit ces personnages principaux tout en s'attachant à eux, il faut savoir que gravite tout autour d'eux une foule de personnages, parents, amis, épouses, maîtresses, notables, politiciens, mais aussi hommes du peuple, toutes classes sociales représentées, des personnages haut en couleur, intéressants, parfois étonnants, qui nous font pénétrer dans la vie et dans les mentalités des hongrois de cette époque.
 Et si Miklos Banffy nous entraîne dans la tragédie, solitude, suicide, folie, maladie, pauvreté, souffrances morales, il sait aussi manier l'humour comme dans le deuxième volume où certaines scènes sont dignes d'une comédie : ainsi la petite Margit qui embobine le pauvre Adam amoureux de sa soeur Adrienne et sous prétexte de le consoler le met dans la poche et se fait épouser! Ou l'épisode de la vache volée, ou encore le duel qui se prépare au nez et à la barbe du comte d'Eu venu prêcher la fin… des duels! Miklos Banffy est un bon conteur et rend son récit véritablement passionnant.

Paysage de la Transylvanie (source)

Il faut y ajouter la découverte de la Transylvanie, de ses châteaux pittoresques, de ses forêts à perte de vue, de ses réveils frais au petit matin dans la montagne, un beau sentiment de la nature que Balint partage avec nous, vision d'une cascade figée par le gel, approche de l'automne,  rencontre privilégiée d'un cerf majestueux au milieu de cette nature sauvage.  C'est garanti, après la lecture du livre, vous avez une furieuse envie d'aller visiter la Transylvanie!

Et puis il y aussi la coloration nostalgique du roman, un constat d'échec qui m'a fait penser au Guépard de Lampédusa. Miklos Banffy sait bien de quoi il parle puisqu'il pourrait être Balint Abbady. Noble, monarchiste et hongrois avant tout, il a cependant un regard attentif envers les minorités qui peuplent la Transylvanie. Il pense qu'une entente est possible à condition de faire les premiers pas dans leurs directions.  Il est libéral, modéré et surtout lucide. Il porte un regard amer sur cette société décadente qui n'a pas su prendre conscience du danger, trop avide de fêtes et de distractions et a roulé inexorablement dans le néant.

Sachez qu'il s'agit d'un gros "pavé" :  750 pour le 1er volume,  600 pour le second, et 420 pour le troisième. S'il y a eu des moments où j'ai peiné sur les explications politiques,  je dois dire que j'ai lu le livre en un temps record car il est très difficile de le lâcher. Alors, si vous avez du temps devant vous, n'hésitez pas!




Jozsef Rippl-Ronai (Hongaria National gallery)

mardi 23 septembre 2014

Sandor Marai : L'héritage d'Esther




Je pars le 1er Octobre à Budapest et j'ai commencé à lire la littérature  hongroise que je connais peu. Pour l'instant je n'ai commenté que deux livres d'écrivains hongrois dans ce blog :

Magda Szarbo : La Porte
Gitta Sereny :  Au fond des ténèbres



Sándor Márai est né le 11 avril 1900 à Kosice (Slovaquie) qui s'appelait Kassa à l'époque et était une ville hongroise. Elle  fait alors partie du Royaume de Hongrie dans l'Empire austro-hongrois. Il est mort le 22 février 1989 à San Diego aux États-Unis.

Pour le découvrir, je  vous renvoie à cet article dont je cite ici  le début :
On le dit l’égal de Stefan Zweig, Joseph Roth, Arthur Schnitzler ou Robert Musil. Longtemps, toutefois, Sándor Márai n’aura pas existé. Quoique. Dès avant les noces douteuses avec l’Allemagne nazie, il était parvenu à engranger quelques chefs-d’œuvre dont on retiendra principalement les merveilleuses "Confessions d’un bourgeois" en 1934. Tandis que suivront notamment, en 1942, "Les Braises". Précisément courageux pendant la Deuxième Guerre, il devra quitter Budapest pour masquer les origines juives de sa femme Ilona, mais ne sera pas autrement inquiété pour ses livres. Quelques années plus tard en revanche, sous un régime désormais communiste qu’il fuira en 1948, "l’ennemi de classe" sera rayé des librairies et bibliothèques.  Suite ICI

L'héritage d'Esther

Dans L'héritage d'Esther (1939) le personnage qui sent la mort approcher narre son histoire. Elle a revu Lajos, l'homme qu'elle a aimé mais qui lui a préféré sa soeur Vilma. Lajos, séducteur, charismatique, celui à qui personne ne résiste, qui tient les femmes et les hommes sous son charme, est aussi un arriviste, un escroc, qui trompe ses amis et les dépouille : "Lajos, le faussaire, le menteur incorrigible, la lie de l'humanité". L'analyse montre un Lajos toujours calculateur même dans ses sentiments amoureux, incapable de passion et de désintéressement, et explore aussi les sentiments de haine qui existait entre  Vilma et Esther. Cette dernière a toujours été lucide et avec le recul elle ne souffre plus de cet abandon même si elle a toujours refusé de se marier. Mais lorsqu'elle  vingt ans après elle revoit Lajos pour la dernière fois, elle sait que sa visite n'est pas gratuite. Et lorsqu'il lui demande de lui céder la maison familiale qui appartient à Esther maintenant que sa soeur est morte, elle va le faire. Pourquoi? Parce que nul ne résiste à Lajos? Ou parce qu'elle obéit à un "commandement plus fort que les règles du monde et de la raison", "parce qu'il existe dans la vie un ordre invisible qui veut que l'on achève ce que l'on a commencé".

L'analyse menée par Esther se fait sur plusieurs "couches" psychologiques comparables aux strates d'un sous-sol. Il y a Esther jeune fille, puis vingt ans après, mûrie et guérie, elle  revoit Lajos et enfin  elle écrit son histoire et tout est en flash-back. L'introspection qu'elle mène la renvoie dans le passé lorsque jeune fille, elle n'a pas eu le courage  de suivre Lajos qui  lui demandait dans ses lettres,  à quelques jours de son mariage avec Vilma,  de partir avec lui. Qu'elle n'ait pas eu connaissance de ces lettres dérobées par sa soeur importe peu, elle a été lâche,  elle a fui. Il y a un inachèvement de sa part qui doit donc trouver son aboutissement. De là à dire que le dépouillement consenti par Esther est un châtiment ou une auto-flagellation il n'y a qu'un pas que je franchis! Tant pis! Je me rends compte que je prends le contre-pied de tout ce qui a été dit sur ce roman et sur les motivations d'Esther car je ne vois absolument pas, dans son renoncement à la maison, à tous ses biens, l'abnégation de l'amour, la fatalité de l'amoureuse qui aime quelqu'un indigne de l'être. Pour moi, Esther a mûri, elle n'aime plus le séducteur, elle le voit tel qu'il est et c'est donc plutôt vis à vis d'elle-même qu'elle agit, vis à vis de ce qu'elle a été, parce qu'elle se sent coupable, et non pour Lajos.
C'est comme cela que j'analyse le livre et  il provoque en moi, envers les personnages, non seulement aucune empathie mais une répulsion  :  envers Lajos, cela coule de source, mais aussi envers Esther! Ce qu'elle nomme son "devoir" au début du livre me paraît de l'orgueil, de la complaisance envers elle-même murée dans le deuil de son amour. Elle en est d'ailleurs consciente sinon pourquoi dirait-elle : "j'accomplis mon devoir"- quelle violence! quelle théâtralité dans l'expression." ? J'ai lu que ce roman était une belle histoire d'amour, je n'y vois que l'affrontement de deux consciences, l'un égoïste, menteur, escroc minable, l'autre pétrie d'orgueil qui répare sa faute "originelle".

Sandor Marai se révèle donc un fin connaisseur de l'âme humaine et a l'art de ramener au grand jour les sédiments enfouies au plus profond de l'être. Il met au jour les choses cachées. C'est certainement un maître dans cet art; un grand écrivain de la complexité de la conscience mais le roman ne m'a pas touchée. Je n'arrive pas à comprendre ces personnages; ils ont une mentalité tellement rigide, un tel manque de sincérité, de spontanéité que je n'ai aucune empathie envers eux ni envers cette société moribonde dans laquelle ils évoluent. Je peux donc admirer l'art du romancier mais je n'aime pas ce qu'il me raconte!

dimanche 21 septembre 2014

Mon dimanche du patrimoine à Avignon


Ce dimanche, pour la journée du patrimoine, non seulement le théâtre ouvre ses portes mais une vente de costumes d'opéra est organisée ... De quoi faire rêver!









Sous l'oeil passablement ennuyé de Molière!


A l'origine c'est l'exposition contemporaine de la fondation Lambert, installée dans l'ancienne prison que je voulais voir :  je n'ai pas eu le courage de faire la queue!



Mais la petite chapelle baroque des Pénitents Noirs que j'aime bien jouxte la prison.


La confrérie des Pénitents Noirs de la Miséricorde avait pour mission de secourir les prisonniers et d'assister les condamnés. La façade dessinée par Thomas Lainé et exécutée par Jean-Baptiste Franque au début du XVIII siècle offre des ordres superposés corinthien au rez-de chaussée et toscan au premier étage. La "gloire" formée de nuages transpercés par les rayons de soleil avec les têtes de Putti  est très à la mode à cette époque.
 L'intérieur abonde d'oeuvres de grands peintres du XVII et XVIII siècles, entre autres Pierre et Nicolas Mignard et Pierre Parocell.


Intérieur de la chapelle

L'Assomption de Nicolas Mignard (1663)

Plafond décoré par Laisne Pierre Courtois : Apothéose de St Jean Baptiste( 1739)

Plus tard, petite visite  au palais du Roure, musée ethnographique de la ville, ancienne demeure de la famille Baroncelli.



Puis de l'église Saint Agricol...