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dimanche 18 octobre 2015

Dostoievski /Visconti : Les nuits blanches ET Le peintre Vassili Sourikov



Les nuits blanches de Dostoievski est une longue nouvelle qui se déroule à Saint Pétersbourg pendant quatre nuits et une matinée, dans une atmosphère que la lumière des nuits blanches rend irréelle. Un jeune homme solitaire se promène dans les rues et sur les ponts de la ville quand il rencontre une jeune fille en pleurs.  Celle-ci lui raconte qu'elle est désespérée parce que son fiancé ne vient pas au rendez-vous que tous deux s'étaient fixés un an auparavant. Le jeune homme accompagne la jeune fille pendant ces quatre nuits et en tombe amoureux ; mais celle-ci oubliera-t-elle celui qu'elle aime?

 La nouvelle commence comme un conte et l'on peut penser que ces rencontres sous une lumière  magique se termineront romantiquement. Or, Dostoievski est tout sauf romantique : C’est un nuit de conte, ami lecteur, une de ces nuits qui ne peuvent survenir que dans notre jeunesse. Le ciel était si étoilé, le ciel était si clair que lorsque vous leviez les yeux sur lui, vous ne pouviez, sans même le vouloir, que vous demander : est-il possible que sous un ciel pareil, vivent toutes sortes de gens méchants et capricieux? Cela aussi c’est une question bien jeune, ami lecteur, mais puisse Dieu vous l’inspirer le plus souvent possible.

Cette histoire est, en effet,  celle de la désillusion et de la solitude. Elle est racontée par un narrateur âgé qui s'étonne de la jeunesse et de la naïveté de ces personnages. Et c'est évident pour lui, ils apprendront bien vite que la vie n'est pas ce qu'ils croient et que le mal existe! Comme Dostoievski lui même l'apprendra auprès des bagnards quand il sera déporté en Sibérie en 1849.
La jeune fille, Nastenka,  innocente, naïve, qui vit seule avec sa grand mère aveugle, ne connaît pas le monde. Elle rêve qu'elle se marie avec l'Empereur de Chine car le rêve est sa seule liberté. Lorsqu'elle tombe amoureuse, c'est du seul homme qu'elle a rencontré, le locataire de sa grand mère.  Elle s'est fiancée avec lui en secret et espère qu'il reviendra la chercher dans un an comme il l'a promis. On peut dire que cet homme est le seul moyen pour elle d'échapper à un univers borné qui ressemble bien à une prison. Mais est-elle victime d'une illusion? En tout cas même si elle naïve, elle sait bien jouer la coquette et sa conduite envers le jeune homme montre que les femmes ne sont qu'inconstance et cruauté.
Quant au jeune homme si solitaire, si timide, enfermé dans ses rêves, il ne peut participer au monde extérieur et ne peut vivre que d'illusions. Il parle bien -  évidemment l'écrivain lui prête sa voix - et c'est "un conteur magnifique" comme le lui dit la jeune fille. Il se berce de mots et de beaux sentiments. J'avoue qu'il m'a profondément agacée avec ses larmoiements sur lui-même même si ceux-ci sont incontestablement littéraires c'est à dire bien écrits!. La solitude dont il désespère, il ne cesse pourtant de la cultiver, il s'en pare, il s'en vante même avec une sorte  de souffrance orgueilleuse. Et finalement il en est fier! C'est une Emma Bovary masculin et russe et Dostoïevski est encore plus méchant que Flaubert envers son personnage! On ne peut donc le plaindre quand il se retrouve seul. Il est surtout victime de lui-même, de son incapacité à vivre sa vie et de son orgueil. Finalement loin de nous attendrir, le personnage nous amène à réfléchir sur nous-mêmes et à nous interroger sur le sens que nous voulons donner à notre vie.

La préface de Michel de Castillo

Je me suis interrogée au cours de cette lecture, sur la gêne et l'irritation que j'ai ressenties en découvrant ce personnage masculin. Et c'est Michel del Castillo qui m'a donné la meilleure des réponses. Je le cite.
La tristesse du livre, sa noirceur tiennent d'abord à cette parodie de la grandeur d'âme et de la pure passion. Tel un acide, l'ironie corrode les phrases sonores dont le jeune dostoïevski a longtemps fait son miel. La partition retentit de stridences qui écorchent les oreilles. Avec une délectation ricanante, Dostoievsky emplie les lieux communs, multiplie les références et les clins d'oeil, déchaîne les cordes des envolées pathétiques. Ce faux roman d'amour, ce faux romantisme... ce reptile déguisé en rêveur, cette ville elle-même, artificielle, illusoire, monstrueuse, cachant ses pustules derrière ses marbres et ses palais, jusqu'à ces nuits qui ne sont ni des jours ni des nuits, mais des cauchemars blafards, tout est marqué sous le sceau de l'inauthenticité.

C'est ce que signifie ces avertissements donnés à Nastenka par le jeune homme :

"Il existe à Saint Pétersbourg des recoins assez étranges. Ces recoins, ils ne semblent pas visités même par le soleil... Dans ces recoins ma chère Nastenka, semble survivre une tout autre vie, très différente de celle qui bouillonne autour de nous... Et cette vie est un mélange d'on ne sait quoi de purement fantastique, de violemment idéal avec quelque chose d'autre.. de morne, de prosaïque, d'ordinaire, pour ne pas dire : d'invraisemblablement vulgaire.."

Et s'il y a ironie, on peut dire qu'elle est féroce lorsque dans le dénouement le jeune homme s'exclame :  "Mon Dieu! une seule minute de béatitude! N'est-ce pas assez pour toute une vie d'homme?"

Le peintre Sourikov et la Boyarina Morozova

La première de couverture de la collection Babel Actes Suds offre un très joli portrait, détail d'une grand tableau historique de Vassili Ivanovitch Sourikov que j'ai vu à Moscou dans la galerie Tetriakov.

Moscou La galerie Tetriakov : musée de peinture russe
La galerie Tetriakov

Vassili Ivanovitch Sourikov; la Boyarina  Morozova (1887) (cliquez sur les images)

Le tableau montre la boyarina chargée de chaînes amenée dans la citadelle où elle mourra. C'est un moment de l'Histoire religieuse russe. Le patriarche de Moscou Nikon pour uniformiser toutes les églises orthodoxes de Russie et de Grèce avait  réformé la liturgie en 1666-1667.  Une réforme qui provoqua un schisme (Raskol) entre les "vieux-croyants" ( les starovères)  et les autres. Conduite en prison la boyarina qui se tient du côté des schismatiques fait un signe d'opposition : elle lève deux doigts en l'air pour montrer que c'est ainsi que les "vieux croyants" continueront à se signer et non avec trois doigts pour symboliser la Trinité comme le préconisait le patriarche. A partir de 1685, les "vieux-Croyants" furent persécutés, des dizaines de milliers de d'entre eux furent exécutés, condamnés au bûcher ou emprisonnés à vie. La persécution dura jusqu'en 1905 date à laquelle Nicolas II signa une loi garantissant la liberté de la religion..

C'est dans la foule des "Vieux-croyants" que l'on retrouve la jeune fille de la première de couverture de Les nuits blanches. On peut voir, d'après ce tableau, que les vieux croyants se recrutent dans toutes les classes de la société, mendiants, femmes et hommes du peuple, riches et nobles.

Moscou  : Galerie Tretiakov :  Vassili Ivanovitch Sourikov; Boyarina  Morozova (détail)
Galerie Tretiakov :  Vassili Ivanovitch Sourikov; Boyarina  Morozova (détail)

Si on la regarde de plus près, on perçoit sa tristesse lorsqu'elle regarde la boyarina, ce qui ne laisse aucun doute sur son appartenance au groupe des "vieux-croyants".

Moscou Galerie Tretiakov :  Vassili Ivanovitch Sourikov; Boyarina  Morozova (détail)
Galerie Tretiakov :  Vassili Ivanovitch Sourikov Boyarina  Morozova (détail)

Mais dans la foule, à gauche, certains ricanent. A voir ces visages caricaturaux, on ne doute pas un instant de quel côté le peintre balance!

Galerie Tretiakov :  Vassili Ivanovitch Sourikov; Boyarina  Morozova (détail)

Vassili Ivanovitch Sourikov

Galerie tretiakov Moscou Vassili Sourikov : Autoportrait
Vassili Sourikov : Autoportrait

Le peintre Vassili Sourikov est né en 1848. Il a appartenu au mouvement  réaliste et au groupe des peintres ambulants (ou itinérants) qui apparut en Russie à partir de 1863 pour réagir contre les méthodes et l'enseignement de l'Académie des Beaux-Arts de Saint Pétersbourg. Parmi eux pour neciter que le plus célèbre : Répin.  Ils privilégient une peinture de caractère historique et social et ont des idéaux libertaires, démocratiques..

Autres oeuvres de Vassili Sourikov à la galerie Tétriakov de Moscou 
 et au musée russe de Saint Pétersbourg


Moscou Galerie Tétriakov Vassili Sourikov Le matin de l'exécution des Streltsy (1881)
Galerie Tétriakov Le matin de l'exécution des Stretsly (1881)
La scène se passe sur la place Rouge, devant l'église de Basile-Le-Bienheureux. On voit les murailles du Kremlin, symboles du pouvoir autocrate. Les  Streltsy, ce sont les boyards moscovites, qui se sont rebellés contre le pouvoir du Tsar Pierre 1er, profitant de son séjour en Europe. Revenu à Moscou, Pierre le Grand a une réponse terrible. Des milliers de conjurés sont exécutés et le tsar transfère sa capitale dans la ville qui fait bâtir au bord de la Néva : Saint Pétersbourg. Le tsar, à droite, monté sur son cheval, regarde la scène.

Moscou : Vassili Invanovitch Sourikov Le matin de l'exécution des Stresly (1881) détail
Galerie Tétriakov Le matin de l'exécution des Streltsy (1881) détail


La conquête de la Sibérie par Yermak par Vassili Sourikov  Les Russes (à gauche) fusillent sans pitié avec leurs armes à feu attaquent leurs ennemis qui se défendent avec des arcs et des flèches. 
La conquête de la Sibérie par Yermak. Huile sur toile par Vassili Sourikov (1895). Musée russe (Saint Petersbourg)

Vassili Sourikov : La prise de la forteresse de neige Musée russe Saint Pétersbourg
Vassili Sourikov : La prise de la forteresse de neige Musée russe Saint Pétersbourg
Toujours une grande compostition mais cette fois-ci pour montrer la gaieté du peuple russe au cours d'une amusante bataille dans la neige .
Saint Pétersbourg Musée russe Sourikov : La prise de la forteresse de neige
Vassili Sourikov : La prise de la forteresse de neige Musée russe Saint Pétersbourg(détail)

Musée russe Le monument à Pierre le grand sur la place du Sénat à Saint Pétersbourg le fameux cavalier de bronze statue de Falconet.
Le monument à Pierre le grand sur la place du Sénat à Saint Pétersbourg

Saint pétersbourg Musée russe  Vassili Sourikov : le vieux soldat
Musée russe  Vassili Sourikov : le vieux soldat

Moscou Vassili Sourikov : portrait de sa fille Olga
Galerie Trétiakov  Vassili Sourikov : portrait de sa fille Olga

Luchino Visconti

Luchino Visconti
Luchino Visconti de Modrone est le fils du duc Giuseppe Visconti de Modrone. La famille Visconti régna sur Milan jusqu’au XVème siècle et appartient donc à la grande aristocratie italienne proche de la famille royale. Elle possède un palais à Milan, une villa renaissance sur le bord du Lac de Côme et un château à Plaisance. Il est réalisateur de cinéma, metteur en scène de théâtre et écrivain;

Passionné de chevaux (il s’occupait d’une écurie de sa propriété et était champion d’équitation), il l’est aussi d’opéra et de musique et rencontre les plus grands musiciens de l’époque dans le salon de sa mère (Puccini, Toscanini); la famille a une loge particulière à la Scala. Il était lui-même violoncelliste.  Ce qui explique l’importance de la musique dans son oeuvre cinématographique. De plus, dans leur propriété au bord du lac de Côme, la villa Erba, son père aimait monter des pièces de théâtre. Les enfants Visconti interprétaient de nombreux personnages.  Le rôle préféré de Luchino était Hamlet (modestement!) et avant d'être attiré par le cinéma, il se passionnait pour le théâtre.

Il débuta sa carrière en 1936 comme assistant de Jean Renoir avec les Bas-fonds et Partie de campagne. On peut dire qu'il a été à bonne école! C'est en France, avec Renoir, que Luchino clarifie ses idées au sujet du fascisme et de Mussolini et adhère totalement aux idées esthétiques mais aussi politiques du Front Populaire. C'est parmi les intellectuels parisiens et dans ce contexte de liberté qu'il affirme et accepte entièrement son homosexualité.
Son premier film est Ossessione en 1942 (Les amants diaboliques) d’après le roman Mc Caine : Le facteur sonne toujours deux fois.

Le Notti Bianche :  Les nuits blanches

Les nuits blanches: Maria Schell et Marcello Mastroïani

Les nuits blanches (1957) est une adaptation du roman de Dostoievski. Visconti déplace l’action de Saint Pétersbourg à Livourne, dans le quartier Venezia, dont il reconstitue un quartier en studio à Cinecitta.
Pourquoi Livourne? Par ses canaux et ses ponts, la ville est censée rappeler Saint Pétersbourg.
Pourquoi en studio? Parce qu’il permet à Visconti de réaliser son projet de réunir théâtre et cinéma. Le brouillard est rendu par des voiles de tulle comme au théâtre. Les jeux d’ombre et de lumière doivent paraître artificiels et faux, offrant ainsi un décor onirique au récit qui est filmé en noir et blanc. Ceci n’empêche pas le réalisme. De même que Dostievski situait le récit de Les nuits blanches dans un quartier populaire et  pauvre, de même le quartier ou vivent les personnages de Visconti est lépreux, mal famé et les habitants modestes mais.. d'une manière très esthétique. Le récit est fidèle à l’histoire mais ni au sens ni à la psychologie des personnages du roman. 
Marcello Mastroiani (Mario) est un jeune homme, trop beau, trop sûr de lui, prompt à prendre mouche et en aucun cas il n'est le rêveur déconnecté du monde, cultivant sa différence, s’enivrant de mots et de sentiments faux, et s’apitoyant sur lui-même dans une pose affectée. Au contraire, il paraît très prosaïque. En fait, il s’efface même, par moments, devant le personnage féminin, Natalia, incarnée par Marie Schell qui prend plus d’importance que lui, à la différence du roman. Il faut dire que Maria Schell était alors au sommet de sa gloire et est particulièrement mise en valeur.  Son interprétation  exacerbe le romantisme de l’histoire.
On peut dire, donc que Visconti n’a été fidèle à l’écrivain que par la forme mais non par le fond.










Le livre : Les nuits blanches de Fédor Dostoïevski
Le film : Nuits blanches de Luchino Visconti
Bravo à Aifelle, Dasola, Eeeguab, Kathel, Keisha, Thérèse, Valentine, 
Merci à tous pour votre participation.

samedi 17 octobre 2015

Enigme du samedi : Un livre/un film


Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Rendez vous dans quinze jours pour le premier samedi du mois : le  7 Novembre

Enigme 116

Le titre du livre que vous devez trouver précise que l’action ne se déroule que la nuit. Il s’agit d’une longue nouvelle parue en 1848, écrite par un écrivain russe célèbre, et s’il s’agit d’une histoire d’amour, celle-ci apparaît comme bien pessimiste. Il ne faut donc pas se fier à l’aspect conte de fée de ce livre.

C’est un nuit de conte, ami lecteur, une de ces nuits qui ne peuvent survenir que dans notre jeunesse. Le ciel était si étoilé, me ciel était si clair que lorsque vous leviez les yeux sur lui, vous ne pouviez, sans même le vouloir, que vous demander : est-il possible que sous un ciel pareil, vivent toutes sortes de gens méchants et capricieux? Cela aussi c’est une question bien jeune, ami lecteur, mais puisse Dieu vous l’inspirer le plus souvent possible.

vendredi 16 octobre 2015

Carole Martinez : La terre qui penche


Je n’ai pas lu Le domaine des Murmures mais c’est dans ce lieu, deux siècles après, que nous ramène Carole Martinez dans La Terre qui penche.
Nous sommes en 1361 le fantôme de Blanche revit son enfance à travers la fillette qu’elle a été. Un dialogue à deux voix, celle de la vieille âme et de la petite fille, va s’instaurer et nous raconter une histoire qui se déroule dans un moyen-âge cruel où la peste fait des ravages, où les ogres sont bien réels et se repaissent des petites filles, où les hommes ne pensent qu’à la guerre et rivalisent de cruauté tout en lorgnant la terre du voisin. Les femmes sont des proies sexuelles ou des marchandises et surtout les petites filles qui ne sont pas aimées par leur père. C’est le cas de Blanche, orpheline de mère, que le père donne en mariage à l’héritier du château des Murmures, un garçon simple d’esprit. Pourtant contre tout attente c’est aux Murmures que Blanche va découvrir le  bonheur, en apprenant à lire et à écrire et en aimant le jeune garçon à qui elle est destinée. Là, elle va aussi découvrir le passé de son père et celui de sa mère qu’elle n’a pas eu le temps de connaître.

Gustave Courbet La vallée de la Loue par temps d'orage où se situer l'action des deux romans de Carole martinez : le domaine des murmures et a terre qui penche
Gustave Courbet La vallée de la Loue par temps d'orage

Le roman qui se déroule dans la vallée de la Loue (la terre qui penche) de Carole Martinez mêle le fantastique et la réalité. La mort y est omniprésente avec ces grappes de pendus qui sont le quotidien de Blanche et ornent les arbres des domaines aux abords des châteaux. Les fantômes y côtoient les vivants, les personnages magiques y ont droit de cité et la nature personnifiée - comme la rivière La Loue sous les traits d’une fée-déesse- y tient un rôle primordial. Le style de Carole Martinez, sensuel, envoûtant, contribue à nous faire pénétrer dans un monde de légendes et de superstitions, de contes cruels où vivent des créatures monstrueuses, comme Bouc, à la fois homme et cheval dressé à tuer. Et pourtant malgré le mal qui rôde, la dureté de la vie et des rapports humains, Carole Martinez dresse des portraits de personnages qui illuminent la noirceur du quotidien et sont des raisons d’espérer : Blanche, la petite Chardon, la petite Minute, comme la surnomme sa nourrice, qui lutte de toute la force de  sa volonté plus grande que sa taille minuscule, Blanche que l’accès au savoir va rendre plus forte, Blanche dont l’imagination transcende le récit et lui donne sa coloration, avec « l’échine verte » de la rivière, le rouge des robes des petites filles fantômes, la couleur terre du cheval, le sable des loups aux crocs bleus brodés sur son surcot; Aymon, le simple d’esprit, qui a un aspect lumineux et une beauté d’ange, ou Eloi, l’apprenti charpentier, serf affranchi, qui ne s’humilie devant personne. Et puis il y a Haute Pierre, le seigneur des Murmures qui incarne magnifiquement l’amour paternel dans sa sollicitude pour Aymon, son fils malade.
Un livre étrange, poétique, bercé par la musique des chansons populaires médiévales ou non qui rythment la prose incantatoire de Carole Martinez.

mercredi 14 octobre 2015

Guillaume Apollinaire : Le chat


Auguste Renoir

Ce poème, l'image du bonheur?

Le chat


Je souhaite dans ma maison
Une femme ayant sa raison
Un chat passant parmi les livres
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre

Le bestiaire ou Cortège d'Orphée


Pour moi, il manquerait un enfant ...



Otto Van Veen : le peintre et sa famille (détail)

 

mardi 13 octobre 2015

Jean-Michel Delacomptée : Adieu Montaigne

Adieu Montaigne?

 Encore un livre sur Montaigne, me direz-vous! Et oui, en ce moment les essais sur les Essais fleurissent. C’est d’ailleurs de ce constat que part Jean-Michel Delacomptée dans Adieu Montaigne : « Notre époque déserte les livres mais se prend de passion pour Montaigne ». Mais il aboutit à ce paradoxe : « Cassandre malgré moi, me reprochant ce que je redoute, j’entends un chant du cygne dans cet enthousiasme ».
Ainsi Montaigne brillerait au firmament mais pour jeter ses derniers feux et les époques futures ne le connaîtraient plus!
La thèse est la suivante : notre société infatuée par ses réussites scientifiques ne regarde que vers le futur et cesse de se nourrir de culture, elle oublie de regarder en arrière « et ce faisant elle perd la mémoire » et ne saura plus « d’où elle vient ». Notre modernité nous amènerait vers un monde sans Montaigne, où l’on ne cultive que les chiffres et où nous manquerait un « supplément d’âme ».  Ainsi  la jeunesse lit de moins en moins et dans les lycées, on n’étudie plus Montaigne ou seulement très fragmentairement au cours d’une étude thématique. La jeunesse n’est donc pas amenée à le connaître et « se voit privée d’un aïeul bienveillant, plus proche d’elle que bien des parents ». Commence alors une critique de l'école un peu gratuite sur la manière dont les textes sont analysés, décortiqués dans les établissements scolaires au nom du pragmatisme. Là, je ne suis plus d’accord avec l’auteur! Je ne vois pas pourquoi chercher à comprendre un texte, à l’appréhender de toutes les manières même rationnelles, exclurait l’émotion à partir du moment où il permet la compréhension. Et d’ailleurs ce n’est pas le sujet, puisque le problème n’est pas comment on étudie Montaigne mais plutôt pourquoi on ne l’étudie plus!

Dire adieu à Montaigne serait troquer l’humanisme qui s’attache à son nom contre un futur strictement prosaïque où l’homme ne serait plus l’homme, mais un matériau livré aux apprentis sorciers de la science sans conscience et des technologies en expansion infinie, où l’humanité, enclose dans sa bulle étanche, se penserait maîtresse de l’univers, sans limites à sa toute puissance ».

 C’est vrai mais je ne suis pas entièrement convaincue (ou je n’ai pas envie de l’être!) par cette thèse pessimiste car je pense que, à toutes les périodes de grande mutation, l’on a dû éprouver ces sentiments d’abandon, de fin d’un monde, de nostalgie et puis, finalement, la culture survit et avec elle la conscience humaine, et la lecture, la fréquentation des grands écrivains et philosophes aussi, car c’est un bien indispensable à l’humanité pour survivre. Je crois que Montaigne a éprouvé le même effroi que nous devant la monstruosité de son époque. D’ailleurs, il n’y a pas plus grand pessimiste que lui, qui affirme à propos des Essais : « j’écris mon livre à peu d’hommes et à peu d’années»! C’est à dire juste pour le monde entier et pour quelques siècles! Alors pourquoi pas encore très longtemps!

Heureusement, s’il tire la sonnette d’alarme, Jean-Michel Delacomptée n’est pas fataliste. La lecture des Essais est facile, dit-il, pour peu que l’on adopte une orthographe moderne, avec quelques notes pour expliquer le vocabulaire, mais en conservant le style qui transmet « une énergie vitale ». Et ceci d’autant plus que l’on n’est pas obligé de lire Montaigne intégralement. Il faut « baguenauder », sauter des passages s’ils sont trop broussailleux, « pilloter » de çà de là les fleurs comme le font les abeilles puis « en faire après le miel qui est tout un; ce n’est ni thym, ni marjolaine… ».

Montaigne  guide et ami


J’aime beaucoup d’ailleurs la manière dont JM Delacomptée décrit les Essais« Son livre a l’hospitalité d’un aubergiste qui vous servirait les repas sans chichis, à la bonne franquette, d’autant que lui-même était un fameux gourmand, dédaignant les cuillers et fourchettes, piochant avec les doigts dans les plats, la bouche pleine, d’où sa prédilection pour les serviettes blanches à l’allemande, dont il regrettait qu’on ne les change pas à chaque service, comme les assiettes. »

L’auteur nous parle de l’amitié de Montaigne avec La Boétie, du jugement que Montaigne portait sur les femmes et sur la famille, de la révérence et de l’affection qu’il éprouvait pour son père, de la loyauté et de l’honneur, de se vouloir libre, de la nature, tous les thèmes chers à Montaigne et il y a toujours des choses nouvelles à découvrir tant le personnage est riche et ses Essais jamais explorés entièrement si l’on n’est pas spécialiste.

Mais ce qui m’a paru le plus intéressant, c’est que JM Delacomptée aborde Montaigne avant tout pour chercher des réponses à ses propres questions. Ainsi il raconte comment délaissé par son amoureuse quand il était jeune homme, il a puisé dans Montaigne non une consolation à son chagrin mais une façon d’y répondre avec dignité et en respectant la liberté de la jeune fille. Il explique que Montaigne ne répond pas à une question par une affirmation catégorique car il ne se donne jamais comme un maître à penser. Il examine le problème par toutes ses coutures et présente ainsi une multiplicité de points de vue dans laquelle vous êtes libres de faire votre choix. Montaigne amoureux de la liberté, donne une méthode de réflexion et vous laisse vous débrouiller! Et c’est non sans humour que l’essayiste souligne les difficultés de cette recherche et ses propres échecs!

« Il m’a longtemps paru, à son imitation, que palper continuellement la pensée de la mort, la triturer dans tous les sens, la convoquer à la moindre occasion, m’accoutumerait à la fatalité et m’en rendrait le contact moins abrupt, façon superstitieuse peut-être de de se préserver de ses atteintes. Il suffisait d’un mal de tête inopiné, d’un bouton surgi au coin des lèvres, d’une épaule endolorie sans cause particulière, d’une vague nausée, d’une brûlure d’estomac ou de cernes bleues après un rhume, pour que ma perte fut certaine. »

Et oui, il  n’est pas facile d’être apprenti philosophe! Je me souviens quand j’étais toute jeune avoir moi-même été frappée par cette phrase de Montaigne : « Il est incertain où  la mort nous attend, attendons là partout »  en être arrivée à peu près au même résultat que JM Delacomptée c’est à dire à l’inverse de Montaigne « pour qui mourir n’est qu’un passage ».
Lire Montaigne est donc une recherche exigeante envers soi-même pour laquelle il faut considérer Montaigne comme un guide et comme un ami. Et c’est pourquoi il est tellement important de ne pas lui dire « adieu » .


Merci aux Editions Fayard et à Dialogues Croisés



jeudi 8 octobre 2015

Saint Pétersbourg de nuit : quelques images

Saint Pétersbourg : le canal Moïka de nuit reflets sur l'eau
Saint Pétersbourg : le canal Moïka
Je n'ai pas le temps d'écrire en ce moment alors je vous livre quelques images de Saint Pétersbourg de nuit. Pour commencer une image du canal Moïka sur la rive duquel je logeais. Et aussi :

Saint Pétersbourg :La perspective Nevsky de nuit
Saint Pétersbourg :La perspective Nevsky
Saint Pétersbourg Etat-Major (arche) en face du Palais d'Hiver la nuit
Saint Pétersbourg Etat-Major (arche) en face du Palais d'Hiver
Saint Pétersbourg : Le Palais d'Hiver


Saint Pétersbourg : La colonne Alexandre et Le Palais d'Hiver de nuit
La colonne Alexandre et le palais d'Hiver

Saint Pétersbourg : Le canal Griboiédov et la cathédrale  Saint Sauveur de nuit
Saint Pétersbourg : Le canal Griboiédov et Saint Sauveur

Saint Pétersbourg : La cathédrale Isaac
Et pour finir encore une image de mon cher canal Moïka vu sous un autre angle...

Saint Pétersbourg : Le canal Moïka


lundi 5 octobre 2015

Saint Pétersbourg : la maison de Pouchkine et Le nègre de Pierre le Grand

Saint Pétersbourg Alexandre Pouchkine : statue dans la cour  de l'Hôtel particulier du N°12 canal Moïka devenu le  musée Pouchkine
Alexandre Pouchkine : statue dans la cour  de la maison
Alexandre Pouchkine est considéré comme le père de la littérature russe. Il est le premier, en effet, à avoir abandonné le français qui était la langue de l'aristocratie où le russe littéraire, celui utilisé dans la liturgie, pour raconter des histoires dans la langue du peuple, le russe du quotidien; Il est le poète, le romancier, le dramaturge, qui a remis à l'honneur l'Histoire de son pays, les contes, les légendes, les chansons du peuple, leurs croyances, leurs manières de vivre, leur mentalité. Dans les écrits de Pouchkine, j'adore ces personnages du peuple : les "niania" (les nourrices), les fidèles serviteurs qui n'ont pas la langue dans la poche, à la fois superstitieux et pragmatiques et dans tous les cas savoureux!.

Pouchkine est si vénéré en Russie que la cour de l'hôtel particulier où il a loué son dernier appartement, est paraît-il couverte de fleurs chaque année à la date de sa naissance et à celle de sa mort.

 La dernière maison de l'écrivain à Saint Pétersbourg

Saint Pétersbourg :  le musée-appartement Alexandre Pouchkine
Saint Pétersbourg :  Hôtel particulier N°12 canal Moïka devenu le  musée Alexandre Pouchkine 
C'est là, au n° 12 (tout près de l'endroit où j'habitais!) que se dresse le bel hôtel particulier appartenant jadis  au prince Volkonsky. C'est là qu'Alexandre Pouchkine a loué un appartement au premier étage.
On pénètre d'abord dans la cour où se dresse sa statue.

Saint Pétersbourg :  cour du musée-appartement d'Alexandre Pouchkine, jadis hôtel appartenant au prince Volkonsky
Saint Pétersbourg :  cour du musée-appartement d'Alexandre Pouchkine 
La pièce la plus extraordinaire de l'appartement de Pouchkine est la bibliothèque qui contient 4000 ouvrages en 14 langues différentes. Il appelait ses livres "mes amis". De nombreux souvenirs sont restés dans cette pièce :  des écrits, des lettres, sa canne, son fauteuil, le gilet qu'il portait le jour où il a été tué; le petit buste d'un Ethiopien qui lui rappelait son  arrière grand père Hannibal qui était noir.

Saint Pétersbourg : musée-appartement d'Alexandre Pouchkine son fauteuil
Derrière le fauteuil, on aperçoit le canapé où on l'a transporté au moment de sa mort.

Saint Pétersbourg : musée-appartement d'Alexandre Pouchkine sa canne

 Natalia Goncharova Pouchkine

Saint Pétersbourg : portrait de  la belle  Natalia Goncharova l'épouse de Pouchkine
Saint Pétersbourg : musée-appartement d'Alexandre Pouchkine :  La belle Natalia Goncharova

Le piano de Natalia
Natalia Nicolaievna Goncharova  a épousé Alexandre Pouchkine en 1831. Ils ont quatre enfants  et vivent tous dans cet appartement avec les deux soeurs de Natalia entre 1836 et 183. Natalia est courtisée d'une manière qui suscite les commérages et la colère de Pouchkine par le baron George d'Anthès. Bien que français, celui-ci à pu entrer dans le régiment des Gardes de l'Impératrice en tant que sous-lieutenant. Il s'est fait adopter par Jacob Burchard van Heeckeren, ambassadeur des Pays-Bas à Saint Pétersbourg. Pour arrêter les médisances, d'Anthès demande la soeur aînée de Natalia, Ekaterina, en mariage et l'épouse. Il devient le beau-frère de Pouchkine mais il continue ses assiduités auprès de Natalia Goncharova.

Le salon où vivaient ses deux soeurs

Le duel

Je lis dans une note biographique (source) sur George d'Anthès que, s'il est pratiquement inconnu en Alsace, (il est né à Colmar en 1812) il est le français le plus connu de toute la Russie!
La lettre anonyme
Pouchkine reçoit alors une lettre anonyme - en français- le nommant "coadjuteur du grand Maître de l'Ordre des cocus". Est-ce une lettre écrite par d'Anthès pour se venger d'avoir été éconduit par Natalia Goncharova comme l'ont pensé certains? Mais à l'époque tous les nobles parlaient le français et auraient pu écrire cette lettre.  
Pouchkine furieux, écrit au père adoptif de d'Anthès et l'injurie. Sommé de retirer ses insultes, il refuse. Le duel, dès lors inévitable, a lieu le 8 Février 1837 à 4 kilomètres de Saint Pétersbourg. Pouchkine est atteint à l'aine; il tire à son tour et touche d'Anthès au bras. Le poète est ramené à son appartement. Une foule immense se rassemble chez lui en apprenant sa blessure, ses amis sont là, ses pairs, mais aussi les gens du peuple, tous ceux qui veulent lui témoigner un dernier hommage. Il mettra deux jours à mourir dans d'atroces souffrances. Il avait 34 ans!
 George d'Anthès est jugé mais gracié à cause de la gravité de l'insulte faite par Pouchkine à son père adoptif mais il est sommé de quitter la Russie et reconduit à la frontière.
 Et voilà! J'en ai en terminé avec le courrier du coeur mais je vous fais une confidence, moi aussi je hais d'Anthès!

Saint Pétersbourg : Maison-musée de Pouchkine pistolets de duel de l'époque de Pouchkine


George d'Anthès

Le nègre de Pierre le Grand

Hannibal, l'aïeul de Alexandre Pouchkine héros du roman inachevé de Pouchkine Le nègre de Pierre le Grand
Hannibal, l'aïeul de Alexandre Pouchkine

Et je le hais d'autant plus que, à cause de lui, Pouchkine n'a pu terminer le roman dont je vais vous parler : Le nègre de Pierre le Grand. Alexandre Pouchkine raconte l'histoire Ibrahim Hannibal son arrière-arrière-grand père, un esclave noir vendu à Pierre le Grand qui devient son parrain et le prend en amitié. Il l'envoie faire des études dans une académie militaire à Paris. Le jeune homme  rentre ensuite à Saint Pétersbourg où le tsar le reçoit à bras ouverts. Pierre le Grand décide alors de le marier à la fille d'une grande famille qui doit se plier aux désirs du tsar.
Le roman s'achève là pour notre plus grande déconvenue, au moment où l'on commence vraiment à entrer à la cour de Pierre Le Grand, foisonnante de murmures et d'intrigues et à découvrir le Saint Pétersbourg du XVIII siècle.. C'est l'époque où Pierre le Grand, pour punir les nobles moscovites coupables de s'être révoltés contre lui, les oblige à vivre à Saint Pétersbourg, à abandonner leurs vêtements traditionnels qu'il juge archaïques et à adopter des manières de penser et de vivre à l'européenne!

Entre temps, ils* avaient atteint le palais. Un grand nombre de traîneaux longs, calèches démodées et carrosses dorés étaient déjà stationnés sur l’herbe devant l’entrée. Sur les marches se hâtaient des cochers en livrée et à moustaches ; des laquais pressés et rutilants avec des plumes et portant des masses; des hussards, des pages, des heiduques maladroits, embarrassés par les pelisses et les manchons de leurs maîtres, toute une suite indispensable aux yeux des nobles de l’époque. À la vue d’Ibrahim, un murmure général s’éleva de leurs rangs : « Le nègre, le nègre, le nègre du tsar ! » Il conduisit rapidement Korsakof à travers cette foule bigarrée. Un laquais du palais ouvrit toutes grandes les portes pour eux et ils pénétrèrent dans le grand vestibule. Korsakof fut frappé de stupeur... Dans la grande salle éclairée par des chandelles de suif qui brûlaient d’une lueur blafarde dans la fumée du tabac, des hauts dignitaires, les épaules ornées de rubans bleus, des ambassadeurs, des marchands étrangers, des officiers de la Garde dans leurs uniformes verts, des constructeurs maritimes en jaquette et pantalons rayés, allaient et venaient au son ininterrompu de la musique d’instruments à vent. Les dames étaient assises le long des murs, les plus jeunes d’entre elles parées avec toutes les splendeurs de la mode. Leurs robes étincelaient d’or et d’argent ; leurs sveltes silhouettes s’élevaient de leurs monstrueuses crinolines, telles des fleurs au bout de leur tige ; des diamants scintillaient à leurs oreilles, dans leurs longues chevelures et autour de leur cou. Elles jetaient des coups d’œil à droite et à gauche en attendant leurs cavaliers et le début de la danse. Les dames plus âgées avaient fait des prodiges d’ingéniosité pour combiner la mode nouvelle au style du passé désormais interdit : leurs bonnets ressemblaient à la coiffure de zibeline de la tsarine Natalia Kirilovna et leurs robes et mantilles rappelaient dans une certaine mesure les sarafanes et les douchégréïky. Elles semblaient éprouver plus d’étonnement que de plaisir en présence de ces divertissements nouveaux et regardaient avec dépit les femmes et les filles des capitaines hollandais, avec leurs jupes empesées et leurs corsages rouges, qui tricotaient leurs bas, tout en riant et bavardant entre elles, comme si elles étaient chez elles.

*Ils = Ibrahim Hannibal et son ami Korsakof

 

 

dimanche 4 octobre 2015

Margery Sharp : Les aventures de Cluny Brown


Note de l'éditeur (Belfond)

Délicieuse comédie so british sur l’émancipation des femmes, critique espiègle de l’Angleterre des années 1930 engoncée dans son carcan moral, Les Aventures de Cluny Brown, ou quand une femme de chambre aussi délurée qu’attachante fait fi de toutes les conventions pour former un couple improbable avec un fantasque intellectuel polonais fuyant les nazis. Surprenante création d’un auteur par ailleurs connu pour sa série jeunesse Bernard et Bianca, Les Aventures de Cluny Brown font l’objet d’un véritable culte en Angleterre et ont été adaptées au cinéma par Ernst Lubitsch en 1946. Un concentré d’humour et d’impertinence à redécouvrir sans plus attendre. 

Margery Sharp auteure de Bernard et Bianca et de Les aventures de Cluny Brown
Margery Sharp
Sans le savoir, tout le monde connaît Margery Sharp. Née en 1905 en Angleterre et élevée à Malte, elle s’est éteinte le 14 mars 1991. 
Cette jeune femme de bonne famille, à l’imagination fertile, a très vite manifesté un grand amour pour l’écriture. C’est d’abord dans la littérature pour enfants qu’elle va s’illustrer en créant la série des Rescuers. Si les livres connaissent très vite un grand succès au Royaume-Uni, on connaît mieux en France l’adaptation qu’en a fait le studio Disney en 1977 sous le titre Les Aventures de Bernard et Bianca. Ce que l’on sait moins, c’est que sous ses airs d’épouse rangée, mariée à un illustre ingénieur aéronautique, Margery Sharp était une femme engagée, aux idées féministes bien trempées, digne héritière des suffragettes. Ses romans adultes, sous des apparences légères et un humour tout britannique, font la part belle aux héroïnes dynamiques, bien décidées à gravir un à un les échelons de l’ascension sociale. Le plus bel exemple est Les Aventures de Cluny Brown, livre culte outre-Manche, paru en France chez Julliard en 1946, indisponible jusqu'à sa réédition chez Belfond en Juin 2015.

Fiche résumé source


Dans l’Angleterre des années 1930, Cluny Brown a la particularité d’être laide et d’ignorer les conventions sociales. Cela ne l’empêche pas d’être sûre d’elle, au point d’être jugée impertinente. Son attitude (elle répare la plomberie d'un client de son oncle) lui vaudra un renvoi de chez son oncle, qui lui trouve une place de femme de chambre dans un immense domaine bourgeois de la campagne anglaise. Elle qui a toujours vécu à Londres, un nouveau monde s’ouvre à elle : balades en pleine nature et cueillettes de fleurs sauvages l’intéressent davantage que son travail. C’est d’ailleurs au cours de l’une de ces flâneries qu’elle fait la connaissance d’un pharmacien qui s’éprend rapidement d’elle. Mais les apparences sont trompeuses, Cluny Brown n’est pas aussi naïve qu’elle le laisse paraître, et la fin du roman pourrait bien vous surprendre. Voilà une femme qui sait ce qu’elle veut et qui fait fi de toutes les remarques, souvent mesquines, de ceux qui pensent valoir mieux qu’elle. Une femme en avance sur son temps.
Cette comédie très british devenue culte Outre-Manche, est un classique à (re)découvrir. Entre Jane Austen et Alan Bennett, Margery Sharp défend l’émancipation des femmes avec beaucoup d’humour. À prendre au second degré, of course !

Mon avis

Le roman de Margery Sharp est effectivement, sous son apparence légère, un coup de griffe plein d'humour à la société anglaise et l'auteure a effectivement beaucoup de sympathie pour son héroïne Cluny Brown et son amour de la plomberie, ses gaffes qui offensent la morale collet monté de l'époque! Il s'agit d'un plaidoyer amusant pour l'émancipation de la femme surtout de la femme qui  ne correspond pas aux normes et qui n'a même pas la décence d'être belle!
Hum! C'est pour cela que son rôle est interprété au cinéma par Jennifer Jones; pour la laideur, on repassera!

Charles Boyer et Jennifer Jones dans La folle Ingénue de Lubitsch adapté du roman de Margery Sharpery
Charles Boyer et Jennifer Jones

En restant très fidèle au livre mais en y mettant sa patte, en procédant à quelques petits changements notamment dans la critique sociale, en introduisant des dialogues ciselés et pétillants d'humour, Ernst Lubitsch adapte le livre d'une manière brillante, humoristique, légère mais aussi pleine d'émotion, incontestablement supérieure au roman. Un feu d'artifice!


Le livre : Les aventures de Cluny Brown
Le film : La folle de Ingénue de Ernst Lubitsch

  Bravo à Aifelle, Valentine, Miss Léo et merci aux courageuses moins chanceuses qui se sont colletées avec la difficulté mais n'ont pas pu donner des noix aux écureuils ni des écureuils aux noix!.

 Réplique culte :
Adam Belinski: In Hyde Park, some people like to feed nuts to the squirrels. But if it makes you happy to feed squirrels to the nuts, who am I to say nuts to the squirrels?

Rendez-vous samedi 17 Octobre