Pages

vendredi 16 octobre 2015

Carole Martinez : La terre qui penche


Je n’ai pas lu Le domaine des Murmures mais c’est dans ce lieu, deux siècles après, que nous ramène Carole Martinez dans La Terre qui penche.
Nous sommes en 1361 le fantôme de Blanche revit son enfance à travers la fillette qu’elle a été. Un dialogue à deux voix, celle de la vieille âme et de la petite fille, va s’instaurer et nous raconter une histoire qui se déroule dans un moyen-âge cruel où la peste fait des ravages, où les ogres sont bien réels et se repaissent des petites filles, où les hommes ne pensent qu’à la guerre et rivalisent de cruauté tout en lorgnant la terre du voisin. Les femmes sont des proies sexuelles ou des marchandises et surtout les petites filles qui ne sont pas aimées par leur père. C’est le cas de Blanche, orpheline de mère, que le père donne en mariage à l’héritier du château des Murmures, un garçon simple d’esprit. Pourtant contre tout attente c’est aux Murmures que Blanche va découvrir le  bonheur, en apprenant à lire et à écrire et en aimant le jeune garçon à qui elle est destinée. Là, elle va aussi découvrir le passé de son père et celui de sa mère qu’elle n’a pas eu le temps de connaître.

Gustave Courbet La vallée de la Loue par temps d'orage où se situer l'action des deux romans de Carole martinez : le domaine des murmures et a terre qui penche
Gustave Courbet La vallée de la Loue par temps d'orage

Le roman qui se déroule dans la vallée de la Loue (la terre qui penche) de Carole Martinez mêle le fantastique et la réalité. La mort y est omniprésente avec ces grappes de pendus qui sont le quotidien de Blanche et ornent les arbres des domaines aux abords des châteaux. Les fantômes y côtoient les vivants, les personnages magiques y ont droit de cité et la nature personnifiée - comme la rivière La Loue sous les traits d’une fée-déesse- y tient un rôle primordial. Le style de Carole Martinez, sensuel, envoûtant, contribue à nous faire pénétrer dans un monde de légendes et de superstitions, de contes cruels où vivent des créatures monstrueuses, comme Bouc, à la fois homme et cheval dressé à tuer. Et pourtant malgré le mal qui rôde, la dureté de la vie et des rapports humains, Carole Martinez dresse des portraits de personnages qui illuminent la noirceur du quotidien et sont des raisons d’espérer : Blanche, la petite Chardon, la petite Minute, comme la surnomme sa nourrice, qui lutte de toute la force de  sa volonté plus grande que sa taille minuscule, Blanche que l’accès au savoir va rendre plus forte, Blanche dont l’imagination transcende le récit et lui donne sa coloration, avec « l’échine verte » de la rivière, le rouge des robes des petites filles fantômes, la couleur terre du cheval, le sable des loups aux crocs bleus brodés sur son surcot; Aymon, le simple d’esprit, qui a un aspect lumineux et une beauté d’ange, ou Eloi, l’apprenti charpentier, serf affranchi, qui ne s’humilie devant personne. Et puis il y a Haute Pierre, le seigneur des Murmures qui incarne magnifiquement l’amour paternel dans sa sollicitude pour Aymon, son fils malade.
Un livre étrange, poétique, bercé par la musique des chansons populaires médiévales ou non qui rythment la prose incantatoire de Carole Martinez.

10 commentaires:

  1. Il y a surement quelques messages aussi bien dans ce livre que dans « Le domaine des murmures ».
    Définitivement sur ma liste.

    RépondreSupprimer
  2. Je ne savais pas que tu étais en train de le lire aussi ! C'est un très beau billet, qui rend un bel hommage à ce livre.

    RépondreSupprimer
  3. je vois qu'elle fait la une des blogs, je suis une pauvre réfractaire hélas

    RépondreSupprimer
  4. Il m'attend dans ma PAL. J'ai beaucoup aimé "le domaine des murmures" et bien sûr "le cœur cousu".

    RépondreSupprimer
  5. Je n'ai pas été sensible au Coeur cousu je passe

    RépondreSupprimer
  6. Le domaine des murmures m'attend...

    RépondreSupprimer
  7. Il faut lire Le Domaine des Murmures !!! Je n'ai lu que ta dernière phrase pour me faire une idée générale de ton avis (tu es apparemment plutôt conquise chouette :-) ) car je compte le lire dès que possible !

    RépondreSupprimer
  8. Je viens tout juste de finir Du domaine... et du coup j'ai très envie de lire celui-ci. J'avais déjà beaucoup aimé Le coeur cousu. La fée me fait penser à Bérengère un personnage du Domaine.

    RépondreSupprimer
  9. "Du domaine des Murmures"
    Un conte, une belle écriture, des vérités transformées, on s'envole, toujours une raison d'espérer mais tout retombe et je ne sais si je suis prête pour un second livre de Carole Martinez.

    RépondreSupprimer
  10. Chez Carole Martinez la douceur côtoie la dureté, il y a le côté cruel, mais le ciel n'est jamais loin ;0) je ne sais si tu comprends ce que je veux dire mais c'est tout à fait ce que je ressens avec elle. J'ai adoré (à la folie) le coeur cousu et je me suis achetée celui ci il y a quinze jours, il sera une de mes prochaines lectures, j'ai hâte. Je n'arrête pas de le feuilleter et d'en grappiller des petits morceaux par ci, par là ;0) Je rajoute ton billet avec les autres tentateurs

    RépondreSupprimer

Merci pour votre visite. Votre message apparaîtra après validation.