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dimanche 22 novembre 2015

Jean-Marc Roberts : Affaires étrangères


Quatrième de couverture :

Tout abandonner, l'amour de Nina, les soirées entre amis, la famille; ou plutôt s'éloigner, pas à pas, mais inexorablement: voici l'étrange destin de Louis Coline, jeune cadre dans les magasins de l'avenue de l'Opéra. Un destin scellé à son insu depuis le jour où il a fait la connaissance de son nouveau directeur, Bertrand Malair. Bien des rumeurs courent sur cet homme énigmatique, continuellement flanqué de ses deux acolytes, Lingre et Belais. On dit qu'il transforme ses collaborateurs en esclaves, qu'il s'entoure de personnages singuliers. Louis ne résistera pas à cette séduction faite de confiance, d'encouragements, de jeux pervers sur la jalousie et la rivalité. Grisé, il va s'abandonner, au risque de se perdre. Couronné en 1979 par le prix Renaudot, ce roman, qui nous mène insensiblement du quotidien le plus banal à un fantastique psychologique inquiétant, terrifiant même, a été porté à l'écran par Pierre Granier-Deferre sous le titre: Une étrange affaire.

Michel Piccoli- Gérard Lanvin film une étrange Affaire de Granier-Deferre adapté du roman affaires étrangères de Jean-Marc Roberts
Michel Piccoli- Gérard Lanvin dans une étrange Affaire de Granier-Deferre

J'ai lu le livre qui me semble un peu oublié de nos jours après avoir vu le film. Tous deux laissent un sentiment de malaise, d'insatisfaction comme si l'on manquait d'explication pour comprendre. Comment un homme peut-il se laisse manipuler de la sorte au point  de se laisser déposséder de tout, et tout d'abord de la femme qu'il aime, de sa liberté, de sa dignité? Louis Coline, en devenant le jouet de son patron, prêt à tout pour lui complaire, est une énigme à mes yeux.  Dans le film de Granier-Deferre, Michel Piccoli en prêtant sa prestance, son charisme et son ambiguïté au patron Bertrand Malair peut donner un embryon de réponse. Mais dans le livre, Bertrand Malair est un homme négligé, mal vêtu, qui sent mauvais. Comment peut-il exercer un tel pouvoir?
 La peur de perdre son travail et de se retrouver au chômage n'explique pas tout même si, bien sûr, cette crainte fragilise l'individu et en fait une proie toute désignée pour le patron.. Mais il  y autre chose, dans ces rapports de manipulateur à victime qui dépasse le seul cadre social. L'influence et la perversité de celui qui tire les ficelles et transforme sa proie en victime consentante peut se retrouver en dehors des cadres de l'entreprise, un rapport de dominant-dominé qui existe dans toutes les relations interhumaines, dans les sectes, les embrigadements idéologiques, mais aussi dans les rapports conjugaux, les liens d'amitié.  Cependant, Jean-Marc Roberts en fait ici un symbole du monde de l'entreprise. Pourtant son roman n'est en rien démonstratif. C'est un constat froid, presque impersonnel qui vous met en face d'une évidence mais ne vous permet pas d'y participer! Vous restez donc en dehors mais le malaise est présent.

J'ai lu dans Babelio un billet qui replace l'intrigue dans un cadre historique et je vous y renvoie car il permet d'éclairer le propos de Jean-Marc Roberts. Lire Ici




Bravo à tous ceux qui ont trouvé la réponse : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Kathel, Miriam, Valentyne ... et merci à tous pour votre participation.


Le livre : Affaires étrangères de Jean-Marc Roberts
le film :   Une étrange affaire de Granier-Deferre

samedi 21 novembre 2015

Un livre/un film : énigme n° 118

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Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

La prochaine énigme aura lieu le premier samedi du mois  de décembre le 5

Enigme N° 118
 
Ce roman d'un écrivain français a obtenu le prix Renaudot dans les années 1970.  Il dépeint les relations entre un jeune cadre et son patron dans d'un grand magasin parisien. L'auteur est aussi scénariste et éditeur.

Je me souviens de tout, de choses sans importance. Une couleur de costume, un titre de journal, une conversation surprise ou, plus banal encore, la démarche d'une femme croisée dans la rue et qui ne m'aura pas vu. Je suis capable de mettre une vie sur un visage avec la conviction de ne pas me tromper. Je n'ai pas besoin d'agenda. Je sais par cœur tous les gens que je connais et leur adresse, leur numéro de téléphone ou de poste de bureau. Cela me donne l'illusion d'en connaître un plus grand nombre. Je sais tous les mois vécus, toutes les dates, ne m'attachant qu'à des détails. Je me suis fabriqué le regard d'un homme de police.

dimanche 15 novembre 2015

Je suis Paris





"Quant à la guerre, qui est la plus grande et pompeuse des actions humaines, je sçaurois volontiers, si nous nous en voulons servir pour argument de quelque prerogative, ou au rebours pour tesmoignage de nostre imbecillité et imperfection : comme de vray, la science de nous entre-deffaire et entretuer, de ruiner et perdre nostre propre espece, il semble qu'elle n'a pas beaucoup dequoy se faire desirer aux bestes qui ne l'ont pas." Montaigne Livre III chapitre 12
                                                                                                



mercredi 11 novembre 2015

Venise : Instants parfaits

Venise : façades typiques

Au cours du mois italien d'Eimelle, en Octobre, Albertine a publié un billet sur les instants parfaits vécus en Italie que vous pouvez lire ICI :

" Dans la vie, il y a des "instants parfaits" où l'on se sent pleinement exister, animé de l'idée qu'on est exactement au bon endroit au bon moment. L'Italie est le pays qui m'a offert le plus de ces parenthèses enchantées, de celles que la mémoire peut reconstituer dans les moindres nuances. Je vous en dévoile un, et puis ce sera votre tour..."

Je me suis souvenue avoir rédigé un texte sur le même thème; il a disparu de mon blog à l'occasion de son transfert. Certes, il s'agit de prose mais j'espère que Asphodèle l'acceptera pour son jeudi poétique;  elle, qui nous a demandé de rédiger nous-mêmes notre texte pour Jeudi 12 Novembre.  

Voici deux instants parfaits à Venise, une ville qui a vite fait de vous retourner le coeur et la tête et de vous emporter au loin. Mais il y en a bien d'autres, je pourrais être intarissable sur ces instants priviligiés en Italie et vous?

Le nouveau Monde (1961)

Venise : un canal
Le premier souvenir remonte à mon adolescence et à ma première visite à Venise. Le soir de notre arrivée, ma mère et moi, nous partons vers la place San Marco. Nous sommes logées loin du centre, près de la gare, et nous prenons plaisir à nous perdre dans ces ruelles qui s'arrêtent brusquement sur des corti, petites places presque fermées sur elles-mêmes, ou sur des campielli à la Goldoni avec leurs maisons aux crépis rouges ou ocres qui s'effritent, leurs façades qui regardent vers l'intérieur, leurs  hautes cheminées à la Carpaccio. C'est un véritable plaisir, ce cheminement dans ces petites calli obscures qui s'étranglent et qui de solides se terminent en chemins liquides. Et puis cette succession de ponts en dos d'âne qui nous transforment en petits chèvres des montagnes, escaladant, descendant, encore et encore!
Mais rien, aucune photographie, aucun film, aucun récit, rien, ne peut préparer à la rencontre d’une telle beauté quand on débouche pour la première fois sur la place San Marco. Dans la semi-obscurité qui peu à peu enveloppe la place, les dentelles blanches du palais des Doges, les scintillements des mosaïques d’or de la cathédrale, les lignes élancées du campanile s'estompent doucement. Les lumières dorées qui éclairent les élégantes arcades des constructions entourant la place prennent le relais. La Piazza brille d’un éclat étrange, plein d'attente. Sur une estrade, au milieu de la place, un orchestre symphonique donne un concert d’été ouvert à tous. La foule est dense. Certains restent debout, recueillis, d’autres s’assoient à même le sol... une émotion ressentie par tous tandis que se déroulent les thèmes de La Symphonie du Nouveau Monde. La musique se déploie, monte jusqu'au ciel noir au-dessus de la Place de lumière et de la marée humaine qui observe un silence attentif. Par la suite, lorsque j’écouterai la musique de Dvorjak, ce ne sont pas les images des grands espaces du Nouveau Monde qui surgiront devant mes yeux. Ce sont les ors chauds de la Piazza San Marco qui viendront à moi et le sentiment éprouvé alors de beauté parfaite, partagé par chacun d’entre nous dans la magie de ce lieu.

Une fillette sous la pluie (1981)

Venise: place Saint Marc la nuit source

Des années plus tard quand je reviendrai à Venise avec mon mari et Aurélia, ma fille âgée de 4 ans, se reproduira un instant de grâce comme seule la Piazza peut nous réserver. Ce soir-là, il pleut. L’immense place est déserte, les promeneurs se sont réfugiés sous les arcades. Ils regardent la pluie, patiemment. Discussion, brouhaha... Les orchestres des cafés du Quadri et du Florian jouent sans conviction quelques airs languissants. Mezzo Voce... Attente. La pluie scintille sur le sol dallé qui devient miroir et reflète les lumières qui parent les arcades des Procuratie Vecchie de feux tremblotants.  Soudain, Aurélia s’élance, petite elfe minuscule sur l'immense place et commence à danser; elle tournoie sur elle-même, les bras écartés, la tête levée vers le ciel, heureuse. Les musiciens la voient, s’animent et entament une valse de Strauss, vive, légère. L'enfant suit le rythme, valse, valse, se grise de liberté et de musique. Les gens s’arrêtent de parler, la montrent du doigt et tous observent, silencieux, avec un sourire amusé, la jolie fillette blonde vêtue d’un ciré bleu, qui virevolte sur la place mouillée dans un ruissellement d'ors et de lumières.

Venise : café du Florian






Pour le challenge italien d'Eimelle il Viaggio dites-nous quels instants parfaits vous avez vécus  à Venise ou ailleurs en Italie. Alors, qui  se lance?

mardi 10 novembre 2015

Victor Hugo : Notre-Dame de Paris



Notre-Dame de Paris paru en 1831 au moment où le Romantisme triomphait avec Hernani (en 1830) et où la figure de Victor Hugo comme chef de file de ce mouvement était à son apogée.

Une oeuvre romantique

Un roman historique

Le roi des fous : Quasimodo à Notre -Dame de Paris gravure de Louis Boulanger et W. Finden 1878
Le roi des fous : Quasimodo à Notre -Dame de Paris gravure de Louis Boulanger et W. Finden
Notre-Dame de Paris est un roman historique, genre très prisé par les romantiques français qui vouaient une grande admiration à Walter Scott qui en est l’initiateur. Victor Hugo avec son inépuisable érudition et ses capacités d’analyse et d’étude nous donne une vision fort crédible de cette cité médiévale, de ses moeurs et de ses coutumes, de ses monuments. Nous sommes plongés en plein moyen-âge dès le début du roman qui s’ouvre par une description du jour des rois et de la fête des fous dont la date coïncide, ce 6 Janvier 1482, dans la salle du palais de Justice de Paris. Nous assistons à la célébration d’un mystère, au sacre du roi des fous. L’écrivain a réuni, dans un souci d’exactitude et de précision, toutes sortes de  détails qui vont de la description des costumes portés par les hommes et les femmes, aux salaires des ouvriers, au prix des marchandises, aux pratiques religieuses, à la justice sommaire et ses gibets… Mais s’il lui arrive de prendre des libertés avec l’histoire comme il l’a fait avec le personnage de Louis XI, c’est parce que le romanesque a tous les droits, affirme-t-il.

Le goût  du moyen-âge

Paris médiéval : Pont-aux-Meuniers de Theodor Hoffbauer  Musée Carnavalet Paris
Paris médiéval : Pont-aux-Meuniers de Theodor Hoffbauer

Le roman témoigne du goût romantique pour le Moyen-âge qui jusqu’au XIX siècle, en effet,  était considéré avec mépris, comme une époque obscurantiste et arriérée et l’on n’hésitait pas à en faire disparaître les traces. Ce sont les romantiques qui, en remettant le moyen-âge à la mode et en en célébrant les beautés  de l’architecture romane et gothique ont permis de lutter contre les iconoclastes qui abattaient ces splendides monuments. Ici, Victor Hugo prend la défense de la cathédrale Notre-Dame et s’oppose aux "démolisseurs", à tous ceux qui ne savent pas voir la beauté du passé, comme l’a fait Prosper Mérimée à Avignon contre les imbéciles qui voulaient démolir les remparts.
On peut dire donc que Paris et la cathédrale sont les personnages à part entière du roman et y jouent un rôle essentiel. Hugo dresse le portrait de la cité médiévale que l’écrivain met en opposition à la ville moderne défigurée par la main de l’homme, responsable de l'enlaidissement de la capitale.

Le goût du fantastique

 Notre-Dame de Paris de Victor Hugo  : Illustration de Luc-Olivier Merson 1881
Illustration de Luc-Olivier Merson pour Notre-Dame de Paris

Le personnage de l’archidiacre Claude Frollo, alchimiste, prêtre dévoyé, possédé par une passion amoureuse qui le pousse au mal et fait de lui un damné semble sortir d’un roman gothique anglais tel Le moine de Mattew G. Lewis.
Quasimodo est le type même du héros romantique que sa monstruosité et ses infirmités isolent comme le Gwinplaine de L’homme qui rit.. Il est un paria repoussé par la société. Ses dons extraordinaires, l’acuité visuelle de son seul oeil et  sa force herculéenne qui le rend capable de lutter à lui seul contre le soulèvement des gueux, en font aussi un héros fantastique. Il vit dans l’ombre de sa cathédrale et semble être né de la pierre, tellement semblable aux gargouilles de Notre-Dame qu’il semble en être une incarnation vivante.
La cour des Miracles fait aussi partie de cette ambiance gothique avec ses faux mendiants, ses ivrognes, ses truands sanguinaires qui se donnent un roi et des lois, ses mariages «  à la cruche cassée », ses «  égyptiens » ou bohémiens dont la moins pittoresque n’est pas Esméralda et sa petite chèvre aux cornes et aux sabots d’or.

La fatalité

Victor Hugo : Vianden à travers une toile d’araignée, 1871, dessin,  Maison de Victor Hugo Paris
Dessin de Victor Hugo : l'araignée

La plupart des personnages de Victor Hugo sont marqués par la fatalité. De même que Hernani, le héros maudit par excellence, la jeune Esméralda ne peut échapper à son destin et Quasimodo la suivra dans la mort.  La fatalité, aux yeux de l’archidiacre, est symbolisée par l’araignée qui se nourrit de sa proie dans la toile qui orne sa chambre. Claude Frollo joue le rôle de l’araignée et sa passion destructrice et violente ne laisse aucune chance à Esméralda. Dès le début, nous savons qu’elle est maudite par la recluse enfermée sur la place de grève et c'est Quasimodo qui l'aime qui la livrera à Frollo donc à son destin..

A l'ébranlement de la toile, l'énorme araignée fit un mouvement brusque hors de sa cellule centrale, puis d'un bond elle se précipita sur la mouche, qu'elle plia en deux avec ses antennes de devant, tandis que sa trompe hideuse, lui fouillait la tête. -Pauvre mouche! dit le procureur du roi en cour d'Eglise, et il leva la main pour la sauver. L'archidiacre, comme réveillé en sursaut, lui retint le bras avec une violence convulsive.
-Maître Jacques, cria-t-il, laissez faire la fatalité
Le procureur se retourna effaré. Il lui semblait qu'une pince de fer lui avait pris le bras. L'oeil du prêtre était fixe, hagard, flamboyant, et restait attaché au petit groupe horrible de la mouche et de l'araignée.

Les thèmes chers à Victor Hugo

Les idées sociales et politiques


Le roman développe déjà nombre des idées de Victor Hugo qu’il défendra toute sa vie.

Ainsi il dénonce un justice qui est impitoyable pour les pauvres et n’a aucune équité. Dans une scène caricaturale entre le juge sourd, Florain Barbedienne, qui interroge Quasimodo, sourd, lui aussi, Hugo montre que le verdict ne dépend pas des réponses de l’accusé bien en peine de répondre puisqu’il n’entend pas les questions mais de ce que le juge croit entendre. Un situation aussi absurde que grotesque et qui pourrait faire rire si le sort du pauvre bossu et de tous les misérables accusés n’en dépendait pas. Dans cette scène lamentable, l’ironie acerbe de Victor Hugo signifie que la Justice est sourde - on dit parfois qu’elle est aveugle- de même que Louis XI l’est aussi devant les supplications de son prisonnier enfermé dans une cage.
Quant à la noblesse et la grande bourgeoisie, elles, cherchent surtout à maintenir leurs avantages, à obtenir des charges pour s’enrichir et à accabler le peuple d’impôts.
A côté de la justice, Victor Hugo dénonce aussi la torture et la peine de mort. On voit comment Esméralda avoue tous les crimes qu’elle n’a pas commis par crainte de la douleur. Et comment, innocente, elle est sacrifiée à une justice qui n’est qu’un simulacre. Quand Hugo décrit « le formidable gibet » de Montfaucon , il évoque les innocents qui y ont péri et tous les « malheureux » qui ont été exécutés là ou dans les autres gibets de Paris.

Or Bardienne était sourd. Léger défaut pour un auditeur. Maître Florian n'en jugeait pas moins sans appel et très congrûment. Il est certain qu'il faut qu'un juge ait l'air d'écouter...
Oh!  Bardienne, le butor le voilà à table! Il mange du plaideur, il mange du procès, il mange, il mâche, il se gave, il s'emplit. Amendes, épaves, taxes, frais, loyaux coûts, salaires, dommages et intérêts, géhenne, prison et geôle et ceps avec dépens, lui sont camichons de Noël et massepains de la Saint-Jean!

La Belle et la Bête
Notre-Dame de Paris de Victor Hugo : Quasimodo arrache Esmeralda au gibet.
Esmeralda et Quasimodo : La belle et la bête

La laideur de Quasimodo et la beauté physique du capitaine Phoebus permettent  à Victor Hugo d’introduire un thème qui lui est cher celui de la beauté et la laideur intérieure. Alors que Dea, aveugle, parvenait à voir « la beauté « de Gwinplaine défiguré dans L’homme qui rit, Esméralda, elle, ne voit pas la laideur intérieure du beau capitaine Phoebus, elle ne peut supporter non plus la vue du hideux visage de Quasimodo. Esméralda qui « voit » est aveugle, Dea l’aveugle, elle, ne l’est pas.  Quant au face à face de Quasimodo et d’Esmeralda dans la cathédrale, les simlitudes avec le conte La Belle et la bête sont évidents.

Mon avis

Notre-Dame de Paris de Victor Hugo Gustave Doré : la cour des miracles
Gustave Doré : la cour des miracles

Mon avis sur Notre-Dame de Paris? J’avoue que je l’aime un peu moins que les autres romans de Hugo. Il  n’a pas l’aspect visionnaire et le style brillant de L’Homme qui rit, ni le style épique et la puissance de Les travailleurs de la mer.  Dans l’ensemble le texte est moins flamboyant et je l’ai trouvé par moments presque trop « sage »... heureusement pas toujours!
  D'autre part le prêtre maudit qui semble sortir du gothique anglais est parfois un peu trop attendu et  Gringoire me paraît peu crédible ou en tout cas étrange! Drôle de personnage, en effet, que ce personnage qui représente le philosophe et le poète épris de liberté, amoureux de l'art, mais qui, mis devant le choix de sauver Esmeralda ou sa chèvre, choisit la chèvre!
De plus, les passages qui ont été ajoutés à l'édition définitive de 1832, m'ont ennuyée, en particulier lorsqu’ils développent la théorie selon laquelle l'architecture est un art en décadence et va à sa mort. Hugo s’y montre trop démonstratif et doctoral et pas assez poète à mon goût.
Cependant l’histoire est riche et prenante. Certaines scènes sont d’une grande puissance telles la description de la cour des Miracles ou l’assaut de la cathédrale par les gueux ou la mort tragique et simultanée de la jeune bohémienne et de Frollo. Elles sont dignes de figurer dans les grands textes de Victor Hugo comme la scène du canon dans Quatre-vingt-treize, celle de la mort de Gavroche sur les barricades dans Les misérables ou celles de la tempête et de la pieuvre dans les travailleurs de la mer.

Ce livre est une lecture commune avec Laure, Miriam ICI  et Nathalie ICI.




dimanche 8 novembre 2015

Shakespeare : Richard III/ Looking For Richard Al Pacino

Au centre le crâne de Richard III, à gauche un portrait, à droite une reconstitution d'après le crâne (source Télérama)

Richard III est l’oeuvre la plus jouée de toutes les pièces de Shakespeare, et, ce qui est étonnant,  plus même que Hamlet.
C’est  pourtant une  pièce difficile que j’ai essayé de lire plusieurs fois et devant laquelle j’ai calé avant de la voir cet été au festival d’Avignon dans une mise en scène d'Ostermeier qui m’a permis de comprendre les plus grands enjeux de l'oeuvre.
 Richard III ( 1591 ou 1592) est la dernière pièce d'une tétralogie dont trois volets sont consacrés  à Henri VI. 

 Looking for Richard

Looking for Rcihard : Al Pacino interprète du roi Richard
Difficile? C’est de ce constat que part Al Pacino dans son film Looking for Richard lorsqu’il s’aperçoit après avoir interprété la première scène devant des étudiants que ceux-ci n’ont pas saisi le sens profond du texte. Commence alors une passionnante "explication" de la pièce, pleine d’intelligence et de finesse, qui nous permet de découvrir la période historique (l'une des plus grandes difficultés) et l’enjeu de l’intrigue mais aussi les motivations des personnages, les sentiments qui les animent… Si vous voulez comprendre cette pièce par l’intérieur, commencez par voir ce film génial, et ceci d’autant plus que chaque personnage fait l’objet d’une réflexion, de propositions émises par le metteur en scène ou l’acteur lui-même, et, cerise sur le gâteau, est interprété par des comédiens tous excellents. Voir chez Wens pour le film ICI

La guerre des deux roses 

La guerre des deux Roses Henry Arthur Payne (1868_1940)

 « Now is the winter of our discontent /Made glorious summer by the sun of York »
« Voici l’hiver de notre déplaisir mué en radieux été par le soleil d’York »

Al Pacino part des premiers vers qui ouvrent la scène 1 de l'acte I pour situer l’intrigue historique : La guerre des Roses (l’hiver de notre déplaisir) qui a divisé le pays et opposé les Lancaster et les York vient de se terminer par la victoire des York (le soleil d’York). Richard III  conte la dernière bataille de cette guerre civile. 
Au début de l'action, le roi Edouard IV est en train de mourir et les membres de la famille se déchirent déjà pour savoir à qui appartiendra le pouvoir, une lutte intestine mesquine, sordide et sanguinaire..
Richard de Gloucester, frère du roi, qui deviendra Richard III, décide que ce sera lui. Au début de la pièce l’on sait qu’il a déjà assassiné Henri VI et le fils de celui-ci Edouard. Il ne va donc pas s’arrêter en chemin et pour cela il doit éliminer tous ceux qui l’empêchent d’accéder au trône : son frère Clarence, ses neveux, Edouard, héritier légitime de la couronne, et Richard, tous deux âgés respectivement de 12 et 9 ans; lord Hastings qui lui tient tête, Buckingham… et bien d’autres encore. Il lui faut aussi se choisir une reine, lady Anne, dont il a tué le père et l’époux.  Son ambition satisfaite, il se retrouve isolé, sans amis, et succombera dans la bataille qui l’oppose à Henry, comte de Richmond, qui devient roi sous le nom de Henri VII et fonde la dynastie des Tudor.

La pièce se termine sur des vers qui célèbrent la grandeur des Tudor et d'Elizabeth et la fin de la guerre civile.  Acte V scène 5

Nos blessures civiles sont fermées, la paix revit: puisse-t-elle parmi nous longtemps vivre avec l’amen de Dieu!

Le pouvoir de la conscience 


Dans cette mise en scène Al Pacino  met en relief un thème -en plus de celui du pouvoir et de la corruption qui vont de pair avec l’hypocrisie et la traîtrise : celui de la conscience.
Le thème apparaît avec les deux assassins  dépêchés à la Tour de Londres pour tuer Clarence. Mais si la conscience a un pouvoir, celui-ci est bien limité car il ne tient pas face à une bourse bien pleine.
« Je ne veux plus avoir affaire à elle : elle vous acouardit son homme : un homme ne peut voler sans qu’elle l’accuse; un homme ne peut sacrer sans qu’elle l’arrête; un homme ne peut plus coucher avec la femme de son voisin sans qu’elle le surprenne .»
Car tout homme est achetable affirme Shakespeare mais où se situe la limite de chacun?Ainsi le duc de Buckingham est un complice complaisant, retors, au service de Richard, moyennant la promesse de hautes récompenses. Pourtant il a une limite. Il refuse l’assassinat des enfants. (Acte IV scène2) 
Le roi Richard :
- Dis-moi tombes-tu d’accord qu’ils doivent mourir?
Buckingham
- Donnez-moi quelque répit... Le temps de souffler, cher seigneur, avant de me déclarer positivement en ceci : je vous répondrai sans faute tout à l’heure.
Cette hésitation scellera sa perte.

Et Richard III, lui-même, finit par être rattrapé par sa conscience dans la scène du rêve de l’acte V scène 3
« Ma conscience a mille langues diverses et chaque langue raconte une autre histoire et chaque histoire me condamne comme un scélérat. Le parjure, le parjure au plus haut degré; le meurtre, l’implacable meurtre au plus fatal degré; tous les péchés, et commis à tous les degrés, se pressent à la barre, criant tous : « coupable! coupable! »



Le squelette de Richard III : (source Télérama)

On sait que Shakespeare a noirci le portrait de Richard III, d’abord pour des raisons dramatiques : Il a exagéré sa difformité pour montrer symboliquement la laideur intérieure du personnage. De plus, sa disgrâce physique qui l’isole et le fait souffrir peut expliquer sa cruauté. Mais il faut savoir aussi que la biographie de Richard III a été faite pas ses ennemis les Tudor qui l’ont peint sous les traits d’un monstre. Du temps d’Elizabeth, évidemment, ce portrait s’était imposé et Shakespeare n’avait pas intérêt à contrarier la souveraine!

Voir aussi cette article de Télérama ICI sur le squelette de Richard III retrouvé sous un parking à Leicester en 2012, découverte qui a permis de répondre à bien des questions sur la santé du roi. On voit sur cette photo parue dans Télérama que le roi souffrait d'une sévère scoliose!

 La réplique la plus célèbre de la pièce

To be or not to be est la réplique la plus célèbre de Hamlet mais celle de Richard III ne l'est pas moins!
Dans l'acte V scène 4, au Au cours de la bataille de qui l’oppose au futur Henri VII, fondateur de la dynastie des Tudor, le cheval de Richard III est tué; Le roi combat, seul, et à pied et s'écrie :  

Un cheval! Un cheval! Mon royaume pour un cheval!



Théâtre : Shakespeare : Richard III
 Film : Al Pacino : Looking for Richard  interprète du rôle titre Al Pacino

Vous avez tous trouvé l'auteur mais il y a une erreur sur la pièce et plusieurs sur le film.  (non ce n'était pas Hamlet mais c'est vrai que l'on pouvait s'y tromper car le personnage de l'usurpateur est fréquent dans le théâtre shakespearien)
Merci à vous tous : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Keisha, Miriam,  Syl, Thérèse.




samedi 7 novembre 2015

Un livre/un film : énigme N°117




Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

La prochaine énigme aura lieu le troisième samedi du mois le 21 Novembre

Enigme N° 117

Il s'agit d'une pièce de théâtre historique écrite par un dramaturge anglais. Elle est la dernière pièce d'une tétralogie créée au début de la carrière du dramaturge. Elle raconte l'ascension et la fin d'un tyran usurpateur. C'est l'une des tragédies les plus représentées du théâtre anglais.

 Aie pitié, Jésus!... Calmons-nous, ce n'était qu'un rêve. O lâche conscience, comme tu me persécutes! Les lumières brûlent bleu. Nous touchons le fond de la nuit. Des gouttes de sueur froide perlent sur ma chair qui tremble. De quoi ai-je peur? De moi-même? Il n'y a personne d'autre ici. (...) Y a-t-il un assassin ici? Non... si : moi-même. Fuyons donc. Quoi! Me fuir? Bonne raison pour cela... crainte que je ne me venge moi-même de moi-même? Mais je m'aime moi-même. Pour m'être fait du bien à moi-même? Oh! non. Hélas, je me hais plutôt moi-même pour les actes haïssables que j'ai moi-même commis! Je suis un scélérat : non, je mens, je n'en suis pas un. Imbécile, parle bien de toi-même! Imbécile, ne te flatte pas! Ma conscience a mille langues diverses et chaque langue raconte une autre histoire et chaque histoire me condamne comme scélérat.

vendredi 6 novembre 2015

Un livre/Un film : Rendez-vous demain



 L'énigme du samedi a lieu demain samedi 7 novembre.

Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
A demain!


mercredi 4 novembre 2015

David Lagercrantz : Millenium 4 ce qui ne me tue pas..


Parmi les reproches des détracteurs de Millenium 4, il y en a un qui revient sans cesse :  celui d’être un produit de marketing, ce qui est incontestable… Ecrire et publier une suite à cette trilogie après la mort de l’auteur peut en effet, inspirer quelques craintes.
J’ai eu envie, pour ma part, de le découvrir malgré toute cette polémique et je me suis dit que le roman ne pouvait être entièrement mauvais sinon Actes Sud ne l’aurait pas publié. Vous voyez ma confiance en cette maison d’édition. Je ne l'ai pas regretté.

Se posent les questions suivantes quand on aborde la lecture de Millenium 4 : 

Le roman est-il inférieur ou égal au roman d’origine?  Retrouvons-nous les personnage tels que nous les avons découverts et appréciés? Mais on pourrait aussi se demander tout simplement : est-ce un bon polar?


Lisbeth Salander interprétée par Noomi Rapace

J’ai beaucoup aimé les trois premiers « Millénium » : le personnage de Lisbeth Salander m’a fascinée comme la plupart des lecteurs, je pense! Cette Fifi Brin d’acier pour adultes était absolument géniale; une superwoman dotée de pouvoirs fabuleux qui prenait sa revanche, pour notre plus grand bonheur, sur les « méchants » qui n’aimaient pas les femmes. Le roman nous plongeait dans une Suède située entre le réalisme le plus sordide et le conte le plus farfelu, ceci grâce à son héroïne et au journaliste Michael Bloomkvist. Tous deux nous permettaient de découvrir la Suède actuelle bien loin de l’image du pays modèle qui nous était habituel. Ils nous plongeaient aussi, au cours de leurs investigations, dans son passé peu reluisant marqué par le nazisme, idéologie haineuse qui infecte la société actuelle.

Mikael Blomkvist interprété par Daniel Graig

Que deviennent les personnages de Stieg Larsson dans le roman de David Lagercrantz? 

Michael Bloomkvitz apparaît ici fatiguée, traversant une mauvaise passe, à un moment difficile de sa carrière, découragé par la menace qui pèse sur son journal. Il me paraît très crédible et vrai dans ce rôle de perdant qui va peu à peu reprendre du poil de la bête. Lisbeth Salander, elle ne m’a pas totalement convaincue. Certes, elle accomplit des exploits mais elle me paraît moins présente, moins au centre de l’action. Mais si Lisbeth me déçoit par rapport à l’original, j’ai, par contre, aimé les personnages qui sont les créations de l’auteur, qui sortent de  son imagination.

 Le personnage du petit garçon autiste, August, au regard étrange, savant doté de connaissances hors du commun dans le dessin et les mathématiques, enfant fragile et attachant, est un « super héros » et peut rivaliser avec Salander! Ce serait bien qu’il devienne un personnage récurrent s’il doit y avoir une suite à cette histoire comme tout semble l’annoncer. J’ai aimé aussi le père d’August, le savant obnubilé par ses recherches dans le domaine de l’intelligence artificielle, poursuivi par les services secrets américains alliés à la maffia, qui découvre l’amour paternel en retrouvant son fils dont il avait été séparé à cause de sa propre  négligence. C’est un personnage bien campé, qui préfère détruire l’oeuvre de toute une vie plutôt que de la voir mal exploitée. C’est lui qui pose l’éternel problème de « science sans conscience… », de la science et de l’éthique, toujours et de plus en plus tragiquement actuel.

D’autre part, en pointant du doigt les services de contre-espionnage américains, suédois et russes, David Lagercrantz sonde les pouvoirs abyssaux de ces organismes, la violation organisée de notre vie privée, la négation de la démocratie.  Big Brother a cessé d’être une fiction, Big Brother surveille vos faits et gestes.

J’ai lu chez Dominique (voir son billet dans A sauts et à gambades ici) qu’il faut être passionné en informatique pour parvenir à s’intéresser au roman. Il est vrai que les explications sont ardues, et surtout longuettes, bien qu’on nous les présente comme simplifiées, mais cela ne m’a pas outre mesure gênée. J’ai jugé, par contre, les thèmes intéressants et les personnages créés par Lagercrantz convaincants.

La trilogie de Larsson, brillante, m’a certainement plus captivée, plus subjuguée que le Millénium nouveau mais celui-ci est un bon roman. David Lagercrantz gagnerait, certes, à éviter les longueurs, à élaguer les détails techniques et à être moins didactique, mais c’est un écrivain qui sait faire vivre des personnages et conter une histoire.

mardi 3 novembre 2015

Philippe Jaenada : La petite femelle

Résumé de l'éditeur:

Au mois de novembre 1953 débute le procès retentissant de Pauline Dubuisson, accusé d'avoir tué de sang-froid son amant. Mais qui est donc cette beauté ravageuse dont la France entière réclame la tête ? Une arriviste froide et calculatrice? Un monstre de duplicité qui a couché avec les Allemands, a été tondue, avant d'assassiner par jalousie un garçon de bonne famille? Ou n'est-elle, au contraire, qu'une jeune fille libre qui revendique avant l'heure son émancipation et questionne la place des femmes au sein de la société? Personne n'a jamais voulu écouter ce qu'elle avait à dire, elle que les soubresauts de l'Histoire ont pourtant broyée sans pitié. Voir Editions Julliard ICI

Le livre de Philippe Jaenada, La petite femelle,  sur Pauline Dubuisson, cette jeune et belle meurtrière dont le procès a passionné la France en 1953, paraît en même temps que le roman de Jean-Luc Seigle sur le même sujet. Une occasion pour Jaenada de préciser dans un prologue ce qu’il ne veut pas faire : recréer une Pauline par l’imagination, comme on l’a déjà trop fait et dresser d’elle un portrait faux, « plus faux que faux » comme celui de Jean-Luc Seigle. 

Ce qu’il veut?
Pour essayer de ne trahir ni Pauline ni mon projet, il faut que je sois rigoureux et -comme un petit chercheur en blouse blanche (au coeur tendre, allez) qui baisse le nez sur son microscope- soucieux des détails. Où se trouve le diable, paraît-il.

Et en effet, Philippe Jaenada  a étudié au microscope la vie de Pauline, lisant toutes les archives la concernant, tous les articles des journaux, menant une enquête auprès de ceux qui l’ont connue, se rendant dans tous les lieux où elle a habité… Une enquête minutieuse que l'on suit avec intérêt. Une étude rigoureuse qui exclut tout ce qui n’est pas avéré, comme le viol qu’elle aurait subi à la libération après avoir été tondue pour avoir couché avec des allemands, viol dont on n’est pas sûr qu’il a eu lieu.
Une analyse soucieuse des détails, effectivement mais… car il y a un mais! Les petits chercheurs en blouse blanche s’éprennent-ils de leur sujet d’étude, tombent-ils amoureux des petites cellules, des  beaux virus qu’ils observent? L’écrivain lui, le fait, on sent que le personnage le passionne, l’obsède et son étude est avant tout une réhabilitation de Pauline, un cri de révolte contre les mensonges qui l’ont discréditée aux yeux de l’opinion publique et surtout des jurés, une dénonciation de ceux, qui, par parti pris, par étroitesse d'esprit, par bégueulerie, par haine de l'indépendance féminine, médias ou officiers de justice, ont falsifié les dossiers, faisant disparaître les témoignages en sa faveur pour ne retenir que ceux qui aggravent son cas.
Pourtant, l'écrivain est parfois obligé quand il n’y pas d’autres possibilités d’imaginer ce qui a dû se passer, s’il ne trouve pas de preuves. Objectif, Philippe Jaenada? Non! trop « coeur tendre, allez! » rigoureux dans ses recherches mais sincère, passionné; parfois son tempérament prend le dessus et devient une déclaration d’amour à Pauline et une vocifération contre tous ceux qui lui ont fait du mal! Il faut dire que le personnage de Pauline est fascinant non seulement parce que la jeune fille est d'une beauté, d'une distinction bien au-dessus de la moyenne mais aussi d'une intelligence remarquable. Elle fait des études de médecine à une époque ou peu de femmes pouvaient arriver jusque là! Et son père lui donne à lire Nietzsche au biberon, ce qui crée bien des ravages dans sa tête mais en fait quelqu'un de peu banal.

Finalement, Pauline ne sera pas jugée pour son crime -elle a tué son amant qui allait se marier avec une autre -mais pour avoir été, selon la morale de l'époque, une femme de mauvaise vie, dévergondée, trop libre, pensez donc! elle a eu jusqu’à six amants! Jugée aussi pour avoir eu des relations avec des allemands pendant la guerre, alors que son père qui faisait ami-ami avec les nazis, la poussait, elle, petite Lolita de 14 ans, dans leur lit. A noter que le père, important industriel, n’a jamais été inquiété mais sa fille, oui. C’est la thèse que veut démontrer l’auteur. En ce sens son livre est une revendication féministe que j'ai entièrement suivie.
Ce qui m’a le plus bufflée,  c’est le style de l’écrivain avec toutes ses digressions qui abordent toutes sortes de sujets y compris sur sa vie privée… Et que dire de ses apostrophes et ses injures à tous ceux qui se sont laissés égarer par leur haine de Pauline et ceci au détriment de la vérité! Un livre surprenant par certains de ces aspects, plein de fougue, de passion, et incontestablement intéressant.

lundi 2 novembre 2015

Une autre Venise : Acqua alta et brouillard

Venise : le palais des Doges dans le brouillard bleuté
Visiter Venise en décembre est une autre expérience, celle du brouillard qui enferme tout dans son sac  de coton bleuté et qui nous transporte dans un rêve éveillé; celle de l'acqua alta et de la place San Marco inondée, spectacle féérique de ses dentelles et de ses palais reflétées par l'eau, spectacle amusant de la foule des touristes vêtues de bottes vertes et roses, brandissant leur parapluie, tout en  marchant sur les passerelles que les agents municipaux installent sur  la place San Marco et le long du  Quai des Esclaves, riva degli Schiavoni. Et puis toutes sortes de petits détails : les portes des hôtels béantes sur des halls submergés où tous s'affairent pour évacuer l'eau afin de libérer leurs clients prisonniers. Moi, je n'ai pas eu la patience d'attendre! Puis cette odeur fraîche comme après l'orage, cette haleine de fond marin, et cette exaltation heureuse qui vous prend devant cette ville assaillie par les flots, qui semble faire le gros dos, en habituée; le claquement des gondoles tossées les unes contre les autres par l'agitation de la lagune; les pigeons aux plumes mouillées, piteux et déconfits, qui se massent sur les seuils du palais pour échapper à la pluie; et ce petit chaperon rouge, qui échappe à ses parents et qui marche dans l'eau en levant très haut les pieds... pour mieux se mouiller! Enfin l'eau se retire, le pavement de la place luit et joue avec les couleurs, bientôt, la cité s'ébroue et sèche et, en quelques instants, plus rien!

Acqua Alta

Venise  Acqua Alta  reflets

Venise acqua alta


Venise  Acqua Alta  Le palais des Doges

Venise  Acqua Alta : livraison
Venise acqua alta : reflets

Venise  Acqua Alta : pigeons piteux déconfits
Venise acqua alta : reflets

Brouillard

Venise : Riva degli Schiavoni

Venise palais des Doges en arrière plan


Venise : Punto della Dogano

Venise : Eglise de la Salute


Venise : Le pont de l'Académie

Venise : Le palais Barbarigo et ses mosaïques

Chez Eimelle, pendant le mois de Novembre, le challenge italien Il Viaggio se poursuit sur le thème de Venise.

Chez Eimelle