Pages

mardi 10 novembre 2015

Victor Hugo : Notre-Dame de Paris



Notre-Dame de Paris paru en 1831 au moment où le Romantisme triomphait avec Hernani (en 1830) et où la figure de Victor Hugo comme chef de file de ce mouvement était à son apogée.

Une oeuvre romantique

Un roman historique

Le roi des fous : Quasimodo à Notre -Dame de Paris gravure de Louis Boulanger et W. Finden 1878
Le roi des fous : Quasimodo à Notre -Dame de Paris gravure de Louis Boulanger et W. Finden
Notre-Dame de Paris est un roman historique, genre très prisé par les romantiques français qui vouaient une grande admiration à Walter Scott qui en est l’initiateur. Victor Hugo avec son inépuisable érudition et ses capacités d’analyse et d’étude nous donne une vision fort crédible de cette cité médiévale, de ses moeurs et de ses coutumes, de ses monuments. Nous sommes plongés en plein moyen-âge dès le début du roman qui s’ouvre par une description du jour des rois et de la fête des fous dont la date coïncide, ce 6 Janvier 1482, dans la salle du palais de Justice de Paris. Nous assistons à la célébration d’un mystère, au sacre du roi des fous. L’écrivain a réuni, dans un souci d’exactitude et de précision, toutes sortes de  détails qui vont de la description des costumes portés par les hommes et les femmes, aux salaires des ouvriers, au prix des marchandises, aux pratiques religieuses, à la justice sommaire et ses gibets… Mais s’il lui arrive de prendre des libertés avec l’histoire comme il l’a fait avec le personnage de Louis XI, c’est parce que le romanesque a tous les droits, affirme-t-il.

Le goût  du moyen-âge

Paris médiéval : Pont-aux-Meuniers de Theodor Hoffbauer  Musée Carnavalet Paris
Paris médiéval : Pont-aux-Meuniers de Theodor Hoffbauer

Le roman témoigne du goût romantique pour le Moyen-âge qui jusqu’au XIX siècle, en effet,  était considéré avec mépris, comme une époque obscurantiste et arriérée et l’on n’hésitait pas à en faire disparaître les traces. Ce sont les romantiques qui, en remettant le moyen-âge à la mode et en en célébrant les beautés  de l’architecture romane et gothique ont permis de lutter contre les iconoclastes qui abattaient ces splendides monuments. Ici, Victor Hugo prend la défense de la cathédrale Notre-Dame et s’oppose aux "démolisseurs", à tous ceux qui ne savent pas voir la beauté du passé, comme l’a fait Prosper Mérimée à Avignon contre les imbéciles qui voulaient démolir les remparts.
On peut dire donc que Paris et la cathédrale sont les personnages à part entière du roman et y jouent un rôle essentiel. Hugo dresse le portrait de la cité médiévale que l’écrivain met en opposition à la ville moderne défigurée par la main de l’homme, responsable de l'enlaidissement de la capitale.

Le goût du fantastique

 Notre-Dame de Paris de Victor Hugo  : Illustration de Luc-Olivier Merson 1881
Illustration de Luc-Olivier Merson pour Notre-Dame de Paris

Le personnage de l’archidiacre Claude Frollo, alchimiste, prêtre dévoyé, possédé par une passion amoureuse qui le pousse au mal et fait de lui un damné semble sortir d’un roman gothique anglais tel Le moine de Mattew G. Lewis.
Quasimodo est le type même du héros romantique que sa monstruosité et ses infirmités isolent comme le Gwinplaine de L’homme qui rit.. Il est un paria repoussé par la société. Ses dons extraordinaires, l’acuité visuelle de son seul oeil et  sa force herculéenne qui le rend capable de lutter à lui seul contre le soulèvement des gueux, en font aussi un héros fantastique. Il vit dans l’ombre de sa cathédrale et semble être né de la pierre, tellement semblable aux gargouilles de Notre-Dame qu’il semble en être une incarnation vivante.
La cour des Miracles fait aussi partie de cette ambiance gothique avec ses faux mendiants, ses ivrognes, ses truands sanguinaires qui se donnent un roi et des lois, ses mariages «  à la cruche cassée », ses «  égyptiens » ou bohémiens dont la moins pittoresque n’est pas Esméralda et sa petite chèvre aux cornes et aux sabots d’or.

La fatalité

Victor Hugo : Vianden à travers une toile d’araignée, 1871, dessin,  Maison de Victor Hugo Paris
Dessin de Victor Hugo : l'araignée

La plupart des personnages de Victor Hugo sont marqués par la fatalité. De même que Hernani, le héros maudit par excellence, la jeune Esméralda ne peut échapper à son destin et Quasimodo la suivra dans la mort.  La fatalité, aux yeux de l’archidiacre, est symbolisée par l’araignée qui se nourrit de sa proie dans la toile qui orne sa chambre. Claude Frollo joue le rôle de l’araignée et sa passion destructrice et violente ne laisse aucune chance à Esméralda. Dès le début, nous savons qu’elle est maudite par la recluse enfermée sur la place de grève et c'est Quasimodo qui l'aime qui la livrera à Frollo donc à son destin..

A l'ébranlement de la toile, l'énorme araignée fit un mouvement brusque hors de sa cellule centrale, puis d'un bond elle se précipita sur la mouche, qu'elle plia en deux avec ses antennes de devant, tandis que sa trompe hideuse, lui fouillait la tête. -Pauvre mouche! dit le procureur du roi en cour d'Eglise, et il leva la main pour la sauver. L'archidiacre, comme réveillé en sursaut, lui retint le bras avec une violence convulsive.
-Maître Jacques, cria-t-il, laissez faire la fatalité
Le procureur se retourna effaré. Il lui semblait qu'une pince de fer lui avait pris le bras. L'oeil du prêtre était fixe, hagard, flamboyant, et restait attaché au petit groupe horrible de la mouche et de l'araignée.

Les thèmes chers à Victor Hugo

Les idées sociales et politiques


Le roman développe déjà nombre des idées de Victor Hugo qu’il défendra toute sa vie.

Ainsi il dénonce un justice qui est impitoyable pour les pauvres et n’a aucune équité. Dans une scène caricaturale entre le juge sourd, Florain Barbedienne, qui interroge Quasimodo, sourd, lui aussi, Hugo montre que le verdict ne dépend pas des réponses de l’accusé bien en peine de répondre puisqu’il n’entend pas les questions mais de ce que le juge croit entendre. Un situation aussi absurde que grotesque et qui pourrait faire rire si le sort du pauvre bossu et de tous les misérables accusés n’en dépendait pas. Dans cette scène lamentable, l’ironie acerbe de Victor Hugo signifie que la Justice est sourde - on dit parfois qu’elle est aveugle- de même que Louis XI l’est aussi devant les supplications de son prisonnier enfermé dans une cage.
Quant à la noblesse et la grande bourgeoisie, elles, cherchent surtout à maintenir leurs avantages, à obtenir des charges pour s’enrichir et à accabler le peuple d’impôts.
A côté de la justice, Victor Hugo dénonce aussi la torture et la peine de mort. On voit comment Esméralda avoue tous les crimes qu’elle n’a pas commis par crainte de la douleur. Et comment, innocente, elle est sacrifiée à une justice qui n’est qu’un simulacre. Quand Hugo décrit « le formidable gibet » de Montfaucon , il évoque les innocents qui y ont péri et tous les « malheureux » qui ont été exécutés là ou dans les autres gibets de Paris.

Or Bardienne était sourd. Léger défaut pour un auditeur. Maître Florian n'en jugeait pas moins sans appel et très congrûment. Il est certain qu'il faut qu'un juge ait l'air d'écouter...
Oh!  Bardienne, le butor le voilà à table! Il mange du plaideur, il mange du procès, il mange, il mâche, il se gave, il s'emplit. Amendes, épaves, taxes, frais, loyaux coûts, salaires, dommages et intérêts, géhenne, prison et geôle et ceps avec dépens, lui sont camichons de Noël et massepains de la Saint-Jean!

La Belle et la Bête
Notre-Dame de Paris de Victor Hugo : Quasimodo arrache Esmeralda au gibet.
Esmeralda et Quasimodo : La belle et la bête

La laideur de Quasimodo et la beauté physique du capitaine Phoebus permettent  à Victor Hugo d’introduire un thème qui lui est cher celui de la beauté et la laideur intérieure. Alors que Dea, aveugle, parvenait à voir « la beauté « de Gwinplaine défiguré dans L’homme qui rit, Esméralda, elle, ne voit pas la laideur intérieure du beau capitaine Phoebus, elle ne peut supporter non plus la vue du hideux visage de Quasimodo. Esméralda qui « voit » est aveugle, Dea l’aveugle, elle, ne l’est pas.  Quant au face à face de Quasimodo et d’Esmeralda dans la cathédrale, les simlitudes avec le conte La Belle et la bête sont évidents.

Mon avis

Notre-Dame de Paris de Victor Hugo Gustave Doré : la cour des miracles
Gustave Doré : la cour des miracles

Mon avis sur Notre-Dame de Paris? J’avoue que je l’aime un peu moins que les autres romans de Hugo. Il  n’a pas l’aspect visionnaire et le style brillant de L’Homme qui rit, ni le style épique et la puissance de Les travailleurs de la mer.  Dans l’ensemble le texte est moins flamboyant et je l’ai trouvé par moments presque trop « sage »... heureusement pas toujours!
  D'autre part le prêtre maudit qui semble sortir du gothique anglais est parfois un peu trop attendu et  Gringoire me paraît peu crédible ou en tout cas étrange! Drôle de personnage, en effet, que ce personnage qui représente le philosophe et le poète épris de liberté, amoureux de l'art, mais qui, mis devant le choix de sauver Esmeralda ou sa chèvre, choisit la chèvre!
De plus, les passages qui ont été ajoutés à l'édition définitive de 1832, m'ont ennuyée, en particulier lorsqu’ils développent la théorie selon laquelle l'architecture est un art en décadence et va à sa mort. Hugo s’y montre trop démonstratif et doctoral et pas assez poète à mon goût.
Cependant l’histoire est riche et prenante. Certaines scènes sont d’une grande puissance telles la description de la cour des Miracles ou l’assaut de la cathédrale par les gueux ou la mort tragique et simultanée de la jeune bohémienne et de Frollo. Elles sont dignes de figurer dans les grands textes de Victor Hugo comme la scène du canon dans Quatre-vingt-treize, celle de la mort de Gavroche sur les barricades dans Les misérables ou celles de la tempête et de la pieuvre dans les travailleurs de la mer.

Ce livre est une lecture commune avec Laure, Miriam ICI  et Nathalie ICI.




21 commentaires:

  1. Relire ce roman fait partie de mes projets (pas tout de suite;..) mais je me suis remise dans le bain grâce à toi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tant mieux! Quand on a une envie lecture, on finit toujours pas y venir!

      Supprimer
  2. Peut-être un trop grand mélange des réalités que Vicor Hugo a voulu peindre et du fantastique qui prend parfois le dessus?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non, personnellement, je ne suis pas gênée par le mélange réalisme et fantastique. Mais j'ai trouvé que dans certains passages VH perd son ton visionnaire (qui aurait bien convenu pour ses prédictions sur la mort de l'architecture) pour un style démonstratif, moins inspiré.

      Supprimer
  3. Depuis que tu fais des billets sur ce bon Victor j'ai envie de lire certaines oeuvres mais impossible de m'y mettre réellement
    par contre j'ai acheté Notre Dame en livre audio donc je sais vu mes insomnies récurrentes que je le lirai enfin écouterai un de ces jours

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En livre audio? Selon la voix qui le lit, cela peut être passionnant.

      Supprimer
  4. Je n'ai vu que le film, qui évidemment doit être pauvre par rapport au roman. Ce soir je vais à une rencontre avec Judith Perrignon qui va parler de son livre "Victor Hugo vient de mourir". Je vais penser à toi ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu nous en diras quelque chose dans ton blog? Je suis très curieuse d'en savoir plus sur ce livre.

      Supprimer
    2. Quand je suis arrivée à la librairie, j'ai appris que la rencontre était reportée. J'étais déçue, j'espère que je serai libre quand elle reviendra.

      Supprimer
  5. C'est vrai que Les Travailleurs de la mer ont une plus grande cohérence, en étant centré sur un seul formidable héros. Ici Hugo parle de Paris ancien et moderne, de la cathédrale et d'une histoire de haine et d'amour et les personnages intéressants sont nombreux. Mais j'ai apprécié je crois les changements de ton que cela permet, avec les alternances de points de vue et les retournements de situation d'une intrigue compliquée. Et c'est vrai que c'est un roman très noir, très gothique.
    J'ai profité d'un récent week-end pour relire Ruy Blas pour la LC de décembre (oui, je suis à fond).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis d'accord avec toi. Même si j'ai moins aimé que L'homme qui rit, j'ai apprécié sauf les passages dont j'ai parlés dans mon billet.

      Supprimer
  6. je viens de le terminer mon billet n'est pas tout à fait prêt mais je serai quand même dans les temps. Bravo pour ton article qui me coupe l'herbe sous le pied (déjà que c'est difficile!). Même impression : j'ai préféré les Travailleurs de la Mer et l'Homme qui Rit.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Depuis je suis allée lire ton billet.. Non pas d'herbe coupée! Nous avons le même ressenti.

      Supprimer
  7. http://miriampanigel.blog.lemonde.fr/2015/11/10/notre-dame-de-paris-victor-hugo/
    voici le lien

    RépondreSupprimer
  8. J'avais beaucoup aimé ce roman ! Plus que les travailleurs de la mer... Effectivement, il est moins hybride que les autres romans dont tu parles...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je l'ai aimé aussi mais beaucoup moins! Mais là, cela ne se discute pas, selon l'expression consacrée! Histoire de goût!

      Supprimer
  9. Je l'ai tout récemment fini en livre audio et depuis je peine un peu sur mon billet. Certains passages sur l'architecture m'ont en effet paru très longuets, surtout en écourte où il est difficile de "lire en diagonale". Mais j'ai quand même trouvé la réflexion sur l'art et la ville intéressante, juste peut-être un peu mal placée au sein du roman.
    Par contre, blocage complet sur le personnage d'Esmeralda, une vraie tarte que j'attendais presque avec impatience de voir finir sur le gibet. Pas tout à fait le but de l'auteur à mon avis, mais bon.
    Bravo en tous cas pour ce billet! Ca me met la pression pour ordonner un peu mieux mes idées sur ce livre ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Une vraie "tarte"! Ton expression me fait bien rire! C'est vrai qu'elle l'est! En particulier, quand elle se met à crier "Phoebus!" au moment où sa mère est presque parvenue à la sauver! Quant à la réflexion sur l'art, elle paraît "plaquée" dans l'intrigue.

      Supprimer
    2. Et imagine-les en audio, les implorants "Phébuuuuus, oh mon Phébus". Argh, mais qu'ils la fassent taire ;-)

      Supprimer
  10. Je n'ai lu que Les misérables pour l'instant. C'est celui que je voudrais lire en second, mais les passages "longuets" que tu décris me font un peu hésiter maintenant ;0) Je me rappelle avoir feuilleté une très belle édition avec le texte intégral et illustré par Benjamin Lacombe, il semblait magnifique

    RépondreSupprimer

Merci pour votre visite. Votre message apparaîtra après validation.