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mercredi 26 juillet 2023

Racine : Phèdre mise en scène Laurent Domingos



 

Présentation programme Théâtre Le roi René

Une mise en scène corporelle, sauvage et mystique, par la Minuit44, spécialiste de Racine.

Phèdre, reine d’Athènes, possédée par Vénus, brûle de désir pour Hippolyte, le fils de Thésée, son époux. Mais ce roi que l’on croyait mort, est de retour des Enfers. Le désir honteux de Phèdre se transforme alors en sentence mortelle.

L’ajout du personnage de Vénus, empruntée à "Hippolyte Couronné” d’Euripide, nous interroge sur la notion du libre arbitre. Tantôt acrobate perchée sur son mât, tantôt musicienne dissimulée dans le public, la déesse actionne les rouages de la tragédie, et piège les personnages entre désir, honte, aveu, jalousie et vengeance.


 Mon avis

 Phèdre est ma pièce préférée de Racine, celle dont je connais des passages par coeur, celle dont la langue m'enchante, dont la musicalité me touche le plus "Dieux ! Que ne suis-je assise à l'ombre des forêts"... "Le ciel n'est pas plus pur que le fond de mon coeur ". C'est celle qui nous plonge au plus profond des mythes grecs, qui approche de plus près le monstre que chacun porte en soi, Phèdre, la fille de Minos et de Pasiphaé, entre ombre et lumière, entre le Bien et le Mal. 

C'est la pièce qui, aussi, pose avec le plus d'intensité la question de la liberté de l'Homme et où Racine, le janséniste, nous révèle sa foi en la prédestination : " C'est Vénus toute entière à sa proie attachée". Effectivement, chaque personnage de la pièce paraît avoir le choix :  Thésée quand il appelle la vengeance divine sur la tête de son fils Hippolyte ; Aricie quand elle ne dit pas à Thésée que son fils est innocent et surtout Phèdre lorsqu'elle avoue son amour à son beau-fils puis accuse le jeune homme par l'intermédiaire d'Oenone, sa suivante. Tous ces personnages vont inexorablement à leur perte, tous sont entraînés vers une fin tragique. C'est que Dieu (ici Vénus) ne permet pas qu'ils échappent à leur destin.

C'est pourquoi le metteur en scène, Laurent Domingos, a une très belle idée en introduisant le personnage de Vénus emprunté à Euripide. Il  fait de la déesse - qui arbore tout au long du spectacle un sourire cruel -  un démiurge qui manipule les humains, tire les ficelles comme s'il s'agissait de marionnettes,  et à la fin, ébauche un geste triomphal lorsqu'elle les amène là où elle voulait !

Les comédiens ont tous une diction parfaite, un beau phrasé et une humanité qui touchent le spectateur. La mise en scène dynamique, violente, à la mesure de la tragédie, les costumes et les armures qui rappellent que Thésée et Hippolyte sont des guerriers prompts à tirer l'épée, les jeux d'ombre et de lumière, tout m'a plu dans cette mise en scène de la tragédie.

Un coup de coeur !

  PS : j'ai voulu amener ma petite-fille (13 ans)  voir Phèdre. Comme elle s'était ennuyée ( c'est peu de le dire ) à la représentation de Berénice récemment, j'espérais que Phèdre où il y a plus d'action, de revirements de situations, de coups de théâtre, lui plairait !  Et bien, c'est raté ! Je crois qu'il faut abandonner l'idée de lui faire aimer Racine ! Tant pis ! Elle aime Molière, Beaumarchais, Marivaux, Shakespeare...

 LE ROI RENE

PHEDRE RACINE 

à 17h30

 du 7 au 29 juillet - Relâches : 10, 17, 24 juillet

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Laurent Domingos
  • Interprète(s) : Alexiane Torres, Thomas Silberstein, Laetitia Lebacq, Luna Mitti, Aurélie Cuvelier Favier, Guillaume Blanchard, Laurent Domingos
  • Son/Lumière : Sarah Ancel
  • Scénographie/Costumes : Delphine Ciavaldini

 

Compagnie Minuit44

mardi 25 juillet 2023

Julien Delpech et Alexandre Foulon : Les Téméraires

Les Téméraires

 

1894. L’affaire Dreyfus coupe la France en deux.

D’un côté, l’armée et l’État propageant des fausses rumeurs baignées d’antisémitisme ; de l’autre, Émile Zola et Georges Méliès.

L’un avec sa plume, l’autre avec la première caméra au monde, mais tous deux aidés par leurs incroyables femmes, s’engagent dans une lutte pour la vérité. Si la défaite semble toute tracée, leurs courages en auront décidé autrement.

Mon avis :
 
Une très belle pièce au théâtre des Gémeaux : le combat d'Emile Zola et celui de Méliès  contre l'injustice, l'intolérance et l'antisémiste. Téméraires, en effet, ils l'étaient ces deux hommes ! Ils firent tout, mettant leur confort, leur liberté et jusqu'à leur propre vie en jeu, pour faire reconnaître l'erreur judiciaire et le mensonge des tribunaux militaires qui ont innocenté sciemment le vrai coupable. Ils dénoncent, l'un par un film, l'autre par ces écrits, ce scandale d'Etat. Un grand moment d'émotion, ce qui n'empêche pas le rire car l'humour est bien présent ! On vibre en écoutant le fameux J'accuse! et on découvre avec intérêt des extraits du film de Méliès qui fut censuré en France mais qu'il put projeter partout en Europe et en Amérique. On rit en assistant, par exemple, au "tournage" du film de Méliès !
L'Histoire avec un grand H se mêle à celle plus intime de Zola qui mène une double vie, partagé entre son épouse, une femme étonnante, d'une grande force, sa maîtresse et les enfants qu'il eut d'elle.  
Ces beaux personnages, Zola, Méliès et le lieutenant-colonel Picquart ( Ce dernier a dénoncé le scandale pour innocenter Dreyfus), leurs femmes, nous touchent d'autant plus que l'interprétation est excellente, certains comédiens assumant plusieurs rôles avec autant de maîtrise. Une mention spéciale pour le comédien Stefane Dauch, qui incarne Zola. Une ingénieuse scénographie vient ajouter au plaisir du spectacle.

photo Grégoire Matzneff


Un coup de coeur !

 

THÉÂTRE LES GÉMEAUX

Horaire : 17h05

Lieu : Salle des Colonnes

Relâches : 
Mercredis 12, 19 et 26/07

Durée : 1h30

De : Julien Delpech et Alexandre Foulon

Mise en scène : Charlotte Matzneff

Assistée de : Manoulia Jeanne

Avec : Stéphane Dauch, Armance Galpin, Antoine Guiraud, Romain Lagarde, Barbara Lamballais
Sandrine Seubille, Thibault Sommain

Musique : Mehdi Bourayou

Costumes : Corinne Rossi

Lumières : Moïse Hill

Scénographie : Antoine Milian

Production : Marilu Production, Le Grenier de Babouchka, IMAO , Place 26

 

lundi 24 juillet 2023

Bertold Bretch : Ariane Ascaride : Au bonheur de donner


Aux dérèglements du monde, Ariane Ascaride oppose la poésie de Bertolt Brecht, forte, engagée, drôle, irrespectueuse.

"J’avais 13 ans, je suis allée à Marseille voir chanter une dame qui s’appelait Pia Colombo. Elle a interprété une chanson qui disait « Comme on fait son lit, on se couche ». Je ne saurai jamais pourquoi ces paroles ont si fort résonné en moi. J’ai pendant des années fredonné ce refrain…
J’ai relu beaucoup de poésies de Brecht, qui est toujours présenté comme un auteur austère, sérieux et théorique… On connaît moins sa bienveillance, son humour et son sens du spectacle. Cet auteur a éclairé certains moments de ma vie et je voulais, en cette période de grand bouleversement, faire à nouveau entendre ses mots si encourageants soulignés par David Venitucci."

Ariane Ascaride
 

Mon avis

 La comédienne Ariane Ascaride dit les textes de Bertold Bretch accompagnée par l'accordéoniste  David Venitucci. Bertold Bretch chante le bonheur de donner, l'amour des autres, la solidarité avec les déshérités, l'exil, la guerre. La prestation des deux artistes est impeccable. Je n'ai pas toujours été sensible au style de la chanson réaliste même si certains textes m'ont intéressée.

 La Scala de Provence du 7 au 28 juillet 2023 à 16H

Durée: 1H10

Relâches
Les lundis 10, 17 , 24 Juillet

Textes et chansons Bertolt Brecht
Avec Ariane Ascaride
Musique originale David Venitucci
Collaboration artistique Patrick Bonnel
En hommage à Marcel Bluwal

dimanche 23 juillet 2023

Kim Tak-hwan : Les romans meurtriers

 

Note Historique de l’auteur (extrait)

Le roman que vous allez lire se déroule durant la seconde moitié du XVIIIè siècle, sous le règne de Jeongjo (1776-1800), 22è roi de la dynastie Yi, l'une des périodes les plus prospères de l'histoire de la Corée. C'est la "renaissance de Joseon", époque où le commerce fleurit, où de jeunes lettrés adeptes des sciences pratiques venues de Chine rêvent de rénover leur pays, où le roi fonde une bibliothèque afin d'y conserver les manuscrits royaux et les archives dynastiques, et met en place des réformes politiques et culturelles. Un grand nombre d'érudits réputés préconisent alors, dans leurs écrits progressistes, des réformes de l'agriculture et de l'industrie, mais très rares sont leurs principes qui finiront par être adoptés par le gouvernement. C'est aussi la période où la production littéraire passe du stade de la copie manuelle à la fabrication en masse par xylographie et où les romans deviennent accessibles au plus grand nombre. Mais le roi Jeongjo et son gouvernement les considèrent comme des écrits sans valeur et interdisent leur circulation. Aussi l'acte de se procurer un roman et de le lire est-il à l'époque un délit, ce qui ne réfrène en rien la curiosité et l'avidité des lecteurs.

Dans Les romans meurtriers de Kim Tak-hwan se croisent des personnages ayant réellement existé et des personnages fictifs comme Yi Meong-Bang, dosa de la Haute-Cour de Justice, chargé du bon fonctionnement des exécutions publiques.

C’est lui qui, âgé, raconte son histoire. Militaire, expert dans le maniement des armes et en particulier des fléchettes, il n’en est pas moins cultivé, admirateur des Lettres et du groupe de lettrés de l’école de Baektap, grand lecteur de romans, ce genre décrié, considéré comme vulgaire.

Il préside à l’exécution de Cheong Un-mong, autre personnage fictif, romancier le plus populaire de l’époque. Celui-ci est accusé de meurtres odieux en raison de la présence, à plusieurs reprises, sur la scène de crime, de livres qu’il a écrits et qui sont restées ouverts à une certaine page. Cheong a d’abord nié puis, après avoir lu les pages ouvertes de ses livres, il a reconnu sa culpabilité. Les romans meurtriers !

Et pourtant il n’est pas coupable ! D’ailleurs, les crimes continuent après sa mort ! Notre héros se rapproche de Un-beyong, le frère cadet du romancier et de Miryeong, sa soeur cadette pour enquêter et découvrir le vrai coupable. Au passage, il tombe amoureux de la jeune fille mais sans beaucoup d'espoir, lui qui est responsable de la mort du frère aîné. Il va finir par trouver le criminel mais s’apercevoir que l’homme est manipulé. Yi Meong-Ban va se retrouver face à une machination politique complexe et dangereuse. Il est aidé dans son enquête par son ami Kim Jin, lettré, passionné d’horticulture, véritable Sherlock Holmes coréen !  

Nous découvrons aussi des personnages réels, le roi Jeongjo lui-même (1752-1800) les lettrés de l’école de Baektap, érudits adeptes des nouveautés venues de Chine dont l’auteur nous fait découvrir les écrits et les préceptes.  Baek Dong-Su (Yanoi) ( 1743_1816), un noble guerrier du XVIII siècle a appris les arts martiaux à notre héros. Devenu son ami, il lui permet de rencontrer les lettrés de l’école de Baektap.

Le roman présente une enquête policière intéressante avec de nombreux rebondissements mais ce que j’ai le plus apprécié c’est la découverte de la civilisation coréenne au début du XIX siècle et des idées foisonnantes qui circulent à l’intérieur des cercles lettrés à une époque où les autodafés de leurs oeuvres mal vues du pouvoir étaient courantes. La réflexion sur la littérature,  sur l’importance des livres, leur fonction, leur utilité,  alors que la reproduction sur bois permet d’imprimer plus d’oeuvres et d’atteindre un plus large public, n’est pas le moindre des intérêts du roman. 

 

Kim Tak-hwan est un auteur et critique littéraire sud-coréen né à Changwon en 1968

Kim Tak-hwan a publié de nombreux ouvrages de critique et de fiction, dont plusieurs romans historiques et fantastiques :  »L’immortel Yi Sun-sin", série historique en huit volumes, publiée en 2004, a été adaptée à la TV et est diffusée en feuilleton depuis 2005 sur la chaîne KBS.

Actuellement professeur de Littérature à l'Université de Hanam, Kim Tak-hwan se consacre à l'écriture de la suite des Romans meurtriers, une vaste fresque en dix volets qu'il projette de réaliser au cours des dix années à venir.  Présentation Babelio

 

LC avec Maggie, Rachel et Doudoumatous

lundi 17 juillet 2023

Weber à vif à la Scala de Provence

 

 

 

Pour présenter Weber à vif, je publie ici ce qu'écrit Jacques Weber  sur la conception et l'élaboration du spectacle à trois voix.

 "Jacques Weber présente son spectacle Weber à vif comme la rencontre de trois amis : l'accordéoniste Pascal Contet, l'harmoniciste Greg Zlap et lui-même, autour de textes  littéraires de tout horizon et de la musique qui, loin d'être un simple accompagnement,  participe à la création.

L’Histoire est simple. En parallèle de mes nombreuses interprétations, j’ai toujours aimé me retrouver seul sur scène, partageant avec le public mon enthousiasme et mes coups de foudre pour les grands textes de la littérature. Plusieurs fois, j’ai conçu le spectacle accompagné de musiciens et constaté l’alchimie réjouissante de ce dialogue.

Récemment je rencontrai un accordéoniste de renommée internationale, Pascal Contet ; celui-ci fut enthousiaste à l’idée de partager la scène avec moi.
Quelques temps auparavant j’avais eu l’occasion d’assister à un concert de Johnny Hallyday ; je fus saisi et enthousiasmé par le spectacle, mais aussi par le solo de son harmoniciste : Greg Zlap. Lui aussi fut d’accord pour me suivre dans ma randonnée littéraire.
Il ne s’agit plus de musique accompagnant un texte mais bel et bien de la rencontre de trois amis qui partagent des passions, des amours, des émotions, celles de leur vie, de nos vies.
À l’improvisation musicale répondent des textes modernes contemporains et classiques du théâtre, de la poésie, de la littérature. Stoppard répond à Claudel, Claudel ricoche sur la Bretagne, les colonies de vacances renvoient au pensionnat chez Courteline, Courteline voisine avec Arthaud, Duras, Maïakovski, Rostand, Hugo, Flaubert…

Greg, Pascal, Jacques improvisent et se promènent tantôt graves tantôt rieurs autour de ces grands monstres.
C’est ce que nous voulons partager, la joie, la chance d’être sur scène, libres, sans contrainte.
Tout à l’enthousiasme de la convivialité espiègle, chaleureuse et fraternelle avec le public."


Mon avis :

J'ai aimé ce spectacle qui m'a permis de découvrir les possibilités infinies de l'accordéon dont Pascal Contet tire de sons incroyables, j'ai aimé le duo qui s'instaure entre l'accordéoniste et l'harmoniciste, Greg Zlap. Et j'ai aimé aussi, bien sûr, cette promenade littéraire à bâtons rompus avec Jacques Weber, entre  émotion ( le coupeur d'eau de Duras) et rire (La Marquise de Corneille), en compagnie des écrivains que j'aime, agrémenté de citations savoureuses de Jouvet, Gabin, Laurence Olivier ...


Au programme

Tom Stoppard, Rosencrantz et Guildernstern sont morts
Paul Claudel, L’échange adapté par Louis Jouvet
Georges Courteline, L’Oeil de veau
Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, « Les non merci »
Marguerite Duras, Le coupeur d’eau dans la vie matérielle
Raymond Devos, Le dédoublement de la personnalité
Gustave Flaubert, Correspondances

Victor Hugo, Ruy Blas
Antonin Artaud, Le pèse nerf
Maïakowsky, Le nuage en pantalon
Alfred de Musset, Citations diverses
Godart, Citations diverses
Louis Jouvet, Citations diverses
Albert Camus, Citations diverses
Jacques Weber, Le matin
Victor Hugo, Discours à l’Assemblée Nationale
Victor Hugo, Extraits de Choses vues
Malcolm Lowry, Extraits de Au dessous du Volcan  



samedi 15 juillet 2023

Shakespeare / Sabine Anglade : La Tempête au Chêne noir

 

 J'ai vu La Tempête plusieurs fois et j'en ai déjà parlé dans ce ce blog ICI . Cette année la pièce est donnée au Chêne noir dans la mise en scène de Sabine Anglade.

Prospéro, duc de Milan, a été dépossédé de son royaume par son frère Antonio. Celui-ci, après avoir usurpé le trône, exile Prospéro et sa fille Miranda, les jetant dans une barque qui les conduit dans une île enchantée. La seule créature de forme humaine qu'ils y trouvent est Caliban, un monstre hideux, fils de sorcière, qu'ils traitent avec bonté. Mais la nature brutale de Caliban est rebelle à l'éducation et Prospero ne peut avoir prise sur lui que par la force.
Prospéro qui a pu conserver sa bibliothèque dans son exil apprend la magie dans un livre occulte et parvient à dominer les forces de la nature. Il se rend maître d'Ariel, Esprit de l'air et avec sa collaboration, sachant que le navire de son frère va passer auprès de l'île, il commande une tempête qui va jeter les naufragés sur  son île. Ferdinand, le fils d'Alonso, roi de Naples, isolé des autres, rencontre Miranda et les deux jeunes gens tombent amoureux l'un de l'autre. Prospéro qui a pour dessein de les marier feint de vouloir les séparer pour mieux attiser leur amour.
Antonio, le duc usurpateur, Alonso, le roi de Naples et leurs compagnons sont rejetés sur une autre partie de l'île. Antonio  fomente un complot contre Alonso avec le frère de celui-ci, Sébastien, pour s'emparer de Naples. Pendant ce temps, Caliban persuade le Fou et le Capitaine du navire, eux aussi rescapés du naufrage, de s'allier à lui pour vaincre Prospero en leur promettant de devenir rois de l'île.  Shakespeare montre ici que l'attrait du pouvoir assorti à la violence, au meurtre et à la traîtrise, est le même chez les nobles et  les gens du peuple.
Tous vont être amenés à rencontrer Prospéro et être sous sa domination. Celui-ci pardonne à son frère, célèbre les fiançailles des enfants et, après avoir libéré Ariel, renonce à la magie en brûlant son livre. Tous ensemble, ils quittent l'île.

  Présentation de la pièce par la compagnie

Fabrique d’images et de sens, La Tempête est sans doute la pièce la plus opératique de tout le théâtre de Shakespeare, faisant la part belle au conte, à l’image, à la musique.Cette dimension ne pouvait qu’éveiller le désir de la metteuse en scène d’opéra et de théâtre qu’est Sabine Anglade, lui offrant la possibilité de mettre en commun ces deux approches.

Mon avis :

J'ai beaucoup aimé la scénographie de Mathias Baudry dans cette représentation de La Tempête mise en scène par Sabine Anglade. Elle nous plonge dès le début dans la fureur des éléments déchaînés :  le fracas du tonnerre, le rugissement du vent, les éclairs qui traversent la scène, les jeux de clairs-obscurs, et l'enchevêtrement des voiles du navire chahuté par les vagues de la mer déchaînée. Tout ceci forme un  très beau tableau. Belle et poétique aussi la représentation d'Ariel, interprété par une une jeune comédienne, à la silhouette longiligne, vêtue de noir, aux longues ailes flamboyantes, qui prend du relief dans cette représentation, un esprit qui aspire à la liberté et dont on sent la souffrance d'être retenu prisonnier. 
 
J'ai aimé l'interprétation du rôle de Prospéro, Miranda et Caliban. Par contre, j'ai été surprise par la conception du rôle de Ferdinand, (interprété par par  le comédien qui incarne Caliban). Avec son short, ses godillots et grosses chaussettes montantes, son air benêt, il faut dire qu'il est un jeune premier qui ne fait pas rêver ! Manifestement, la metteuse en scène n'a pas voulu jouer sur l'émerveillement un peu naïf, c'est vrai, un peu sot, mais seulement aux yeux des autres, de deux très jeunes gens qui découvrent l'amour. Il est vrai que l'on sent l'ironie de Shakespeare observant cette idylle naissante mais aussi beaucoup de tendresse et de légèreté. Sabine Anglade a préféré tiré les scènes où ils apparaissent vers la parodie et le comique un peu lourd ! Finalement,  même si je n'ai pas vraiment apprécié cette conception, le comédien est bon et m'a fait rire. Par contre j'ai trouvé que l'interprétation des autres personnages étaient plus faibles et ils m'ont parfois ennuyée.
 
Donc, mon avis est assez mitigé sur ce spectacle qui, certes, a de grandes qualités mais est inégal.


 La Tempête

Du 7 au 27 juillet 2023 à 10h
Relâche les 10, 17, 24, 28 et 29 juillet

Durée : 2h05

De William Shakespeare

Traduction/adaptation Clément Camar-Mercier

Mise en scène Sandrine Anglade

assistée de Marceau Deschamps-Segura

Avec 

Clément Barthelet, Héloïse Cholley, Damien Houssier, Alexandre Lachaux, Serge Nicolaï, Nina Petit, Sarah-Jane Sauvegrain, Benoît Segui, Quentin Vernede

Scénographie Mathias Baudry

Lumières Caty Olive

Costumes Cindy Lombardi assistée d’Océane Gerum

Chef de chant Nikola Takov

Création sonore/régie son Théo Cardoso

Régie Ugo Coppin et Rémi Remongin

Administration et production Alain Rauline et Héloïse Jouary

Production Compagnie Sandrine Anglade

Coréalisation Théâtre du Chêne Noir

A partir de 13 ans

 

jeudi 13 juillet 2023

Un humour de Proust avec Denis Podalydès et Jean-Philippe Collard à La Scala de Provence

Marcel Proust
 

 

 Ce concert-lecture avec Denis Podalydès et le pianiste Jean-Philippe Collard n'a lieu  qu'un seul jour pendant le Festival D'Avignon à la Scala de Provence. J'ai tout de suite eu envie d'aller voir et écouter ce spectacle qui  s'attache à nous montrer l'humour de Marcel Proust à travers La Recherche du temps perdu !

 

Présentation

« On rit de ce qu’on craint. Molière riait de la jalousie parce qu’il était jaloux. Proust rira du snobisme et du monde parce qu’il les a longtemps redoutés. » André Maurois

 Dans un écho de mots et de notes, le duo formé par le comédien Denis Podalydès et le pianiste Jean-Philippe Collard donnera à entendre des extraits d’À la recherche du temps perdu dans un paysage musical inspiré de Proust. Une invitation poétique à rire ou à sourire sur des œuvres de Debussy, Fauré, Chopin, Satie ou Scarlatti.

 Mon avis

Quel plaisir de découvrir ou redécouvrir des textes de Marcel Proust sous un éclairage nouveau, celui de l'humour ! On y voit, à travers le choix des textes le talent d'observation et de pénétration de Proust quant à la nature humaine, ses vanités, son snobisme, ses ridicules, ses travers.  Les portraits satiriques de grands personnages de La Recherche du temps perdu, Françoise, Madame Verdurin, Villeparisi, Monsieur de Cambremer et tant d'autres se déploient avec une certaine férocité, allant jusqu'à la caricature.  Et oui, l'on rit en écoutant Denis Podalydès dire ou mimer ces textes auxquels répondent des moments musicaux interprétés au piano par Jean_Philippe Collard !

"Aussi, décontenancé par la minceur de ce regard bleu, se reportait-on au grand nez de travers. Par une transposition de sens, M. de Cambremer vous regardait avec son nez. Ce nez de M. de Cambremer n’était pas laid, plutôt un peu trop beau, trop fort, trop fier de son importance. Busqué, astiqué, luisant, flambant neuf, il était tout disposé à compenser l’insuffisance spirituelle du regard ; malheureusement, si les yeux sont quelquefois l’organe où se révèle l’intelligence, le nez (quelle que soit d’ailleurs l’intime solidarité et la répercussion insoupçonnée des traits les uns sur les autres), le nez est généralement l’organe où s’étale le plus aisément la bêtise."


 

mardi 11 juillet 2023

Le voyage de Molière mise en scène de Jean-Phlippe Daguerre au Théâtre du chien qui fume

 



Léo, un jeune homme du XXIème siècle qui rêve d’être comédien, amoureux de Molière dont il connaît par coeur la plupart des pièces, se retrouve accidentellement plongé en 1656 au cœur de la troupe de l’Illustre Théâtre de Molière. Commence alors une aventure extraordinaire dans un monde créatif et cruel où la vie et la gloire ne tiennent qu’à un fil.

En 2022, Molière fête ses 400 ans ! Nous avons souhaité lui rendre hommage à travers cette aventure précisément inspirée par la vie de Molière et de sa troupe avant leur arrivée à Versailles.



J'ai assisté à la représentation de la pièce Le voyage de Molière, mise en scène par Jean-Philippe Daguerre, l'année dernière et j'avais regretté de la voir sans ma petite-fille. Aussi, quand j'ai vu que la pièce revenait au Chien qui fume cette année, je me suis empressée de l'y amener. Elle a aimé et moi, je crois que je l'ai encore plus appréciée, si c'est possible, parce que n'ayant plus la surprise de la découverte, j'ai été attentive au moindre détail, sensible à l'émotion, à l'intelligence des dialogues et des situations, et à  l'ingéniosité du décor : une  grande plate-forme ronde, montée sur de grandes roues, que les comédiens font tourner comme s'il s'agissait de la roulotte de l'Illustre théâtre se déplaçant sur les routes du sud de la France et qui devient, tour à tour, scène, château, chambre de Molière, et même un entre-deux temporel entre le passé dans lequel Léo rencontre la troupe et le présent dans lequel il gît sur un lit d'hôpital, enfoncé dans un coma profond.

 De grandes scènes pleines d'humour servis par d'excellents comédiens ont le mérite de nous faire rire par des anachronismes amusants tout en nous introduisant dans l'oeuvre de Molière pour notre plus grande joie car "quand on aime le théâtre, on aime Molière"

Ainsi la scène où Léo reconnaît Molière et tombe à genoux devant lui en lui témoignant sa vénération pour toutes ses grandes pièces (qu'il n'a pas encore écrites), alors que le pauvre homme n'en est encore qu'à ses balbutiement, en proie aux doutes sur son talent, en butte à la mauvaise fortune, dans une région où le fléau de la peste l'empêche de gagner sa vie ! Ou encore la scène où, semblable au bourgeois gentilhomme, Léo apprend la prononciation des voyelles anglaises aux comédiens à partir d'une chanson des Beatles  ! 

Mais le rire n'occulte pas les  angoisses, les drames personnels de chacun des comédiens de la troupe. Quel plaisir d'ailleurs de les rencontrer sur scène comme des amis retrouvés !  Il y a  Gros René éperdu d'amour pour Marquise et qui souffre de se voir trahi, et par sa femme et par son meilleur ami, Madeleine vieillissante qui se sent déjà supplantée par la toute jeune Armande, tout au moins sur la scène, pas encore dans sa vie amoureuse. Et puis l'on assiste aux répétitions du Dépit amoureux et aux leçons que donne Molière à ses  acteurs débutants, leçons qui ont tant de finesse que l'on comprend pourquoi, nous, spectateurs, amoureux du théâtre, nous sommes là, au festival, à courir d'un lieu à un autre dans les rues d'Avignon avec des températures dépassant les 40° !

Décidément ce spectacle est une gourmandise qu'il faut savourer à sa juste valeur et qui a le mérite de toucher les jeunes et les adultes.

Un coup de coeur !

 

Le chien qui fume à 12H35

Le voyage de Molière 

De Pierre-Olivier Scotto et Jean-Philippe Daguerre

Mise en scène Jean-Philippe Daguerre

durée : 1H35

Relâche : les mercredis 12  19  26

dimanche 9 juillet 2023

Fabrice Melquiot / François Ha Van : Kids à la Scala de Provence

 

Fabrice Melquiot, dramaturge

Présentation de la pièce

Une jeunesse fougueuse et brûlante ! Huit adolescents : le temps du siège de Sarajevo (1992-95), vont apprendre à (sur)vivre ensemble, au-delà de toutes considérations ethniques et religieuses, sorte de  « meute » plurielle, avec ses rivalités, ses complicités et ses rêves.
Mais voilà, le conflit touche à sa fin et il faut apprendre à vivre sans la guerre, sans couvre-feu, sans bombardements, libres, mais aussi sans repères.
Et si créer un spectacle pouvait tout sauver ?…

 

   Un très beau spectacle qui nous plonge au coeur de la guerre, à Sarajevo, mais cela pourrait être n'importe où, ailleurs..  Dans la ville ravagée, vivent ou plutôt survivent des enfants et adolescents orphelins. Ils se réfugient dans les caves, l'orphelinat ayant été détruit, hantés par les images de destruction, le souvenir de leurs parents morts sous les bombes ou sous les balles des snippers. Ils ont peur, ils ont faim, font la manche, volent, ils se battent, ils s'aiment, ils apprennent l'anglais pour donner un sens à leur vie, rêvent d'un futur. Peu à peu nous apprenons à les connaître, l'un après l'autre ou tous ensemble. Nous vivons leur désespoir, leur hantise de la mort, leur colère, leurs moments de tendresse, leur besoin d'être aimés...  Au bruit des explosions  répond la musique de la guitare électrique et les paroles tristes de la chanson : Why my Guitar is wheeping ?... Pourquoi ma guitare pleure-t-elle ? 

Pourtant, des éclaircies dans cette noirceur,  liées, en particulier au personnage de Sid, l'aîné de tous, qui accueillent, enseignent, défend les plus faibles et puis l'amour est toujours possible même s'il faut faire comprendre aux garçons ce qu'est la tendresse. Et l'on sourit parfois de la maladresse des adolescents lors de dialogues qui ne manquent pas d'humour.

Le texte est splendide, poignant, la mise en scène de François Ha Van joue avec l'espace pour  suggérer la violence des bombardements, la panique des adolescents, les mouvements de foule, le désir de fuite, d'évasion. Les comédiens sont tous excellents, vrais, et font naître l'émotion.

Je ne suis pas la seule à l'avoir apprécié. Ma petite-fille (13 ans ) l'a beaucoup aimé aussi.

Un spectacle à ne pas rater !

 

KIDS de Fabrice Melquiot
Du 7 au 29 juillet 2023 19H30



Relâches Les lundis 10 17 24  durée 1H05


De Fabrice Melquiot
Mise en scène François Ha Van
Avec Nathan Dugray, Montaine Frégeai, Axel Godard, Yann Guchereau, Hoël Le Corre, Sylvain le Ferrec, Julie Bulourde en alternance avec Lara Melchiori, Manon Preterre
Création musicale et interprétation live – Nathan Dugray


vendredi 7 juillet 2023

Molière/Raphaël Callandreau : Le Malade imaginaire en la Majeur Théâtre 3 Soleils-Buffon festival d'Avignon 2023

 


 Le malade imaginaire

On sait que Le malade imaginaire est la dernière pièce de Molière et qu'il est mort à la quatrième représentation. Ainsi pendant que Molière lutte contre la mort, il nous fait rire d'Argan, cet hypocondriaque ridicule et égoïste, qui décide du sort de toute la famille en fonction de ses prétendues maladies. On comprend l'ironie tragique de la pièce. On peut donc mettre en scène la pièce différemment, soit en soulignant la présence de la mort à qui Molière adresse un dernier pied de nez, soit en choisissant carrément l'aspect amusant. Argan a épousé en seconde noce une femme intéressée Béline qui attend la mort de son mari pour récupérer l'héritage en envoyant ses belles-filles au couvent. Argan exige que sa fille Angélique épouse un médecin Thomas Diaforirus, mais celle-ci aime Léante qui veut l'épouser. Or, le jeune homme a un gros défaut : il n'est pas médecin ! Il se fait passer pour un maître de musique pour pouvoir courtiser Angélique. La servante Toinette déguisée en médecin va imaginer un stratagème pour confondre Béline et pour obtenir le consentement d'Argan au mariage des deux tourtereaux. Comme souvent, la satire des médecins tient une place importante dans la comédie.

 

Mon avis

Le metteur en scène, auteur compositeur, Raphaël  Callendreau, a choisi d'adapter Le malade imaginaire en comédie mucicale et cela marche et même fort bien ! Et après tout pourquoi pas ? La pièce n'était-elle pas à l'origine une comédie-ballet mise en musique par Marc-Antoine Charpentier, musicien qui avait remplacé Lully avec qui Molière était brouillé. 

Cette comédie où alterne prose et chanson, façon Jacques Demy, accompagné au piano, est un petit régal où le rire est servi par quatre excellents comédiens très à l'aise dans les personnages différents qu'ils incarnent ! Une  interprétation sans faiblesse quel que soit le rôle incarné et une manière  habile et astucieuse de  faire exister, malgré leur absence, les personnages qui ont été supprimés. Si le tout forme  un spectacle fort gai, si l'on rit d'un Argan absolument ridicule ou d'un Diaforus hilarant, la mise en scène n'occulte pas les angoisses du Malade imaginaire ou pas et, au cours d'un ballet-cauchemar grimaçant, l'omniprésence de la mort !  

Un excellent spectacle agréable, amusant et intelligent que toute la famille a apprécié. Ma petite-fille qui a 13 ans a adoré et des quatre spectacles qu'elle a vus pour l'instant, c'est son préféré.  (3 sur les 4 pièces sont de Molière ou sur la vie de Molière, un autre de Bertold Bretch !)

 

3 SOLEILS - Buffon
4, rue Buffon
 84000 - Avignon -
Le Malade imaginaire en la majeur à 19h45
Durée : 1h20
du 7 au 29 juillet - Relâches : 11, 18, 25 juillet

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Raphaël Callandreau
  • Interprète(s) : Cécile Dumoutier, Marion Peronnet, Raphaël Callandreau, Simon Froget-Legendre, Arnaud Schmitt

 

 

 




jeudi 6 juillet 2023

Molière / Anthony Magnier : les Fourberies de Scapin : Théâtre Les Lucioles festival Avignon 2023

 

 La pièce de Molière Les Fourberies de Scapin, a pour personnage central Scapin, valet de la Commedia dell’Arte,  un fieffé coquin, dont on comprend d’ailleurs qu’il a tâté de la prison. Il est au service du jeune Léandre tandis que son compère  Sylvestre est le valet d’Octave.
En l’absence de leur père, Octave, fils d’Argante a épousé sans le consentement paternel une jeune fille, Hyacinthe, sans ressources et dont la mère est malade. Léandre, fils d’Orgonte, un vieil avaricieux, est tombé amoureux de l’égyptienne Zerbinette avec qui il s’est fiancé.
Courroux des pères qui vont tout faire pour rendre nulles ces unions ! Heureusement, il y a Scapin, le rusé, qui va aider les jeunes gens à vivre leur amour. Oui, mais… ce ne sera pas sans quelques petites vengeances et sans en tirer profit ! La pièce est une satire des maîtres et des rapports avec leur valet. C'est aussi un peinture des rapports entre père et fils à une époque où les enfants étaient soumis à leurs parents par la loi et, dans les milieux bourgeois, par la dépendance financière.

Mon avis

J'ai amené ma petite-fille (13 ans) voir Les Fourberies de Scapin dont elle a étudié des extraits en classe. Je ne sais pas si c'est général ou si c'est dans son collège mais j'ai l'impression que l'on n'étudie plus les pièces de Molière entièrement à raison d'une chaque année comme avant ? Et si c'est le cas c'est bien dommage car je vois qu'elle a été réceptive à cette représentation amusante et pleine de bonne humeur de la Compagnie Viva, mise en scène par Anthony Magnier.

Au début de la pièce, j'ai peu aimé, pourtant, le côté parodique un peu trop poussé à mon goût de l'interprétation de Hyacinthe et d'Octave mais, ensuite, tout en soulignant le ridicule de tous  personnages, le ton devient plus modéré.  La mise en scène joue, bien sûr, sur le comique de situation et de caractère mais rappelle en même temps les rapports de force entre les valets et les maîtres, la  brutalité d'une époque où le serviteur pouvait recevoir des châtiments corporels. Anthony Magnier campe à cet égard un Scapin convaincant qui n'oublie pas les affronts reçus, employant toute sa ruse au service des jeunes maîtres mais déployant aussi son talent à exercer sa vengeance. Les grandes scènes de la galère ou du sac sont réussies.

La scénographie est agréable : un plateau nu avec en arrière-plan un rideau laissant apparaître par transparence les silhouettes des personnages modelés par des jeux de lumière. Les costumes pailletés de deux jeunes maîtres rappellent les ridicules des petits marquis du XVII siècle dont Molière raillait les excès de toilette, dentelles, noeuds et falbalas.

Un bon spectacle  !

 La compagnie VIVA

En 2002, Anthony Magnier crée la compagnie Viva et entreprend d'explorer la modernité des grands textes du répertoire, tout en les partageant avec un large public. Au rythme d'une création par an, la compagnie est présente chaque année au Festival d'Avignon et joue près de 150 représentations par an dans toute la France.

Théâtre Les Lucioles 15H30 durée 1H25

 LES FOURBERIES DE SCAPIN

Festival du 07 au 29 juillet / relâches les 12, 19 et 26 juillet

Mise en scène : Anthony Magnier
Auteur : Molière
Interprètes : Elisa Bénizio , Bérénice Coudy, Matthieu Hornuss, Anthony Magnier, Antoine Richard, Ronan Rivière
Costumes : Mélisande de Serres
Lumières : Clément Commien et Marc Augustin-Viguier
Accessoires : Sophie le Carpentier
Administration : Anne Mourotte
Diffusion : Soha Khelifa
La compagnie reçoit le soutien de la Ville de Versailles et régulièrement celui de l'ADAMI, de la SPEDIDAM, du Conseil Général des Yvelines, de la Région Ile de France, du Jeune Théâtre National et de Creat'Yve.

Tout Public- 1H25
Théâtre

 

Welfare à la cour d'Honneur : festival d'Avignon 2023

Welfare de Juile Deliquet à la Cour d'Honneur festival d'Avignon 2023
 
 
 Spectacle monté sur la scène de la cour d'honneur

 

Welfare est un spectacle de la metteur en scène Julie Deliquet adapté d’un film documentaire réalisé par Frederik Wiseman en 1973.
Les problèmes de logement, de santé, de chômage, de maltraitance frappent les Américains les plus pauvres. Dans un bureau d'aide sociale new-yorkais, employés et usagers se retrouvent démunis face à un système qui régit leur travail et leur vie.



Extrait du film de Wiseman


Présentation de la pièce de théâtre par Julie Deliquet

" Moi j’aime regarder les gens, j’aime réfléchir à tout ce que je vois. » : ces propos du cinéaste Frederick Wiseman sont au cœur de l’adaptation de Welfare (1973) par Julie Deliquet. Une journée particulière dans la vie des sans-abri, des apatrides, des travailleurs, des mères célibataires et des démunis qui se succèdent aux guichets de ce centre d’aide sociale improvisé dans la Cour d’honneur. Le temps de la représentation, le Palais des papes devient le lieu d’une hospitalité qui peine à prendre figure humaine. Voilà le territoire des personnages que met en scène l’actuelle directrice du Centre dramatique national de Saint-Denis, dont le théâtre cherche à capter la vie au cœur de la comédie humaine. Quinze héros du quotidien dont les récits s’entremêlent pour dresser en creux le portrait des dysfonctionnements de notre société. Des personnages qui nous invitent à les suivre et à traverser le quatrième mur comme on traverse le fantasme pour reprendre pied dans le réel. Une pièce qui nous rappelle que la parole est une action et que la faire advenir est un acte citoyen."

 


 

 L'action commence avant même le début du spectacle. Nous sommes dans un asile de nuit. Sur la scène on plie les draps, on démonte les lits de camp, et nous nous retrouvons dans un gymnase qui a servi  d'hébergement de nuit pour les sans-abri. Puis nous voilà dans un bureau d'aide sociale où défilent les exclus de la société, migrants, chômeurs, handicapés, dont les dossiers se perdent dans les méandres d'une administration kafkaïenne. Nous sommes aux Etats-Unis mais, vous l'avez compris, nous pourrions tout aussi bien être en France.

Le spectacle est adapté du film documentaire de Wiseman que je n'ai pas vu, donc pas de comparasion possible et, d'ailleurs, la metteuse en scène, Julie Deliquet, se défend d'avoir fait un documentaire : "je fais du théâtre, je raconte une histoire."

Seulement voilà, si elle ne fait pas du documentaire, elle ne fait non plus du théâtre ! Ce qui fonctionnait peut-être bien au cinéma ne m'a pas paru fonctionner au théâtre. Ce défilé de personnages qui crient et  s'agitent sur la scène ne touche pas, pire il finit pas ennuyer malgré toute l'horreur des situations désespérées qu'il présente. Peut-être à cause de la distance, les personnages ne sont pas véritablement humains, ils sont démonstratifs.

De plus, il n'y aucune progression dramatique.  Les personnages se succèdent sur la scène, explications, cris, pleurs, et au suivant !  Cela recommence et l'on se dit, à la longue, qu'il n'y a aucune raison que le défilé s'arrête puisque la misère est inépuisable.

Et que dire de cette altercation entre le policier noir et l'ancien combattant raciste si ce n'est que la platitude du dialogue est affligeante ?

 Je ne me suis jamais autant ennuyée au théâtre et comme ma petite fille et mon mari aussi, nous avons quitté la représentation avant la fin, ce qui est très rare de notre part  ! 

Si les bons sentiments ne font pas de la bonne littérature, à mon avis, on peut en dire autant au théâtre !

 

samedi 1 juillet 2023

Stefan Zweig : La peur et adaptation de La peur au théâtre par la

 

 

La peur est une nouvelle de Stefan Zweig  dans laquelle l’écrivain analyse les sentiments d’une femme infidèle en butte à un chantage.

Irène Wagner a un amant, un pianiste de milieu modeste. Un jour qu’elle sort de chez lui, elle est abordée par une femme d’apparence vulgaire qui lui reproche de lui avoir pris son amant. Désormais la peur s’empare de la jeune femme.  L’inconnue la suit  et la fait chanter, lui extorque de l’argent. Un jour, elle va jusqu’à s’introduire chez elle en présence de son mari et ses enfants. La peur devient  obsession, vire au cauchemar dans une sorte de crescendo étouffant malgré les tentatives de son mari qui s’aperçoit de son trouble et semble prêt à l’écouter. Elle n’ose plus sortir de chez elle, vit dans l’attente d’une catastrophe, se sent constamment menacée.

"Elle se sentait malade. Elle devait parfois s'asseoir subitement, tant son coeur était pris de palpitations violentes ; le poids de l'inquiétude répandait dans tous ses membres le suc visqueux d'une fatigue presque douloureuse, qui refusait pourtant de céder au sommeil;"

Stefan Zweig analyse les sentiments de cette grande bourgeoise, femme de magistrat, qui toujours eu une vie protégée et facile. N’est-ce pas par ennui et non par passion qu’elle a pris un amant ?

"Blottie paresseusement dans la tranquillité d’une existence bourgeoise et confortable, elle était tout à fait heureuse aux côtés d’un mari fortuné, qui lui était intellectuellement supérieur, et de leurs deux enfants. Mais il est une mollesse de l’atmosphère qui rend plus sensuel que l’orage ou la tempête, une modération du bonheur plus énervante que le malheur. La satiété irrite autant que la faim, et la sécurité, l’absence de danger dans sa vie éveillait chez Irène la curiosité de l’aventure."

Elle prend alors conscience de tout ce qu’elle va perdre si son mari découvre son infidélité :  ses enfants, un mari qu’elle aime, une vie aisée… Il se passe peu de choses dans cette nouvelle, tout tient dans l’intensité dramatique que Stefan Zweig a su créer. C’est avec une rare maîtrise qu’il analyse la psychologie de ce personnage féminin dont on l’impression qu’il a le pouvoir de pénétrer la conscience et de la mettre à nue devant nous.

Une lecture prenante, d’une telle force et d’une telle acuité que l’on ne peut s'arrêter dans la lecture jusqu’au dénouement. Pourtant celui-ci ne m'a pas surprise car je m’y attendais un peu mais, à mon avis, ce n'est pas ce qui est important. 

 J’ai lu cette nouvelle parce que je vais assister à la pièce adaptée à la scène  au festival d’Avignon le 16 juillet à La Scala de Provence. Je vous dirai ce que j’en pense en temps voulu. Je dois dire que je suis curieuse de voir comment on peut rendre au théâtre cette urgence de la lecture qui s'empare du lecteur et cette profondeur dans l’analyse.

dimanche 25 juin 2023

Sujata Massey : la malédiction de Satapur

 

Sujata Massey est une écrivaine américaine d’origine anglaise, indienne et suisse. Elle commence une série policière mettant en scène son héroïne Perveen Mistry dans Les veuves de Malabar Hill  que je n'ai pas lu puis dans La malédiction de Satapur, le roman dont je vais parler aujourd’hui.

Le roman La malédiction de Satapur  se déroule à Bombay en 1921puis à Satapur. Perveen Mistry a pour modèle Cornelia Sorbji, la première femme indienne a avoir fait des études de droit à Oxford et Mithan Jamshed Lam, la première femme indienne à avoir été inscrite au barreau à Bombay. Comme elles, Perveen Mistry qui  a rejoint le cabinet d’avocats de son père, devient la première femme avocate en Inde alors que seuls les hommes sont autorisés à plaider. 

L'Inde : un protectorat britannique 

 

En 1921, l’Inde est sous protectorat du Royaume-uni. C'est à ce titre que les agents politiques anglais  doivent intervenir pour régler les litiges qui surviennent dans les petits royaumes régis par des souverains indiens.

Bien que le gouvernement britannique détienne le pouvoir sur approximativement soixante et un pour cent du sous-continent, le reste de l’Inde était un patchwork de petits et grands Etats, et de possession territoriales dirigées par des Hindous, des Musulmans et quelques Sikhs. En échange d’être dispensées de la loi anglaise, de nombreuses royautés payaient des tributs aux Britanniques sous la forme de liquidités ou de récoltes.

A Satapur, dans les montagnes Sahyadri, le maharajah vient de mourir ainsi que son fils aîné dans des circonstances suspectes. L’héritier au trône est trop jeune pour régner. Les deux Maharanis, la mère et la femme du roi défunt, s’opposent en ce qui concerne l’avenir du jeune héritier et son éducation.

La reine douairière veut qu’il fasse des études au palais comme par le passé. La jeune souhaite qu’il aille étudier en Angleterre et elle insinue que la vie de son fils lui paraît menacée s’il reste sur place. Toutes deux demandent l’arbitrage du protectorat et comme l’agent politique en place, Colin Sandringham, ne peut être reçu par des femmes qui pratiquent la purdah ( séparation stricte des hommes et des femmes), Perveen Mistry, en tant  que femme et avocate,  accepte de représenter le gouvernement britannique et se rend à Satapur pour donner un avis impartial.

Une intrigue policière

C’est donc à Satapur que Perveen va accomplir sa mission non sans danger, on s’en doute ! Après sa rencontre avec Colin, elle va voyager en palanquin, ce qui n’est pas de tout repos ! découvrir l’intérieur d’un palais royal, faire connaissances des ranis, échapper à bien des dangers, tout en protégeant les enfants royaux et en risquant sa vie. Car, il s’agit d’un roman policier, ne l’oublions pas ! A ce propos, j’ai trouvé que l’action policière avait bien du mal à se mettre en place et les péripéties du drame qui se joue dans cette petite cour royale interviennent assez tardivement. Plus intéressantes sont les connaissances que nous apporte l’écrivaine sur l’Inde du début du XX siècle.

 
 Une critique de la colonisation britannique

Le livre est une  critique de l’hégémonie britannique sur l'Inde. La première réaction de Perveen quand on lui  propose cette mission est celle-ci  :  

Elle faillit lâcher sa tasse de thé. Il était hors de question qu’elle travaille pour l’Empire britannique qui maintenait l’Inde sous sa patte d’éléphant depuis le XVII siècle.

Elle qui sympathise avec les idées sur la liberté de Ghandi doit militer en cachette pour qu’une répression financière ne s’abatte pas sur le cabinet de son père. Il en est de même des souverains des petits états qui doivent accepter les mariages imposés par les Britanniques sous peine d’augmentation des impôts.

l'Inde :  coutumes, moeurs et religions

Le livre est un puits de savoir sur le vocabulaire, les moeurs et les coutumes de l’Inde, sur les fleurs et les plantes, sur la cuisine, les saveurs, sur la toilette des femmes, leurs coiffures, les cosmétiques…

Sur la religion, nous apprenons que Perveen est Parsi et zoroastrienne, religion monothéiste antérieure à l’Islam et au Christianisme dont le prophète est Zarathustra et que cette religion ne connaît ni la purdah pour les femmes, ni le système de castes comme les Hindous. Mais, même dans son milieu, il existe bien des restrictions à la liberté et elle se sent très gênée d’apprendre que Colin est célibataire et qu’elle est seule avec lui, ce qui risque de la déshonorer. Elle-même ne peut divorcer car les raisons de se séparer de son mari ne sont pas reconnues par la loi parsie et elle dépend d’une belle-mère tyrannique.

 La misère du peuple à Satapur est aussi évoquée ainsi que la responsabilité des rois qui se préoccupent bien peu d’améliorer le sort de leurs sujets.

 La condition féminine en Inde en 1921

 La condition féminine est au centre du l’intrigue. Les femmes de religion hindoue vivent dans le zénana, partie réservée aux femmes et explique Vandana, femme indienne émancipée, un des personnages secondaires du roman, :    

« La purdah n’est pas un privilège mais une vie de restriction. La maharani peut voyager à quelques kilomètres pour prier au temple familial- mais quand elle s’y rend, son palanquin doit être fermé par des rideaux. Personne ne doit voir son visage »

 
Le roman est féministe et l’on y voit une femme avocate compétente qui va statuer en faveur d’une autre femme et montrer que celle-ci, pour peu qu’elle ait droit à l’instruction, peut gouverner et n’est en aucun cas inférieur à l’homme.

En résumé et à mon avis, un roman à lire plus pour tout ce que l’on apprend sur l’Inde de cette époque que pour l’intrigue policière !
 

 

LC avec Maggie ICIDoudoumatous ICI,  Rachel