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lundi 24 août 2009

David Lodge : Pensées secrètes


L'action de Pensées secrètes se déroule dans le cadre de l'université fictive de Gloucester créée par David Lodge pour servir de cadre à ses personnages.
Dans Pensées secrètes un nouveau professeur de création littéraire, Helen Reed, elle-même romancière, arrive à l'université de Gloucester pour remplacer le titulaire du poste, le professeur Marsden qui, après avoir assuré le premier semestre, est parti en congé sabbatique. Helen vit à Londres, a deux enfants adultes et a besoin d'un changement dans sa vie. Son mari Martin est mort, il y a un an, et elle n'arrive pas à surmonter son chagrin. Elle fait ainsi connaissance de Raph Messenger, brillant professeur de sciences cognitives, mariée à Carrie qui possède une fortune personnelle et, à ce titre, un pouvoir certain sur son mari. Assez antipathique et même parfois carrément odieux, grand amateur de femmes, Messenger n'en est pas à sa première infidélité et n'a de cesse de mettre Helen dans son lit. D'éducation catholique, Helen est sensible au charme du séducteur quinquagénaire mais elle refuse l'adultère. Deux découvertes la feront changer d'avis : le roman que lui donne à lire une de ces étudiantes, Sandra Pickering, dont le comportement assez mystérieux l'a intriguée et le fait que Carie ait elle-même un amant. Telle est la trame de l'histoire réduite ici à son squelette autour de laquelle se greffent les agissements et les pensées des nombreux personnages qui vivent en vase clos sur ce campus et forment un microcosme complexe que l'auteur, comme un entomologiste, a tout loisir d'étudier voire de disséquer.
J'ai trouvé le thème principal du roman très intéressant. Il porte sur le débat philosophique et scientifique concernant la conscience et les différentes théories qui opposent les spécialistes entre eux selon leur appartenance à un courant de pensée. La science, à l'heure actuelle, s'intéresse en effet, à l'étude du cerveau jusqu'alors la partie de notre corps la plus méconnue, pour chercher à expliquer ce qui fait la conscience.
Nous savons que l'esprit ne relève pas de quelque univers  immatériel, surnaturel, le fantôme dans la machine. Mais alors de quoi est-il fait? Comment expliquez-vous le phénomène de la conscience? S'agit-il seulement d'activité électrochimique du cerveau? De la décharge de neurones, de neurotransmetteurs libérés par les synapses? (Raph Messenger)
Ainsi, de nos jours, les progrès techniques, grâce au scanner, à l'IRM, permettent de repérer les zones du cerveau qui sont concernées par telle ou telle émotion. Mais comment cela se traduit-il en pensée se demande Ralph Messenger qui est persuadé que la science cognitive parviendra à le découvrir. Le cerveau n'est-il pas, en effet, semblable à un ordinateur à traitement parallèle qui met en même temps tous ses programmes en fonction? Le but des scientifiques est donc de parvenir à mettre au point un ordinateur capable de penser comme un être humain.
L'habileté de David Lodge est d'exposer ces théories complexes et ardues en les mettant à notre portée de manière à les rendre non seulement compréhensibles mais aussi passionnantes . Helen Reed joue ici le rôle du Candide à qui Messenger expose ses théories et fait découvrir les expériences en cours. En opposant Messenger à Helen Reed, le scientifique à la romancière, l'athée matérialiste à la catholique en proie au doute, David Lodge fait coup double. Si d'un point de vue scientifique il remet en cause le concept de l'âme immortelle  (Y-a-t-il un fantôme dans la machine?) et de la dualité du corps et de l'esprit, il dénonce aussi la prétention des scientifiques qui sont loin d'avoir percé les mystères de la conscience car chaque individu est unique. En laissant le "mot de la fin " à Helen , il donne le point de vue de l'écrivain. Et si l'Homme finalement n'était pas une machine? La littérature, en fin de compte, n'est-elle pas allée plus loin jusqu'à maintenant que la science dans l'analyse de la conscience, de son cheminement obscur et de ses motivations secrètes?
Sans doute ai-je toujours cru que la conscience était le problème de l'art, particulièrement de la littérature, et plus particulièrement du roman.(...) Au fond je suis assez contrariée à l'idée que la science vienne fourrer son nez dans cette affaire, mon affaire à moi. Ne s'est-elle pas déjà approprié une part suffisante de la réalité? Doit-elle aussi avoir des prétentions sur l'essence intangible, invisible de la personne humaine? (Helen Reed)
La construction du roman assez complexe fait alterner les points de vue, celui de Messenger et de Reed  mais aussi d'un narrateur omniscient si bien que certaines scènes sont narrées plusieurs fois selon le ressenti de chacun. Nous pénétrons ainsi dans les pensées intimes de Ralph et de Helen par le biais des notes privées dictées par le scientifique et par le journal de la romancière, ce qui nous permet de connaître l'intérieur de leur conscience, privilège du romancier non du scientifique selon la démonstration de l'auteur! D'ailleurs, Ralph ne connaîtra les pensées secrètes de Helen qu'en violant son journal  et il ne sortira pas indemne de cette lecture puisqu'il y découvrira l'infidélité de sa femme. Je vois là l'ironie de David Lodge qui châtie ainsi son personnage  et ridiculise ses certitudes.
Autre plaisir du roman, les devoirs que donne Helen à ses étudiants sur le thème de la conscience : comment c'est d'être une chauve-souris?  ou sur Mary découvrant pour la première fois les couleurs. Ces travaux donnent lieu à des pastiches pleins d'humour imitant de grands écrivains.

Pierre Gaspar-Huit : Catalina la terrible : la vie extraordinaire de la nonne conquistador


Catalina de Erauso
 

Jamais je n'aurais lu Catalina la terrible de Pierre Gaspar-Huit, écrivain et réalisateur de cinéma (l'auteur du film Le Capitaine Fracasse)si la médiathèque d'Avignon n'avait fait une vente de ses livres déclassés.  C'est là que j'ai découvert ce roman historique curieux et rare!
Catalina La terrible de Pierre Gaspard-Huit porte ce sous-titre évocateur : La vie extraordinaire de la nonne conquistador. Le lecteur sait donc dès le départ qu'il a devant lui un roman qui va lui faire partager les tribulations d'une aventurière à la conquête du Nouveau Monde. Que cette femme, déjà hors norme, soit une nonne, pimente encore le récit qui peut nous paraître de prime abord peu vraisemblable.
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable disait Jean Racine. Comme il avait raison car ce roman picaresque, plein de rebondissements, de duels, de batailles, de brigands, de pirates et d'indiens est une histoire vraie.
Dona Catalina de Erauso est née en 1585 à Saint Sébastien de Guipuzcoa, en Biscaye, d'une noble famille d'hidalgos espagnols, orgueilleux de leur race mais ruinés. C'est pourquoi,  à l'âge de 15 ans, faute de dot, la jeune fille est mise au couvent d'où elle s'enfuit pour échapper aux persécutions d'une autre novice. Alors commence le début des aventures qui vont conduire la jeune fille travestie en garçon à travers l'Espagne, une fois au service d'un maître qui lui apprend l'escrime,  d'un aveugle qui l'initie à la mendicité, au jeu, à la tricherie, étudiante à  Saragosse, actrice dans une troupe de théâtre à Valladolid ou Madrid, prisonnière de brigands de la Sierra Morena qui l'enrôlent de force dans leur bande, menacée par l'inquisition à Séville... Ce dernier épisode l'obligeant à embarquer clandestinement sur un galion, le San Cristobal, à combattre des pirates, à aborder le Nouveau Monde où elle s'engage dans l'armée et devient Alférez, porte-bannière, décimant les populations d'indiens autochtones, arpentant au gré de ses aventures le Pérou, la Bolivie, le Chili, rendant justice parfois, parfois assassinant ... Une vie hors du commun rendu possible par le secret bien gardé de son identité sexuelle qui ne sera découverte que tardivement. La nonne retournera alors en Espagne, sera reçue par le roi Philippe III, obtiendra le pardon du pape, écrira ses mémoires avant de repartir pour le Nouveau-Monde où elle périra comme elle a vécu, dans la violence.
Au cours de ma lecture, j'ai retrouvé avec plaisir la saveur du roman picaresque. La nonne Alférez à pour frères Lazarillo del Tormes et  Gil Blas. Dans la première partie qui s'intitule Espana , on retrouve les "types" attendus de cette littérature : le faux aveugle, le mendiant, le tire-laine, le brigand, l'étudiant miséreux, l'actrice légère, le noble batailleur et insouciant.. Les situations rocambolesques vécues par l'héroïne n'en correspondent pas moins à une société bien réelle, décrite avec précision. On apprend donc beaucoup, tout en s'amusant sur les moeurs de l'époque. La vie de Catalina nous permet de connaître la hiérarchie sociale du bas au haut de l'échelle puisque l'aventurière fréquente tour à tour les grands d'Espagne ou la lie du peuple. Le fait que cette histoire ait réellement existé et que ces faits soient attestés, donnent, de plus, du piquant à la lecture.
La deuxième partie consacrée au Nouveau-Monde : Indias est passionnante aussi car elle nous fait découvrir toute l'horreur de la conquête, les massacres d'indiens Araucans au Chili, l'exploitation inhumaine des populations obligées de travailler dans les mines en Bolivie, esclaves des nouveaux riches espagnols à Potosi. Nous découvrons avec Catalina la somptuosité des paysages péruviens, la splendeur du lac Titicaca et sa légende, le mythe des enfants du Soleil.
Enfin la troisième partie : le Bout de la route, beaucoup plus brève, narre le retour de Catalina en Espagne où son histoire est révélée à tous et fait grand bruit,  et sa mort  tragique au Mexique où elle est attaquée par des brigands au pied du Popocatepetl.
Un agréable et inattendu roman d'aventures.

David Mitchell : Le fond des forêts




Le fond des forêts est le second livre que je lis de David Mitchell après Cartographie des nuages. Si le premier était intéressant par sa virtuosité, le second est plus classique mais tout aussi intéressant. Il s'agit d'un roman d'adolescence, de passage. Il explore ce moment si difficile où tout en appartenant encore à l'enfance, on est pourtant déjà en mutation vers autre chose sans avoir encore les moyens de l'assumer.
Jason Taylor a 13 ans. Il vit  dans  un petit village du Worcestershire en lisière de la forêt, au bord d'un lac gelé par l'hiver, lieux mystérieux qui exercent sur lui une étrange fascination et où ce qui arrive est toujours à la limite du fantastique. Là, il rencontre des personnages fascinants comme cette vieille dame qui croit vivre avec son frère mort à la guerre depuis longtemps déjà, cet ancien professeur qui aurait tué un élève jadis, du moins la rumeur l'affirme, et qui  menace de lancer ces dogues sur lui, les romanichels qui l'accueillent autour de leur feu, le fantôme du patineur disparu sous la glace et qui est peut-être bien son double, son jumeau, l'existence de tunnels qui mènent aux anciennes mines et semblent les lieux de tous les dangers du moins pour son imagination fertile.
Côté famille, la situation n'est pas très drôle. Il assiste, sans toujours bien s'en rendre compte, à la dégradation progressive des relations entre ses parents. Son père entretient une maîtresse, perd son travail. Sa mère part et lui aussi doit quitter, en la suivant, sa maison, son village. De plus, il est témoin de l'hypocrisie sociale quand son oncle, plein d'une fausse amabilité, accable son père de conseils pour mieux lui faire sentir qu'il est plus riche que lui et le mépriser.
Côté école -et bien qu'il soit bon élève- Jason ne s'en tire pas mieux. Il doit essayer de cacher son bégaiement à tous et même s'il prend des cours avec l'orthophoniste, il sera la proie des railleries et autres cruautés de la part des autres collégiens. Il doit aussi subir des épreuves d'initiation pour entrer dans le club secret qui lui permettra de se sentir intégré et d'être du côté du pouvoir car l'école est un microcosme, reflet de la société des adultes, avec ceux qui dominent et ceux qui subissent, avec ses codes auxquels il faut obéir pour être accepté. Mais, alors qu'il a accompli ses exploits victorieusement, il va découvrir que le courage véritable ne réside dans ces actes de gloriole. Le courage c'est de de venir en aide à un ami dépourvu de prestige lorsque celui est dans dans la détresse quitte à perdre sa place dans le groupe des "puissants". Le courage, c'est aussi de briser le tabou du silence en dénonçant le racket des plus grands, en  refusant la loi du plus fort même s'il passe pour un mouchard et se met au ban de la société.
Mais c'est aussi précisément ce qui le fera grandir, lui donnera une maturité. Et finalement la vie n'est pas entièrement noire pour Jason qui réussit son passage; ses épreuves le rapprochent de sa soeur, lui gagne l'admiration d'une fille et son premier baiser, lui qui avait peu de succès jusque là. Il y a gagne surtout l'estime de lui-même, ce qui peut se résumer par ces phrases écrites à son intention par Mr Kempsey, son professeur principal :
Rêver de sécurité ou de popularité rend faible et vulnérable. Ne soutenez pas un point de vue auquel vous n'adhérez pas. Ne riez pas de ce qui ne vous fait pas rire.
Le respect gagné à force d'intégrité ne peut vous être repris sans votre consentement.
Le roman n'est jamais démonstratif. Il explore avec subtilité tous les méandres de la conscience du jeune garçon, ses tentations de céder au plus fort, ses petites lâchetés, son désir de se fondre dans la masse pour avoir la paix, pour appartenir au groupe. L'imaginaire du jeune garçon est riche, sa sensibilité aussi si bien que l'on suit avec plaisir son évolution. Le récit, à la première personne, est très crédible dans la peinture de la mentalité des adolescents, de leur langage, de leur univers.
Un très bon livre!

mercredi 12 août 2009

Festival off d’Avignon 2009 : Pascal Adam, Ce que j’ai fait quand j’ai compris …


La caserne des Pompiers, lieu de programmation de La Champagne-Ardennes
Je n'ai pas aimé le texte de Pascal Adam, Ce que j'ai fait quand j'ai compris que j'étais un morceau de machine ne sauvera pas le monde, qui porte sur le monde un regard noir, extrêmement pessimiste. Non que le propos soit inintéressant. Il nous dit que nous ne sommes qu'un rouage de la machine, une infime petite partie d'un tout que les politiques et les marchands de divertissements manipulent à leur gré. Mais la démonstration est à mon goût un peu lourde, donneuse de leçon, l'humour absent et l'on se dit, en quittant le théâtre, que si l'auteur critique "l'entertainement" et les gens qui nous "entertainent", avec lui, on ne risque rien sur ce plan-là!  Aucune émotion, une démonstration froide. Les différents personnages qui se succèdent sur la scène n'existent pas, n'ont pas de chair, ils sont là pour servir un discours qui nous paraît bien rebattu parfois.
Pourtant, j'ai été intéressée jusqu'au bout et je dois ceci à la maîtrise du comédien (Fabien Joubert), vraiment très bon, qui porte sur ses épaules la charge de donner vie à ce texte. Il est seul, assis, sous la lumière du projecteur, sur une scène plongée dans l'obscurité, et devient tour à tour Joseph Vronsky, Albert Pondu (le producteur), Louise Hermosure, (une femme qui n'existe que dans l'imagination de Vronsjy)... Il est  dommage que le metteur en scène -qui est aussi l'auteur de la pièce- interrompe cette performance d'acteur par la projection d'un film vidéo sans grand intérêt. Ce visionnement  ne nous apporte rien mais nous fait espérer le retour de l'acteur  - en grève, hélas! du moins son personnage - pendant trop longtemps.

Ce que j'ai fait quand j'ai compris que j'étais un morceau de machine ne sauvera pas le monde
auteur et metteur en scène :  Pascal Adam
interprète Fabien Joubert
Cie C'est la nuit
Caserne des pompiers
du 8 au 29 Juillet 2009 à 17H

Festival off d’Avignon 2009 : La légende merveilleuse de Godefroy de Bouillon

Parade : Les Royales Marionnettes
Contrairement à ce que le titre indique, la légende merveilleuse de Godefroy de Bouillon présentée à Villeneuve-en-Scène sous chapiteau, est tout sauf merveilleuse car elle conte les massacres perpétrés au Moyen-âge sous le couvert de la religion. Le texte de Didier Balsaux et Bernard Massuir de la Compagnie belge Royales Marionnettes, présente, en effet, un point de vue intéressant : le héros wallon est un guerrier cruel qui n'épargne sur son passage ni femmes et enfants. Parti à la reconquête de Jérusalem, ce croisé incarne le fanatisme religieux et c'est au nom de la foi qu'il verse le sang sans autre forme de remords ou débat de conscience.
Qu'il ressemble à de nombreux fanatiques de notre temps et que l'on puisse rapprocher ce récit de notre époque en le mettant en parallèle avec la situation actuelle en Palestine est une évidence. C'est pourquoi l'insistance des auteurs à ce sujet est peu trop redondante à mon goût et tourne à la démonstration pédagogique.
Les marionnettes taillées dans le bois sont belles mais ressemblent à des sculptures et restent rigides. La manipulation ne suffit pas à leur prêter vie. Pourtant, la mise en scène et la scénographie ne manquent pas d'inventions qui ne sont malheureusement pas toujours abouties. Ainsi, accompagnant les personnages historiques, une marionnette comique du folklore belge sert à la fois de Candide dans l'aventure où il est obligé de suivre son maître et de révélateur du caractère de Godefroy et de son inhumanité. Lui aussi, cependant, manque de vie, de truculence et ne fait pas toujours rire.
Une autre trouvaille, réussie celle-là, car elle permet de visualiser et d'imaginer,  c'est d'avoir mis face à face un acteur incarnant le pape et son pouvoir spirituel et une marionnette représentant l'homme obéissant à ce haut souverain. La différence de taille introduit une notion d'échelle qui permet au spectateur de concevoir la toute-puissance de l'Eglise et de son représentant qui ne prône pourtant que meurtres et destructions au nom de son Dieu.
Dans l'ensemble le spectacle, même s'il présente quelques bonnes idées, n'est pas arrivé à m'accrocher et  je l'ai trouvé plutôt ennuyeux.

La légende merveilleuse de Godefroy de Bouillon
de Didier Balsaux et Bernard Massuir
mise en scène :  Bernard Massuir
Royales Marionnettes
à Villeneuve en scène
du 5 Juillet  au 24 juillet 2009
communauté française de Belgique

Archives du festival d’Avignon 1997 : Dom Juan d'origine d'après Tirso de Molina

Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

La représentation de Don Juan d'origine, pièce de Louise Doutreligne d'après Tirso de Molina et d'après la correspondance de Madame de Maintenon, mise en scène par Jean-Luc Paliès,  se déroulait, en ce mois de Juillet 1997, en plein air, au théâtre du Balcon, côté cour.
Je me souviens bien de cette magnifique scénographie et de la finesse de la mise en scène de Jean-Luc Paliès qui exaltaient les thèmes féministes de Louise Doutreligne, auteur de ce Dom Juan d'Origine, mise en abyme de la pièce de l'écrivain espagnol. Féministes, car les jeunes filles, en interpétant ce Don Juan, brisent le carcan dans lequel elles sont enfermées, pulvérisent les codes moraux et religieux qu'on leur a inculqués. Elles sortent de leur chrysalide pour se retrouver femmes, sensuelles, prêtes à l'amour. Et madame de Maintenon qui se meurt dans son lit a beau secouer sa clochette pour ramener à elle ses brebis égarées, elle demeure impuissante devant cette métamorphose.
Cet article est paru dans le journal La Provence : Coup de coeur du OFF  15 juillet 1997


Festival off d’Avignon 2009 : Mattei Visniec , Le Mot Progrès dans la bouche de ma mère … Metteur en scène Jean -Luc Paliès


J'aime beaucoup le travail de Jean-Luc Paliès, metteur en scène. Je garde un très beau souvenir de son Vita Brevis d'après le roman de Jostein Gaarder et de Dom juan d'origine un texte de Tirso de Molina-Louise Doutreligne. C'est pourquoi, je n'ai pas voulu rater le spectacle qu'il présente cette année au festival d'Avignon.
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Le Mot Progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux de Matei Visniec que Jean Luc Paliès met en scène avec la Compagnie Influenscènes, est une pièce qui aborde des sujets graves que l'auteur ne veut pas traiter en demi-teintes. Au contraire la charge est lourde et si le père, personnage principal de l'action, cherche le cadavre de son fils en creusant avec une pelle le sous-sol des Balkans passablement encombré par les morts de toutes guerres d'antan ou d'aujourd'hui, c'est avec une pelleteuse, si j'ose l'expression, que Matei Visniec s'attaque à toutes les formes de totalitarisme, le communisme, d'abord, mais aussi le capitalisme qui, sous le couvert de la démocratie, broie les individus, exploite leurs peines et fait commerce de leurs chagrins. La critique poussée jusqu'à la caricature est violente et la démesure qui ne laisse pas d'être tragique n'en est pas moins comique, un rire grinçant, dénonciateur, qui fait mal pourtant..
La pièce se déroule dans deux lieux différents :  les Balkans où un couple revient prendre possession de sa maison dans un village ravagé par la guerre. Le communisme a été chassé remplacé par la capitalisme le plus inhumain, la paix est rétablie mais le père et la mère n'en ont cure. Ce qu'ils veulent, la mère surtout, c'est pouvoir retrouver les restes de leur fils, Vibko, prisonnier politique exécuté d'une balle dans la nuque, pour pouvoir faire leur deuil. La tâche n'est pas aisée dans un pays où s'entassent par strates des milliers de squelettes anciens ou nouveaux, véritable danse macabre que leur fils mort  commente joyeusement.
La mise en scène qui fait intervenir des musiciens sur la scène souligne le tragique du récit tout en mettant en valeur la noirceur du comique. J.L Paliès met en évidence, en effet, les rapports que l'auteur entretient avec la mort considérée comme une farce macabre et  traitée  par la dérision. Les deux acteurs, Jean-Luc Paliès, en père ivrogne et douloureux poursuivi par les marchands de reliques et Katia Dimitrova en mère douloureuse, en proie à une idée fixe, sont très convaincants. J'ai cependant regretté que le jeu du fils (Philippe Beheydt) ne soit pas plus poussé dans la dérision et la démesure. Surtout  lorsqu'il affirme très bien s'amuser avec ses petits "amis" morts comme lui, ou encore lorsqu'il décrit dans un texte à la fois lyrique et fantastique tous les peuples de l'Europe venus mourir dans cette bonne et riche terre des Balkans. Trop de sagesse, trop de retenue dans la conception de ce rôle de revenant qui semble passer "sa mort en vacances", en évidente contradiction avec l'horrible réalité vécue par les survivants.
Le second lieu où Ida, la soeur de Vibko, se prostitue tout en envoyant de l'argent à ses parents, est Paris.  Paris avec sa mafia, ses réseaux de souteneurs qui font commerce des filles des pays de l'Est, Paris et sa prétention à la liberté, l'égalité, la fraternité, qui laisse prospérer dans l'hypocrisie la plus totale les marchands d'esclaves de notre temps. Placée sous le signe d'Almodovar par le jeu des lumières et des couleurs, les costumes, la mise en scène s'appuie sur les acteurs, le travesti, le souteneur, la patronne, pour déclencher le rire et accentuer encore la violence de la satire. Le moment où la patronne chasse Ida en l'accusant de racisme, par exemple, est d'un comique appuyé et d'une logique absurde qui ne manquent pas de force.
Paliès joue sur l'opposition entre les deux lieux en créant des univers tout à fait opposés : aux costumes sévères et aux lumières sombres du premier, s'opposent les couleurs vives et les vêtements affriolants du second.  Mais que l'on ne s'y trompe pas, si les deux univers paraissent  différents, ils se ressemblent en fin de compte dans leur inhumanité. Un spectacle de qualité.
 Le Mot Progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux
De Matéï Visniec
mise en scène par Jean-Luc Paliès
Influenscènes
Théâtre de l'Oulle

du 7 au 26 Juillet 2009 à 11H

Archives du festival d’Avignon : Don Juan d'origine





Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

Archives du festival d’Avignon : La commedia del'Arte au festival d'Aviggnon 1998


Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

Article paru dans le quotidien La Provence le mardi 28 juillet 1998

Archives du festival d’Avignon : Marivaux, l’auteur le plus joué du festival 1998


Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.
En 1998, Marivaux fut l'auteur le plus joué du festival d'Avignon. Je me souviens avoir vu toutes ses pièces avec bonheur et avoir interwievé plusieurs metteurs en scène. Ceux-ci adorant leur sujet, passionnés par Marivaux, avaient été si diserts et si intéressants que j'aurais pu écrire une thèse sur cet auteur en les écoutant. Evidemment, synthèse oblige; il s'agissait d'un article de journal :  paru  dans la Provence, le 27 Juillet 1988.



Archives du festival d’Avignon : Dario Fo, Johan Padan à la découverte de l’Amérique…





Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

L'article sur Johan Padan de Dario Fo est paru dans La Provence le 19 Juillet 1997. Ce spectacle a été un éblouissement car il alliait  à un jeu d'acteur exceptionnel, un texte brillant et généreux où le rire toujours présent est une dénonciation de l'intolérance et plaide pour le respect de la différence!

Je ne résiste pas à citer quelques passages qui rappellent à la fois Montaigne pour les idées et Voltaire pour l'ironie.



Enfin Séville.. quelle ville merveilleuse, il faut la voir! Il y a toutes ces coupoles rouges et or hérissées de clochers qui grimpent jusqu'au ciel... Il y a toutes ces maisons avec  des fontaines partout...
J'étais* en extase devant la ville. Mais à peine débarqué, sur le quai, la première chose que je vois, c'est un énorme tas de bois avec quatre hommes assis dessus, confortablement... Il brûlaient, bien tranquilles...

Et les autres** nous répondent : "non, merci, assez de petits tours.. car de ceux que vous avez emmenés à vos précédents voyages.. . il n'y en a pas un qui est revenu.
Allez, rendez-nous ceux que vous avez.. sinon nous vous envoyons des flèches et des lances!"
A peine ils avaient dit flèches et lances qu'on a fait sortir les canons des navires et on a commencé à tirer dans le tas, Ta Ta Boum, et on voyait les guerriers  indiens sauter en l'air déchiquetés... un massacre vraiment imbécile.


* Johan Padan arrive à Séville et découvre le mode "civilisé"

** les sauvages du Nouveau Monde

Archives du festival d’Avignon : Roland Dubillard : La maison d’os, fantastique danse macabre…

Archives du festival d’Avignon



 Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

Fantastique danse macabre est un  article paru dans le coup de pouce du Off  en  juillet 1996 (La Provence)

mardi 11 août 2009

Archives du festival d’Avignon : La palestine au festival en 1997, La jeune fille et la mort


L'article  La Palestine au festival sur le spectacle mis en scène par Georges Ibrahim: La jeune fille et la mort d'Ariel Dorfman est paru dans la Provence en juillet 1997
 








Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

lundi 10 août 2009

Festival Off d’Avignon 2009 : Grand’Peur et Misères… de Bertolt Brecht



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Affiche du spectacle Grand'Peur et Misères
journal Libération

La Compagnie Théâtre du Midi présente au théâtre de l'Alizé la pièce de Bertolt Brecht, Grand'Peur et Misères..., mise en scène par Antoine Chalard, composée de petits tableaux qui peignent la société allemande sous le régime hitlérien à la veille de la seconde guerre mondiale.

La scénographie, intéressante, inventive, assure la réussite de la pièce par son ingéniosité. Pour passer d'une histoire à l'autre, le décor prend l'aspect d'une longue façade miteuse dans un quartier pauvre de la ville, percée de plusieurs fenêtres qui nous permettent de voir ce qui se passe à l'intérieur de ces maisons, tour à tour usine, restaurant populaire, chambre à coucher, salle à manger.
A l'extérieur de la maison, la rue est aussi une scène de théâtre quand les personnages à leur fenêtre deviennent à leur tour spectateurs et épient ce qui se passe. Scène sur la scène, l'espace est donc  découpé de manière à ce que le spectateur soit double, celui dans la salle de spectacle dont nous faisons partie et les personnages qui sont à la fois participants quand ils sont les victimes et observateurs quand la répression frappe les autres. Peut-être s'agit-il de souligner l'aveuglement et la lâcheté de ceux qui n'interviennent pas quand ils ne se sentent pas concernés? Mais nous asssistons aussi, parfois, à une prise de conscience de certains d'entre eux et à la peur qui s'installe et  pousse à se méfier de son voisin, de son meilleur ami ou de son propre fils.
Le décor est aussi utilisé pour soutenir le parti pris burlesque de la mise en scène en créant des situations cocasses, bras d'une longueur démesurée qui se tendent d'une fenêtre à l'autre mais n'appartiennent pas à la même personne. Effet comique garanti, qui vient soulager la tension créée par l'horreur de ces scènes montrant le quotidien du peuple sous la dictature nazie, privation de liberté, censure, interdiction, délation, dénonciation des parents par les enfants, exécutions sommaires...
Les acteurs sont bons (un peu moins dans le registre tragique) et c'est ainsi que nous sommes amenés à rire de l'insupportable! Un bon moment théâtral.

Grand'Peur et Misères  de Bertolt Brecht
mise en scène : Antoine Chalard
Compagnie Théâtre du Midi
Théâtre de l'Alizé du 8 au 31 juillet 2009 à 18H30