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lundi 23 janvier 2017

Donna Leon : Un vénitien anonyme



Dans la perspective d’un voyage à Venise en février et en quête d’un livre facile à lire (j’ai eu une période de baisse de régime) voilà un titre de Donna Leon (auteure que j’ai beaucoup lue dans le passé). Il s’agit de Un vénitien anonyme, livre policier dans lequel le lecteur retrouve, bien sûr, le commissaire Brunetti.

Venise Roberto Ferruzi

Plus que Venise, c’est Mestre que nous découvrons dans cette enquête policière et vous conviendrez que la banlieue industrielle de la glorieuse cité des Doges, près des abattoirs, est une visite peu romantique. C’est là, dans un terrain vague, lieu de rencontre des prostitué(e)s que l’on découvre un travesti sauvagement assassiné. En cette période de vacances où la moitié de l’effectif de police est déjà partie, c’est à Brunetti que l’on va confier l’affaire.
Celle-ci nous mènera des milieux de prostitués masculins de Mestre à Venise dans les milieux de la banque et la société bien pensante de la bonne bourgeoisie vénitienne. En particulier cette fameuse ligue de la Moralité, dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle paraît un peu louche et… pas très morale !
 L’enquête permet à Donna Leon, tout en explorant les bas-fonds des la ville, de faire un portrait charge d’une société corrompue. Elle dénonce, au passage, la catastrophe écologique qui menace la cité et dont l’homme en général et les politiques en particulier sont les grands responsables. Nous sommes en été, la chaleur est abrutissante et exalte l’odeur d’égout à ciel ouvert de la lagune  :

Nous avons tué les mers et ce n’est qu’une question de temps avant qu’elles  se mettent à puer. Etant donné que la lagune n’est qu’un égout au fond de l’Adriatique, laquelle n’est elle-même qu’un égout par rapport au reste de la Méditerranée, laquelle..

Tout le monde parlait, tout le temps, de la destruction imminente de la ville, ce qui n’empêchait pas le prix des appartements de doubler tous les deux ou trois ans et les loyers d’augmenter dans des proportions qui les mettaient hors  de portée de la classe laborieuse.

Comme d’habitude, le charme de l’histoire tient au commissaire Brunetti, toujours aussi sympathique et qui tranche par son ouverture d’esprit et malgré son éducation de mâle italien sur les homophobes primaires qu’il rencontre dans son enquête. Nous suivons avec plaisir ses déambulations dans Venise sous la statue de bronze de Goldoni, Campo San Bartolomeo, au marché d’herbes du Rialto, ou dans le quartier de Dorsudoro, place Ramo Dietro gl'Incurabili chez un ami journaliste, possesseur de tableaux de maîtres italiens Ferruzi, Morandi, Guttoso.. Nous  nous attablons avec lui dans les petites trattoria où il fuit l’insalata di calamari laissée par sa femme dans le réfrigérateur.

Giorgio Morandi

Bref! une lecture agréable, peut-être pas la meilleure enquête parmi celles que j’ai lues de  cette écrivaine mais avec une recette toujours gagnante : Venise, véritable personnage de tous les romans de Donna Leon et à son commissaire Brunetti.


samedi 21 janvier 2017

Michel Bernard : Deux remords de Claude Monet

La capeline rouge de  Claude Monet portrait de Camille l'épouse de Calude Monet
La capeline rouge Claude Monet
Il (Monet) avait ressorti La capeline rouge (Camille) de sous la couverture et les empilements qui la préservaient du regard de sa seconde femme, et l’avait accrochée en bonne place, au milieu d’un mur de son atelier, à hauteur de son regard. Chaque jour après le petit déjeuner, après le déjeuner, en été après le dîner, quand il entrait dans l’atelier, il voyait la petite silhouette dans la neige, derrière la vitre de leur maison d’Argenteuil, tourner sa tête vers lui, au-dessus de la bouche ronde que le froid avait pâlie, les deux petites taches noisette et bleutées de ses yeux plonger dans les siens.

Lorsque Claude Monet, quelques mois avant sa disparition, confirma à l’État le don des Nymphéas, pour qu’ils soient installés à l’Orangerie selon ses indications, il y mit une ultime condition : l’achat un tableau peint soixante ans auparavant, Femmes au jardin, pour qu'il soit exposé au Louvre. À cette exigence et au choix de ce tableau, il ne donna aucun motif. Deux remords de Claude Monet raconte l’histoire d’amour et de mort qui, du flanc méditerranéen des Cévennes au bord de la Manche, de Londres aux Pays-Bas, de l’Île-de-France à la Normandie, entre le siège de Paris en 1870 et la tragédie de la Grande Guerre, hanta le peintre jusqu’au bout.»  quatrième de couverture
Gallimard  La table ronde Michel Bernard.


Michel Bernard, en écrivant ce livre d’amour et d’admiration sur Monet ne signe pas une nouvelle biographie du peintre mais brosse un tableau des débuts de l’impressionnisme et peint la grandeur de l’Art lorsqu’il exige un tel don de soi de la part de l’artiste. 
Monet, l’homme inquiet, en proie au doute et au remords, est un artiste dont l’exigence par rapport à son art est totale. L’art est pour lui source de bonheur et plénitude mais tout autant d’angoisse et de doute.
Quels sont donc ces deux remords dont il est question dans le titre un peu mystérieux?

 Frédéric 

Femmes au jardin de Claude Monet avec Camille Monet et Frédéric Bazile
Femmes au jardin de Claude Monet
Le premier remords me paraît très clairement décelable car sa source prend naissance dans la première partie de l’oeuvre intitulée : Frédéric. D’une manière un peu déroutante quand on s’attend à une étude sur Monet, le livre commence avec le peintre Frédéric Bazile, un météore dans le ciel des impressionnistes. Disparu trop jeune mais très doué, le peintre n’a pu atteindre la renommée de ceux qui lui ont survécu, ses amis Monet, Renoir. Fils d’une riche famille de Montpellier, il reste indissolublement lié à Monet dont il était l’ami mais aussi l’aide et le soutien financier pendant les périodes de vaches maigres.
Cette première partie raconte la quête entreprise par Gaston Bazile, le père de Frédéric, sur le champ de bataille pendant la guerre de 1870 contre les prussiens pour retrouver le corps de son fils. C’est un des moments très forts du roman.
Si Frédéric était engagé volontaire, Monet, lui, avait fui la guerre, refusant de s’engager et s’était exilé en Angleterre. « Rien  n’aurait pu empêcher cette tête de lard, ce fou de couleurs, fier, obstiné, sûr de sa main et de son destin; Rien, ni la guerre, ni l’opinion des autres. »
On comprend  alors que la mort de Frédéric hantera la vie de Claude.
Quand son ami lui avait acheté Femmes au jardin, le regret de Monet de se séparer de son tableau avait été atténué par la certitude qu’il s’en allait chez un connaisseur, un camarade à l’oeil clair et la main sûre, un artiste.

Camille

Claude Monet : la dame en robe verte  Camille,  modèle et épouse de Monet
Camille ou la dame en robe verte de Claude Monet
 Dans la seconde partie, Camille qui posa pour La Femme à la robe verte, premier grand succès du peintre, fut d’abord le modèle de Claude Monet, avant de devenir sa femme.  Camille fut le grand amour de l'artiste et lui donna par sa force de caractère, son humeur égale, sa compréhension, la sérénité nécessaire pour poursuivre son oeuvre. Cette période de bonheur fragile, avec la naissance des enfants et le partage d’un amour commun, est traversé  par les orages de la Commune et les difficultés financières, les dettes, le harcèlement des créanciers. P5354 la robe verte
Et puis la longue maladie de Camille, son dépérissement inéluctable, ses souffrances…  L’angoisse de Claude Monet , « sa répulsion instinctive de la mort » , la peur de se trahir devant elle, l’éloignent de celle qui sera toujours son grand amour.  Le second remords de Monet?

Claude 

Autoportrait au béret de Claude Monet 1886
Autoportrait au béret de Claude Monet
La troisième intitulé Claude est la période de Giverny, le remariage avec Alice, l’acheminement vers la cécité, la vieillesse, son amitié avec Clémenceau. Et puis le don de ces deux tableaux Nymphéas et Femmes au jardin  dont le dernier est si intimement lié à son ami Bazile et à son épouse Camille.

Ce j’ai le plus aimé dans ce livre  

Les nymphéas de Claude Monet

J’ai beaucoup aimé l’originalité de cette biographie romancée dans le choix d'un point de vue : les deux remords étroitement liés à l’oeuvre de Monet. j’ai aimé cette manière d’aborder le thème par le biais, par le détour. J’ai aimé la force des portraits de ces trois personnages centraux :  Frédéric, Camille et Claude, pris dans un enracinement inextricable entre l’amitié et l’amour, entre la vie et la mort et toujours, toujours, en rapport avec l’art qui est la source, l’énergie mais aussi la justification de la vie.
Au niveau pictural le roman nous permet aussi de connaître l’histoire de quelques oeuvres magistrales de Monet que Michel Bernard analyse avec finesse et qui nous permettent de comprendre et sentir la rapport du peintre avec les êtres et surtout avec la nature.

Merci à Aifelle pour le prêt de ce livre et sa longue patience liée à mon absence dans ce blog. 

dimanche 1 janvier 2017

Bonne année 2017

Clarence Gagnon : peintre québécois illustration de Maria Chapdelaine

Pour la nouvelle année, partons pour rêver un peu, avec Clarence Gagnon, peintre québécois (1881-1942) dans les paysages de neige de l'hiver canadien.

Bonne Année 2017





VidéoYou tube : Clarence Gagnon et l'Hiver

vendredi 23 décembre 2016

Joyeux Noël

Pekke Halonen, peintre finlandais


 Un paysage de neige pour vous souhaiter un joyeux Noël et de bonnes fêtes en famille et avec vos amis. Beaucoup de joie à tous !

Je suis en  Lozère avec enfants et petits enfants et je vous dis à bientôt, au mois de Janvier!

mardi 20 décembre 2016

Victor Hugo : Torquemada


Torquemada est un drame en quatre actes et en vers de Victor Hugo écrit en 1869 et publié en 1882  en réaction à de nouveaux pogroms en Russie. Il fait partie du recueil Théâtre en Liberté qui  rassemble 4 drames et 5 comédies. Nous avons déjà lu ensemble la pièce Mangeront-ils au cours d'une lecture commune pour le challenge Victor Hugo. 
Torquemada n'a jamais été donnée du vivant de l'auteur. Le moine dominicain Tomás de Torquemada (1420-1498) qui fut le premier inquisiteur est un personnage historique.

L'intrigue

Tomas Torquemada, premier inquisiteur espagnol
Le moine espagnol Torquemada, considéré comme hérétique, est emmuré vivant. Il  est délivré par don Sanche et doña Rosa, de jeunes gens purs et innocents qui ont été élevés ensemble et ont découvert l'amour qu'ils ont l'un pour l'autre.  Pris de pitié pour le sort affreux qui attend le moine,  ils le délivrent.
Torquemada part à Rome où il obtient l'absolution du pape et revient en Espagne pour y fonder l'inquisition.  Cependant le roi Ferdinand amoureux de Rosa veut la séparer de son amoureux. Il les envoie au couvent et cherche à tendre un piège à don Sanche pour le tuer. Son premier ministre, le comte de Fuentel, les délivre et les confie à Torquemada. Celui-ci reconnaît en eux ses deux sauveurs  mais lorsqu'il apprend que ceux-ci l'ont délivré à l'aide d'une vieille croix pour soulever la pierre de sa prison, il décide de sacrifier leurs "corps" sur le bûcher pour sauver leurs "âmes".

Le sens

Avec le personnage de Torquemada, Hugo critique avec virulence le fanatisme religieux et l'intolérance. Au personnage de Torquemada qui fonde la religion sur la peur, il oppose saint François de Paule, un ascète, un saint, pour qui la religion ne peut reposer que sur l'amour.
Sa critique du pouvoir monarchique s'exerce à travers les personnages de Isabelle et Ferdinand d'Espagne, les rois catholiques, personnages tout aussi implacables.



Il y a dans cette pièce tardive de Victor Hugo (il avait quatre-vingt ans quand il la publie)  de grands moments où les vers flamboyants rappellent le jeune romantique Hugo. Le personnage de  l’inquisiteur espagnol est un personnage impressionnant. Il incarne le fanatisme porté à la plus haute puissance car Torquemada va jusqu’au bout de sa logique et de sa foi pervertie. Puisque brûler des corps, c’est sauver des âmes, il tient la promesse qu’il a faite aux jeunes gens en les « sauvant » c’est à dire en les livrant au feu.

L'inquisition Espagnole

La critique au moment de la parution en 1882  a reproché à Hugo ses erreurs en ce qui concerne l'histoire et la psychologique. Dans La Revue des deux mondes Louis Ganderax écrit  :

« L’interprétation du poète, si éloignée qu’elle soit de la vérité historique, l’est encore plus de la vraisemblance humaine : elle est justement contraire à la psychologie du chrétien. Comment un chrétien pourrait-il croire qu’en brûlant un hérétique, il le sauvera contre son gré ? Pour que la douleur de la chair profite à l’esprit, il faut que l’esprit l’accepte et l’offre au Seigneur ; le supplice n’a pas la valeur morale du martyre, et le ciel n’admettra pas ce racheté malgré lui.
Donc ce Torquemada n’est ni vrai, ni possible ..…  »  

 Louis Ganderax semble oublier que le fanatique ne raisonne pas comme un être normal. De plus, si comme il le dit, le personnage perd en vérité psychologique, il gagne, je pense, au point de vue dramatique. Le poète a voulu faire de ce moine un symbole du fanatisme religieux, il a voulu frapper les esprits en créant un personnage monstrueux dont le raisonnement échappe à la part d’humanité que chacun porte en soi. L'Histoire nous apprend que ces raisonnements existent ! Torquemada me fait penser à Savonarole à Florence et plus près de nous à Hitler. De ce fait, ce moine illuminé a une telle force qu’il met en relief tout ce qu’il y a d’atroce dans l’Inquisition. Il représente tout ce que hait Victor Hugo, l’intolérance, la haine de l’autre, l'atteinte à la liberté, le rejet de ceux qui n’obéissent pas à la norme, la volonté de domination des esprits. Torquemada n’est plus un homme, c’est un monstre et l’on pourrait en dire autant des autres personnages, les rois catholiques : Isabelle et Ferdinand qui représentent le pouvoir monarchique absolu …  ou presque absolu car les souverains doivent se courber devant le pouvoir religieux.

Quant à la vérité historique, Louis Ganderax a certainement raison. Victor Hugo a une grande connaissance de l'Espagne, un pays qu'il a visité, qu'il aime, et sa culture est immense.  C'est pourquoi ses didascalies sont très précises sur le décor et les costumes mais elles trahissent avant tout une  préoccupation esthétique et poétique.  Lorsque la vérité historique le gêne, il la sacrifie volontiers à l'Idée ou au Sens qu'il veut donner. C'est avant tout un poète, un visionnaire et il écrit ici un texte engagé qui dénonce les abus de pouvoir de l’église et de la royauté. La pièce est  évidemment une démonstration et parfois elle l’est un peu trop à mon goût ! je n’ai pas aimé par exemple le passage ou Torquemada rencontre Saint François de Paule et la discussion théologique qui s’ensuit et qui est trop démonstrative. De plus  cette scène ne sert pas l’intrigue, elle l’arrête.
   Pourtant Victor Hugo voulait que le drame peigne le « vrai» , soit conforme à « la nature », en mêlant comme dans la vie, « le sublime au grotesque », « le bien et le mal », « le tragique et le comique". Mais le drame finalement a été bien autre chose du moins chez Victor Hugo. La conception antithétique de la vie, le noir et le blanc, l’ombre et la lumière, qu’il développe dans toute son oeuvre, romans, poésies, dessins, et pas seulement dans le théâtre, a été animée par le souffle du grand poète. Loin de refléter la réalité, le drame frappe l’imagination, l’exalte, donne une dimension décuplée à l’intrigue d’où naît la beauté.
 Finalement Louis Ganderax a raison sur certains points mais pour moi sa critique passe à côté de ce qu'est le drame hugolien ! Ce qu'il y a de bien c'est qu'il ne pourra pas me répondre et me mettre en difficulté.  Après tout le pauvre homme a écrit cela en 1882 (ICI La revue des deux mondes), il y a prescription ! Et il fallait un certain courage pour critiquer Victor Hugo, vénéré comme un prophète, à l’époque ! 

Lecture commune  avec :

Miriam, Nathalie , Margotte 






vendredi 9 décembre 2016

Estelle Fenzy : Rouge vive


Quand j’ouvre un recueil de poèmes, je lis un texte choisi au hasard. Je ne veux pas les découvrir dans l’ordre, méthodiquement. Je préfère « goûter » les images qui se lèvent devant mes yeux, les émotions qui s’éveillent en moi à la lecture d’un premier poème, isolé, je veux sentir s’il existe en lui-même.
C’est ce que je fais avec Rouge vive de Estelle Fenzy. Et l’alchimie a lieu. Ce premier poème me touche, me transporte dans un ailleurs que je connais bien, dans Ma montagne, la Lozère :  Images  très précises que ma mémoire a engrangées, des cordes à linge emmêlées et des draps qui s’envolent par delà les prés ou s'enroulent autour des fils de fer barbelés « quand le vent souffle fort ».


Quand le vent souffle fort
chaque fois j’entends
les linges les cordes battant
claquant les draps les chemises

Mon coeur tissu fragile
se déchire

à l’écho des combats
dans les cotons tremblants


Il y a quelque chose de très beau, très vrai dans cette scène. On « entend » : le bruit, le « souffle du vent » mais aussi le mouvement, l’agitation, la violence du drap soulevé, presque arraché, puis qui retombe  en "claquant". On voit :  les chemises se tordent, se dressent, s’abattent brusquement. Il y a un ressenti physique, le froid, la brutalité. Je ne suis pas seulement spectatrice de la scène mais partie prenante, je peux même imaginer les détails, précisément. J’aime glisser peu à peu du paysage extérieur au paysage intérieur symbolisé par le coeur. Les "cotons" (j’adore ce pluriel si réaliste, cette épaisseur des choses ) entraînent la métaphore du " tissu" singulier comme une antithèse, si fin, si  "fragile "  qui risque de se déchirer sous les assauts extérieurs de la vie. De cette simplicité du style, de cette économie du mot, naît l’émotion, de cette image qui pourrait être banale parce que quotidienne, celle du linge agité par le vent, naît la profondeur :  "combats" menés contre soi-même ou conflits qui agitent les hommes entre eux, les font s'entretuer ? Les deux, sans doute.

Linge séchant au vent : Caillebotte
Alors je continue ma lecture; je tourne les pages dans un sens ou dans l’autre et peu à peu je distingue deux voix* qui s’élèvent, distantes, mais qui paraissent se répondre et où il est question de roses sauvages, d’amour et de mort, de sang sur la neige... Les gouttes de sang sur la neige toujours associées à la femme comme le fait Perceval méditant sur la beauté de Blanchefleur ; ou encore la reine qui se pique le doigt à une aiguille et imagine le visage de sa future enfant blanche comme la neige, aux joues rouges comme le sang. Je m’enfonce dans le mystère d’un récit, chanson d'amour et de mort qui paraît de tous les temps, qui évoquent les lais du moyen âge, les contes de notre enfance.

Je suis la dépossédée

Mon promis est mort à la guerre
j’étais encore fille

je suis venue dans ce village
verser dans des jarres vides
mon chagrin


Musique à la fois douce, triste et cruelle.

 Je cherche à pénétrer l'énigme de ce récit étrange. L'évidence s'impose ! Et oui, les poèmes de  Rouge vive  d'Estelle Fenzy nous racontent une histoire. Je reprends ma lecture depuis le début. C'est ainsi qu'il faut lire ce recueil !

D’un côté un homme silence, un homme paria, rejeté par la société :  La solitude/ mon manteau/ m’accompagne tout le jour/ me caresse quand je dors.
petit garçon blessé par la vie, devenu adulte : « Je suis né dans ce village /à l’engrais des tempêtes ».

Puis une rivière aux rosiers sauvages; et ce sont ces roses couleur du sang qui consolent, fascinent, on le comprend, mais aussi blessent et ont l’attrait de la mort.

De l’autre une fille dont le fiancé est mort à la guerre (à moins qu’elle ne revive le traumatisme vécu par sa mère et par bien des femmes avant elle : "depuis des millénaires/ mon histoire se raconte"

Il est mort loin d'ici
Dans les montagnes 
au Nord de mon pays.

le sang sur la neige a gelé

Eclosion d'incarnat.
Karine Rougier  : Rouge vive
Et puis la rencontre, la première vision que l’homme et de la femme ont l’un de l’autre. Légèreté, innocence de la jeune fille en mouvement, apparition à la Giono pour peindre la beauté virile de l'homme-nature ? Mais non ! Des fausses notes viennent troubler cette harmonie; ces portraits ne sont pas ceux qu'ils paraissent être de prime abord car la beauté semble toujours corrompue par la mort.… 

La première fois
elle descendait
vers la forêt

belle comme un enfant
A genoux

sur une tombe.

*
Il portait dans ses bras
des gerbes de griffures

et à sa ceinture

un faisan colleté
pendu par les pieds.


Max Chagall : bouquet de roses à la femme

 Jusqu'à cette fin surprenante qui est à l’image du titre Rouge vive :  Rouge la rose "carmin" ou "grenat", rouge le sang de la guerre, les "braises" de la forêt dans l’ardeur de la passion, rouge le sang de la virginité, et "le feu de sa robe" , et son sourire, et sa bouche… Ici, même les ombres sont "écarlates ".

Et vive? pourquoi ce féminin ou l’on attend le masculin?  Parce que vive caractérise autre chose que le rouge ? Vive comme la jeune fille qui crie sa « révolte dans les buissons de houx » ou comme la rivière où poussent les roses sauvages. Vive comme l'évidence de l'amour: « j’ai vu un homme/ j’ai vu la vie ».
Ou vive au sens d'être vivant ? Vive antithèse de la mort, de la guerre, du malheur qui jamais ne s’efface, des blessures de l’enfance qui jamais ne guérissent ? Vive parce que Eros rime toujours avec Thanatos? 

Veux-tu que 
ce soir 
je t'amène
là ou poussent
les roses sauvages ?

Parce que comme la chanson Where the wild roses grow de Nick Cave cité en exergue et qui a inspiré Estelle Fenzy : Toute beauté doit mourir  ?

Un très beau recueil dont le langage poétique, épuré, va droit à l’essentiel et donne essor à  l'imagination, un régal de mots et d'images !

Le recueil est paru aux éditions AL Manar de Alain Gorius. J'aime aussi ce livre en tant qu'objet. Les beaux dessins en noir et blanc de Karine Rougier interprètent les poèmes avec sobriété.

 Refrain de la chanson de Nick Cave

Là où poussent les roses sauvages

Ils m'appellent La Rose Sauvage
Mais mon nom était Elisa Day
Je ne sais pas pourquoi ils m'appellent ainsi
Car mon nom était Elisa Day



*Dans le recueil, le changement de voix est indiqué par la graphie : la voix masculine est en style courant, la voix féminine en italique



lundi 5 décembre 2016

Bath : sur les traces de Jane Austen

Bath : musée de Jane Austen Jane Austen center: N° 40 Gay Street
Jane Austen center: N° 40 Gay Street

Lors de ma visite en Angleterre, à Londres puis à Bristol, une visite s'est imposée ! La ville de Bath que j'avais déjà découverte il y a quelques années, sur les traces de Jane Austen. Je voulais compléter ma visite en allant voir la maison de la célèbre écrivaine.
Jane Austen à Bath
La cathédrale de Bath

 Le premier séjour à Bath de Jane Austen qui vivait dans le Hampshire remonte à 1797 avec sa mère et sa soeur Cassandra où elle loge au N° 1 Paragon Buildings. Elle y restera six semaines. Elle y retourne ensuite en 1799, invitée par son frère Edward qui venait y prendre les eaux.  Elle habite au 13 Queen Square pendant deux mois et a déjà en tête l'écriture de Northanger abbey. C’est dans cette ville, en effet, que Catherine Morland va tomber amoureuse et va recevoir la leçon amère d’une société hypocrite où l’amitié se mesure à la hauteur de la rente annuelle ou au montant de la dot.  C'est là aussi qu'elle écrit Les Watson, roman resté inachevé. Plus tard, Jane Austen placera à Bath l’intrigue de Persuasion. 

Voir Northange abbey 1 ICI  

Voir mon billet sur Northanger abbey 2 à Bath ICI 
Ce n’est qu’en 1801 que le père de Jane, le révérend George Austen, décide de se retirer à Bath où il meurt en 1805. En 1806, Jane quitte la cité dans laquelle elle a peu séjourné finalement mais qui a eu une grande influence sur son oeuvre et dans sa vie. Ses parents se sont mariés à Bath et son père y est enterré.


Le Centre Jane Austen de Bath

Le centre Jane Austen est installé au n°40 de Gay Street dans une maison semblable à celle qu’elle a habité au n°25 pendant quelques mois après la mort de son père. Elle avait dû déménager pour un appartement moins cher. Le musée est assez vieillot de conception avec beaucoup de panneaux à lire mais pour les amoureux de Jane Austen il évoque bien des souvenirs et présente un intérêt certain.

La famille Austen

On y voit des images de sa famille et de ses amis, un plan de Bath avec tous les endroits où elle a habité, des présentations et une analyse de ses romans, un mannequin portant une robe de l’époque, un bureau avec un encrier et une plume d’oie. 

Parmi ces documents, le portrait de Tom Lefroy, le premier amour de Jane mais qui n'a pas eu de suite.


... et Harris Bigg-Wither, frère de ses amies. Plus jeune que Jane, il la demande en mariage pendant un séjour qu'elle fait chez eux avec Cassandre. Jane accepte et la famille amie des Austen, fait un bon accueil à Jane malgré sa modeste dot. Mais après une nuit de tourment,  Jane est convaincue qu'elle n'aime pas assez Harris pour l'épouser. Le matin, elle rompt ses fiançailles. Devant la consternation de la famille elle prend rapidement congé et part en toute hâte avec sa soeur.
 
Harris Bigg-Wither


robe de mariée

Les revenus des familles à l'époque de Jane Austen

Parmi les documents les plus intéressants figurent le montant comparatif des revenus familiaux et ce que cela représente à l'époque de Jane. Quant il se marie, le révérend Austen a 100 Livres de rente annuelle et une terre de 200 acres qui lui rapporte 100 L de plus. Avec 200 L,  il peut prétendre appartenir à une classe sociale distinguée, de petite noblesse ou petite bourgeoisie (gentility)  mais avec un style de vie très modeste. Plus tard, quand ils viennent s'installer à Bath, George Austen a 700 livres, ce qui permet à la famille une certaine prospérité. Ils auront une voiture que le père abandonnera car il trouve la dépense trop onéreuse.
Avec 300 livres un célibataire vivait confortablement mais James, le frère de Jane, qui est marié, peut avoir avec cette rente deux serviteurs mais ne peut entretenir une voiture pour sa femme ni un meute de chiens de chasse pour lui-même.
Dans Northanger abbey, Isabelle Thorpe est désappointée d'appendre que, si elle se marie avec le frère de Catherine Morland, celui-ci n'aura que 400 livres. Avec ce revenu on peut avoir un cuisinier, une bonne et un serviteur. Mais Isabelle vise plus haut.

Dans Pride and Préjudice Mr Bennet a 2000 livres par an, une rente coquette qui lui permet de tenir son rang dans la gentry campagnarde (haute bourgeoisie, noblesse titrée ou non). Cependant avec cinq filles à marier, l'économie familiale doit  être stricte. Tandis qu'avec un revenu de 4000 livres, Darcy appartient à la classe supérieure qui peut  se permettre de vivre dans le confort et le luxe.

Le portrait de Jane Austen

Jane Austen : Portrait de Jane peinte par sa soeur Cassandre
Portrait de Jane peinte par sa soeur Cassandre

On ne connaît la jeune femme que d’après le portrait de sa soeur Cassandre qui, aux dires de sa famille et de ses amis, n’était pas ressemblant.  En 2002, Melissa Dring membre de la société des artistes médico-légale de la police a été chargée de produire un nouveau  portrait de Jane en cherchant à être au plus près de la vérité. Elle avait déjà exécuté un portrait de Vivaldi - dont on ne connaît aucune représentation fiable - pour un cinéaste qui voulait tourner un documentaire sur le musicien.

Elle s’est appuyée sur les nombreuses descriptions faites par ses amis ou sa famille entre 1802 et 1806 et elle explique qu’elle  a de plus «cherché des ressemblances avec les autres Austens, en commençant par ses parents avec leurs longs nez distincts ».  Jeanne, née en 1775,  est la septième des huit enfant et la deuxième fille de George Austen et Cassandra Leigh. Les portraits de ses frères et le profil de Cassandre en médaillon ont permis de dégager des traits distinctifs de la famille Austen.
                                                               
Reverend George Austen, père de Jane

Son frère Edward
Melissa Dring a tenu compte de la classe sociale de Jane et l’a vêtue d’une robe de mousseline tachetée de rouge que Jane a achetée et décrite dans une lettre à sa soeur. Et surtout, la peintre a voulu donner « une expression complexe d’amusement », de moquerie, une vivacité qui témoigne de son humour et des « idées qui bouillonnent dans sa tête ».  Et voilà Jane qui apparaît devant nous telle qu'elle a pu être il y a de cela plus de deux siècles !

Le nouveau portrait de Jane Austen
Jane Austen




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samedi 3 décembre 2016

Bruce Holbert : L'heure de plomb aux éditions Gallmeister



L’heure de plomb de Bruce Holbert paru aux éditions Gallmeister emprunte son titre au poème d’Emily Dickinson cité en exergue :
 C’est  l’heure plomb-
Dont on se souvient si on y survit,
Comme les gens qui Gèlent se rappellent la Neige-
d’abord-le Froid- puis
l’Engourdissement -puis l’abandon-

L’heure de plomb, c’est celle que vivent les jumeaux, Luke et Matt Lawson perdus dans la neige, un soir de tempête. Nous sommes en 1918 dans l’état de Washington et le blizzard qui s’abat sur le pays pendant cet hiver est si rigoureux qu’il reste gravé à tout jamais dans les mémoires. Matt est sauvé par son institutrice. Luke meurt de froid ainsi que le père des deux garçons parti à leur recherche. Le père enseveli sous la neige n’est pas retrouvé.
Le roman raconte l’histoire du survivant, Matt, marqué à tout jamais par le drame. Il a 14 ans et se voit voler son enfance, obligé de travailler dans le ranch familial pour remplacer son père, rongé par la culpabilité. Il occupe ses temps libres à la recherche du disparu, une idée fixe qui le hante. C’est au cours de ses pérégrinations dans la région qu’il rencontre Wendy, une adolescente qui l’aide dans sa quête. Elle deviendra le grand amour de Matt devenu adulte. Mais rien n’est simple pour lui. Incapable de vivre un vie normale, de dire ses sentiments, il ne peut les exprimer que d’une manière exacerbée et est sujet à des crises de violence qui effraient la jeune fille. Le récit dira si l’on peut guérir d’une telle enfance.
A côté de ces deux jeunes gens gravitent de nombreux personnages que nous suivrons pendant une soixantaine d'années, l’institutrice Linda jefferson veuve en mal d'enfant, la mère de Matt repliée sur son deuil, son patron le vieux Roland et son fils Jarms définitivement abimé par l’abandon de sa mère.. Des portraits d’hommes et de femmes forts mais blessés par la vie, tous en manque de l'essentiel, l'amour; des êtres parfois primitifs, façonnés par la Nature impitoyable, par cette terre belle mais meurtrière qui exige d’eux d’être durs au mal, à la souffrance. Des êtres violents jusqu’à la folie, et prêts au meurtre; des relations entre hommes et femmes parfois bestiales ... et pourtant dans cet univers noir,  la tendresse et l'amour véritable peuvent naître et durer.  Et c'est justement parce que l'amour existe, celui de Matt et de Wendy, celui de Roland pour les bébés, que l'espoir renaît et nourrit le récit.

On ne peut qu’être secoué par ce récit haletant qui croisent des destinées terribles racontées sans concession, sans apitoiement, dans un style qui va droit au but et appuie là où cela fait mal. J’avoue que j’ai eu de temps en temps un rejet de ces personnages, de leurs excès, leur brutalité, leurs actes barbares. Mais le talent de Bruce Holbert est incontestable et ne peut laisser indifférent et sa voix résonne longtemps après la fin du livre.


jeudi 1 décembre 2016

Elena Ferrante : l'amie prodigieuse


Dans  L’amie prodigieuse, Elena Greco, fille du portier de la mairie, se prend d’amitié pour Lila Cerullo, fille de cordonnier dans un quartier pauvre de Naples dans les années 1950. Lila est l’amie « prodigieuse », qui la subjugue par son intelligence. Extrêmement douée, la petite Lila a un caractère affirmé, une  indépendance et une personnalité forte que rien ne semble pouvoir brimer. Pourtant au moment du choix, Lila se verra interdire le collège par des parents intraitables alors que Lena poursuivra ses études jusqu’au lycée grâce à l’intervention de l’institutrice.
L’amie prodigieuse est l’histoire d’une amitié profonde mais complexe entre les deux fillettes qui grandissent devant nous, mais aussi le récit d’une séparation inéluctable, Lena s’éloignant peu à peu de son entourage qui parle encore le dialecte. Sa maîtrise de la langue italienne et de la culture fait d’elle une étrangère dans son propre milieu.

C’est Lena, âgée, devenue écrivaine, qui raconte cette histoire et fait revivre  le quotidien des familles pauvres dans un quartier où la violence est de mise entre adultes mais aussi entre les enfants. Nous faisons connaissance avec toutes ces familles qui sont non seulement marquées par la misère mais aussi par les souvenirs de la guerre, du fascisme et des exactions commises pendant le conflit. Le marché noir qui a permis à certains de s’enrichir sur le dos des autres est loin d’être oublié et peut encore pousser au crime. Mais le point de vue est celui d’une enfant qui ne comprend pas tous les sous-entendus et peuple son quartier de personnages échappés des contes comme l’ogre, Don Achille Carracci. Peu à peu, en grandissant et en s’instruisant, le regard de Lena, adolescente, s’éclaire et les zones sombres de son enfance prennent une autre signification. Quant à Lila, elle ne peut échapper au déterminisme social et à son statut de fille pauvre mais belle et son intelligence supérieure doit être mise sous éteignoir. C’est Mozart qu’on assassine !

J’ai beaucoup aimé les talents de conteuse de Elena Ferrante et sa manière de décrire des personnages populaires vrais, sans misérabilisme mais aussi sans concession. Ni mépris, ni angélisme. Un ton si juste que l’on se demande si la Lena du roman n’est pas l’Elena qui signe le livre. Pas de réponse à cette question puisque Elenaa Ferrante semble être un personnage mystérieux qui se cache sous son pseudonyme. (voir article du Figaro ICI)

Un bon livre, plein de sensibilité qui, je m’en suis aperçue à la fin du roman, n’est pas terminé et se poursuit dans les tomes suivants : Le nouveau nom et Celle qui fuit et celle qui reste (sortie en Janvier 2017).

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mardi 29 novembre 2016

Londres Paolo Ucello : La bataille de San Romano et ses trois musées


Niccolo Mauruzi da Tolentino à la tête de ses troupes de Paolo Ucello : La bataille de San Romano National Gallery Londres
Paolo Ucello : La bataille de San Romano  National Gallery Londres Niccolo Mauruzi da Tolentino à la tête de ses troupes

 Le tableau londonien

Paolo Ucello : La bataille de San Romano  Nicola da Tolentino (détail) Londres national Gallery
Paolo Ucello : La bataille de San Romano  Nicola da Tolentino (détail)
 Pendant ce séjour à Londres, j'ai voulu absolument revoir le tableau de Paolo Ucello narrant la bataille de San Romano qui est l'un de mes préférés à la National Gallery !
 Il s'intitule : Niccolo Mauruzi da Tolentino à la tête de ses troupes.  Il est le premier des trois oeuvres qui illustrent la bataille entre les Florentins et les Siennois le 1er juin 1432 à San Romano, près de Lucques, qui vit la victoire de Florence. Il représente le début de la guerre avec Nicola da Tolentino à la tête des florentins. A noter qu'il y a encore peu de corps qui gisent par terre avec quelques armes, contrairement au dernier volet, celui de Florence. La scène est animée, les chevaux cabrés ont souvent été comparés à des chevaux de manège. Paolo Ucello s'intéresse à l'aspect esthétique de la scène, à la beauté des harnachements des montures et celles des costumes ou armures. Nicola de Tolentino porte le mazzocchio, le superbe couvre-chef florentin de bois et d'osier, véritable support du grand bonnet drapé et de la longue écharpe.
Les trois volets de cet ensemble ont été peints par Paolo Ucello à partir de 1456 à la demande de Lionardo Bartolini Salimbeni, qui avait participé à la campagne militaire en 1432. Laurent de Médicis les a achetés vers 1484 et ils  ont longtemps orné un cabinet du palais des Médicis à Florence avant  d'être séparés et dispersés. 

Le tableau florentin

Paolo Ucello : La bataille de San Romano Bernardino della Ciarda désarçonné (Florence Les Offices
Paolo Ucello : La bataille de San Romano Bernardino della Ciarda désarçonné (Galleria degli Uffizi, Firenze)

J'avais quinze ans  : visite à Florence de la galerie des Offices et là je tombe en admiration devant ce tableau  de Paolo Ucello : La bataille de San Romano Bernardino della Ciarda désarçonné
Je ne savais pas alors qu'il existait trois tableaux de cet évènement et que celui-ci était le dernier  puisqu'il conte la victoire des florentins : le chef de l'armée siennoise, Bernardino della Ciarda, est vaincu. Bref, je commençai pas la fin de la bataille ! je ne savais pas que les voir tous me demanderait une longue attente et que je finirai par le début de l'histoire à Londres quelque vingt après!
Ce tableau était tellement différent des tableaux de la Renaissance qui l'entouraient ! Je vois encore le mur sur lequel il était accroché  dans la salle des Offices! Il était tellement moderne avec ses formes un peu géométriques, ces couleurs irréalistes (le rouge des chevaux), le mouvement qui l'anime, le relief du cheval en train de ruer dans un raccourci audacieux qui semble défoncer la toile et venir à nous. Il y avait un tel art de la composition, avec ce cheval blanc au centre (celui de Bernardino della Ciarda), avec la symétrie des ces hallebardes dressées vers le ciel et aussi une telle recherche de la profondeur avec ces scènes de chasse qui se déroulent dans le lointain que je ne pouvais m'en détacher !

Paolo Ucello : La bataille de San Romano Bernardino della Ciarda désarçonné (détail)

Et puis... une telle violence dans le premier plan, les chevaux piétinent les corps des chevaliers blessés ou morts, les cadavres des chevaux gisent sur le sol, que j'ai cru entendre le tumulte et les cris de la bataille ! Je n'ai jamais vu un tableau aussi bruyant !

Le tableau parisien

Paolo Ucello :  La contre-attaque décisive de Micheletto Attendolo da Contignola Musée du Louvres Paris

Quelques années après j'ai pu voir celui de Paris au musée du Louvres  : Paolo Ucello :  La contre-attaque décisive de Micheletto Attendolo da Contignola. C'est le second de la trilogie  de la bataille de San Romano. Ce condottieri vint sauver l'armée florentine qui semblait en déroute. Il est représenté au centre du tableau coiffé de son somptueux mazzochio, sur un destrier noir aux antérieurs dressés comme pour une statue équestre. Il semble poser, tourné vers le spectateur. Les armures des chevaliers recouvertes d'une couche d'argent brillent dans l'obscurité. Ils paraissent enchevêtrés les uns dans les autres, les chevaux prêts à partir à l'attaque et l'on aperçoit les jambes des fantassins qui les suivent. C'est une scène nocturne et le ciel noir contraste avec les couleurs rouges des étendards et des écus. Les casques des chevaliers sont terminés par des cimiers aux formes fantastiques. Toute la scène paraît surréaliste.



jeudi 24 novembre 2016

Londres : Shakespeare et Tate Britain

Elizabeth 1er  1563: Portrait attribué à Steven van der Meulen ou Steven Vann Herwijckz
La Tate  Britain abrite la collection nationale d'art britannique du XVI siècle à nos jours. On peut donc suivre l'évolution de cet art chronologiquement, de salle en salle. Un autre parcours est proposé dédié à Shakespeare dont on peut  suivre l'influence qu'il a eu sur l'art britannique au cours des siècles.

Shakespeare à la Tate Britain

Tate Britain

La collection commence avec des oeuvres du XVI siècle et en particulier de Elizabeth 1er qui nous plonge directement dans le siècle de Shakespeare avec des portraits de personnages contemporains du dramaturge intéressants par la personnalité qu'il reflète mais aussi les costumes richement orné, leurs bijoux témoins de leur haute classe sociale.

Portrait de femme inconnue  1565 : Hans Eworth (1540-1573)

William 1er lord de la Waar : école du XVI siècle
Deux dames de la famille  Cholmondeley (1600_10) Ecole du XVII siècle
Curieux tableau que celui de ces deux femmes jumelles, mariées le même jour et qui ont accouché le même jour. Identiques? presque car une différence subtile permet de voir que l'un d'entre elles à épouser un homme plus riche que l'autre.

King Lear weeping over the dead body of Cordelia  1786 :  James Barry

Oberon, Titiana and Puck with fairing dancing 1786 : William Blake
Lady Macbeth saisissant les dagues 1812  : Henri Fuseli



Henri Fuseli :  Titiana et Oberon

 Queen Mab’s Cave by JMW Turner.1846

Sir John Everett Millais :  Ophelia 1851-2