Basil de Wilkie Collins raconte une histoire qui ne peut avoir lieu qu'à l'époque victorienne, dans ce XIXème siècle austère, qui professe une hypocrisie complète en ce qui concerne la sexualité. Avec tous les interdits qui pèsent sur eux, il n'est pas bon d'être un jeune homme et encore moins une jeune fille dans cette société capable de vous enfermer dans un carcan si rigide qu'il est impossible de s'en libérer.
Basil est un jeune aristocrate sans histoire. Il tient à l'estime de son père, un gentleman fort riche et très fier de ses origines, qui les élève son frère, Edouard, sa soeur, Clara, et lui, dans le sentiment de l'honneur et l'orgueil de sa famille dont les ancêtres remontent au-delà de la Conquête. Si Edouard, l'aîné et l'héritier de la fortune, n'hésite pas à jeter sa gourme en faisant des dettes et en fréquentant les grisettes, Basil, lui, d'un naturel introverti, vit paisiblement entre sa soeur qu'il adore et son père dans la maison familiale. Il veut se consacrer à l'écriture et confie ses écrits à Clara qui est sa confidente et sa première lectrice. C'est peut-être parce qu'il est si ignorant de l'amour qu'il commet une erreur qui va modifier le cours de sa vie à jamais et le conduire au bord de l'abîme. En effet, lorsqu'il rencontre la jolie Margaret Sherwin, il se jette tête baissée dans le piège que lui tend le père de celle-ci, un marchand de linge, qui a bien compris l'intérêt de sa fille et le sien à ferrer un aussi bon parti! Monsieur Sherwin propose donc le mariage à Basil dans la semaine qui suit sa rencontre avec Margaret et la non-consommation de ce mariage pendant un an. Basil est pris entre deux loyautés : celle due à son père, qui, il le sait, ne supportera pas une mésalliance et celle due à Margaret qu'il vénère et idéalise au plus haut point sans la connaître. cependant, l'amour est le plus fort et le mariage a lieu secrètement. L'année d'attente commence. Comment Basil pourra-t-il avouer à son père ce qu'il a fait? et quel est ce personnage mystérieux, l'inquiétant Monsieur Mannion, employé de monsieur Sherwin, précepteur de Margaret à ses heures perdues, mais très nettement au-dessus de sa condition par son éducation et son intelligence?
Comme toujours dans les romans de Wilkie Collins, que ce soit dans La dame en blanc, Mari et femme, La robe noire ... l'intrigue présente un être jeune, fragile et sans défense (souvent, une femme mais pas obligatoirement ), victime de la société, dans une position de dépendance financièrement, physique ou morale; celui-ci devient la proie d'un "méchant", un être sans scrupules qui le poursuivra de sa vengeance. Basil n'y échappe pas!
Ce qui rend la lecture du roman passionnante, c'est que nous sommes parti prenante de l'histoire, comme acteurs. Pris comme la victime dans les rets qui se referment sur elle, nous cherchons les issues et entrevoyons parfois un espoir, une lueur qui s'éteint aussi vite. Si Basil, est ridicule aux yeux de la société d'avoir accepté les conditions du père de Margaret, il ne l'est pas pour le lecteur tant son caractère probe force le respect. Sa naïveté, sa crédulité puérile, sont à mettre sur le compte d'une éducation mais plus généralement d'un système de valeurs qui étouffe l'individu. La société est donc toujours très présente dans Collins. Même s'il ne l'attaque pas directement, il montre la marque qu'elle imprime sur les individus.. On peut plaindre Basil mais il reste très attachant.
D'autre part, les autres personnages sont d'autant plus forts qu'il sont à la fois bourreaux et victimes. Par leur complexité que le lecteur découvre au fur et à mesure de l'intrigue, ils prennent un relief qui les rend d'autant plus redoutables. Margaret, par exemple, n'est pas la jeune fille insipide qu'elle paraît être. Au fur et mesure que se dévoile son caractère, apparaissent des zones d'ombre, un partage trouble entre peur et désir, soumission et révolte, passion et intérêt. Et bien sûr, tel est le cas de monsieur Mannion qui introduit le thème de la vengeance cher à Wilkie Collins. A partir du moment où nous savons qui il est et quels sont ses mobiles, le personnage du "méchant" atteint une dimension tragique proche de la fatalité et certaines scènes comme la poursuite sur les falaises de Cornouailles sont hallucinantes.
Il faut donc se méfier de l'apparente simplicité de Wilkie Collins. S'il est le maître du suspense, si comme on le dit, il a inventé le "thriller" en littérature, il est aussi maître dans l'art de peindre la psychologie des personnages, de faire faire émerger à la conscience les sentiments intimes, un maître aussi dans la manipulation des lecteurs qu'il tient en haleine jusqu'à la fin.
Je n'ai pas vu ce film mais j'avoue que j'aimerais bien! Voir les personnages s'incarner ainsi est très plaisant.
Margaret est aussi belle que ce que l'a décrite Wilkie Collins et je ne l'imaginais pas autrement.
Le jeune Basil est tout mignon et il a l'air aussi pur et naïf que dans le roman. Quant à monsieur Mannion on comprend qu'il puisse exercer une fascination sur sa jeune élève et dominer aisément Basil.
Maintenant la mise en scène de scène de Radha Bharadwaj est-elle à la hauteur du roman? C'est ce que je ne sais pas.
Quelqu'un a-t-il vu le film?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci pour votre visite. Votre message apparaîtra après validation.