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vendredi 2 septembre 2011

James Frey : Le dernier testament de Ben Zion Avrohom

 Intégristes de tous bords et de toutes religions, fanatiques, trop bien-pensants, collets-montés, grenouilles de bénitiers, la lecture du roman de James Frey n'est pas pour vous! Certes Ben Zion Avrohom, héros éponyme du roman, est le Messie et il revient parmi nous, certes il est en communication avec Dieu mais, comme tout vrai Messie, il va vous choquer, bouleverser votre idée de Dieu, renverser toutes vos croyances, piétiner vos idées toutes faites, vous paraître dérangeant, fou, voire dangereux. Vous aurez envie de le voir disparaître, d'en être débarrassé, de retomber dans la quiétude de vos convictions et vous n'interviendrez pas lorsqu'on le battra, lorsqu'on l'enfermera, le détruira. Pire! Vous serez même parmi les bourreaux  et vous réitérerez avec des moyens modernes ce que l'on a fait à  Jésus il y a  2000 ans.

Ben Zion Avrohom est le fils de Dieu, tout le monde le dit dans la communauté juive où il est né, les rabbins ne s'y trompent pas, les signes sont là. Lui? Un type trop gentil, un tendre, un illuminé, et surtout un paumé car il ne sait pas qui il est, lui, ni pourquoi il est là! Un souffre-douleur aussi, il s'attire la haine de son père et de son frère qui le chasse de la maison, il se fait voler son argent par sa voisine prostituée, et plus tard, une fois reconnu comme le Messie, il est tiraillé, malmené, retenu en otage par les différents groupes religieux  chrétiens ou juifs qui veulent le récupérer pour qu'il reconnaisse leur Dieu au détriment de ceux du voisin. Cependant, quand il apporte la parole de Dieu, il dérange.  Que direz-vous d'un Messie qui vous dit que l'amour charnel et spirituel vont de pair et qui joint le geste à la parole en couchant avec des femmes et les hommes à qui il apporte ainsi le bonheur; un Messie qui vous conseille de remplacer le concept ridicule de l'âme par le cerveau, qui déclare que la vie éternelle n'existe pas, c'est pourquoi il faut savoir jouir (à tous les sens du terme) de la vie terrestre et que seul l'amour a de la valeur. Un Messie qui affirme que la Bible est un vieux livre dépassé qui s'adresse à une société archaïque si éloignée de la nôtre que ce livre n'a plus cours!  Vous vous doutez que  le comportement du "Messie" surtout lorsqu'il s'adresse aux religieux donne lieu à des scènes surprenantes et savoureuses qui ne sont pas exemptes d'ironie!

Vous allez me dire que James Frey est un provocateur, qu'il cherche délibérément à choquer pour s'assurer le succès de son livre. Vous allez arguer que ce Messie de pacotille est un gourou, le maître d'une secte, comme l'on en voit tant de nos jours. Et il faut reconnaître que la vie communautaire qu'il mène dans la ferme prêtée par une adepte y ressemble bien, du moins en apparence car Ben Zion laisse sa liberté de penser à tous, il n'impose pas, il ne juge pas. C'est un homme qui n'accepte pas d'argent, qui vit, ainsi que les siens, en fouillant dans les poubelles de la surconsommation de masse. Profondément humain, il accueille les marginaux, les sans-grade, les rejetés, femmes victimes de violence, prostituées, homosexuels, immigrés, tous ceux que la bonne société met à l'écart et il parvient à  leur rendre leur dignité. C'est un homme qui prêche l'amour dans une société qui se vautre dans le profit et dont le seul Dieu est l'argent.
Alors vous l'aurez compris, la provocation de James Frey, - si provocation il y a - n'est pas gratuite! La venue de son "Messie" est une occasion pour lui de démonter les rouages d'une société où l'amour des autres, la solidarité, l'empathie n'existent plus. Le roman dénonce avec virulence les fanatismes, l'intolérance, l'obscurantisme, les hypocrisies religieuses qui sévissent dans le pays, avec son cortège de maux, guerres, violences, exclusions, misère. 
Le dernier testament de Ben Zion Avrohom nous dit que si les minorités privilégiés continuent à vivre égoïstement, sans se préoccuper des autres et de l'avenir, amassant les richesses au détriment de la planète et de l'espèce humaine, alors nous allons droit au mur et nous signerons la fin de notre civilisation. C'est un cri d'alerte, une condamnation sans appel mais aussi  un plaidoyer pour l'amour , et le partage. Un grand livre, dérangeant mais beau!

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Merci à Dialogues croisés et aux Editions Flammarion

Rentrée littéraire 2011

29 commentaires:

  1. J'ai bien envie de le lire, voilà un livre pas banal !

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  2. @ Aymeline : c'est le mot, pas banal! J'ai été énormément surprise par ce livre, déroutée par ce ton nouveau, étonnée de la hardiesse et de l'intellignece du propos dans une société où renaissent les intégrismes, les intolérances.

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  3. J'ai lu un de ses "romans" qui avait suscité la polémique, feuilleté en librairie ce nouveau roman, vu que le style avait l'air d'être le même (ça ne me dérangeait pas) et je suis très contente d'avoir un avis dessus! Pas du tout ce que j'attendais, comme thème, bon, si je le vois en bibli, je tenterai! Il a l'air de s'être attaqué à un thème bien difficile!
    Bonne journée

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  4. Bonjour Claudialucia, rien que la tranche de ce livre avec des grosses traces de rouge n'est pas banale. Je le note pour un de ces jours. Bon samedi.

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  5. "un Messie qui vous conseille de remplacer le concept ridicule de l'âme par le cerveau, qui déclare que la vie éternelle n'existe pas, c'est pourquoi il faut savoir jouir" : je suis preneuse !

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  6. http://1001classiques.canalblog.com/archives/2011/09/03/21927643.html
    une nouvelle participation pour challenge shakespeare !
    désolée, je mets le bazar dans tes com...

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  7. les gourous, les vrais et faux messies ne sont pas trop ma tasse de thé, mais si tu écris que c'est un bon livre, je me laisserai tenter....à l'occasion

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  8. Pas du tout du genre grenouille, pas intolérante (du moins j'espère) je pense que je peux peut être me lancer, à voir si je le trouve en bibliothèque dans .....des tas de semaines d'ici que tous les bibliothécaires l'aient lus

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  9. @ Keisha : Effectivement, c'est un livre assez surprenant dans un pays aussi puritain et réactionnaire au niveau religieux, le propos étonne! Remarque avec ce qui se passe à Avignon avec les cathos intégristes, je ne suis pas sûre que James Frey ne rencontrerait pas quelques difficultés!

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  10. @ Dasola et aussi à Keisha : : Si le livre vous tente, je peux le mettre en livre voyageur.

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  11. @ mazle : Je suis curieuse de savoir ce que tu en penses. Pour le moment, en dehors des critiques professionnels, je n'ai rien lu dans les blogs.

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  12. @ ys : pas peur d'être choquée, donc!

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  13. @ miriam : cela n'a rien à voir avec les messies et les gourous, en fait! mais surtout avec le mondialisme avide et sans morale qui exploite la planète et rejette l'humain, avec tous les fanatismes religieux prêts à mener des guerres inutiles et imbéciles pour imposer leurs idées et leurs étroites morales .

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  14. @ Dominique: pas grenouille.. alors tu peux le lire!

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  15. le titre de ton billet m'a interpellée parce-qu'on ne voit pas trop d'avis sur ce livre...Et je suis surprise agréablement ! Ton billet chamboule tout est très tentant et je le note...Mais pareil, j'attends qu'il arrive en BM...(si tu le fais voyager, je suis partante par contre...)
    Rien à voir mais pour Orages ordinaires, la date te convient ? (je t'ai répondu)

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  16. @ jeneen : Donc c'est d'accord pour la lecture commune de William Boyd. D'accord aussi pour le livre voyageur. Je vais m'en occuper dans quelques jours.

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  17. @ jeneen : petit détail, il faut que tu m'envoies ton adresse postale! Tu as mon adresse mail dans mon profil.

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  18. Pour ma part, je n'ai pas apprécié ce livre. Je l'ai trouvé lourdement signifiant, pétri d'une pensée simpliste et très politiquement correcte qui revient à dire "Tout est permis lorsqu'on aime". Ce genre de slogan est d'une stupidité abyssale pour qui prend la peine de l'examiner honnêtement. Niais, convenu et facile. C'est souvent en voulant délivrer un message universel que les écrivains font de mauvais romans. A comparer avec Freedom de Franzen, autre buzz de la rentrée, chef d'oeuvre qui ne se hausse pas du col mais qui dit énormément plus sur notre société que le pensum lourdingue de James Frey. Bonne lecture. Critique du James Frey dans mon blog.

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  19. L'intérêt des billets est d'avoir un avis, et on est libre après de se faire sa propre opinion, Mr edouard, alors ne t'en fais pas, claudialucia, quoiqu'on puisse penser de ce livre quand on l'aura lu, ton billet n'en restera pas moins bien écrit, précis et ...très tentant.

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  20. @ Edouard : C'est votre droit de ne pas aimer ce roman. Mais vous pourriez faire preuve de moins de virulence tout au moins à mon égard.

    Quand l'on n'est pas d'accord avec quelqu'un, on ne lui dit pas vous n'êtes pas honnête ("pour qui prend la peine de l'examiner honnêtement") ou vous êtes d'une stupidité abyssale ou ce qui revient au même"Ce genre de slogan est d'une stupidité abyssale")!

    Ceci dit j'aime beaucoup Franzen aussi! C'est vrai que c'est un grand romancier.

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  21. @ jeneen : merci! j'espère qu'il te plaira mais je ne serai pas vexée dans le cas contraire!! De toutes façons ce n'est pas un livre qui laisse indifférent! Son aspect provocateur peut faire grincer des dents. La Preuve!
    Tu es la première sur la liste. Ensuite, il y aura Keisha.

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  22. Si c'est possible, je m'inscris aussi.

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  23. C'est d'accord Ys; Il part d'abord chez Jeenen, ensuite Keisha et tu es la troisième.

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  24. Il est voyageur? si oui cela m'intéresse

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  25. @ miriam : Bien sûr, je note. Tu es la quatrième sur la liste.

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  26. je viens de le trouver en bibliothèque je l'emporte en Bretagne, tu peux me retirer de la liste pour le livre-voyageur

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  27. je rejoins plutôt Edouard. les bonnes intentions ne font pas forcément les bons livres. J'aurais dû me méfier d'un livre dont la tranche est tachée d'encre pour imiter les taches de sang.

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