Pages

dimanche 20 mars 2016

Thomas Hardy : Tess d'Uberville



Tess d’Uberville, l’un de plus beaux romans de Thomas Hardy, parut  en 1891. Il raconte l’histoire de la trop jolie Tess d’Uberville qui attire les convoitises des hommes. Placée par son père John Durbeyfield chez les Stoke-d’Uberville, elle est violée par le fils Alec qui l’abandonne quand elle devient gênante. Tess, déshonorée, accouche d’un bébé qui meurt à la naissance. Plus tard, elle cherche du travail chez les Clare, dans une laiterie loin de chez elle, pour fuir le  mépris et le rejet des gens qui connaissent son passé. Là, elle tombe amoureuse du fils Clare, Angel. Il la croit vierge et elle n’ose lui dire la vérité même quand elle est reconnue par un homme de son village qui l’insulte. Les jeunes gens se marient et lorsque Angel lui avoue la liaison qu’il a eue avec une femme plus âgée que lui à Londres, Tess lui pardonne et ose enfin se confier à lui. Angel, horrifié, blessé, la rejette et part au Brésil pour refaire sa vie. Tess est sans travail et sans ressource,  c’est le début de la déchéance pour elle. Ce que je vous laisse découvrir.

 Un darwinisme littéraire

Tess : Nastassja Kinsky
Thomas Hardy a un talent réel quand il s’agit de concocter des histoires cruelles. Jude l’Obscur est pour moi l’exemple le plus glaçant de cette cruauté, pour ne pas dire de cette noirceur. Je n’ai jamais rien lu d’aussi désespérant. Tess d’Uberville n’en est pas loin! Je lis dans une étude de Elizabeth Rallo-Ditche Nature et culture dans Tess d’Urberville que Hardy, applique à ses personnages les thèses darwinistes sur l’évolution et sur la sélection naturelle. Ce sont toujours les plus forts qui l’emportent.
« Beaucoup de critiques ont insisté sur le pessimisme de Darwin et de Hardy, celui-ci fait payer son héros à la fin des récits, le fait souvent mourir, l’intrigue est toujours tragique ou perverse. La Nature a un plan et celui-ci se réalise contre les sentiments et les volontés humaines. »

Dans Tess, l’écrivain prend le parti de la femme victime de la société et dénonce ici son inégalité au point de vue sexuel. Dans cette société puritaine, on pratique une morale à double entrée malgré le rigorisme religieux : les hommes sont volontiers pardonnés d’avoir une vie sexuelle en dehors du mariage, les femmes, elles, sont mises au ban de la société!  Toute la vie de Tess est marquée par La Faute même si elle est innocente. Cela semble être le sens du sous-titre donné au roman : Tess d’Uberville, A Pure Woman Faithfully Presented, Une femme pure, sans détours. 

Il faut payer


 Il n’est donc pas étonnant, dans ce roman divisé en sept époques, que l’une d’entre elles, s’intitule : Il faut payer,  et pas étonnant, bien sûr, que ce soit la femme qui paye et elle seule! Ce thème est récurrent chez Thomas Hardy. Dans Loin de la foule déchaînée, on y voit un jeune fille accouchant et mourant dans un fossé. Cette  dénonciation de l'hypocrisie religieuse et de l'inégalité entre hommes et femmes se double d’une critique sociale. Alec n’épouse pas Tess car il est d’une classe sociale supérieure. Le mépris des bourgeois parvenus comme les Stoke-d’Uberville pour les humbles (car Tess est la soeur littéraire de Jude, Tess l’Obscure) n’est en rien garant de leur moralité. La mère d’Alec dissuade son fils de se marier et chasse Tess. Dans Jude l’obscur, Thomas Hardy est encore plus radical et critique ouvertement le mariage et la religion.

 La nature : un monde rural

Le Dorset David Noton source

L’action de Tess d’Uberville décrit un milieu rural en pleine évolution avec l’apparition des machines agricoles qui vont éloigner l’homme de la nature. Elle se déroule comme d’habitude dans le comté imaginaire, créé par Hardy, nommé le Wessex, l’ancien royaume des Saxons de l’ouest. Il correspond au Dorset et à quelques comtés voisins. La nature y est prépondérante et elle dicte sa loi aux végétaux comme aux les êtres humains. 

"Dans cette grasse vallée de la Froom, aux chauds ferments où suintait la fertilité, en cette saison où on croyait entendre sous le bruissement de la fécondation, le flot impétueux de la sève; il était impossible que le plus simple caprice d’amour ne devînt passion."
Elizabeth Rallo-Ditche écrit 
« .. dans Tess, le sens animiste de la vie prévaut, les objets inanimés semblent avoir deux ou trois sens, sinon cinq, comme les êtres humains. Cet animisme est la vieille croyance du Wessex, bien plus ancienne que le Christianisme et les êtres vivent encore dans cette Nature particulière: il explique la relation entre les êtres de façon très différente. »

Tess comme toutes les femmes est en symbiose avec la Nature qu’elle sent intuitivement, une nature animée, vivante. 

 De tous ces lieurs de gerbes, les plus intéressants appartenaient à l’autre sexe en raison du charme acquis par la femme quand elle devient partie intégrante de la nature et du grand air. Un homme qui travaille aux champs y est une personnalité distincte; une femme s’y confond; elle est, pour ainsi dire, sortie d’elle-même; elle est comme imprégnée de l’essence de ce qui l’entoure: elle s’y est assimilé.

 Quand la jeune femme est en paix, la nature lui permet de sortir d’elle-même, d’élever son âme :
"C’est très facile de la sentir qui s’en va, il suffit de se coucher dans l’herbe la nuit et regarder une grosse étoile brillante; et, en fixant votre attention sur elle, vous vous trouvez bientôt à des centaines de lieues de votre corps, dont vous ne semblez plus avoir besoin du tout." Quand elle a honte, il lui semble que la nature est hostile. Plus tard, en arrivant à Stonehenge, Tess sacrifiée sur l’autel elle s’est allongée semble une païenne, incarnant un culte étroitement lié à la nature. Le style de Hardy donne une dimension poétique à ce récit qui est un mélange entre l’observation réaliste de la vie à la campagne avec la précision des travaux ruraux, des soins apportés aux bêtes, et une poésie animiste qui transcende tout, qui place la nature et l’être humain dans un seul creuset, participant à la même création.
Un très beau roman, un chef d’oeuvre à découvrir absolument si ce n’est déjà fait!




Bravo à ceux qui ont trouvé et merci de votre participation à tous : Aifelle,  Asphodèle, Dasola, Eeguab, Kathel, Keisha, Maggie, Syl

Le roman Tess d'Uberville de Thoma Hardy
Le film Tess d'Uberville de Roman Polansky

7 commentaires:

  1. ah malheur de malheur je me suis trompée j'étais dans l'amant de Lady machin !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et oui, malheur de malheur, Lady machin, non ce n'est pas elle!

      Supprimer
  2. Il faut que je relise ce roman, visiblement, il n'y a que moi qui ne l'aime pas. Peut-être étais-je trop jeune pour l'apprécier ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est possible, il y a un âge pour chaque livre! Et puis tu n'aimes pas ce qui est triste et dur. Mais c'est de la grande littérature, alors tu y viendras un jour!

      Supprimer
  3. Tu me donnes envie de le relire! J'ai lu pas mal de classiques anglais il y a longtemps et me rafraîchir la mémoire ne pourrait que me faire du bien!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, je ne me lasse jamais de relire les classiques..

      Supprimer
  4. C'est un classique que je ne connais pas mais que j'ai très envie de découvrir !

    RépondreSupprimer

Merci pour votre visite. Votre message apparaîtra après validation.