Angelica Liddel photo de Christophe Raynaud Delage voir Ici |
J’avais déjà vu une pièce de Angelica Liddel qui m’avait bouleversée tant la souffrance de cette femme, le dégoût de son éducation, la haine de sa mère, la sexualité et l’amour vécus comme un traumatisme, le rejet de la société qu’elle vomit, étaient forts et résonnaient vers le ciel avignonnais en de longs cris de désespoir. Voir ici
Mais pour ce spectacle, Qué Haré yo con esta espada? Que ferai-je moi de cette épée?, je l’avoue, je n’ai pu rester jusqu’au bout, j’ai abandonné à la fin de la première partie qui montre l’acte de cannibalisme perpétré par le japonais Issei Sagawa sur une étudiante suédoise. Angelica Liddel s’empare de ce fait divers et le transpose sur scène. Après avoir souhaité pour donner un sens à sa vie que l’on viole son corps après sa mort, elle s’offre aux spectateurs, sexe ouvert, sur une table de dissection, offrant son cadavre au violeur. Quant à l’acte de cannibalisme, il est représenté par des comédiens et un danseur japonais qui est le meurtrier et plusieurs jeunes comédiennes aux longs cheveux clairs représentant la victime. Elles se dénudent et vont entrer en transe, agitées de spasmes violents qui les projettent contre terre, le corps contorsionné, comme mutilé. C’est la beauté sacrifiée, un tableau de de Jérome Bosch qui s’anime devant nous, l’Enfer, avec ses êtres grotesques, ses tortures et ses souffrances, tandis que les filles se dévorent les pieds ou, moment culminant de la scène, se flagellent le sexe et le dos avec les tentacules de poulpes, masses sanguinolentes qu’elles déchiquettent avec leurs dents. Elles finissent ensuite amoncelées les unes sur les autres, en un tas répugnant au milieu des cadavres de poulpes tandis qu’une voix explique quel est le goût de chaque organe féminin.
La deuxième partie devait évoquer l’attentat du 13 Novembre; alors là, j’ai eu peur, je suis partie… lâchement!
Je sais bien que le théâtre est pour Angelica Liddel une sorte de catharsis de tous ses (nos?) instincts meurtriers. Je sais qu’il faut comprendre que « la violence réelle » par l’intermédiaire du théâtre se transforme en « violence mythologique » pour reprendre ses propres termes. Soit! Je sais aussi qu’elle aime la provocation, bousculer la morale et choquer le bourgeois. Mais je ne peux m’empêcher de penser, face à la fascination que ce spectacle exerce sur le spectateur, que Liddel va chercher en nous tout ce qu’il y a de plus malsain et morbide et nous transforme en voyeurs. Une raison pour moi de refuser.
Lire cet article du journal Les trois coups, une très bonne analyse de la piècepar quelqu'un qui a eu le courage d'aller jusqu'au bout. ICI
Voir aussi le début de cet article de Télérama :
Comment l’artiste espagnole née en 1966 en Catalogne explique-t-elle à ses trop belles et juvéniles interprètes pareil désir de massacrer la figure de la femme, de la jeunesse au féminin ? Même les plus misogynes d’entre les machos n’oseraient en afficher un semblable aujourd’hui.
Ouf! cela fait du bien de partager son ressenti avec des critiques "officiels"!
Voir aussi le début de cet article de Télérama :
Avec “Que ferais-je, moi, de cette épée ?”,
la créatrice espagnole s'enferme dans sa névrose, au point de ne plus
rien partager avec le public, si ce n'est le chahut de la destruction.
Mais que raconte donc la très brune et méditerranéenne passionaria et quinquagénaire Angélica Liddell
aux huit jeunes filles aux longues et splendides chevelures blondes
(pour la plupart) qu’elle fait s’agiter frénétiquement complètement nues
sur le plateau juste peint d’étoiles ? Comment justifie-t-elle cette
image caricaturale de l’hystérie féminine qu’on croyait disparue depuis
les travaux de Charcot ? Comment ose-t-elle encore, elle une femme, une
féministe, leur imposer ça ? Sur le côté droit du cloître des Carmes,
après sa scène d’introduction, Angélica Liddell se repose en regardant,
assise dans un coin, la suite du spectacle. Elle a ôté ses escarpins
bleus à hauts talons pour observer les huit jeunes femmes se masturber
interminablement chacune avec un poulpe…Comment l’artiste espagnole née en 1966 en Catalogne explique-t-elle à ses trop belles et juvéniles interprètes pareil désir de massacrer la figure de la femme, de la jeunesse au féminin ? Même les plus misogynes d’entre les machos n’oseraient en afficher un semblable aujourd’hui.
Ouf! cela fait du bien de partager son ressenti avec des critiques "officiels"!
C'est déjà éprouvant de lire ton billet ! A ta place, je n'aurais même pas essayé, je trouve ça totalement insupportable. Je vais aller lire l'article du journal, mais je doute que ça me fasse changer d'avis.
RépondreSupprimerOui, c'était un spectacle éprouvant mais quand il s'agit d'Angelica Liddel on a toujours l'impression de passer à côté de quelque chose de grand si l'on s'en va et aussi de ne pas avoir tout compris!
SupprimerEst-ce de la lâcheté de quitter le spectacle de la violence ? J'ai lu l'article auquel tu renvoies mais je ne crois pas à cette instrumentalisation du corps et de la violence. Et surtout pas par les temps qui courent.
RépondreSupprimerDepuis j'ai lu cet article de Télérama (que j'ai ajouté à la suite de mon billet) qui m'a confortée dans ce que j'ai éprouvé. Au moins, je n'étais pas la seule à éprouver ce rejet!
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