Henri Beyle : Stendhal |
Je suis en train de lire les nouvelles de Stendhal et je vous parlerai d’abord de celle intitulée Le Philtre imité de l’italien Sylvia Malaperta.
Nous sommes en 182… Une nuit, à la sortie d’un café, Liévin, un jeune officier dont le régiment est en garnison à Bordeaux, voit un jeune femme s’échapper d’une maison et tomber à ses pieds. Il la relève et s’aperçoit qu’elle est en chemise. Elle lui demande de l’aide contre les hommes qui se sont introduits chez elle et elle le supplie de lui trouver une tenue décente. Le jeune homme l’amène chez lui et, respectueux, la laisse seule. Il revient le lendemain matin avec des vêtements et s’aperçoit alors que la jeune femme, Léonor, est d’une grande beauté. Il tombe amoureux d’elle ! Celle-ci lui raconte son histoire. Mariée à un mari vieux et jaloux, elle a pris pour amant un homme de condition inférieure, sans scrupules, qui l’a abandonnée en lui volant ses biens et l’a laissée aux mains de malfrats à qui elle a pu échapper.
Un récit romantique
Francisco de Goya : Isabel Lobo Velasco de Porcel |
Le récit est éminemment romantique et paraît contenir le germe de quelques romans stendhaliens : Un jeune officier, ce pourrait être Fabrice del Dongo, vient chevaleresquement en aide à une jeune femme en détresse. Comme Julien Sorel, il est pauvre et n’est pas sans faiblesses dès que l’on touche à son orgueil. Ainsi, il hésite à la secourir de peur du ridicule si ces amis le voyait avec une fille dévêtue dans la rue. Son sens de l’humanité ne prévaut que de peu ! Mais quand il entend son accent et comprend qu’elle est espagnole son imagination s’enflamme; on sait que, pour les jeunes têtes romantiques, les espagnoles sont d’un exotisme irrésistible et dotées d’un caractère passionnée. Sa seule crainte : « Mais si elle était laide ! ».
Léonor est à la hauteur de l’imagination de l’officier, d’une grande beauté, mal mariée, victime d’un amant qui a abusé de son amour. Elle a quitté la sécurité et le confort d’un riche foyer, détruit sa réputation. Elle ne sait pas où aller mais elle aime toujours ! C’est elle aussi un héroïne romantique dont la passion fatale et le courage sont hors du commun.
Une chute brutale
Caspar David Friedrich |
A la fin, elle avoue à Lievin qu’elle ne cessera jamais d’aimer cet homme malgré son infâmie. "Peut-être m’a-t-il fait prendre un philtre, me disais-je, car je ne puis le haïr ». Liéven est désespéré par cet aveu. Après ce récit déjà très ramassé, tout se précipite. Le dénouement intervient brutalement, une chute qui, je ne vous le cache pas, m’a laissée perplexe :
-Il n’est qu’un moyen de me guérir, c’est de me tuer, lui dit-il en la couvrant de baisers.
- Ah! ne te tue pas, mon ami ! lui disait-elle.
On ne l’a plus revu. Léonor a fait profession au couvent des Ursulines.
- Ah! ne te tue pas, mon ami ! lui disait-elle.
On ne l’a plus revu. Léonor a fait profession au couvent des Ursulines.
Et voilà, c’est tout! j’avoue que ce dénouement lapidaire me cause bien des surprises, pour ne pas dire une certaine déception.
Je sais bien que le romantique Stendhal refusait les excès romantiques et que son style est parfaitement maîtrisé, très classique et très retenue quand ses personnages ne le sont pas. De plus, l’écrivain n’utilise jamais les ressorts tragiques de l’émotion, l’apitoiement ou les larmes et veut rester à distance. Mais pour cette nouvelle, moi, je suis restée sur ma faim.
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J’ai trouvé un essai d’explication dans une communication de Béatrice Didier que vous pouvez lire ICI qui s’intitule Le statut de la nouvelle chez Stendhal.
J’y apprends, entre autres, que Le Philtre n’est pas imité d’un récit italien comme Stendhal l’affirme mais est l’adaptation d’un ouvrage littéraire français de Paul Scarron. Béatrice Didier y explique que dans la plupart des nouvelles de Stendhal, le lecteur a plutôt l’impression de lire un petit roman. Il n'en est pas de même pour Le Philtre et Le coffre et le revenant, l’un imité de Paul Scarron, l’autre de Prosper Mérimée où Stendhal suit un schéma narratif préétablie : « on assiste à un resserrement de l’intrigue et une rapidité du tempo qui n’appartiennent peut-être pas au registre purement stendhalien. »
Cette semaine, je vous présenterai une autre nouvelle de Stendhal: Souvenirs d'un gentilhomme italien qui présente un intérêt plus grand du moins à mes yeux.
Tu me donnes envie de me replonger dans le magnifique cadeau que mes collègues m'avaient fait pour mes 60ans Rome Fleorence Naples illustré aux editions Diane de Sellier que je te recommande.
RépondreSupprimerUn magnifique cadeau, en effet !
Supprimerje vais te suivre de près car j'aime Stendhal mais je connais peu ses nouvelles sauf les plus connues
RépondreSupprimerMoi de même; justement je lis celles que je ne connaissais pas encore.
SupprimerUne petite série sur France Culture, quatre épisodes je crois. Il doit y avoir un "replay" sur leur site.
RépondreSupprimermerci Thérèse !
SupprimerStendhal "De l'amour"
RépondreSupprimerIl m'a fallu du temps pour répondre après une interruption pour maladie puis un voyage à Bordeaux pour aller voir l'exposition de ma fille au festival des photographes voyageurs.
SupprimerJe viens de me perdre dans les réalisations de votre fille: entre tableaux et photographies, on en peut qu'avoir envie de méditer.
SupprimerMerci! Et cette exposition a été sélectionnée pour aller au Festival de la photographie de Toulouse en Septembre.
SupprimerJe ferai bien sûr attention aux dates.
Supprimerje n'ai jamais lu ses nouvelles! et tu sais quoi? tu me donnes envie de tout simplement relire Stendhal ! merci ;)
RépondreSupprimerOn se fait toujours plaisir quand on relit Stendhal !
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