Tor Jonsson |
Un autre grand poète norvégien m’accompagne pendant de voyage. J’emporte avec moi dans mes valises le recueil de Tor Jansson (1916_1951): Pour me consoler de la mort, j’ai le rêve paru aux Editions Rafael de Surtis collection Pour une rivière de vitrail.
Pour me consoler de la mort, j’ai le rêve, est une anthologie de plusieurs recueils. Le titre est en lui-même déjà un poème mais aussi une philosophie. De même pour les titres de ses autres oeuvres : Maturation dans l’obscur est son premier recueil paru en 1942 et donne la coloration de toute son oeuvre, l’ombre, la couleur grise, la solitude et la souffrance.
Suivent Montagnes près d’un lac bleu (1946), Nuits de fer (1948), Un journal pour mon coeur. Ce dernier écrit en 1951 avant son suicide est un peu son testament littéraire.
Voilà ce que Pierre Grouix, le traducteur, dit de sa poésie : « Si amour et mort s’unissent intimement dans la poésie de Tor Jonsson, c’est parce que la limite n’est pas nette entre rêve et réalité. Loin des rumeurs d’Oslo et d’une certaine pratique élitiste de la littérature et de la poésie, Tor Jonsson, originaire de Lom dans le Gudbrandsdal (la perle des vallées norvégiennes), est en prise directe avec le monde qui l’entoure. Tout comme un autre poète écrivant en néo-norvégien (ou nynorsk), celui-ci du Télémark – Tarjei Vesaas -, un homme est à l’écoute de la nature qui l’entoure et lui parle. Il en traduira les voix. »
Tor Jansson est né en 1916 à Lom dans une splendide vallée de la Norvège du Sud où il a vécu dans un grand dénuement matériel et une profonde solitude morale. Son père est mort quand il était jeune, et sa mère, malade, était entièrement démunie. Il a dû travailler très tôt comme ouvrier agricole ou jardinier. C’est pourquoi, les souvenirs d’enfance dans le hameau qui l’a vu naître y jouent un grand rôle. La pauvreté de sa famille et de tous ces cultivateurs rivés à la terre qui connaissent la faim, nourrissent son oeuvre. L’amour de sa terre natale et la révolte contre la misère des hommes sont donc à la base de sa poésie. Il écrit une poésie engagée qui dénonce les injustices sociales et qui trahit une grande solitude. A la mort de sa mère, il part à Oslo et devient journaliste.
La maison d’enfance
La maison de Tor Jonsson La maison d’enfance |
Je remercie la maison d’enfance
pour, derrière les vitres embuées, la haine
contre les conditions de vie d’un métayer.
Le rêve blême que tu me donnas,
le chagrin amer que tu cachas
témoignent d’un printemps.
Dans cette pièce misérable
Le chagrin a toujours geint
et aiguisé son long couteau.
Dans cette pièce ont grandi
les bons rêves dont les rayons
entoureront ma vie à jamais.
Je vais vers mon hameau de toujours
et plante de belles fleurs
sur chaque tombe au loin de l’oubli.
Je remercie la maison d’enfance
pour la haine dans la solitude sacrée
et la moisson qu’elle m’offrit.
Un poème sur tout ce que j’aime
prend racine dans la petite maison chez moi,
derrière les pleurs d’une mère.
Le poème fait exploser l’épiderme
dans le bruissement de la pauvreté
et le chagrin sur la terre.
Mais la poésie - la force du Verbe- reste la consolation et la raison de vivre.
Le Verbe
Lom : Starvekirke |
Le Verbe
A quoi sert de chanter
comme la rivière dans le désert?
A quoi sert de remonter
les horloges pour les morts?
A quoi sert de bâtir
toute la beauté du monde
quand le Verbe doit céder
face à la faim et aux épées?
C’est ce que nous nous demandons étonnés
aux heures d’abattement
Mais cette pensée nous revient :
un mot est un miracle.
Oubliés les grands de ce monde
et tout ce qu’ils accomplirent.
Mais la vie est éternité.
Et éternel est le verbe.
Enfin un dernier poème que j'aime beaucoup :
Les oies cendrées
Oies cendrées et soleil levant : Robert Hainard (source) |
Les oies cendrées
Quand les oies cendrées trouvent leur V
vers le nord,
alors chaque graine s’anime dans le bois,
chaque fleur croît.
Alors une convulsion naît
dans les jeunes pensées,-
Alors les V d’oies cendrées pointent
vers les temps non nés-
Émouvant ce dernier poème, les deux autres étant pour le moins si tristes... mais bien réels.
RépondreSupprimerHier justement nous est tombée du ciel une jolie petite corde de chanvre tressée au milieu de notre herbe, probablement destinée à un nid, elle gît toujours là... prête à être saisie pour quelque nid.
un mot est un miracle, rien que pour ça je vais essayer de trouver ses poèmes dans ma médiathèque
RépondreSupprimerTrès beau c'est vrai le poème sur les oies cendrées et je rejoins Thérèse, plus léger que les deux premiers. Merci pour les illustrations.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerPour une émission de radio, je cherche la traduction du poème de Tor Jonsson "Un journal pour mon coeur". Figure-t-il sur le recueil paru chez Rafael de Surtis (malheureusement épuisé et introuvable) et si c'est le cas, pouvez-vous m'aider à ce sujet ?.
Merci beaucoup.
Jean-Pierre Moya
rockomondo@hotmail.com