Pages

lundi 17 septembre 2018

Arturo Pérez-Reverte : Deux hommes de bien



Qui sont ces « Deux hommes de bien » décrits dans le livre d’Arturo Pérez-Reverte ? Deux membres de l’académie royale espagnole au XVIII siècle : le bibliothécaire Don Hermogenes Molina et son collègue Don Pedro Zarata appelé l’Amiral, spécialiste d’ouvrages sur la Marine.



Les deux académiciens sont envoyés à Paris pour acheter l’édition originale et complète de l’encyclopédie française (1751_1772) et la ramener à Madrid au péril de leur vie. C’est le roi Charles III désireux de changement dans son pays qui accorde l’autorisation de faire entrer l’encyclopédie des philosophes français en Espagne, contre la volonté de l’église et des milieux nobles réactionnaires. Tous les membres de l’Académie ne sont pas d’accord avec ce voyage et certains d’entre eux lancent alors un sbire aux trousses des deux savants pour les empêcher de réussir dans leur mission..
Pour bien comprendre l’importance de l’expédition, il faut dire que le siècle des Lumières français a bien du mal à pénétrer en Espagne où l’emprise de l’église est toujours aussi forte.

Nous suivons donc les deux personnages dans ce long périple pour arriver à Paris, partageons avec eux leurs discussions philosophiques mais aussi les rencontres qu’ils font tout au long de la route, les arrêts dans les auberges, et leurs aventures. Nous sommes à la fin du XVIII siècle et quand ils arrivent à Paris, la révolution française n’a pas encore éclaté mais l’effervescence qui règne dans la capitale la laisse pressentir ! Et nous rencontrons, en les suivant dans les salons parisiens, de célèbres personnages qui sont ou seront bientôt les acteurs de la révolution.

On a pu dire  de ce livre « qu’il est enlevé comme un feuilleton de Dumas Père » mais je ne pense pas qu'il soit tout à fait cela ! Certes, les deux hommes vivent des aventures, ils se font rouer de coup, détrousser, emprisonner et l’un d’eux se bat en duel pour les beaux yeux d’une dame mais les débats d’idées demeurent le plus important. D’autre part, les personnages ne sont pas  -surtout Don Hemogénes, savant, rat de bibliothèque, vieillard craintif et timoré - des héros de cape et d’épée. L’Amiral, ancien militaire dans la marine, lui, correspond plus à cet image, toujours élégant, altier et maître de lui, mais son passé glorieux est tout de même loin de lui. A mon avis, ce qui domine dans le roman est la quête intellectuelle de ces deux hommes de bien, amoureux des livres et des idées philosophiques. La quête des Lumières est le véritable sujet de l'histoire et l'encyclopédie, le personnage le plus important ! Et c’est avec beaucoup de plaisir que j’ai suivi leurs recherches dans les librairies ou encore dans les endroits secrets où se vendent sous le manteau, au milieu des livres pornographiques, les oeuvres interdites des grands penseurs du siècle.
Autre intérêt du livre et pas des moindres, c’est que la quête des deux savants est doublé par celle d'Arturo Perez-Reverte, écrivain. C’est en découvrant les volumes de l’encyclopédie dans la bibliothèque de l’académie dont il est membre lui-même, qu’Arturo Perez -Reverte est parti sur les traces des deux hommes.  Et pour cela, il a refait le chemin de ses personnages, en s’entourant des documents anciens qui lui permettent de retrouver les routes, les lieux de l’époque, il a lu des mémoires et des journaux et aucun détail de ce formidable périple n’est laissé au hasard. J’ai vraiment beaucoup aimé voir le roman se construire devant nous comme dans Les soldats de Salamine de Javier Cercas. Non sans humour mais avec ténacité, l’écrivain intervient au cours du récit pour nous confier les difficultés qu’il rencontre et comment il les résout afin de rester au plus près de la réalité historique et faire revivre cette époque.



24 commentaires:

  1. j'ai aimé ce que j'ai lu de cet auteur jusqu'à présent, je crois bien que j'aimerais aussi ce livre-là :-)
    merci ClaudiaLucia!

    RépondreSupprimer
  2. Toute cette histoire autour de l'encyclopédie a l'air très intéressante ( moi, j'aime beaucoup le style de Dumas :-)). En plus, je n'ai encore rien lu de cet auteur alors qu'il me semble qu'il est très médiatisé... C'est noté :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aime Dumas aussi. Le style est ici différent ! Je n'aime pas tout dans cet auteur mais celui-ci, oui.

      Supprimer
  3. c'est un bon billet pour manifestement un bon livre, je n'aime pas l'auteur quand il cavalcade mais là je suis prête à me laisser séduire
    toc dans ma liste

    RépondreSupprimer
  4. Oh, je suis sûre que ça va me plaire ! Je note. Merci.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le thème est intéressant et j'aime que le roman se fasse devant nous en partageant les interrogations de l'auteur.

      Supprimer
  5. D'Arturo Pérez-Reverte je ne connais que "Le Cimetière des bateaux sans nom". Un livre que je sais avoir lu, parce qu'il se trouve toujours dans ma bibliothèque et que le nom de l'auteur est resté dans ma mémoire, contrairement au contenu du roman ! Il me semble avoir pris plaisir à le lire (il y a de cela une bonne quinzaine d'années) mais il faudrait que je le relise car je n'en ai aucun souvenir...

    Je note soigneusement le titre de celui dont tu parles et je pense que moi aussi j'aimerai lire les aventures de ces « Deux hommes de bien ». Le moment venu, je ne manquerai pas de te tenir au courant.

    Bises et bon automne littéraire, ClaudiaLucia

    RépondreSupprimer
  6. Je crois aussi que cela me plairait... (Goran : https://deslivresetdesfilms.com)

    RépondreSupprimer
  7. "Hommes de bien" on se demande ce que cela signifie en réalité, au départ : des hommes possédant des biens. Mais cela est allé au delà. Il m'échappe les termes dans lesquels je décrivais mon père qui était érudit, curieux, persévérant et bon en même temps, tolérant. Est ce que je disais qu'il était un homme de bien ?
    Actuellement on dirait plutôt de "belles personnes" (ou pas de belles personnes).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai retrouvé comment je décrivais mon père, je disais de lui qu'il était un honnête homme...

      Supprimer
    2. Hommes de bien, c'est ainsi qu'ils sont désignés dans les documents lus par l'auteur et le terme s'est imposé. Il fait référence à leur honnêteté intellectuelle, à leur désintéressement vis à vis de l'argent, ils sont là pour servir la science,à leur altruisme, ils affrontent les fatigues et les dangers du voyage pour apporter les Lumières à leurs concitoyens.

      Supprimer
    3. "Honnête homme" à la manière du XVII siècle, un homme de juste mesure, tolérant et sociable.

      Supprimer
  8. Encore un qui va allonger la liste

    RépondreSupprimer
  9. Il est au programme de mon club de lecture donc je suis assurée de le lire et je m'en réjouis ! Espagne + XVIIIe siècle, chouchou assuré.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, moi aussi, j'aime le XVIII en France et je me suis intéressée à ce qu'il en était en Espagne à la même époque ... et quel courage qu'il fallait pour faire entrer les idées nouvelles !

      Supprimer
  10. Voilà qui est passionnant, je note ce titre qui aborde le siècle des Lumières sous un angle original.

    RépondreSupprimer
  11. J'ai lu ce livre l'an dernier et je l'ai énormément aimé. Je crois bien que c'est avec un article le concernant que j'ai d'ailleurs repris mon blog. Pour moi son charme réside dans la conjugaison des quêtes et en effet, en parallèle sur ce que l'auteur nous dit de ses propres recherches. De plus je trouve qu'il nous donne immédiatement envie de prendre la plume. C'est déjà beaucoup pour un seul ouvrage !

    RépondreSupprimer

Merci pour votre visite. Votre message apparaîtra après validation.