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dimanche 11 avril 2010

La Saga du fer à repasser

J'ai parlé  récemment  ( Montaigne, les blogueuses et la critique ) des insultes essuyées par Cynthia et ses contes defaits de la part d'un écrivain dont elle n'avait pas apprécié le roman. Celui-ci lui a suggéré en quelque sorte de retourner à son repassage et à la lecture de romans de la collection Harlequin.

Ce qui a inspiré Cécile Quoide 9  autoportrait au fer à repasser
Et voilà que  d'autres ont relevé le défi et c'est ainsi qu'est née ce que l'on peut bien appeler la saga du fer à repasser.
Je ne peux résister à vous donner un échantillon :

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Et le roman de Cinthya Gazouilla paru chez Harlequin

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Superbe planche à repasser avec lecture intégrée


Et puis, bien sûr, courez vite lire les "zôtres" comme dirait Cécile!

jeudi 8 avril 2010

Christian Bobin : Les Ruines du ciel


J'ai moins aimé le dernier livre de Christian Bobin : Les Ruines du ciel même si certains passages m'ont beaucoup intéressée et  si j'ai trouvé passionnant tout ce qui a trait à l'Histoire.
J'ai moins aimé et je le dis avec tristesse, moi qui suis à l'écoute de sa voix lorsqu'elle est poésie pure, témoignage pour un brin d'herbe, écrit sur une tasse de café noir, lorsqu'elle arrache au temps qui passe, à l'oubli, à la mort, tous ces petits instants qui paraissent insignifiants et qui pourtant permettent de résister au monde, de tenir devant lui et d’opposer à sa fureur une patience active.

Dans les Ruines du ciel Christian Bobin écrit autour d'un évènement historique qui est la destruction du couvent de Port Royal par Louis XIV. Le roi Soleil  veut  ainsi extirper de la mémoire des hommes le souvenir d'un ordre qu'il considère comme hérétique et  faire oublier les religieux et les religieuses dont le pouvoir spirituel lui fait ombrage.
Et certes, il y a de beaux passages dans le livre, en particulier dans les portraits de ces hommes et de ces femmes  qui sont restés fidèles à leurs idées malgré les persécutions  et aussi dans la manière dont Christian Bobin ressuscite l'Histoire en entrant par la petite porte... ou  par la petite histoire!

La soeur de Pascal religieuse à Port Royal, pressée par les autorités de signer un formulaire contraire à sa foi, écrit dans le calme atomique de sa cellule : " Puisque les évêques ont des courages de filles, les filles doivent avoir des courages d'évêque."
Au début du grand siècle, la mode est aux cheveux longs. Lorsque Louis XIV, atteint de loupes, adopte la perruque "à cheveux vifs" qui demande un crâne rasé, cette coiffure saute sur touts les têtes comme une méduse  monstrueuse de poids et de crasse. La mode est un bourreau que ses victimes acclament.

J'aime aussi beaucoup les passerelles établies entre les époques et les lieux, une traversée dans le temps, du passé au présent, des religieuses de Port Royal à une sépulture romain par exemple, du Paris du Grand siècle au Creusot d'aujourd'hui.
Des Petites Ecoles de Port Royal broyées par Louis XIV, ne restent que les vers de Racine qui y fut élève et le souvenir du passage, pour la première fois en France, des plumes d'oie aux plumes métalliques - ces petits becs énervés qui, trois siècles durant, boiront dans les encriers de porcelaine blanche. Après la mort de mon père, je trouvai dans ses affaires une boîte à cigares remplie de plumes en acier de toutes formes, servant pour le dessin technique. Certaines ressemblaient à des hippocampes, d'autres à des scarabées ou à de minuscules  sarcloirs.

Mais ce que j'ai moins apprécié, c'est ce qui d'habitude me retient le plus dans Bobin : ces aphorismes poétiques qui sont, ici parfois tellement poussés, travaillés, ciselés, qu'ils se révèlent d'une préciosité pas toujours de bon goût :

Les gens de Port Royal sont les vanniers de l'absolu. Ils font du langage un panier de silences dorés.
Une trace de pied nu sur la farine du cerveau.
Ecrire-voler la bague en or au doigt d'osselets de la mort.

Certes, isolé, chacun pourrait paraître anodin. Mais il y en a une véritable avalanche. Et que dire de cette métaphore filée bien lourde tout au long de l'ouvrage sur la religion, Dieu, âme,  paradis ... On aimerait parfois y échapper mais en vain!

Les nuages en aubes blanches se rendent aux offices de la lumière.
Pas de joie plus grande que de trouver le mot juste : c'est comme venir au secours d'un ange qui bégaie.
La harpe est le rideau de perles du paradis. 

A croire que Christian Bobin a oublié ce qu'il écrivait dans Autoportrait au radiateur :

Mozart écrit à propos d’un de ses concertos : "C'est brillant mais ça manque de pauvreté"
Je n'aime pas le mot "religieux". Je lui préfère le mot "spirituel". Est spirituel ce qui en nous, ne se suffit pas du monde, ne s'accommode d'aucun monde. C'est quand le spirituel s'affadit qu'il devient du "religieux".

mercredi 7 avril 2010

Henri Ridder Haggard : Elle, Celle-qui-doit-être-obéie

Henri Rider Haggard (1856- 1925 )


Le roman de Henri Ridder Haggard, Elle, parut en 1886. Rédigé par son auteur à une vitesse record comme si une force extérieur -quelque chose dira Kipling-  écrivait à sa place, il obtint un succès foudroyant.
Il faut dire que l'auteur de Elle, après un premier ouvrage intitulé Les Mines du roi Salomon qui eut beaucoup de succès aussi, donne naissance à un genre littéraire très particulier, le roman d'aventures qui s'appuie sur les thèmes du voyage, de l'ethnologie, de l'archéologie mais pour mieux le transposer dans un monde imaginaire faisant appel au fantastique. Freud  et Yung  furent intéressés par ce récit et par la puissance de l'imagination qui semble révéler les forces de l'inconscient et Henri Miller, lui-même, lui consacre un essai admiratif.
Après Elle, le voyage à la recherche de civilisations mythiques, disparues, de trésors enfouis, de créatures hors du commun, n'a cessé d'inspirer de nombreux romanciers et réalisateurs de films. Pierre Benoît, déjà, avec son Atlantide  fut accusé de plagiat en 1919. Des adaptations filmiques n'ont cessé de fleurir dans le monde et de nos jours  l'un des films les plus marquants  à la manière de Elle ... est Indiana Jones

Le sujet?  Horace Holly, un professeur éminent de l'université de Cambridge,  et son fils adoptif Léo partent sur les traces d'une civilisation disparue depuis deux mille ans en Afrique, dans l'actuelle Tanzanie. Ils sont  guidés par des inscriptions figurant sur des tessons de poterie que leur à confiés le père de Léo avant de mourir. Accompagné de leur fidèle domestique, ils recherchent  Asheya, reine mystérieuse et d'une beauté redoutable, qui semble avoir découvert le secret de l'éternelle jeunesse. C'est Elle, Celle-qui-doit-être-obéie. Il y a deux mille ans elle a poignardé son amant, Kallitratès, un prêtre du culte d'isis qui lui avait été infidèle. Depuis, elle attend le retour de son bien-aimé qui doit se réincarner et la retrouver.


Quant à moi, j'ai lu ce roman plus par curiosité historique et littéraire que par réel intérêt même si je suis consciente des qualités qui lui ont valu de devenir un modèle. L'auteur fait preuve, en effet, d'une grande puissance d'imagination et certaines scènes ne manquent pas de force d'évocation : la découverte des momies qui ont l'air de dormir, intactes dans la mort car leur corps ne peut se corrompre, le bain d'Ashaya dans la Flamme de Vie qui va la consumer en abolissant ses deux mille ans d'existence en quelques secondes... Il faut reconnaître aussi la fascination que peut exercer l'omniprésence de la mort et la réflexion sur les civilisations englouties qui aboutissent à une méditation philosophique sur l'inexorabilité du Temps qui passe. Henri Ridder Haggard est, de plus, très érudit, il connaît les civilisations et les langues antiques, il a voyagé en Afrique et même s'il commet quelques erreurs sur la faune ou la flore, le livre est très documenté et savant.
Pourtant, certains aspects du livre ont un peu vieilli : le sentiment de supériorité britannique sur les peuples "sauvages";  la condescendance éprouvée envers ces civilisations africaines qui s'étend d'ailleurs aux classes sociales avec l'infériorité "obligée" des domestiques (Pourtant Haggard ne manque pas d'humour lorsqu'il s'agit de se moquer des habitudes anglaises et même françaises!); les non-dits sur la sexualité, thème pourtant bien présent  dans le roman. Mais nous sommes à l'époque victorienne  et, après tout, l'on ne peut pas vraiment faire un grief à Haggard de refléter le puritanisme et les préjugés de son temps.  Malgré tout et peut-être parce que  j'ai trop lu ou vu ce genre de romans ou de films, ou parce que je l'ai lu trop tard et non dans mon enfance, je ne suis pas arrivée à me passionner.


L'homme qui voulut être roi est un roman de Kipling adapté par John Huston. Le livre et le film sont excellents.


mardi 6 avril 2010

Naguib Mahfouz : le voyageur à la malette, le vieux quartier



Depuis que j'entends parler de Naguib Mahfouz par Miriam, je me suis dit qu'il fallait que je le connaisse. Surtout qu'être allée au Caire comme je l'ai fait sans l'avoir lu, c'est une lacune de taille! Cependant, comme j'ai des piles de livres en attente et que je ne peux résister à l'envie de prendre des bouquins en plus à la bibliothèque, j'ai choisi pour faire connaissance avec ce grand écrivain, prix Nobel de littérature en 1998, un recueil de nouvelles afin de le lire rapidement.
En fait le recueil est un peu composé de bric et de broc : quatre nouvelles extraites de Le Voyageur à la malette, quatre de Le Vieux quartier, un essai sur Naguib Mahfouz de Marie Francis-Saad et le discours de réception du prix Nobel en 1988, un appel vibrant aux gouvernants du Monde entier pour éradiquer l'injustice et la misère dans les pays du Tiers-Monde :
Nous vivons une époque où des dirigeants sont responsables de la totalité du globe. Sauvez les êtres tenus en esclavage dans le sud de l'Afrique! Sauvez l'Afrique affamée! Sauvez les Palestiniens des balles et de la torture! Empêchez les israéliens de profaner leur grand héritage spirituel! Sauvez ceux qui sont endettés des lois inflexibles de l'économie!
Les courts récits de Naguib Mahfouz donnent une idée des thèmes qu'il aime développer dans ses romans selon Marie Francis-Saad : Dans La barbe du pacha ou Le vieux quartier, il décrit le Caire populaire et en particulier les cafés qui sont des lieux de rencontre et de vie d'une grande importance dans la société arabe. Ici, c'est le regard d'un vieillard qui retourne sur les lieux où s'est déroulée son enfance et  note les changements, la transformation de la ville gagnée par les voitures et le bruit, le passage inexorable du temps, la nostalgie qu'engendrent la disparition des choses et des êtres, la tristesse du jamais plus, de ceux qui ont disparu de la terre et même de la mémoire des survivants.  Lorsque la fortune vient, Rêves en conflit présentent l'influence des faits politiques, sociaux et économiques sur les hommes, les évènements qui les marquent à jamais, les font autres qu'ils n'étaient, l'éphémérité de la gloire et de la puissance dans un pays où l'Histoire contemporaine est marquée sans cesse par de grands bouleversements.

*Miriam est une grande voyageuse. Elle écrit le compte rendu de ses voyages-notamment en Egypte- dans Voix Nomades. Et comme chaque fois qu'elle part à l'étranger elle lit énormément, ses lecteurs peuvent apprendre beaucoup sur la littérature du pays visité.

dimanche 4 avril 2010

Ma collection : Comme un petit coquelicot…

Je découvre souvent en lisant des blogs ou des chroniques,  des textes qui me parlent,  dont j’aime l’idée et l’écriture. J’ai envie de les conserver pour les relire. J’ai décidé de les “collectionner”. Je vous invite à aller lire la suite et écouter la chanson de Mouloudji sur le blog d'une passionnée de lecture , Dominique, Ivre de livres, dans  A sauts et à Gambades
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Le pavot est la plus belle des fleurs.
Au moindre
 Vent il oscille, délicatement froissé :

D’une grâce, sans nul effort, insurpassée,

Il se hausse, corolle et coupelle, pétales

Qu’un chiffonnier a sortis de son précieux

Tiroir.

Robert Marteau - Rites et offrandes - Champ Vallon

José Saramago : Le Dieu manchot




José Saramago est un écrivain portugais. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1998. Le Dieu Manchot raconte l'histoire de Balthazar Sept-Soleils, mercenaire, et de Blimunda Sept-Lunes, une sorcière, dont le don est aussi une malédiction. C'est devant un  bûcher de l'Inquisition, là où la mère de Sept-Lunes va être brûlée, que les deux jeunes gens se rencontrent et vont apprendre à s'aimer. Le roman se déroule à Lisbonne  au XVIII ème siècle à l'époque du roi Jean V du Portugal (1706-1750) et de la reine Maria Ana Josefa.
Le récit est riche, délirant, toutes sortes de personnages étranges, haut en couleur, s'y côtoient; c'est l'époque de l'Inquisition toute puissante, l'époque aussi où l'or du Brésil, les épices et les soieries d'Orient se déversent sur le Portugal. La plus grande richesse coexiste avec la misère la plus totale et l'on assiste à de grands moments de l'Histoire portugaise. Ainsi pour pour fêter la naissance de sa fille, le roi fait construire le palais-couvent-basilique de Mafra au nord de Lisbonne. Le titre portugais du roman  Memorial do Covento fait  d'ailleurs allusion à ce gigantesque édifice élevé à grand renfort d'or du Brésil au milieu d'un peuple qui meurt de faim. C'est aussi l'époque où un homme, Bartolomeu Lourenço de Gusmao, chanoine et mathématicien, que nos deux héros vont seconder, va inventer une machine volante "La Passarola" qui volera au-dessus de Lisbonne en 1709.
Le style de Saramago est luxuriant, baroque comme cet art qui est en train de se développer au Portugal sous le règne de Don Jao V à la gloire de l'église catholique. Saramago, en effet, est le spécialiste de ces phrases qui coulent comme un fleuve que l'on ne peut arrêter, sans  respect de la ponctuation. Il est parfois difficile à lire et cette prose m'a fatiguée, non tant par la longueur des phrases que par l'abondance des situations, des idées, des images, des comparaisons. Il faut s'accrocher. Je ne l'ai pas lu comme je le fais d'habitude sans m'arrêter. J'y suis revenue à plusieurs reprises. Difficile d'analyser un tel foisonnement. Mais voilà quelques passages qui l'illustreront et que je trouve très puissants :
Par exemple, cette réflexion  si douloureuse  et si vraie sur la condition humaine :
Dona  Maria Ana, la reine enceinte : ....à un moment où l'infant dans son ventre était une gélatine, une larve de batracien, un animalcule doté d'une grosse tête, c'est extraordinaire la façon qu'ont les hommes et les femmes de se former, là, dedans leur oeuf, indifférents au monde du dehors, pourtant c'est bien avec le monde du dehors qu'ils devront un jour se colleter, en qualité de roi ou de soldat, de moine ou d'assassin, d'Anglaise à la Bardade ou de chair à bûcher, mais toujours en qualité de quelque chose puisque aussi bien il est impossible d'être tout et encore plus de n'être rien. Car en définitive nous pouvons échapper à tout, sauf à nous -mêmes.
Balthazar, le soldat, a perdu une main à la guerre. Il l'a remplacée par un crochet mais il se sent bien maladroit. Le père Bartolomeu l'encourage :
.. moi qui te parle , je te dis que Dieu est manchot et pourtant il a fait l'univers.
Balthazar recula, effaré,  il se signa promptement, comme pour ne pas donner au diable le temps d'achever ses oeuvres. Que dites-vous là, père Bartholomeu Lourenço, où est-il écrit que Dieu est manchot, Cela n'est écrit nulle part, je suis le seul à dire que Dieu n'a pas de main gauche, puisque c'est à sa droite que s'asseyent les élus,  jamais on ne parle de la main gauche de Dieu, ni les Saintes Ecritures, ni les docteurs de l'Eglise n'en font état, personne ne s'assied à la gauche de Dieu, c'est le vide, le néant, l'absence, d'où il résulte que Dieu est manchot. Le prêtre respira profondément et conclut, De la main Gauche.
Un beau texte qui nous dit que l'Homme doit apprendre à se faire confiance, à se dépasser, qu'il doit oser s'accomplir malgré la faiblesse de sa condition.

mardi 30 mars 2010

Anniversaire : Ma Librairie a deux ans


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La librairie de Michel de Montaigne dans la tour de son château
Le 30 mars 2008, il y a deux ans donc, j'ai ouvert Ma Librairie dans le Monde. Depuis sous l'oeil bienveillant de Montaigne, de nombreux livres sont venus garnir les étagères fictives de ce blog.
Plus de 200 articles après, je me suis demandé quels livres je choisirais parmi ceux que j'ai lus pendant cette période.
Mes dix romans préférés
51dk53ysx2l_sl75_.1269363272.jpgJavier Cercas : Les soldats de Salamine  ici 1 et  2
J'ai adoré ce roman consacré à la mémoire des soldats de la Guerre Civile d’Espagne qui ont combattu pour la liberté et la République comme les Grecs l’ont fait jadis à Salamine. Mais écrit Javier Cercas : De toutes les histoires de L’Histoire, la plus triste est sans doute celle de L’Espagne, parce qu’elle finit mal.

51m1kqh9w9l_sl75_.1269363287.jpgManuel Rivas : Le crayon du charpentier  ici 1   ici 2

Entre réalité et fantastique, Le Crayon du charpentier écrit une magnifique page de l'Histoire espagnole au temps de la guerre civile : un récit émouvant, de beaux personnages, un point de vue original, celui du bourreau observant sa victime.

41huhzl2-sl_sl500_ss75_.1269385519.jpgC Virgil Georghiu : La maison de Petrodova ( ou Les noirs chevaux des Carpates)  ici

Ce roman qui nous dépeint les coutumes et les mentalités d’un peuple façonné par l’âpreté de la vie dans les hautes montagnes des Carpates - que Gheorghiu connaît bien puisqu’il est le sien - est une oeuvre passionnante.
51obmitbmyl_sl500_ss75_.1269385346.jpgAtiq Rahimi : Syngue Sabour   ici 1    ici 2

De ce roman, je retiens un huis clos étouffant rythmé par les bruits extérieurs qui évoquent la mort, la guerre et la folie des hommes. Un magnifique plaidoyer pour la liberté de la femme.
9782869307575_1_v.1269468477.jpg Raymond Carver : les trois roses jaunes

Recueil de nouvelles : ce qui m'a frappée dans Raymond Carver, c'est sa manière d'aborder une histoire souvent poignante par un petit détail insignifiant (ou qui paraît tel) et de nous laisser, à la fin, le coeur au bord des lèvres sans savoir comment il est parvenu à nous retourner ainsi, à nous faire éprouver un tel malaise, une telle tristesse? Du grand art!
519kxas9n7l_sl160_aa115_.1269456662.jpgChristian Bobin : autoportrait au radiateur voir ici 1   2   3

J'aime la poésie qui se dégage de ces petites textes archipels, ces éclats de beauté qui jaillissent de ci, de là, d'un bouquet de fleurs, d'une mère avec son enfant, d'un nuage ... cette attention patiente et fine portée au monde qui l'entoure.
41menrx7eal_sl500_ss75_.1269386551.jpgMilos Kundera : la plaisanterie

A une époque où l'on ne peut plus être anti-sioniste sans se faire accuser d'anti-sémistisme, où l'on ne peut plus être contre la burka sans être taxée d'anti-musulman, où une artiste ne peut plus reprendre une célèbre formule en la détournant - "travailler moins pour gagner plus- sans être censurée, où l'on n'ose plus jouer Voltaire librement ou dessiner des caricatures sur n'importe quel sujet est incendiaire, bref! à une époque où il faut tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler si l'on ne veut pas être traîné en justice, il FAUT lire La plaisanterie de Milos Kundera.
41na3x66fbl_sl75_.1269363256.jpgJoyce Carol Oates : Les chutes voir ici 1    2

Ce roman en trois parties de Joyce Carol Oates, qui présente une intrigue complexe et forte, a pour cadre les chutes du Niagara. Plus qu'un décor, plus qu'un personnage, le Niagara apparaît ici comme un Dieu tout puissant qui semble détenir un pouvoir de vie et de mort sur les personnages.
41n3zr-8t1l_sl500_ss75_.1269363779.jpgChahdortt Djavan : La muette

Un petit roman, très court, qui résonne comme un cri, frappe comme un coup de poing, une dénonciation des violences faites aux femmes en Iran, petites filles mariées par leurs parents à des vieillards vicieux, privées d'éducation, d'amour, de liberté. Tristement d'actualité avec la loi sur l'âge minimum des filles pour le mariage au Yemen
41xntyae3wl_sl500_pisitb-sticker-arrow-bigtopright35-73_ou08_ss75_.1269386372.jpgJane Austen : Northanger Abbey :  ici 1   2

Double bonheur - celui de lire en anglais pour la première fois depuis bien longtemps un roman de Jane Austen, écrivain dont je connais tous les titres! et cela pendant mon voyage à Bath en pèlerinage sur les lieux décrits par Jane Austen. De cet auteur, j'aime l'humour caustique, les portraits satiriques de ses contemporains écrit d'un plume acérée, sa manière ironique et légère de se moquer de ses héroïnes trop romantiques tout en nous les faisant aimer.

Un recueil de poésies : Découverte de Rafael Alberti
catalogo-rafael-alberti-lt-br-gt-alberti-sobre-los-angeles-i0n98665.1269468849.gifRafael Alberti : sur les anges (recueil de poésie)voir 1    2

A propos de son recueil Sur les anges, le grand poète espagnol Rafael Alberti écrit : C’est alors que j’eus la révélation des anges, non pas des anges chrétiens, corporels, des beaux tableaux ou des gravures, mais de ces anges qui ressemblaient à d’irrésistibles forces de l’esprit, aptes à être façonnées selon les états les plus troubles et les plus secrets de ma nature.

un document :

543995830_mjpg.1269386817.gifGitta Sereny : Au fond des ténèbres un bourreau vous parle

(document)
Ce livre, une enquête rigoureuse sur un bourreau nazi, directeur du camp de Treblinka, que l'auteur a rencontré juste avant son procès, a le mérite de nous décrire par le détail l'horreur des camps et surtout de nous faire réfléchir à la nature humaine. Qu'est-ce qui amène des gens en apparence normaux à commettre des actes d'une telle barbarie? n'y-a-t-il pas en chacun de nous une part d'ombre? Qu'aurions-nous fait à leur place? A rapprocher de La mort est mon métier de Robert Merle et de Les bienveillantes.
Pas de livres policiers dans la liste de mes dix romans préférés? Alors je me rattrape! :
519mw2d5czl_sl500_ss75_.1269456429.jpgDonald Westlake : Le couperet (roman policier)  voir 1    2

Le couperet de Donald Westlake paru en 1997 est toujours d'actualité avec la crise économique que nous connaissons et le chômage qui menace non pas seulement les ouvriers mais aussi les cadres. j'ai beaucoup appris sur la gestion des entreprises et les fonds de pension. Un livre politique féroce et grinçant mais aussi un roman noir avec suspense et angoisse.
412rcvyshwl_sl160_aa115_.1269456208.jpgStieg Larson : Millenium
Peu m'importe si les critiques le considèrent comme un bon ou mauvais roman, si le succès est dû à la mode et au tapage médiatique... Moi, je me souviens que j'ai vécu les aventures de ce roman avec fièvre, que j'y ai gagné quelques nuits blanches tant je ne pouvais me détacher des trois tomes ... sans compter les discussions passionnantes. Et ma foi, je ne risque pas de renier ce genre de bonheur. Vive la littérature évasion! Quoique... évasion? Hum! peut-être? mais elle est aussi ancrée dans un pays dont l'auteur dévoile les noirceurs

dimanche 21 mars 2010

David Wroblewski : l’histoire d’Edgar Sawtelle



 Et voilà un livre comme je les aime dans lequel on s'enfonce délicieusement, que l'on ne peut quitter tant on est tenu en haleine, que l'on n'a de cesse d'avoir fini tout en sachant qu'on regrettera d'avoir à le fermer en arrivant à la dernière page.

L'histoire d'Edgard Sawtelle de Davis Wroblewski est celle d'un petit garçon, muet de naissance, dans une ferme du Wisconsin où il grandit avec ses parents, Gar et Trudy, qui sont éleveurs de chiens et ceci depuis des générations. Doué d'une précocité remarquable, l'enfant apprend le langage des signes qu'il invente au besoin et est suivi comme son ombre par sa chienne Almondine qui lui sert à la fois de nounou et d'ange gardien, personnage à part entière du roman et non le moins attachant!
C'est avec beaucoup de talent que l'auteur nous introduit dans cette vie campagnarde, paisible mais laborieuse, vouée à l'élevage des chiens Sawtelle, une race créée par les grands parents d'Edgar, et inlassablement améliorée selon un principe tout darwinien. Nous partageons le quotidien de la famille dont les tâches se distribuent entre les soins, les recherches sur l'hérédité, les naissances, le dressage ... une vie somme toute routinière mais faite de beaucoup de joies, de satisfactions dans les échanges avec les chiens, d'amour et de respect mutuels. Pourtant des ombres inquiétantes viennent troubler l'harmonie apparente, la fragilité de Trudy qui a perdu un enfant à la naissance, le côté renfermé d'Edgar, et surtout l'arrivée de Claude, le frère de Gar. Et la haine que semble se vouer les deux frères depuis l'enfance va ressurgir...

Il ne faut pas dévoiler plus longuement l'intrigue qui nous réserve bien des surprises. Sachez cependant que ce roman original, surprenant, inclassable, tant il adopte des tons différents est aussi un roman initiatique qui nous fait partir à l'aventure dans la forêt de Chequamedon avec Edgar, un livre sur la nature dont David Wroblewski nous décrit la beauté et les violences, magnifique description de tornades au-dessus d'un lac, un récit fantastique où fait irruption avec violence l'irrationnel, une rencontre formidable avec une pléïade de personnages exceptionnels.. De plus l'écrivain sait créer un suspense haletant qu'il entretient jusqu'à l'ultime page.

Placé sous patronage de Kipling avec Le Livre de la jungle, ouvrage préféré d'Edgar qui finit par s'incarner dans le personnage de Mowgli pendant son errance dans la forêt entouré de ses trois chiens, l'on ne peut s'empêcher de penser aussi à Hamlet lors de l'apparition du spectre décrite d'une manière hallucinante.

mardi 9 mars 2010

Deux romans « policiers » : C J Box et James Lee Burke : Détonations rapprochées/Prisonniers du ciel

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Me voilà bien en retard pour parler des livres que j'ai lus au mois de février!!  Alors voilà, j'ai décidé de mettre les bouchées doubles et d'écrire dans cet article  sur deux romans que l'on peut classer dans le genre policier(?)... et que j'ai dévorés  à la suite l'un de l'autre : Détonations rapprochées de CJ Box paru dans Points  aux éditions du Seuil et  Prisonniers du ciel de James Lee Burke dans Rivages/Noir.  Ils m'ont procuré tous deux un plaisir de lecture de qualité très différente .
51f8121qk1l_sl500_aa240_.1268163528.jpgTout d'abord Détonations rapprochées de  CJ. Box, est  le premier d'une série présentant les enquêtes d'un jeune garde-chasse du Wyoming, Joe Pickett. Celui-ci effectue un travail de routine : dresser des procès verbaux à ceux qui chassent ou pêchent sans permis, protéger les espèces en voie de disparition, arrêter les braconniers.  Oui, mais voilà, ces derniers peuvent parfois se révéler dangereux! Et même très dangereux surtout quand Ote Keeley, un guide de chasse avec qui Joe a déjà eu maille à partir, vient mourir sur un tas de bois devant chez lui. Et ceci d'autant plus que le mort fait des petits, pour reprendre l'expression de George Brassens,  que l'on retrouve deux cadavres dans une tente, que Joe et ses collègues, se sentant menacés, abattent Clyde Lidgard, un déséquilibré considéré pourtant comme inoffensif. Commence alors une chasse à l'homme pour retrouver le véritable meurtrier, dans laquelle Sheridan, la petite fille de Joé, va se trouver impliquée.
Détonations rapprochées fonctionne comme un thriller et l'intrigue nous tient en haleine. Mais ce que j'ai le plus aimé dans le roman est ce qui le distingue des livres de ce genre. Tout d'abord le personnage, Joé, qui est un anti-héros, timide, maladroit, gaffeur. Pourtant il est honnête et courageux même si ,comme tout un chacun, il peut avoir une peur bleue qui lui fait perdre ses moyens. L'amour qu'il porte à sa famille, sa femme et ses deux petites filles, tient une grande place dans l'histoire, ce qui donne envie de suivre le personnage, de le voir évoluer, de voir grandir ses enfants qui ont -surtout Sheridan- une forte personnalité. La description du Wyoming profond, de sa population et, en particulier, de ses chasseurs parfois primaires (!) qui sont en nombre prédominant dans la région, donnent lieu à des scènes assez savoureuses comme celle de l'enterrement de Ote Keeley et de ses amis. L'auteur parle manifestement d'un milieu qu'il connaît bien puisqu'il a été lui-même guide de pêche et a travaillé dans un ranch.
Bref! un livre qui accroche sans être un grand roman.  On se dit : il faut voir la suite*!
Prisonniers du ciel est d'une autre trempe au niveau de l'écriture et, dès les premières pages, j'ai senti que j'étais face à un grand écrivain;  j'ai été saisie par le foisonnement d'un style qui capture le lecteur, l'emporte par la puissance de l'écriture  sur la côte de Louisiane, au sud de New Iberia, au milieu des marais couverts de cladions, de cyprès morts aux guirlandes vaporeuses de barbe espagnole, véritables labyrinthes de canaux et de bayous qui étouffent sous les jacinthes d'eau, dans l'odeur des embruns salés. Il y a une puissance d'évocation envoûtante, sensuelle, prenante, dans les descriptions de ce pays hors du commun, un peu en marge et sur le déclin, où tout semble livré à l'érosion lente du temps. Et ce roman résonne un peu comme un adieu à ce monde en décomposition qui perd peu à peu ses repères et  oublie son passé.
Et puis il y a la noirceur des  thèmes, étouffante, terrible, sans issue.  Car il n'y a pas  d'espoir dans les romans de Lee Burke. Et ce n'est pas son héros, ivrogne repenti mais toujours prêt à sombrer, ancien combattant du Vietnam dévoyé par la guerre et policier rompu à la violence, qui me contredira, Dave Robicheaux et son baroque nom français, Dave Robicheaux, personnage récurrent des romans de Lee Burke, avec son incapacité au bonheur, ses flambées de violence, sa soif de bagarre et de vengeance. Aucun espoir, donc, dans cette Louisiane où des familles noires vivent dans la misère, où la maffia est toute puissante et intouchable et la police inefficace ou corrompue.
Pourtant  Dave Robicheaux fait des efforts. Il fait tout son possible pour trouver le bonheur dans l'amour de sa nouvelle épouse, Annie, plus jeune que lui et qui représente l'avenir, pour aimer cette vie tranquille comme patron de location de bateaux de pêche, une vie proche de la nature, celle qu'il a connue enfant avec son père, celle qui le tient quitte de la violence et de l'horreur de ce monde. Seulement voilà! Il y a ce petit avion qui s'écrase près de chez lui sur les marais, il y a cette petite fille qu'il sauve, qu'il adopte, qu'il protège, une petite réfugiée du Salvador qui porte sur ses épaules toute la malédiction de la guerre, il y a les victimes de cet accident d'avion qui ne sont pas morts naturellement. Alors Dave Robicheaux reprend la route et ses démons vont se réveiller.
A propos des livres de CJ Box : voir  l'article de Dominique dans le blog  A sauts et à gambades

lundi 8 mars 2010

Lucia Etxebarria : Tout le monde a droit au bonheur...



C'est à la lumière de  l'actualité récente en Vendée que je relis cette  phrase :

Tout le monde a droit au bonheur, sauf peut-être les néonazis, les skinheads et les spéculateurs immobiliers*
*Lucia Etxebarria  : Je ne souffrirai plus par amour

vendredi 19 février 2010

Jules Supervielle : Le village sur les flots

La vague de Katshushika Hokusaï


Dans la poésie de Jules Supervielle, un thème récurrent très beau et très nostalgique à la fois, contient une dimension tragique qui me touche beaucoup : l'homme est capable d'engendrer par la pensée, l'imagination, la rêverie ou le désir, un univers qui va désormais prendre forme hors de lui, doué de vie et pourtant hors de l'existence, prisonnier à jamais de l'esprit qui l'a créé et qui finit par l'oublier.
Cet homme, c'est aussi le Poète dont Supervielle décrit ainsi le pouvoir :

"Alors que la fée a besoin d'une baguette, le magicien de quelque objet enchanté, il suffit au poète des mots qu'il a dans sa tête pour s'offrir tout ce qui lui manque. Lui faut-il un diamant? Il prend le plus beau. Une tempête? C'est la plus terrible. Un tapis volant? Il sera volant?"* .

Le poète est donc un Créateur tout puissant qui façonne l'Univers, mais, ce faisant, il se conduit en Dieu terrible, abandonnant ses créatures à leur destin, en proie à la déréliction, tragique reflet de la condition humaine.
C'est peut-être ainsi que l'on peut interpréter le poème "Le Village sur les flots" et le conte "L'enfant de la Haute mer".

Le village sur les flots

Je frôlais un jour un village
Naufragé au fil de vos eaux
Qui venait humer d'âge en âge
Les maisons de face et de dos,
Villages sans rues ni clocher,
Sans drapeau, ni linge à sécher,
Et tout entier si plein de songe
Que l'on eût dit le front d'une ombre.
Des maisons à queue de poisson
Formaient ce village-sirène
Où le lierre et le liseron
s'épuisaient en volutes vaines.
Parfois une étoile inquiète
Violente au grand jour approchait,
Et plus violent s'en allait
Dans sa chevelure défaite.
Un écolier taché d'embruns
Portant sous le bras un cartable
jetait un regard outrebrun
Sur les hautes vagues de fable.
Un enfant de l'éternité,
Cher aux solitudes célestes
Plein d'écume et de vérité
Un clair enfant long et modeste.
Dans ce village sans tombeaux,
Sans ramages ni pâturages
Donnant de tous côtés sur l'eau,
Village où l'âme faisait rage,
Et qui, ramassé sur la mer,
Attendait une grande voile
Pour voguer enfin vers la terre
Où fument les autres villages.

Gravitations


Illustration de Jacqueline Duhême (détail)




L'enfant de la haute mer (extrait)

Comment s'était formée cette rue flottante? Quels marins, avec l'aide de quels architectes, l'avaient construite dans le haut Atlantique à la surface de la mer, au-dessus d'un gouffre de six mille mètres.
Et cette enfant de douze ans si seule qui passait en sabots d'un pas sûr dans la rue liquide comme si elle marchait sur la terre ferme?
Parfois l'enfant éprouvait un désir très insistant d'écrire certaines phrases. Elle le faisait avec une grande application.
En voici quelques unes, entre beaucoup d'autres :
- Partageons ceci, voulez-vous?
- Ecoutez-moi bien. Asseyez-vous, ne bougez pas, je vous en supplie!
- Ecume, écume autour de moi, ne finiras-tu pas par devenir quelque chose de dur?
- Pour faire une ronde, il faut au moins être trois.
Marins, qui rêvez en haute mer, les coudes appuyés sur la lisse, craignez de penser longtemps à un visage aimé. Vous risqueriez de donner naissance, dans les lieux essentiellement désertiques, à un être doué de toute la sensibilité humaine et qui ne peut pas vivre ni mourir, ni aimer, et souffre pourtant comme s'il vivait, aimait et se trouvait toujours sur le point de mourir....

* cité par Claude Roy Jules Supervielle Poètes d'Aujourd'hui Seghers
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mercredi 3 février 2010

Pour célébrer l’hiver… avec Guy.Charles Cros, René Char, Anne Hébert, Pierre Reverdy, Yonomoto Kikaku ,

 
Sisley


On s'éveille
du coton dans les oreilles
une petite angoisse douce
autour du cœur, comme mousse
c'est la neige,
l'hiver blanc
sur ses semelles de liège
qui nous a surpris, dormant.
                                       
Guy-Charles Cros : matin d'hiver dans Poésies au coeur

Sur mon chapeau
la neige me paraît légère
Car elle est mienne

    Yonomoto Kikaku : poésie japonaise classique




Il neige
Sur mon toit et sur les arbres
Le mur et le jardin sont blancs
Et le sentier noir
Et la maison s'est écroulée  sans bruit
Il neige
Pierre Reverdy  Souffle dans Le Cadran quadrillé




La neige nous met en magie
Blancheur étale
Plumes gonflées
Où perce l’œil rouge de cet oiseau.

Mon coeur; Trait de feu
sous des palmes de gel
File le sang qui s'émerveille
                               Anne Hébert : Neige dans Mystère de la parole




J’ai été élevé parmi les feux de bois, au bord de braises qui ne finissaient pas cendres. Dans mon dos l’horizon tournant d’une vitre safranée réconciliait le plumet brun des roseaux avec le marais placide. L’hiver favorisait mon sort. Les bûches tombaient sur cet ordre fragile maintenu en suspens par l’alliance de l’absurde et de l’amour. Tantôt m’était soufflé au visage l’embrasement, tantôt une âcre fumée. Le héros malade me souriait de son lit lorsqu’il ne tenait pas clos ses yeux pour souffrir. Auprès de lui, ai-je appris à rester silencieux ? À ne pas barrer la route à la chaleur grise ? À confier le bois de mon cœur à la flamme qui le conduirait à des étincelles ignorées des enclaves de l’avenir ? Les dates sont effacées et je ne connais pas les convulsions du compromis.
                      
René Char : Sept saisis par l’hiver dans Chants de la Balandrane

lundi 4 janvier 2010

Littérature et Portugal : Sophia de Mello Breyner, Malgré les Ruines et la Mort





Ces poèmes sont extraits de l'anthologie Malgré les Ruines et la Mort  de Sophia Mello de Breyner parue aux Editions de la Différence.

 La poésie de Sophia de Mello Breyner est une poésie de part en part élémentaire. Même quand elle se fait méditation sur le temps et l'exil, cette poésie conserve -et peut-être la renforce-t-elle d'une certaine façon- sa relation privilégiée à la mer, à la vague, à la roche, au buccin, au vent, au soleil, à la lumière, au sable, à la terre, aux arbres. Même quand elle s'en éloignera pour tenter de rejoindre les humains dans les maisons qui les protègent au milieu des villes qui les cernent et les menacent, ce monde élémentaire restera présent. Comme un repère. Comme le repère. (Christophe David, Le Matricule des Anges, mars 1997.

Voir ici



Salvador Dali (1918)


Mer

De tous les lieux du monde
J'aime d'un amour plus fort et plus profond
Cette plage-là, extasiée et nue,
Ou j'épousais la mer, le vent, la lune.

Malgré les ruines et la mort...
 Malgré les ruines et la mort
Où s'acheva toujours chaque illusion,
La force de mes rêves est si forte
Que de tout renaît l'exaltation
Et mes mains jamais ne restent vides.

J'ai crié mon nom...
 J'ai crié mon nom quand la mer chantait
J'ai crié mon nom  quand coulaient les sources
J'ai crié mon nom quand les héros mouraient
Et en chaque être je me suis retrouvée.



Sophia de Mello Breyner (1919-2004): Malgré les ruines et la mort choix de poèmes traduits du portugais par Joaquim Vital Edit. De la Différence  ( 615 p.) parution en 2000


Sophia de Mello Breyner est née à Porto d'une famille aristocratique, engagée politiquement à gauche. Auteur de poésies, Méditerranée, Malgré les Ruines et la Mort, Navigations, elle est aussi l'auteur de  nouvelles : Histoires de la terre et de la mer, et contes pour enfants : Le garçon de bronze, la Petite fille de la mer, la fée Oriane, la Forêt...

vendredi 1 janvier 2010

Janvier 2010 : Bonne année!


J'ai choisi, pour vous présenter mes voeux, une photo évocatrice du printemps  et ceci pour faire un pied de nez à l'hiver et aux intempéries. Oui, je sais! c'est un peu fleur bleue mais qu'importe : Bonne année à tous!

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Lin bleu de Lozère