Pages

dimanche 20 mai 2012

Un livre/Un film : Flaubert/Minelli Madame Bovary




69968339_p


 Réponse à l'énigme 34,
Félicitations à  :  Aifelle, Dasola, Eeguab, Keisha, Lireaujardin, Maggie,  Miss Léo, Pierrot Bâton, Shelbylee 

Le roman Flaubert : Madame Bovary

Le film :  Vincente Minelli : Madame Bovary

Merci à tous et toutes pour votre participation ....



Texte à deux mains de Wens et Claudialucia


Madame Bovary de Gustave Flaubert (1857) :  Résumé.
Dans son petit village de Normandie, Emma, fille de paysan aisé, élevée comme un jeune fille de bonne famille, au couvent des Ursulines à Rouen, rêve d'une autre vie. Elle épouse un modeste médecin de campagne, Charles Bovary. Le couple s'installe à Yonville, une petite bourgade, et de cette union naît une petite fille, Berthe, à laquelle Emma ne parvient pas à s'intéresser vraiment. La jeune femme s'ennuie et sa vie lui paraît médiocre. Un bal chez le marquis d'Anvilliers lui permet d'entrevoir le raffinement et le luxe qui correspondent à ses aspirations. Le jour des Comices agricoles, elle se laisse séduire par un jeune noble, Rodolphe. C'est pour elle le début d'une grand amour romantique rapidement déçu. Après le départ de Rodolphe, Emma tente de se satisfaire de sa vie et de se rapprocher de son mari. Elle souhaite sa réussite et le pousse à opérer le pied bot d'un jeune villageois. L'opération est un terrible échec et loin de pouvoir admirer son mari Emma est amenée à le mépriser un peu plus. Lors d'un voyage à Rouen, le couple rencontre Léon, un jeune clerc de notaire originaire de Yonville. Emma va devenir la maîtresse de Léon. Mais la jeune femme, coquette et dépensière, a accumulé des dettes l'insu de son mari et lorsque la ruine se précise, elle met fin à ses jours.

 Madame Bovary  de Minnelli.. 1949.

 Déclarons d'entrée de jeu : le film de Minelli est une totale trahison du roman, la portée réaliste et la critique sociale de l'oeuvre de Flaubert sont totalement absentes,  Minnelli dresse un portrait naïf de la société française du XIXème siècle, les personnages du film n'ont pas la richesse, la profondeur du roman …. Et grâce à ce long préambule en forme d'amende honorable, nous pourrons, espérons-le, sans trop de crainte, sans risque de lynchage, affirmer que nous aimons Madame Bovary de Minnelli. Car le cinéaste est un très  grand réalisateur.

Il faut rappeler que, en 1949, le film risquait de choquer le public et de se heurter à la censure toujours présente dans le cinéma américain comme du temps de Flaubert!Minnelli mettait en scène une femme adultère, frivole, abandonnant son enfant, en faisait le personnage principal de son film et ne condamnait pas sa conduite. De plus la belle Jennifer Jones donnait au personnage d'Emma Bovary une connotation extrêmement sensuelle. Pour contourner la censure, Minnelli et son scénariste ont donc créé un prologue et un épilogue faisant référence au procès de Flaubert. L'écrivain, en effet, fut accusé d'atteinte aux bonnes moeurs mais finalement acquitté.
James Mason qui incarne Flaubert à l'écran prend la parole pour défendre Emma et le film est présenté comme le plaidoyer de l'écrivain. Il faut donc montrer Emma sous un jour favorable, expliquer qu'elle a des torts mais qu'elle n'est pas entièrement coupable et surtout attirer la compassion du public. Le film va donc s'intéresser seulement au personnage d'Emma et non à la société décrite par Flaubert et à la peinture de la bourgeoisie qu'il exécrait!  Première trahison de Flaubert!
Emma est présentée comme une ravissante femme qui vit la tête dans les étoiles et refuse la médiocrité de sa condition. Mariée à Charles Bovary, un brave homme, sympathique, mari attentionné, bon père de famille, elle attend le vertige de l'amour et de la passion. Elle bute contre les murs de sa maison alors qu'elle rêve de vastes demeures et de palais. Mais alors que Flaubert voulait montrer à travers Emma un personnage qui bâtit sa vie sur des mensonges romantiques, des sentiments faux, convenus, et parfois peu intelligents, l'Emma de Minnelli est totalement romantique, d'un romantisme hollywoodien qui réclame apitoiement et larme à l'oeil. Alors que Flaubert  décrivait un personnage romantique pour mieux condamner les excès du romantisme, Minelli utilise ce trait de caractère pour attirer la sympathie du public. Deuxième trahison de Flaubert!
Mais le talent du réalisateur est tel qu'on se laisse emporter par la virtuosité de la mise en scène…  Ainsi, chez le marquis d'Anvilliers, la séquence du bal est filmée d'une manière éblouissante et permet de comprendre l'exaltation d'Emma, ses affinités avec le luxe, la richesse et la beauté.. Minnelli nous entraîne progressivement dans un tourbillon, reflet des sentiments d'Emma. Lors de la valse, elle est étourdie par la danse et par son bonheur, il faut briser les vitres pour qu'elle puisse continuer à vivre. Mais son rêve prend fin quand Charles légèrement ivre la rejoint. Minelli sait aussi nous montrer par l'image la distorsion entre les rêves d'Emma et ce qu'elle vit. Par exemple, elle regarde souvent le monde à travers un miroir qui reflète une réalité ne correspondant pas à son univers intérieur. Terrible est le moment où lors de son rendez-vous galant avec Léon, elle aperçoit le couple qu'ils forment tous deux dans le miroir fêlé d'une misérable chambre d'hôtel. Tous rêves romantiques s'effondrent alors.. Pour souligner l'opposition entre les rêves d'Emma et la réalité  de sa vie,  Minnelli joue aussi avec le décor et les costumes avec  l'aide de ses fidèles complices Willis pour les décors et Plunkett, dessinateur des splendides robes d'Emma.
Minnelli, l'auteur de Un Américain à Paris, réalise ainsi un flamboyant mélodrame romantique.

 
 

Chabrol. Madame Bovary. 1991.

En France,la plus célèbre adaptation est celle de Claude Chabrol. A la sortie du film, celui-ci  affirmait : "J'ai voulu être le plus fidèle possible au texte de l'auteur" et  encore : "j'essaie de faire le film qu'il aurait  fait s'il avait eu une caméra au lieu d'une plume". Pour rester au plus près du texte, le réalisateur a utilisé tous les rares dialogues du roman et a eu recours très fréquemment à la voix off.
Mais cette adaptation linéaire, très (trop?) respectueuse du texte de Flaubert est bien sage et plate. Isabelle Huppert, glaciale, à son habitude, maîtrise ses sentiments à un tel point qu'elle ne rend pas assez le côté passionnel, insatisfait et romantique du personnage.

Manoel de Oliveira. Le Val Abraham.1993.
Voilà sans aucun doute la plus belle adaptation du roman de Flaubert à l'écran. Oliveira transpose l'histoire d'Emma dans le Portugal des années soixante. En se libérant des contraintes du lieu, du temps, en abandonnant la linéarité, Oliveira réussit le pari de rendre l'esprit du roman.  Ema du Val d'Abraham est une femme qui résiste aux contraintes du milieu social, à la domination des hommes.


samedi 19 mai 2012

Un livre/un film : Enigme 34





Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 

Enigme 34


Ce livre est un des grands classiques de la littérature française du XIX siècle. Il porte le nom du personnage éponyme qui connaît une fin tragique. En fait, la plus grande difficulté n'est pas de trouver le titre du roman et du film mais celui du réalisateur du film!


Elle confondait, dans son désir, les sensualités du luxe avec les joies du coeur, l'élégance des habitudes et les délicatesses du sentiment. Ne fallait-il pas à l'amour, comme aux plantes indiennes, des terrains préparés, une température particulière? Les soupirs au clair de lune, les longues étreintes, les larmes qui coulent sur les mains qu'on abandonne, toutes les fièvres de la chair et les langueurs de la tendresse ne se séparaient donc pas du balcon des grands châteaux qui sont pleins de loisirs, d'un boudoir à stores de soie, avec un tapis bien épais, des jardinières remplies, un lit monté sur une estrade, ni du scintillement des pierres précieuses et des aiguillettes  de la livrée.

jeudi 17 mai 2012

Jean-Marie Gustave Le Clezio : L'Homme n'écrit pas seulement avec des mots..

 prix Nobel de littérature 2008

Jean-Marie Gustave Le Clezio

L'homme n'écrit pas seulement avec des mots. Tous les langages ne seront pas de trop pour entendre ce qui se dit chaque jour.

je mets trop de moi-même dans chacune de mes pages pour ne pas vivre dans l'espoir qu'elles toucheront quelqu'un. 

il faut continuer à lire des romans; le roman est un très bon moyen d'interroger le monde actuel.

Le roi de Kahel de Tierno Monénembo



Quel étrange personnage que cet Aimé Victor Olivier, vicomte de Sanderval, qui est le héros de la biographie romancée de Tierno Monénembo : Le roi de kahel! Un personnage qui fut célèbre à son époque, à la fin du XIXème siècle, connu dans la France entière et ailleurs...  puisque la Grande Bretagne a essayé de l'acheter (incroyable scène relatée par Tierno Monenembo) et le Portugal lui a offert son titre de Vicomte.

C'est pour notre plus grand plaisir que l'auteur fait revivre cet homme, issu d'une famille de la bourgeoisie française industrielle lyonnaise, haut en couleurs qui part, casqué et ganté de blanc, protégé par son inséparable ombrelle, suivi par sa vaisselle de porcelaine, conquérir le Fouta-Djalon,  une grande région montagneuse de Guinée, afin de s'y tailler un royaume et de devenir roi. Le plus extraordinaire, c'est qu'il y parviendra et règnera sur le plateau de Kahel que lui donneront l'almamy, chef suprême du Fouta-Djalon et les autres rois Peuls, qu'il y lèvera une armée, y battra monnaie à son effigie,  développera l'agriculture, organisera le commerce... Il n'en sera délogé que par les visées colonialistes de la France qui fait du Fouta-Djalon un protectorat français, puis intervient militairement et remporte la victoire sur Bokar Biro, le dernier almamy indépendant, à la bataille de Porédaka. La majeure partie du Fouta sera intégrée alors  à la colonie des Rivières du sud et deviendra la Guinée française.* Le roi de Kahel se verra contraint de rentrer en France.

Le plaisir de ce livre vient donc tout d'abord de la rencontre  exceptionnelle avec cet homme dont on aurait du mal à admettre la vraisemblance s'il était un héros de roman. Mais il a existé et le travail de biographe accompli par Tierno Monénembo est extrêment documenté et sérieux. L'histoire rocambolesque de ce  personnage, ses aventures hors du commun qui l'amènent parfois jusqu'aux portes de la mort, n'en sont que plus extraordinaires. Le lecteur goûte ce mélange d'épopée mi-tragique, mi-comique, assaisonnée des élucubrations pseudo-philosophiques du vicomte sur l'Absolu. On ne peut s'empêcher d'admirer la pugnacité à toute épreuve de cet aventurier, le grain de folie qui lui fait accepter les dangers, les privations, les souffrances, on savoure son intelligence capable de comprendre les peuls, d'assimiler leur culture au point de  les battre à leur propre jeu dans le domaine des négociations politiques et économiques, de renchérir  sur leur ruse, leurs mensonges, domaines où ils sont experts.

Un autre plaisir et pas des moindres, c'est la découverte de ce pays, de ses paysages, de ses villes, Timbo, Labé,  de la naissance de Conakry,  des Peuls avec leur organisation politique complexe, leurs moeurs, leurs coutumes.  On s'intéresse aux conflits internes, aux luttes fratricides, à quête du pouvoir qui se résout dans le sang comme dans une tragédie shakespearienne. C'est donc une rencontre avec un moment de l'Histoire de ce pays avant la colonisation, quand les Peuls, cette race de seigneurs, avec leur grandeur, leur arrogance, leur beauté, mais aussi leur fourberie qu'ils élèvent au rang d'art, régnaient encore sur un territoire indépendant.

Un bon livre, donc, que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt d'autant plus qu'il m'a fait découvrir une civilisation que je connais mal.

*Une autre partie du Fouta est occupée par la Grande-Bretagne  et devient la Sierra-Leone


Republié de mon ancien blog qui ferme définitivement ses portes fin Mai après un an de transfert d'articles!