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mardi 28 avril 2015

Marie Strachan : la terre fredonne en si bémol



Toujours dans le but de rattraper le retard que j'ai accumulé  dans la rédaction de mes billets de lecture, ces derniers mois, je vous donne un avis rapide sur La terre fredonne en si bémol de Mari Strachan

 
Mari Strachan source
Présentation de l'éditeur


Agée d'une dizaine d'années, Gwenni Morgan grandit dans un petit village du pays de Galles. Friande de romans policiers, elle se pose beaucoup de questions sur sa famille et la petite communauté au sein de laquelle elle évolue. Face aux énigmes et aux secrets du monde adulte, elle décide un jour de lancer son enquête, comme les détectives de ses livres préférés. Où est donc passé Ifan Evans, ce berger au visage tout rouge dont elle s'est toujours méfiée? Pourquoi son épouse, la douce Mme Evans, semble-t-elle si mystérieuse et si troublée depuis quelque temps ? Et que veulent dire ses filles, la petite Catrin et sa sœur Angharad, lorsqu'elles répètent que leur père est parti avec un gros chien noir? Lorsque le corps d'Ifan Evans est retrouvé, flottant dans le réservoir d'eau, c'est toute la petite communauté qui est soudain en émoi. À travers le regard fantaisiste d'une enfant un peu précoce, Mari Strachan nous montre combien il est difficile de construire son histoire dans un monde où tout se sait mais rien ne se dit. Lorsque la vérité éclate enfin au grand jour, les secrets de famille brisent l'harmonie apparente du petit village paisible de l'après-guerre. Mais Gwenni a compris depuis longtemps qu'il faut sortir des sentiers battus pour créer la carte géographique de sa propre vie...

Mon avis

 De bonnes idées, de bonnes intentions dans ce livre qui montre la misère dans les milieux populaires du pays de Galles dans les années 50 et la difficulté d’être enfant dans une famille modeste qui cache de lourds secrets.. Mais je n’ai pas aimé l’écriture qui cherche à rendre le langage de l’enfance en faisant de la fillette la narratrice de l’histoire. Sa vision des personnes et des objets qui l’entourent pourrait être poétique mais n’est pas toujours réussi car souvent trop lourde et répétitive comme cette description appuyée des pichets de bière ou ces notations incessantes sur son estomac fragile. L’enquête policière n’ajoute rien à l’histoire dont l’intérêt me paraît être ailleurs dans les tourments de cette fillette mal aimée par sa mère, marquée par la pauvreté; dans sa propension au rêve, son non-conformisme qui la marginalise au sein d’une petite ville où chacun vit sous les yeux de son voisin et où il faut savoir entrer dans un moule pour ne pas se singulariser. C'est dommage! En ce moment, je n'accroche pas au procédé de fausse naïveté qui est censé être celui de l'enfance!

Je vous renvoie à la critique du blog de Michel Goussu  Ce que j’ai pensé de… qui correspond tout à fait à mon ressenti, en particulier, lorsqu’il écrit : Il faudrait, pour savoir (…) à qui s'adresse le livre : illisible par un enfant, agaçant pour un adulte, il souffre d'un manque de choix. Lire ICI

Et puis voici aussi l’avis de L’or rouge qui a adoré : Lire ICI 



lundi 27 avril 2015

Louise Penny : Défense de tuer

Rencontre autour de l'oeuvre de Gericault, La monomane de l'envie,  avec Louise Penny au musée des Beaux-Arts de Lyon à propos de son livre Défense de tuer
Rencontre avec Louise Penny au musée des Beaux-Arts de Lyon




Louise Penny, écrivaine canadienne aux Quais du Polar de Lyon signe Défense de tuer paru aux éditions Actes noirs Actes Sud
Louise Penny aux Quais du Polar de Lyon
Louise Penny a longtemps travaillé comme journaliste à la radio anglaise de Radio-Canada avant de s'imposer comme « la plus récompensée des auteurs canadiens de romans policiers » (Maclean's). Si En plein cœur (Flammarion Québec), le premier titre de sa série « Armand Gamache enquête », a remporté un nombre remarquable de prix, les ouvrages suivants ont plus que confirmé ce succès. Louise Penny est notamment la première romancière à avoir gagné le très prestigieux prix Agatha trois années de suite et ses romans figurent aux palmarès des meilleures ventes. Comme plusieurs de ses personnages, elle habite les Cantons-de-l'Est. source


Je vous ai parlé de Louise Penny, cette écrivaine canadienne que j’ai rencontrée aux Quais des Polars lors d’une rencontre au musée des Beaux-Arts de Lyon autour d’une oeuvre de Géricault : La monomanie de l’envie ou la Hyène de la Salpetrière. (Billet ICI)
Je m’étais demandé comment son roman Défense de Tuer paru aux éditions Actes Sud noirs, était rattaché au thème de la folie et de la différence illustré par le tableau de Géricault.

Le récit


 Défense de Tuer est une enquête d’Armand Gamache, inspecteur-chef de la sûreté du Québec, la suite d’une longue série que Louise Penny a consacré à ce personnage. C’est la première fois que je le rencontrais.
 Armand Gamache et son épouse  Reine-Marie vont fêter la trente cinquième année de l’anniversaire de leur mariage au manoir de Bellechasse, luxueux hôtel dans les Cantons de l’Est au Québec. Cette ancienne demeure en rondins, au toit de cuivre, bâtie près du lac de  Massawipi par des bûcherons au XIX siècle, est un havre de paix et de repos! Tout au moins tant qu’elle n’est pas envahie par une riche  famille, les Morrow, dont les membres semblent tous un peu « cinglés » et ne paraissent pas unis par une affection indéfectible!  Ils viennent rendre hommage à leur père décédé en érigeant une statue dans le parc de la maison. Mais par un soir d’orage la statue écrase une des femmes Morrow. Gamache s’aperçoit bien vite qu’il ne s’agit pas d’un accident ! Finies les vacances et la tranquillité, il doit se charger de l’enquête! Et entre les membres de la famille et du personnel, les suspects sont nombreux!

Une étude psychologique

Voilà qui me change des thrillers, ici pas meurtres horribles et alambiqués, pas de surenchère dans l’horreur. L’intérêt est ailleurs. Il est dans ce huis-clos qui permet l’observation de chaque membre de la famille Morrow, les Gamache étant aux premières loges pour être spectateurs, parfois sans trop comprendre, des drames qui se jouent devant eux. Louise Penny excelle dans la description psychologique. Elle dissèque les rapports d’amour et de haine, d’attrait et de répulsion qui lient la mère Mrs Finney, ex-madame Morrow, remariée à Bert Finney, à ses filles Marianna et Julia, à ses fils Thomas et Peter, à leurs épouses respectives Sandra et Clara et à son petit fils Bean.  Tous sont incapables de couper les liens qui les unissent entre eux, d’acquérir leur indépendance, mais lorsqu’ils sont ensemble ils ne cessent de se torturer. L’écrivaine fait apparaître les non-dits, les sous-entendus. Ce qui apparaît parfois, aux yeux du spectateur, comme une plaisanterie entre frères et soeurs se révèle être une manière d’attiser des plaies jamais refermées. La souffrance, la jalousie, l’envie engendrent des comportements exacerbés et irrationnels pouvant aller, qui sait? jusqu'au crime!. Et voilà le rapport avec l'oeuvre de Géricault!

Une surprise

Armand Gamache est inspecteur de police mais ce n’est pas pour cela qu’il est alcoolique, instable, colérique, grossier, de mauvaise humeur! Et cela est une surprise car Louise Penny semble prendre le contre-pied des personnages habituels de la littérature policière! Je le trouve presque trop gentil ce Gamache : attentionné  envers sa femme et toujours amoureux d’elle, il est un chef respecté, il est à l’écoute de tous y compris de ses subordonnées. D’humeur égale et respectueux des victimes et des familles, il n’autorise pas de plaisanteries douteuses sur les lieux du crime. ll est aussi celui qui comprend les rêves de Bean, le petit garçon que tous s’accordent à juger « étrange » et que sa mère a affublé d’un nom de légumineuse! Presque trop beau, cet inspecteur! Ses faiblesses semblent résider dans ses rapports avec son fils et avec son père disparu.

Une intrigue à la Agatha Christie

Pas étonnant que Louise Penny ait remporté plusieurs fois le prix Agatha! Comme dans certains romans de la romancière anglaise nous sommes, on l'a vu, dans un milieu fermé et chaque protagoniste de l’action peut être coupable. Nous sommes donc amenés à soupçonner tout à tour l’un ou l’autre. A la fin, une grande réunion menée par l’inspecteur permet d’y voir plus clair et de découvrir la vérité :  un procédé coutumier à Agatha!

Mais le dénouement de l’intrigue, ce n’est pas ce que j’ai préféré dans le roman, la subtilité des rapports familiaux étant de beaucoup les plus fascinants! Ce roman m’a donné envie d’aller plus loin dans la découverte de Louise Penny.

samedi 25 avril 2015

Stella Gibbons : Le bois du Rossignol




j’ai lu il y a plusieurs mois maintenant Le bois du Rossignol de Stella Gibbons paru aux Editions Héloïse d'Ormesson, sans avoir le temps de rédiger quelques notes sur ce livre. 

Une nouvelle Jane Austen?

Stella Gibbons 1902-1989
On a comparé Stella Gibbons à Jane Austen. Elle n’en a pas, à mon avis, l’immense talent, la causticité, l’art d’épingler à travers le dialogue et l’attitude de ses personnages leur ridicule, leur vanité ou le vide de leur existence.  Mais… mais elle manifeste incontestablement de l’ironie envers ses personnages et si, l’on se sent parfois en pleine romance, une petite remarque d’apparence anodine vient remettre chaque chose ou plutôt chaque être à sa juste place, là où il devrait être dans cette société anglaise des années 1930 très hiérarchisée où chacun est considéré en fonction de sa fortune et de son milieu social.. Ajoutez y aussi une petite touche de féminisme qui rend le roman bien intéressant pour l'époque!

Un conte de fée détourné

Une fée de Sophie Anderson source
Ainsi Victor Spring, riche héritier, célibataire convoité par toutes les midinettes de la région,  se révèle un homme tout à  fait quelconque si l’on fait abstraction de sa fortune qui le pare de qualités qu’il n’a pas! Il est absolument dépourvu de  romantisme, d’imagination, de sensibilité artistique, fait preuve de pragmatisme  et d’un matérialisme affirmé :

«  Ses goûts étaient simples : il voulait le meilleur et en permanence. »

Le palais des contes de fée ressemble à un décor d' opérette démodée où tout est réglé selon « l’exigence permanente d’efficacité de Victor ». Il aime l’argent pour le dépenser de manière ostentatoire. Il aime les femmes mais n’est pas prêt à épouser les bergères!
Quant à celle qui joue le rôle de Cendrillon, Viola Wither, veuve et sans le sou, elle est frivole et inculte et manque de ce que l’on attend chez une héroïne, intelligence et  culture, même si elle porte le nom d’un personnage de Shakespeare! Mais elle se révèle sympathique et attire l’indulgence du lecteur!

Tina Wither, la belle soeur de Viola,  appartient à une famille bourgeoise où l’on cultive aussi l’amour de l’argent mais pour ... éviter de le dépenser! Mr Wither, son père, beau père de Viola, ne s’intéresse même qu’à cela et le milieu familial est tout aussi rétréci au point de vue spirituel et culturel! La fantaisie et l'imagination n'y sont pas encouragés!

 Il est difficile d'obtenir un jardin sinistre, mais le vieux Mr Wither y était parvenu.
.. il songea que les pâquerettes étaient vraiment une engeance. Il en voyait onze au beau milieu de la pelouse. Il devrait dire à Saxon de les enlever.

Stella Gibbons s’amuse à prendre le conte de fée à rebours car ici, c’est la « princesse » Tina, qui voudra épouser « le berger », Saxon, jeune homme très beau issu d’une classe sociale misérable… berger!  ou plus exactement chauffeur de son père!
Sans avoir le brio, l’humour caustique et ravageur et la profondeur de vue d’une Jane Austen, Stella Gibbons nous plonge donc dans le conte de fée -tout finit bien pour nos amoureux- tout en nous faisant voir les coulisses du conte car ici tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Le courroux de Virginia Woolf


Je viens de lire que Stella Gibbons a obtenu un prix pour son premier roman (que je ne connais pas) Cold Comfort Farm, distinction qui a attiré les foudres de Virginia Woolf qui la jugeait imméritée! Mais que cela ne vous impressionne pas! Et si vous avez envie d'une lecture plaisante, distrayante et facile mais où transparaît sous la gentillesse, la légèreté et le ton un peu désuet, un regard plus critique que l’on ne croit de prime abord, n'ayez pas peur de Virginia Woolf et lisez Le bois du rossignol!

Merci à Lewerenz de m’avoir envoyé ce livre que je propose de faire voyager.

Voir le billet de Lewerenz ICI



mardi 21 avril 2015

Carin Gerhardsten : La dernière carte


Carin Gherardsen

Biographie de l'auteur

Carin Gerhardsen est née en Suède en 1962. Cette mathématicienne de formation, diplômée de l’Université d’Uppsala, a mis sa carrière de consultante en informatique entre parenthèses pour se consacrer à l’écriture. Passionnée depuis l’enfance par les enquêtes policières, c’est tout naturellement qu’elle s’est lancée dans l’écriture de polars. Mariée et mère de deux enfants, elle vit à Stockholm. L’auteur a remporté le Book Bloggers’ Literature Prize 2010 pour La Comptine des coupables. Tous ses romans ont paru au Fleuve Noir.


J'ai eu ma période lecture de polars avant d'aller aux Quais du Polar à Lyon mais ce n'est que maintenant que j'écris les billets.

La dernière carte

Dans La dernière carte de Carin Gerhardsten,  Sven-Gunnat Erlandson se fait tuer dans la forêt en rentrant de chez lui, après un repas bien arrosé avec quatre de ses amis, joueurs de poker comme lui. Dans sa poche quelqu'un a glissé quatre cartes à jouer et un code mystérieux. Qui peut en vouloir à cet homme charismatique, bénévole entraîneur d'une équipe de jeunes footballeuses, très impliqué dans l'aide humanitaire, heureusement marié à Une singapourienne Adrianti et père de deux enfants? Ses amis de poker sont tour à tour suspectés. Cette ténébreuse affaire remet à jour la disparition d'une jeune fille russe que la famille de Stefan Jenner, un ami d'Erlandson, allait adopter mais il y a bien longtemps de cela.
Le commissaire Conny Sjorberg va mener l'enquête avec son équipe dont nous allons connaître chaque membre. La connaissance de chacun est un des intérêts du roman.
Le récit se tient. Les personnages sont de moins en moins lisses et l'on finit par avoir une vision tout autre de la société en apparence tranquille d'une petite ville de Suède... Finalement j'ai été emportée par l'histoire et j'ai voulu connaître le coupable. Comme je n'ai rien de Sherlock Holmes, j'avoue que je n'avais pas deviné qui il était.
Le livre est intéressant sans être passionnant. Il paraît que ce n'est pas le meilleur de Carin Gerharsen mais je ne saurai vous le confirmer puisque c'était le premier que je lisais de cette auteure.

lundi 20 avril 2015

Paul Vacca : Comment Thomas Leclerc 10 ans, 3 mois et 4 jours, est devenu Tom l’Eclair et a sauvé le monde



Comment Thomas Leclerc 10 ans, 3 mois et 4 jours, est devenu Tom l’Eclair et a sauvé le monde de Paul Vacca va paraître aux éditions Belfond le 23 avril.

Le récit se déroule dans les années 60. Tom, un enfant surdoué, autiste, mal intégré dans une société qu'il ne comprend pas est isolé à l’école. Mais il découvre les comics américains pour lesquels il éprouve un véritable engouement. Le petit garçon s’identifie alors à ces héros dotés de pouvoirs infinis. Comme eux, il veut changer le monde; il va commencer par lui-même et découvrir comment se faire des amis, il transformera aussi la vie des autres en particulier de ses parents. Mais cela ne va pas sans quelques difficultés et même sans dangers car la vie n’est pas ne prend pas racine dans une bande dessinée.



Même si l’on comprend bien le parti pris de l’auteur de faire du petit garçon un super héros et de placer ainsi l’intrigue à mi-chemin entre réalité et univers de la BD, le résultat ne m'a pas convaincue.  L’on ne parvient pas à croire à ce gamin surdoué, autiste certainement, bien que cela ne soit jamais dit, et qui parvient aussi facilement à surmonter son handicap. Cette hésitation entre réalisme et fiction m'a laissé un sentiment mitigé et une sorte de malaise par rapport au roman que j'ai jugé par moments trop gentil, trop conte de fées!  Je ne suis pas parvenue à adhérer à l'émotion. Il y a pourtant plein d’idées charmantes ou amusantes qui pourraient être bonnes mais qui sont contées d'une manière plate. La volonté, en effet, de conduire le récit à hauteur d’enfant, donne un style volontairement simplifié, faussement naïf, mais qui finit par être banal, sans ressort et sans vie.
 Les thèmes sont bien de notre temps, autisme, Alzheimer, indépendance de la femme, chômage - de tout temps peut-être - mais le diagnostic de l'autisme actuellement n'est pas chose aisée et il l'était encore moins dans les années 60. Aussi le choix de cette époque paraît gratuit ou du moins n'ajoute rien à l'histoire. Je suis donc déçue et c’est bien dommage car j’avais aimé la légèreté, l’humour et la sensibilité de La petite cloche au son grêle.


                                         Merci  à Dialogues Croisés et aux éditions Belfond


dimanche 19 avril 2015

Reif Larsen : L'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet




L'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet de Reif Larsen est un livre que j'ai déjà commenté. Je vous renvoie donc à mon billet :

Tecumseh Sansonnet Spivet (ces deux prénoms sont toute une histoire!) vit dans un ranch à Divide, Montana, avec sa famille composée de membres un peu disparates, entre un père cow boy plutôt rustique et une mère, le Dr Clair, entomologiste passionnée. Celle-ci a compris les dons extraordinaires de son fils et les encourage en le confiant au docteur Yorn, un savant qui devient une sorte de père spirituel. Jeune cartographe surdoué de douze ans, passionné de sciences, TS Spivet apprend qu'il a gagné un prix prestigieux décerné par le musée Smithsonian à Washington pour la qualité exceptionnelle de ses illustrations scientifiques. Il décide alors sans avertir ses parents et son mentor de partir à Washington pour recevoir son prix mais là-bas personne ne sait qu'il est un enfant. C'est le début d'une longue traversée des Etats-Unis, caché dans un train de marchandise comme un véritable vagabond  de la Grande Dépression, un hobo.

Disons tout de suite que le personnage principal, TS, jeune garçon surdoué est très attachant. Le contraste entre sa maturité intellectuelle et son comportement parfois enfantin amusent mais est émouvant car il révèle sa fragilité et sa solitude. Son voyage sera une épreuve, il affrontera beaucoup de dangers, il lui faudra patience, intelligence et courage pour réussir.

Le roman est divisé en trois parties qui correspondent à trois moments de la vie de TS et aussi à trois étapes géographiques :  1°L'Ouest  2° la traversée 3 °L'Est.  Au cours de ces trois étapes, Reif Larsen présente à la fois les paysages de l'Amérique mais aussi son passé à travers la saga de sa famille car TS va découvrir, dans un carnet qu'il a volé à sa mère, l'histoire d'Emma, son arrière grand-mère.  Ce récit dans le récit mêle à la fois le passé et le présent et établit des parallèles entre deux destins, celle d'Emma et du Dr Clair, la mère de TS. Scientifiques de haut niveau, elles sont en tant que femmes vouées à l'échec, en butte à la suprématie masculine. Prises au piège de l'amour pour des hommes qui ne leur ressemblent en rien, elles sont retenues au foyer et élèvent leurs enfants. Un parallèle existe aussi entre Emma et son arrière petit-fils. Tous deux ont besoin d'un père spirituel, d'un mentor pour les guider dans le domaine des sciences. Le jeune garçon réussira-t-il là où Emma a échoué? On verra quand il arrivera au Smithsonian que la question se pose. L'enfant, comme la femme, a à affronter des difficultés et déjouer des chausses-trappes inhérents à son fragile statut social. TS rencontre, en effet, la jalousie des scientifiques adultes mais excite aussi leur concupiscence car l'image de l'enfant prodige peut être médiatisée et rapporter gros. Le jeune garçon est transformé en bête de cirque, exposé à la curiosité de tous, exploité. Heureusement pour lui, son père, le vrai, interviendra pour le sortir des griffes de cette "maffia". Vision assez pessimiste de Reif Larsen visant l'une des Institutions les plus prestigieuses du pays! Voir la suite ICI

Quant à l'adaptation cinématographique de Jeunet, allez lire le billet de Wens qui a détesté ce film! Il faut dire que si les images sont belles (des paysages splendides) le ton est mièvre et les personnages sont traités de manière simpliste ou caricaturale!




Enigme n° 111

Le livre : L'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet de Reif Larsen
Le film :L'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet de Jean-Pierre Jeunet


Félicitations à  Aifelle, Asphodèle, Dasola, Somaja
Et merci à tous les participants!

samedi 18 avril 2015

Un livre/Un film : Enigme N° 111

Un  livre/un film

Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. Eeguab ne nous relaiera pas cette année mais nous le remercions de tout le travail accompli l'année dernière.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

Prochain rendez-vous

Rendez-vous le troisième samedi du mois :  Le samedi 2 Mai

Enigme 111

Ce livre paru il y a quelques années  est le premier roman d’un auteur américain et a fait grand bruit à l'époque! Il faut reconnaître que le récit et la manière de conter, notamment l'humour, ne manquent pas d’originalité. Le héros du récit est un enfant mais pas un enfant comme les autres!


"Qu'est-ce que c'est que toutes ces question sur le sida, L. ?
-Je ne sais pas, avait répondu L. C'est juste que je veux pas l'attraper. Angela A. a dit que c'était très dangereux et que je l'avais sûrement."
Le Dr C. a regardé L. Elle tenait au creux de sa main ses pièces d'awalé.
" La prochaine fois qu'Angela A. te dit quelque chose comme ça, réponds-lui que ce n'est pas parce que sa condition de petite fille dans une société qui fait peser sur ses semblables une pression démesurée afin qu'elles se conforment à certains critères physiques, émotionnels et idéologiques - pour la plupart injustifiés, malsains et tenaces - lui ôte toute confiance en elle qu'elle doit reporter sa haine injustifiée d'elle-même sur un gentil garçon comme toi. Tu fais peut-être intrinsèquement partie du problème, mais ça ne veut pas dire que tu n'es pas un gentil garçon avec de bonnes manières, et ça ne veut absolument pas dire que tu as le sida.
- Je suis pas sûr de pouvoir tout me rappeler, avait répondu L.
- Alors, tu dis à Angela que sa mère est une grosse plouc alcoolique ...
- OK" avait dit L.

jeudi 16 avril 2015

Résonnances en cycle 3 : Un blog qui intéressera les professeurs des écoles... et les autres!


Guerre des boutons : le petit Gibus

Si vous êtes professeurs des écoles et si vous aimez partager vos expériences pédagogiques et piocher des idées  de-ci de-là…

ou si vous ne l’êtes pas mais êtes curieux de savoir ce que font nos chères têtes blondes (et brunes) dans les écoles de France et de Navarre…

ALLEZ VOIR le nouveau blog d’Amandine, professeur des écoles en Creuse dans le cycle 3

 blog Résonances3. ICI

Une classe où l’on emprunte des passerelles

J’aime beaucoup établir des passerelles entre les différentes disciplines, prolonger, « mettre en résonance » une même thématique dans différentes matières. Cela crée du sens et montre aux élèves que l’on peut aimer aussi bien les sciences que les arts, la littérature autant que les maths…

Une mise en résonance littérature / arts visuels et histoire 

Mélusine productions d'élèves

 

Fabliaux et légendes du Moyen-âge : Voici le volet littérature de mon projet autour de la création d’un jardin médiéval. J’ai commandé un lot de Farces, fabliaux et contes du Moyen-âge.

Pour les légendes de MélusineTristan et Iseult et Merlin et la fée Viviane, j’ai utilisé en classe les photocopies des tapuscrits que vous trouverez ci-dessous. Ce sont des versions très simplifiées.

Comme on ne se refait pas, une séquence de littérature a toujours son prolongement en arts visuels… Le document 1 correspond aux images de costumes du Moyen-âge à partir desquels les élèves doivent travailler pour représenter Tristan et Iseult.  Voir ICI

Costumes du Moyen-âge

Légendes du Moyen-âge : productions d'élèves

Une mise en résonance sciences / arts visuels / mathématiques

Vassily Kadinsky

L'étude du système solaire est associée à l'emploi des grands nombres (distance terre/Planète) et aux art visuels. Elle débouche sur une séance d'arts plastiques où les élèves sont amenés à créer leur propre planète sur papier ou en volume. Voir ICI

Une mise en résonance sciences / arts visuels

Atsuko tanaka : une robe de lumière
Voici une séquence de sciences pour travailler des notions d’optique. Elle n’est pas facile à mettre en oeuvre car il faut pouvoir faire le noir complet dans sa classe (ou une autre pièce de l’école) et elle demande beaucoup de matériel, bien spécifique. Mais il y a un aspect vraiment magique à se plonger dans le noir et mener sa séance à la lumière des lampes de poche… J’espère que vous pourrez la tester et me donner votre avis ! Voir ICI
 


C. Boltansky : Ombres

Une classe où l'on plante des arbres à contes et des jardins du Moyen-âge 

Arbres de contes : production d'élèves

 Pour le concours des écoles fleuries cette année, j’ai choisi de mener deux projets : celui de l’arbre à contes  et la création d’un jardin médiéval. Le thème du Moyen-âge est évidemment très riche à exploiter en classe. Comme je ne sais pas faire simple, ce projet a beaucoup de ramifications en histoire et histoire des arts, bien sûr, mais aussi sciences, littérature, musique et arts visuels. Du coup, c’est un peu compliqué à mettre en ligne et à classer par matière… Je mettrai en ligne au fur et à mesure les différents volets du projet. Si cela manque de clarté, n’hésitez pas à demander des précisions !

Où l’on apprend à faire du pain, à baratter le beurre et à manger des radis

Une passerelle entre les sciences et le jardin : Voici un mini-projet en sciences qui me permet de faire le lien entre un premier module sur l’alimentation et mon projet jardin. Cette séquence est cependant utilisable de façon autonome.  La finalité est la suivante : il s’agit de proposer aux élèves de faire pousser des radis et de les déguster ensuite avec une tartine de pain beurrée. Voir ICI

Et puis aussi une classe où l’on apprend à jouer!

Le chasseur de primes des multiplications


Vous  avez  l’esprit matheux? vous pourrez devenir chasseur de primes des multiplications. Wanted! A chaque réponse juste vous ajoutez un 0 à la récompense. Qui veut gagner des millions? Même moi je me suis enrichie (étant donné mon niveau de maths, c’est miraculeux! ) Voir ICI

Voilà comment on apprend à nos enfants à devenir vénaux!

Le cluedo des compléments circonstanciels


Vous pourrez jouer au cluedo des compléments circonstanciels et apprendre qui a sauvagement assassiné Mme Pervenche et surtout surtout.. elle a été assassiné(e)? et Comment? et avec Quoi?
Bien sûr, les âmes sensibles sont priées de s’abstenir! VOIR ICI

mercredi 15 avril 2015

Antony Trollope : John Bull sur le Guadalquivir.



John Bull sur le Quadalquivir

Le Guadalquivir à Séville
Le recueil de nouvelles d’Antony Tropolle porte le titre du premier récit : John Bull sur le Guadalquivir.
John Bull, est la satire du Britannique en voyage et de ce sentiment de supériorité qui le pousse à considérer les autres, en particulier les peuples latins, comme des êtres inférieurs. C'est ce qui arrive à John Bull qui part rejoindre sa fiancée Maria. Celle-ci, anglaise par son père, vit en Espagne. Avec son ami Thomas qu’il a retrouvé à Cadix, John Bull embarque sur le Quadalquivir en direction de Séville. Sur le vapeur ils rencontrent un Espagnol qu’ils prennent pour un toréador. L'homme est affublé d’un costume que les jeunes gens jugent ridicule. Les deux amis font sa connaissance, soupesant les boutons en or de ses vêtements et se moquant entre eux de son accoutrement.. en anglais, bien sûr, puisqu’il est bien connu que les espagnols ne peuvent connaître cette langue. Bref! ils se conduisent comme de parfaits imbéciles. Je ne vous en dis pas plus et vous laisse découvrir la déconfiture de John Bull, piètre représentant de la race anglaise, pour qui l’on finit, eu égard à sa jeunesse et à son humiliation, par éprouver malgré tout de la sympathie.  C'est d'ailleurs lui qui est le narrateur et il se révèle assez intelligent pour se moquer de lui-même! Les portraits de John et de sa fiancée, jeune fille fine, intelligente et ayant du caractère, sont plaisants.
Le récit est plein de vie, d’humour et de gaieté et - si la chute n’est pas vraiment une surprise- la verve satirique et le mordant de Trollope sont réjouissants!

Les vestiges du général Chassé ou Mésaventure à Anvers

Illustration de la nouvelle de Trollope : Les vestiges du général Chassé  Mésaventure à Anvers Siège d'Anvers en 1832 Horace Vernet
Siège d'Anvers en 1832 Horace Vernet

Les vestiges du général Chassé ou Mésaventure à Anvers a lui aussi une portée satirique et se révèle être une vraie scène de comédie. Le personnage qui en fait les frais est cette fois-ci le révérend Auguste Horne, clergyman de l’église d’Angleterre ayant un certain faible pour la toilette. Ce détail a son importance puisque c’est ce qui va entraîner … sa mésaventure lorsqu'il va visiter la citadelle d'Anvers sur les traces du général Chassé! L’aspect satirique vire à la caricature dans le portrait du révérend  mais surtout lorsqu’il s’agit d’épingler un groupe d’anglaises en visite dans le musée. On s'amuse  beaucoup des déboires de Horne et du regard acéré que Trollope porte sur ses compatriotes!

La crique de Malachi

Cornouailles falaises entre Tintagel et Bosseney (source)

La crique de Malachi est d’une veine toute différente. Le récit se déroule en Cornouailles, au pied de falaises superbes violemment frappées par la mer, entre entre Tintagel et Bosseney. Trollope y décrit le combat d’un modeste vieillard et de sa petite fille Mally pour arracher le goémon à la mer, leur seul moyen de subsistance. Et nous assistons aussi à la lutte qui oppose Mally à Barty Gunliffe, fils d’un riche fermier qui lui fait concurrence. La nouvelle vaut pas ses belles descriptions de la mer sauvage et du quotidien harassant de ces pêcheurs, par les caractères bien trempés de ces personnages populaires dont Trollope dresse de beaux portraits.

A cheval à travers la Palestine

Anthony Trollope, auteur du recueil de nouvelles "John Bull sur le Guadalquivir" paru aux éditions de L'Herne
Anthony Trollope

Enfin la dernière nouvelle nous entraîne A cheval à travers la Palestine, un récit d’aventures qui réserve certaines surprises … romanesques! Mais le récit rompt très habilement avec les conventions du genre en ménageant une chute inattendue.

La lecture de ces nouvelles piquantes et pleines d'humour est vraiment très agréable. Un petit livre à  savourer!


Livre voyageur : Keisha, Maggie, Océane...  Inscrivez-vous!


Merci à Dialogues croisés et aux éditions de l'Herne

lundi 13 avril 2015

Sarah Bakewell : Comment vivre? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponses.

Michel de Montaigne Bordeaux

Comment vivre? C'est la question que se pose quotidiennement Michel de Montaigne dans Les Essais. C'est aussi le titre du livre que lui consacre Sarah Bakewell aux éditions Albin Michel, avec ce long sous-titre Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponses.
 
Les essais, un miroir de l'humaine condition



Sarah Bakewell part d'une constatation : l'on n'a jamais autant parlé de soi-même à l'heure actuelle que dans les blogs, les réseaux sociaux. Or lorsqu'on parle de soi, l'on tend un miroir aux autres où tout le monde peut se reconnaître. Cette notion qui nous paraît évidente, il a pourtant fallu l'inventer. C'est Montaigne qui s'y est collé !

«Chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition»

Plutôt flatteur pour nous autres, blogueurs! j'ai d'abord cru que nous allions être vilipendés à cause de notre narcissisme et bien non! Nous voilà nous et nos blogs en bonne compagnie, avec Les Essais!

La question fondamentale de Montaigne tout au long de sa vie et qui lui permet d'affronter sa peur de la mort est donc comment vivre?
Comment se remettre de la mort d'un enfant ou d'un être cher, comment se faire à ses échecs, comment tirer le meilleur parti de chaque instant de sorte que sa vie ne s'épuise pas sans qu'on l'ait goûtée? Non pas des questions abstraites mais celles que nous sommes tous amenés à nous poser un jour, différemment formulées peut-être selon les époques où nous vivons, et pourtant toujours les mêmes, au fond !

Un exemple?
Comment éviter de se laisser entraîner dans une dispute absurde avec son épouse...
A mettre aussi au masculin! Cela vous parle, non ?

Car si des siècles nous séparent, Montaigne est toujours aussi proche de nos préoccupations. Ce n'est pas tant le philosophe qui nous parle que l'homme.
Sarah Bakewell rappelle donc le conseil de Flaubert à une amie qui lui demandait comment lire Montaigne : Mais ne le lisez pas comme les enfants lisent, pour vous amuser, ni comme les ambitieux lisent, pour vous instruire. NON. Lisez pour vivre.

Comment vivre?

Dans le château de Montaigne son bureau situé dans la tour où il se retirait.
Le bureau de Montaigne dans sa "librairie"

Le livre répond a toutes les questions que l'on se pose sur l'homme, Montaigne, sur son amitié avec la Boétie, sur sa vision des femmes, sur l'amour et la sensualité, sur sa conception du pouvoir, sur la justice, l'éducation, sur ses convictions religieuses et son sentiment par rapport aux guerres de religion qui sévissent autour de lui, sur les écoles philosophiques qui l'attirent...
Il est divisé en vingt chapitres qui correspondent aux vingt réponses à la question comment vivre? Quelques titres choisis parmi eux peuvent donner un aperçu :
Ne pas s'inquiéter de la mort/survivre à l'amour et à la perte/ Tout remettre en question/ Se ménager une arrière-boutique/ être convivial, vivre avec les autres/S'arracher au sommeil de l'habitude/ garder son humanité/ Réfléchir à tout et ne rien regretter/ Lâcher prise/ Laisser la vie répondre d'elle-même.. Tout un programme! Et pas si facile que ce que l'on veut bien le croire! Montaigne en était conscient :
Il n'est rien de si beau et de si légitime que de faire bien l'homme et dûment, ni science si ardue que de bien et naturellement savoir vivre cette vie. .....

Une initiation réussie

Le mérite du livre de Sarah Bakewell est d'être une introduction à la fois érudite et claire aux Essais pour nous en faire découvrir l'évidence même si la barrière de la langue du XVI est parfois intimidante. Les extraits commentés par Bakewell adoptent l'orthographe moderne mais conservent le vocabulaire si pittoresque et savoureux de l'écrivain, tout en nous expliquant les mots qui ont changé. Les lecteurs sont donc à l'aise pour lire cette belle initiation qui leur permet d'entrer plus facilement dans le livre de Montaigne, « et d'en faire après le miel qui est tout leur; ce n'est plus thym, ni marjolaine». Bref! Pour se faire une idée personnelle! A la fin de l'ouvrage, après avoir suivi Montaigne dans sa vie quotidienne comme dans ses grands déchirements, après avoir partagé sa pensée, vous aurez l'impression d'avoir gagné un ami!



dimanche 12 avril 2015

Georges Darien : Le voleur

Georges Darien source


Georges Hyppolite Adrien prend le pseudo de Darien peut-être, comme l’indique Patrick Besnier dans la préface du roman Le voleur aux éditions Gallimard Folio, comme « l’aveu d’une dépossession »?
Toute sa vie, Darien s’est dérobé à la curiosité du lecteur, pensant que la vie privée d’un littérateur n’a rien à voir avec ses oeuvres. Ce qui lui a valu une légende : n’aurait-il pas comme son personnage vécu de vol pendant toutes ces années où l’on ne sait presque rien de lui? Bref! ne serait-il pas le voleur dont il parle dans son roman?  Notons, en effet, que son héros George Randall porte le même prénom que lui.

Le récit

La naissance de Georges Randall dans une famille bourgeoise bien pensante n’est pas due à l’amour mais  aux sentiments du devoir et des convenances :
Comment! des gens à leur aise, dans un situation commerciale superbe, avec une santé florissante, vivre seuls?
Et dès son enfance Georges va souffrir, étouffé par l’éducation conjuguée que lui donnent sa famille, l’école et l’armée.

Libéré ! Ce mot me fait réfléchir longuement, pendant cette nuit où je me suis allongé, pour la dernière fois, dans un lit militaire. Je compte. Collège, caserne. Voilà quatorze ans que je suis enfermé. Quatorze ans ! Oui, la caserne continue le collège… Et les deux, où l’initiative de l’être est brisée sous la barre de fer des règlements, où la vengeance brutale s’exerce et devient juste dès qu’on l’appelle punition — les deux sont la prison. — Quatorze années d’internement, d’affliction, de servitude — pour rien…

Son sentiment de révolte ne fait que s’amplifier quand, devenu orphelin, il est confié à son oncle qui le spolie de sa fortune. Plus tard, le refus de son oncle de lui donner  la main de sa fille Charlotte sous prétexte qu’il ne peut la donner à un pauvre, crée la rupture! Rupture avec sa famille mais aussi avec la société. C’est là que va débuter pour Randal sa carrière de voleur ou plus exactement de gentleman cambrioleur.

Un cri de révolte

Film de Louis Malle , Le voleur : Georges Randal (Jean Paul Belmondo) et Charlotte (Geneviève Bujold)
Georges Randal (Jean Paul Belmondo) et Charlotte (Geneviève Bujold)
On pourrait penser, à priori, que nous sommes dans le genre du roman feuilleton cher au XIX siècle ou dans un roman d'aventures avec des rebondissements trépidants à la façon d'Arsène Lupin.. Il n’en est rien.
 Si Georges Darien n’est pas un voleur, on peut dire que son personnage Georges Randal lui ressemble car il porte toutes ses idées. Le voleur est un cri libertaire, une dénonciation de toutes les hypocrisies de la société en commençant par la famille, l’école, la bourgeoisie, un âpre et terrible réquisitoire contre des lois iniques qui maintiennent le peuple dans la pauvreté et la soumission. Darien se livre, à travers les tribulations de son personnage, à une remise en cause des institutions, gouvernement, église, armée, qui briment la liberté et n’ont qu’un seul dieu, l’argent, celui va de pair avec le pouvoir et les honneurs.
Il n’est pas inintéressant d’ailleurs de noter que l’autre personnage principal du récit, qui exerce le même « métier » que Randal, est un prêtre, l’abbé Lamargelle :

Mon Dieu, dis-je (Randal à Lamargelle), je ne vois point pourquoi je vous croirai pas, après tout. L’Eglise n’a jamais beaucoup pratiqué le mépris qu’elle affecte pour les richesses.

Et c’est d’ailleurs dans la bouche de l’abbé que Darien place ces mots :

Le génie du christianisme ? Une camisole de force. « Jésus, dit saint Augustin, a perfectionné l’esclave. » Oh ! cette religion dont les dogmes pompent la force et l’intelligence de l’homme comme des suçoirs de vampire ! qui ne veut de lui que son cadavre ! qui chante la béatitude des serfs, la joie des torturés, la grandeur des vaincus, la gloire des assommés ! Cette sanctification de l’imbécillité, de l’ignorance et de la peur !

On peut donc parler de l’anarchisme de Darien mais dans ce roman il s’attaque pourtant non seulement au socialisme, au marxisme  mais aussi aux anarchistes.

Ces socialistes, ces anarchistes !… Aucun qui agisse en socialiste ; pas un qui vive en anarchiste… Tout ça finira dans le purin bourgeois. Que Prudhomme montre les dents, et ces sans-patrie feront des saluts au drapeau ; ces sans-respect prendront leur conscience à pleines mains pour jurer leur innocence ; ces sans-Dieu décrocheront et raccrocheront, avec des gestes de revendeurs louches, tous les jésus-christs de Bonnat.
Allons, la Bourgeoisie peut dormir tranquille ; elle aura encore de beaux jours…

Un style pamphlétaire

Georges Randal Belmondo dans le film de Louis Malle Le Voleur d'après le roman de Georges Darien
Georges Randal Belmondo
Ce n’est pas pour rien que l’on peut parler à propos de roman de réquisitoire. Le style est le reflet d’un homme écorché, qui découvre dès l’enfance l’injustice de cette société de nantis, la dureté et le mensonge de la classe bourgeoise dominante, industriels, banquiers, clergé, qui pratiquent impunément le vol à haute échelle mais condamnent un pauvre à la peine de mort pour le vol d’une pièce de quarante sous. Darien y manie une ironie amère, un humour décapant. Le ton est virulent mais l’est encore plus, paraît-il (je ne les connais pas)  dans ses autres livres, en particulier dans Biribi où il dénonce les atteintes aux droits de l’homme dans les bataillons disciplinaires d’Afrique du Nord. Ou encore dans Les Pharisiens où il s’attaque à Edouard Drumont, surnommé l’Ogre, auteur des pamphlets haineux antisémites. Et il ne faut pas oublier que Georges Darien a été lui-même un pamphlétaire redoutable. Le style peut aussi basculer vers une prose oratoire, lyrique, qui cherche à soulever l’émotion, à renverser l’indifférence. Ainsi dans ce passage où notre voleur assiste bien contre son gré à une exécution capitale :

Je suis mêlé à la foule, à présent, — la foule anxieuse qui halète, là, devant la guillotine. — Les gendarmes à cheval mettent sabre au clair et tous les regards se dirigent vers la porte de la prison, là-bas, qui vient de s’ouvrir à deux battants. Un homme paraît sur le seuil, les mains liées derrière le dos, les pieds entravés, les yeux dilatés par l’horreur, la bouche ouverte pour un cri — plus pâle que la chemise au col échancré que le vent plaque sur son thorax. — Il avance, porté, plutôt que soutenu, par les deux aides de l’exécuteur ; les regards invinciblement tendus vers la machine affreuse, par-dessus le crucifix que tient un prêtre. Et, à côté, à petits pas, très blême, marche un homme vêtu de noir, au chapeau haut de forme — le bourreau — le Monsieur triste de la nuit dernière.
Les aides ont couché le patient sur la planche qui bascule ; le bourreau presse un bouton ; le couteau tombe ; un jet de sang… Ha ! l’horrible et dégoûtante abomination…
Et c’est pour exécuter cette sentence qu’on avait envoyé de Paris, hier soir, les bois de justice honteusement cachés sous la grande bâche noire aux étiquettes menteuses — menteuses comme le réquisitoire de l’avocat général. — C’est pour exécuter cette sentence qu’on avait fait prendre le train express au bourreau, à ce misérable monsieur triste qui désire que tous les hommes aient du pain, que les enfants puissent jouer dans des jardins, et qui trouve beaux les arbres et jolies les fleurs… c’est pour exécuter la sentence qui condamne à mort cet affamé à qui l’on avait arraché son gagne-pain, à qui l’on refusait du travail, et qui a volé quarante sous.

 Quel avenir ?

Le Voleur : Randal et Lamargelle

 

L’écrivain fait preuve ici  d’une lucidité amère; il n’y a pas beaucoup d’espoir pour l’avenir chez Darien qui refuse l’utopie et l’idéalisme. Il est d’une honnêteté implacable envers lui-même et son lecteur. Il sait que nous marchons vers l'avènement d'une société qui est amplement la nôtre aujourd’hui :
 Car il  (l'oncle de Randal) prédit, pour l’avenir, un nouveau système social basé sur l’esclavage volontaire des grandes masses de l’humanité, lesquelles mettront en œuvre le sol et ses produits et se libéreront de tout souci en plaçant la régie de l’Argent, considéré comme unique Providence, entre les mains d’une petite minorité d’hommes d’affaires ennemis des chimères, dont la mission se bornera à appliquer, sans aucun soupçon d’idéologie, les décrets rendus mathématiquement par cette Providence tangible ; par le fait, le culte de l’Or célébré avec franchise par un travail scientifiquement réglé, au lieu des prosternations inutiles et honteuses devant des symboles décrépits qui masquent mal la seule Puissance. — Mais mon oncle est venu trop tard dans un monde encore trop jeune.
Les paroles d’espoir sont portées par l’abbé qui défend « la seule idée, l’idée de la liberté »
 Oui, le jour où l’Individu reparaîtra, reniant les pactes et déchirant les contrats qui lient les masses sur la dalle où sont gravés leurs Droits ; le jour où l’Individu, laissant les rois dire : « Nous voulons », osera dire : « Je veux » ; où, méconnaissant l’honneur d’être potentat en participation, il voudra simplement être lui-même, et entièrement ; le jour où il ne réclamera pas de droits, mais proclamera sa Force …

Le mot de la fin est pourtant laissé à Randal et aboutit à un nihilisme désenchanté :
L’existence est aussi bête, aussi vide et aussi illogique pour ceux qui la volent que pour ceux qui la gagnent.
Dire qu'on est toujours volé par quelqu'un ... Ah! chienne de vie!...

A mes yeux Georges Darien appartient à une famille d’écrivains dans laquelle je placerai, pour le ton et le regard désabusé porté sur la société, Jehan Rictus et Céline.
Un livre qui secoue, arrache, plein d'annonces sur notre société actuelle et qui ne peut donc laisser indifférent; un livre qui a choqué et qui choque encore! Je suis sûre que même de nos jours, les intégristes de tout bord le mettrait à la première place sur les bûchers littéraires!
 L'adaptation de Louis Malle est remarquable et magnifiquement interprétée par une pléïade d'artistes : voir Wens



Enigme n° 110

Le livre : Georges Darien : Le voleur
le film :Louis Malle :  Le voleur



Bravo aux triomphateurs de ce jeu : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Dominique, Eeguab, Keisha, Mireille, Somaja, Syl...
Et merci à tous les participants qu'ils aient trouvé ou non!