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vendredi 4 septembre 2015

James McBride : L'oiseau du Bon Dieu

L'oiseau du bon dieu James MC Bride
Pour cette rentrée littéraire 2015, il me fallait un livre d’un auteur américain, étant donné que la littérature américaine m’a toujours séduite par sa richesse, sa diversité, son originalité et ses racines profondément enfoncées dans le terreau humain et social. J’ai donc choisi le livre de James Mc Bride paru aux éditions Gallmeister, récompensé par le National Book Award en 2013  : L’oiseau du bon dieu  et je n’ai pas été déçue! Quel roman à la fois hilarant et grave, profond, généreux et humain!

John Brown personnage principal du roman De James Mcbride : L'oiseau du Bon Dieu
John Brown

Nous sommes en 1856, James McBride place son héros, un garçon noir d’une douzaine d’années, auprès d’un personnage historique John Brown dont la figure légendaire marque un moment de l’histoire des Etats-Unis et de la lutte contre l’esclavage. C’est ce même John Brown, condamné à mort en 1859  par le gouvernement américain, qui a inspiré l’hymne chanté par les nordistes en son honneur pendant la guerre de Sécession en 1861. Ce personnage hors du commun a fait avancer par son action la cause des abolitionnistes.

 Henry Sackleford, petit esclave, est enlevé contre son gré par John Brown qui le prend pour une fille (et quand John Brown est persuadé d'une chose, rien ne le fera jamais changer d’avis) et c’est donc sous les vêtements de fille que « Henrietta »  dit Echalote, va suivre (tout en cherchant à  lui échapper) ce personnage haut en couleur, calviniste convaincu, exalté, illuminé puisqu’il tient sa mission de Dieu lui-même avec qui il est en conversation directe.
Illuminé, oui, fanatique, oui, complètement à la masse, oui, mais John Brown est absolument sincère dans son désir d’abolir l’esclavage et profondément convaincu de l’égalité des races comme des sexes. Et, bien sûr, voilà qui le rend profondément sympathique encore que... ne vous y trompez pas! Quand John Brown décide d’agir, le sang coule et  son « armée » qui rassemble une poignée d’aussi fous que lui, composée en grande partie de ses fils, sème la terreur!  Son dieu est celui de l’Ancien Testament, oeil pour oeil, et il est persuadé que seule la violence pourra venir à bout de l’esclavage. Il n’a pas tort, d’ailleurs! Il a fallu une guerre civile, une des plus meurtrières de l’histoire des Etats-Unis, pour y parvenir!
L’oiseau du bon dieu a tout du roman picaresque puisque le jeune héros subit une rude initiation à la suite de son mentor parcourant les états du Kansas et de Virginie mais aussi les grandes villes de Philadelphie, de NewYork et du Canada, et échouant même pour un temps dans un bordel. Il y a des moments hilarants même si l’humour est souvent féroce. Le portrait de John Brown vu par Echalote qui ne le comprend pas mais l’observe avec un bon sens terre à terre est désopilant! Les personnages sont passionnants. On s’intéresse aux tribulations d’Echalote, à ses aventures marquées par des hauts et des bas. L’enfant est souvent plein de défauts, d’égoïsme, et de faiblesses; il est beaucoup plus prompt à essayer de sauver sa peau qu’à accomplir des actes héroïques mais il a une humanité, des sentiments qui fait qu’on le trouve attachant. Quant aux actes héroïques, ils sont accomplis par les autres, la noire Sibonia pendue pour s’être rebellée ou Harriett Tubman qui impressionne même John Brown! Et cela, il faut le faire! 

Harriet Tubman, esclave libérée, héroïne du chemin de fer clandestiin.

 Le roman, pourtant, n’hésite pas à poser les responsabilités des uns et des autres : Les blancs remplis de haine et de mépris, les noirs, étant les derniers à venir secourir la lutte de John Brown surtout ceux qui, libérés et instruits, semblent plus habiles dans l’art oratoire que dans la bataille! Ainsi Frédérik Douglass que McBride semble avoir dans son collimateur!

En lisant L’oiseau du bon dieu j’ai pensé à  Beloved de Toni Morrison et bien que le style des  deux écrivains soient aux antipodes, j’ai retrouvé ici l’art de nous faire vivre  par l’intérieur ce qu’est l’esclavage, de nous faire sentir comment il détruit la personnalité, comment il sape la confiance, la dignité. Un excellent roman, donc!

J'en étais venu à aimer ces discussions, vu que, même si je m'étais habitué à vivre un mensonge -être une fille-, pour moi les choses étaient claires : être Noir, c'est un mensonge, de toute façon. Personne ne vous voit tel que vous êtres vraiment. Personne sait qui vous êtes à l'intérieur. Vous êtes jugé sur ce que vous êtes à l'extérieur, quelle que soit votre couleur. Mulâtre, brun, noir, peu importe.

Pour moi, tout ce qu'il disait n'avait ni queue ni tête et je devais apprendre plus tard que le vieux John Brown pouvait mêler le Seigneur à pratiquement n'importe quel aspect de ses activités dans la vie, y compris l'utilisation des lieux d'aisances. C'était une des raisons pour lesquelles j'étais pas croyant, ayant été élevé par P'pa, qui lui était croyant et cinglé, et il me semblait que ces deux choses-là  allaient ensemble. Mais j'étais pas bien placé pour discuter avec un homme blanc, surtout celui qui m'avait kidnappé, alors j'ai tenu ma langue.


James McBride
 James McBride est né en 1957. Écrivain, scénariste, compositeur et musicien de jazz, il est saxophoniste au sein du groupe Rock Bottom Remainders. Il publie son premier livre en 1995, La Couleur d’une mère, un récit autobiographique devenu aujourd’hui un classique aux États-Unis. Son œuvre romanesque commencée en 2002 plonge au coeur de ses racines et de celles d’une Amérique qui n’a pas fini d’évoluer. L’Oiseau du Bon Dieu est son dernier roman. (Editions Gallsmeister)


Frédéric Douglass, personnage secondaire du roman de James MCBride : L'oiseau du Bon Dieu
Frédéric Douglass, esclave libéré, orateur, homme politique


mercredi 2 septembre 2015

Alexandre Pouchkine : La dame de pique



La dame de Pique ( Пиковая дама) est une nouvelle de Pouchkine que j’ai étudiée pour mon mémoire de maîtrise, c’est à dire il y a fort longtemps. Je l’ai relue avec un vif plaisir pour me plonger dans un bain de culture russe avant mon départ à Moscou et à Saint Pétersbourg  prévu pour le 15 septembre.

Comme quoi la rentrée littéraire n’empêche pas le retour de temps en temps aux bons vieux classiques!! Et pourquoi les deux seraient-ils antinomiques comme le pensent par fois certain(e)s d’entre vous?

 Le récit

Au cours d’une soirée consacrée au jeu, à Saint-Pétersbourg, chez son ami Naroumov, le comte Tomsky raconte à ses amis l’histoire de sa grand mère la comtesse Anna Fedotovna. Celle-ci a été, dans sa jeunesse, une beauté célèbre, courtisée par tous et qui adorait le jeu. En visite à Paris, elle perd une partie de sa fortune aux cartes et confie son désarroi au comte de Saint Germain, un aventurier qui prétend avoir des pouvoirs d’alchimiste. Celui-ci lui indique le secret des trois cartes qui feront sa fortune mais à condition qu’elle ne rejoue plus jamais.
Ce récit enflamme l’imagination de Hermann, un ami de Tomsky, dont la fortune est médiocre. Il séduit la pupille de la comtesse, Lisaveta Ivanovna, pour s’introduire dans les appartements de la vieille dame qu’il menace avec son pistolet afin de lui extorquer son secret. Mais cette dernière, terrassée par la peur, meurt sans le lui révéler. Le soir de l’enterrement d’Anna Fedotovna, son spectre apparaît à Hermann pour lui donner la combinaison gagnante qui lui permettra, en faisant fortune, de sortir de sa condition. Et je vous laisse découvrir la suite!

Romantisme ou antiromantisme?

La dame de Pique adaptation  de Tchaïkowsky
Romantique, Alexandre Pouchkine l’est, par son appartenance à une époque, le début des années 1800, et à une classe sociale, noble, désoeuvrée, aisée, très occidentalisée.
 Ainsi le tableau qu’il nous donne de la société pétersbourgeoise dans La dame de Pique, est  celle d’une jeunesse dorée à la sensibilité exacerbée qui brûle sa vie en beuveries et aux cartes. Hermann semble être le parfait exemple de ce héros romantique, un peu en marge des autres par son milieu plus modeste, et en proie à une obsession qui va le conduire à la folie.
Le thème fantastique qui est introduit dans ce récit convient donc au genre romantique :  l’apparition du spectre de la comtesse,  la révélation des trois cartes qui supposent l’intervention de puissances occultes et peut-être même l’existence d’un pacte satanique. Et puis il y a l'image de cette Dame de pique, qui dans le langage des cartes est la personnification de la mort.

Mais l’ironie Pouchkiniennne vient démentir le romantisme du récit. Et d’abord avec Hermann! Ce dernier pourrait être le prototype du héros romantique, amoureux et fougueux; il fait une cour assidue à la jolie Lisaveta, mais n’a pas d'autre but que de satisfaire sa cupidité, son désir de faire fortune. La manière dont il abuse la jeune fille en fait un être froid et calculateur.
Le style de Pouchkine aussi est aux antipodes du romantisme, un style classique (l’écrivain est un admirateur de Voltaire), simple, sans flamboyance, qui ne recherche pas l’effet. Bien  au contraire, il en prend le contrepied. Mais pour être dépouillé, il n’en est pas moins efficace, témoin la description saisissante de la toilette de la vieille princesse. La vieillesse qui jaunit sa peau, la sénilité qui rend ses lèvres pendantes et affecte tout son corps d’un tremblement mécanique, en font un spectacle bien plus horrible que la mort elle-même. Finalement la réalité est plus effrayante que le fantastique, la vivante plus repoussante que le spectre!

Il faut lire le dénouement de La dame de Pique pour comprendre ce refus de la dramatisation. La fin est si volontairement plate, elle contraste si violemment avec ce qui précède, qu’il me semble y voir l’expression d’un sentiment de dérision de la part de son auteur. Les héros sont terre à terre et conformistes. A l’exception de Hermann, ils continuent leur vie, comme si rien ne s’était passé. La passion de Lizévata pour Hermann, ses sentiments exaltés nourris par ses lectures et son imagination enflammée semblent complètement oubliés. Lizaveta entre dans les rangs, avec un retour au correctement social, au bon ton.

La dame de pique est une des plus célèbres nouvelles de Pouckine. Elle a été adaptée à l’opéra dans par Piotr Ilitch Tchaïwkosky.
Je vous parlerai bientôt de Les Récits de feu Ivan Petrovitch Belkine de Pouchkine

La dame de pique opéra de Tchaïkowsky

 Je suis allée voir l'opéra de Tchaïkowsky d'après l'oeuvre de Pouchkine à l'opéra de Saint Petersbourg. Voici quelques photographies.

Saint Petersbourg L'opéra ancien à droite et contemporain à gauche
L'opéra ancien à droite et contemporain à gauche

l'opéra contemporain Intérieur

Opéra de Saint Petersbourg La salle de concert : arrivée du public représentation de La dame de PIque
La salle de concert : arrivée du public

La fosse d'orchestre

Opéra de Saint petersbourg Partition de la dame de pique pupitre du chef d'orchestres
Partition de la dame de pique pupitre du chef d'orchestres Saint Petersbourg

Opéra  de Saint Petersbourg la dame de pique tchaïkovsky Fin de la représentation
Fin de la représentation




mardi 1 septembre 2015

Toni Morrison : Beloved




 Toni Morrison : Prix Nobel de Littérature en 1935
Vers 1870, aux États-Unis, près de Cincinnati dans l'Ohio, le petit bourg de Bluestone Road, dresse ses fébriles demeures. L'histoire des lieux se lie au fleuve qui marquait jadis pour les esclaves en fuite la frontière où commençait la liberté. Dans l'une des maisons, quelques phénomènes étranges bouleversent la tranquillité locale : les meubles volent et les miroirs se brisent, tandis que des biscuits secs écrasés s'alignent contre une porte, des gâteaux sortent du four avec l'empreinte inquiétante d'une petite main de bébé. Sethe, la maîtresse de maison est une ancienne esclave. Dix-huit ans auparavant, dans un acte de violence et d'amour maternel, elle a égorgé son enfant pour lui épargner d'être asservi. Depuis, Sethe et ses autres enfants n'ont jamais cessé d'être hantés par la petite fille. L'arrivée d'une inconnue, Beloved, va donner à cette mère hors-la-loi, rongée par le spectre d'un infanticide tragique, l'occasion d'exorciser son passé. (Source Babelio) 
Beloved de Toni Morrison est un roman magnifique qui échappe à toute classification. Ce n’est pas à proprement parler un roman réaliste même s’il parle de toutes les humiliations, les tortures, les souffrances de l’esclavage. Les détails sont terribles, crus et sans complaisance. L'horreur des punitions, la brutalité et la violence, la privation de la liberté qui avilissent l'esclave, le ravalent au rang de la bête, forment un leitmotiv incantatoire et douloureux. Mais le style de l’écrivain transcende la souffrance des individus pour en faire un chant de douleur du peuple noir. Le lyrisme de la prose rappelle les gospels et spirituals qui accompagnaient les fugitifs dans leur recherche de la liberté tout au long du chemin de fer clandestin.
Mais, tout en soulignant le destin du peuple noir, Toni Morrison dresse des portraits individuels inoubliables; en particulier ceux de ces femmes fortes auxquels nous nous attachons comme celle de la grand mère Baby Suggs, une femme qui ne semble ne pas pouvoir plier, chef spirituel de toute la communauté mais qui, dans son immense générosité, sera victime de la mesquinerie de ses semblables. Et puis, Sethe, bien sûr, la mère courage, la mère tragique, qui sacrifie ses enfants dans un geste d’amour grandiose et fou pour leur épargner ce qu’elle a vécu. Une mère qui porte le poids du remords et de la culpabilité durant toute sa vie. Enfin, la frêle Denver qui se révèle de la même trempe que ses aïeules et qui représente peut-être l’espoir dans l’avenir. Autour de ces figures centrales gravite tout une foule de personnages qui forment une humanité étonnante parfois dans ses élans de bonté ou de cruauté mais toujours hautement colorée.
Et puis il y a la dimension fantastique du roman, la présence des morts parmi les vivants, ces esprits qui semblent appartenir à des réminiscences des croyances ancestrales africaines, un fantastique qui côtoie le réel. Mais peut-être faut-il voir ce fantôme, Beloved, comme l’incarnation de la souffrance du peuple noir? C'est peut-être pourquoi quand Beloved est enfin chassée et disparaît, l’espoir est à nouveau permis?
Un grand roman qui occupe une place à part dans la production littéraire des Etats-Unis.

Ce roman a été lu dans le cadre du blogoclub de Sylire et Lisa


Chez Titine Blog Plaisirs à cultiver

lundi 31 août 2015

Delphine Le Vigan : D'après une histoire vraie


D’après une histoire vraie, aux éditions JCLattès,  de Delphine Le Vigan est un livre que j’ai n’ai pu lâcher une fois que je l’ai commencé tant j’ai été happée par l’histoire et par le personnage dont le lecteur ne connaîtra que l’initiale L., mystérieuse et fascinante image du double, allégorie contemporaine du vampire.

Le récit semble autobiographique puisque le personnage, Delphine, écrivaine, est perturbée par le retentissement imprévu de son dernier livre dans lequel elle parlait de la maladie de sa mère, un livre qui a touché les lecteurs et qui a été douloureux pour elle. Fragilisée, elle  a du mal à se remettre à écrire. En effet, on sait que Delphine Le Vigan après la parution de Rien ne s’oppose à la nuit en 2011 n’a rien écrit jusqu’à cette année. De plus, c’est le moment où ses jumeaux quittent le nid familial pour poursuivre leurs études après le bac et d’autre part son compagnon, François, part à l’étranger pour son travail. C’est dans cet état de vulnérabilité qu’elle rencontre L., une jeune femme séduisante qui va devenir son amie et peu à peu s’immiscer dans sa vie privée et professionnelle à tel point qu’elle semble vouloir prendre sa place. L'analyse psychologique des personnages est bien menée et subtile. Chacune des deux femmes a ses failles, chacune porte ses deuils, ses renoncements. Peut-être ne sont-elles que les deux facettes d'un même personnage?
Au-delà de l'intrigue proprement dite, j'ai beaucoup aimé aussi le thème du départ des enfants, ces petits riens auxquels se raccroche la mère, les images qui surgissent dans la mémoire au détour d'un parc et d'un bac à sable, le bonheur éprouvé autour des livres lus et relus le soir jusqu'à connaître le texte par coeur. C'est plein de finesse, très vrai, très pris sur le vif, je suis là (et toutes les mères) pour en témoigner!

Le livre qui est un hommage à Misery de Stephen King se lit comme un roman à suspense et épouse les codes du genre; la tension narrative est maintenue avec beaucoup d’habileté par l’écrivaine jusqu’au dénouement et même au-delà car le lecteur peut légitimement conserver un doute quand le récit se termine; mais je ne peux vous en dire plus! Sachez cependant que le personnage de L. devient de plus en plus inquiétant et l’on se sent totalement impliqué dans le récit, dans l’expectative du drame qui, semble-t-il, ne peut manquer de se produire. Mais le roman n'est pas un thriller et la fin est beaucoup plus subtile.

Ce livre est  bien autre chose qu’un roman à suspense. Reprenons le titre D’après une histoire vraie et voyons avec quelle malice Delphine Le Vigan nous oblige à nous demander ce qui est vrai dans ce récit? Elle mêle si machiavéliquement des éléments autobiographiques et d’autres qui ne le sont sûrement pas, savant brassage entre réalité et fiction, que nous sommes obligés de nous poser la question. Et c’est là le sujet du livre. A notre époque ou sévit la téléréalité, où chacun se met en scène à la télévision et dans les réseaux sociaux, la littérature peut elle encore être fictionnelle? Faut-il, pour toucher le lecteur, ne raconter que des histoires « vraies »? Et d’ailleurs la vérité existe-elle en littérature? "Mais tout écriture de soi est un roman " écrit l'auteure.  Un passionnant débat littéraire auquel ce roman est une brillante réponse!

LIVRE VOYAGEUR mais pas avant le mois d'Octobre

dimanche 30 août 2015

Rentrée littéraire 2015 : J'ai craqué!

La lectrice soumise de René Magritte

Je m'étais dit que cette année, je n'achèterais pas de livres de la rentrée littéraire 2015... J'ai tant de retard dans mes lectures ! Des  romans des années précédentes croupissent dans ma PAL! Et puis, je pars en Russie bientôt (Moscou, Saint Pétersbourg) et c'est l'occasion de lire ou relire la littérature russe que j'aime tant.  Il faut être un peu raisonnable dans la vie, non?

"Mais la raison n'est pas ce qui guide l'amour"! 

Et d'abord, je n'aurais pas dû lire les critiques littéraires qui m'ont donné de furieuses envies de découvrir certains de ces livres et puis je n'aurais pas dû mettre les pieds dans cette librairie tentatrice (pour y acheter un guide  sur la Russie)  qui offrent en grappes toutes ces oeuvres alléchantes et pas seulement bonnes pour les goujats! Bref! j'ai craqué, j'ai brûlé la carte bleue et je n'ai pas acheté la moitié des livres que je voulais : j'ai laissé tomber, le dernier Benameur, le dernier Atiq Rahimi, le dernier Toni Morrison,  le David Foster Wallace (L'Infini comédie, un pavé qui me tente beaucoup après lecture d'une critique) et encore bien d'autres.  Que le choix est cruel!

Mais enfin voici les quelques titres dont je vous parlerais bientôt en espérant qu'ils ne tomberont pas eux aussi dans la gueule du Montre Glouton PAL! 

Mais qui a dit qu'un livre acheté est déjà un livre lu?


La terre qui penche :  Blanche est morte en 1361 à l'âge de douze ans, mais elle a tant vieilli par-delà la mort ! La vieille âme qu'elle est devenue aurait tout oublié de sa courte existence si la petite fille qu'elle a été ne la hantait pas. Vieille âme et petite fille partagent la même tombe et leurs récits alternent. L'enfance se raconte au présent et la vieillesse s'émerveille, s'étonne, se revoit vêtue des plus beaux habits qui soient et conduite par son père dans la forêt sans savoir ce qui l'y attend. ....
  
Pourquoi ce choix?

Parce que c'est Carole Martinez, parce que j'aime l'univers du livre, parce que le récit de la quatrième de couverture me plaît.


  La petite femelle : Au mois de novembre 1953 débute le procès retentissant de Pauline Dubuisson, accusée d'avoir tué de sang-froid son amant. Mais qui est donc cette beauté ravageuse dont la France entière réclame la tête ? Une arriviste froide et calculatrice ? Un monstre de duplicité qui a couché avec les Allemands, a été tondue, avant d'assassiner par jalousie un garçon de bonne famille ? Ou n'est-elle, au contraire, qu'une jeune fille libre qui revendique avant l'heure son émancipation et questionne la place des femmes au sein de la société ?

Pourquoi ce choix?
Parce que j'ai lu la critique de l'Express qui m'a donné envie de le découvrir; parce que je suis attirée par le thème féministe.
 A mon mari qui s'étonnait que je choisisse un sujet tiré d'un fait divers, j'ai répondu : "Emma Bovary, Madame de Rénal aussi étaient des faits divers!"


Millenium 4 : Elle est une hackeuse de génie. Une justicière impitoyable qui n’obéit qu’à ses propres lois.
Il est journaliste d’investigation. Un reporter de la vieille école, persuadé qu’on peut changer le monde avec un article. La revue Millénium, c’est toute sa vie. Quand il apprend qu’un chercheur de pointe dans le domaine de l’intelligence artificielle détient peut-être des informations explosives sur les services de renseignements américains, Mikael Blomkvist se dit qu’il tient le scoop dont Millénium et sa carrière ont tant besoin. Au même moment, Lisbeth Salander tente de pénétrer les serveurs de la NSA…

Pourquoi ce choix?

Oui, je connais la controverse voire le scandale suscité par ce livre et cette suite "opportuniste" selon certains
MAIS
 Ce sont les éditions Actes Sud et donc il me semble que cela ne peut être entièrement mauvais(?)
ET
 j'ai refusé de lire les critiques de peur de savoir que cela ne valait pas le coup parce que je sais bien que n'est pas Stieg Larson qui veut! Mais que voulez-vous? j'ai trop aimé les trois premiers Millenium! 


 L'oiseau du bon Dieu : En 1856, Henry Shackleford, douze ans, traîne avec insouciance sa condition de jeune esclave noir. Jusqu’à ce que le légendaire abolitionniste John Brown débarque en ville avec sa bande de renégats. Henry se retrouve alors libéré malgré lui et embarqué à la suite de ce chef illuminé qui le prend pour une fille.
Dans cette épopée romanesque inventive et désopilante, récompensée par le prestigieux National Book Award en 2013, James McBride revisite avec un humour féroce et une verve truculente l’histoire de son pays et de l’un de ses héros les plus méconnus.

Pourquoi ce choix?
Parce que je suis attirée par le sujet, parce que le livre a eu le National Book Award, parce que j'aime les éditions Gallmeister.


Vernon Subutex : Un titre qui claque comme le nom d'un groupe de rock, des personnages qui sombrent, un Paris désolé pour une génération désenchantée. C'est nerveux, dense et drôle, parfois. Vernon Subutex, c'est aussi le retour de Despentes, en plus grande et en plus forte ! Coup de cœur absolu de cette rentrée littéraire !

Pourquoi ce choix?

Parce que justement ce n'est pas un choix mais un cadeau : 2 volumes! Alors je découvrirai.





D'après une histoire vraie :
On pourrait penser que la reconnaissance donne une assise dans la vie d’un écrivain… Pourtant, suite au succès inattendu de son récit autobiographique, une auteure que l’on nommera Delphine, épuisée, et surtout incapable d’écrire, se laisse prendre dans les filets d’une amie trop bien attentionnée.

Pourquoi ce choix?

Parce que j'ai lu une très bonne critique dans Télérama; parce que le thème m'attire et le débat littéraire sur le roman aussi.


 
Cordélia la Guerre est un roman multiple, à la fois épique, policier, contemporain et mythologique. C'est un roman en perpétuel équilibre dont la narration éclatée agrège, avec une forte connotation politique, une enquête, une guerre et la pièce de théâtre du Roi Lear.

Pourquoi ce livre ?
Parce que le club Dialogues le proposait, parce qu'une version contemporaine du Roi Lear ne peut se refuser!!

vendredi 31 juillet 2015


Chateau de Grizac (source)

Et voilà après ce mois de juillet intensif  au festival d'Avignon, je vais me reposer en Lozère où je serai sans internet donc.. silencieuse. Je vous remercie tous de m'avoir suivie dans mon blog pendant ces semaines entièrement consacrées au théâtre alors que j'avais peu de temps pour venir vous voir.

Je vous souhaite à toutes et à tous de bonnes vacances ou, dans le cas contraire, bon courage pour la reprise du travail.

Je rappelle les trois LC suivantes à ceux qui sont intéressés :

Toni Morrisson : un roman au choix pour le blogo club  1er Septembre

Virginia Woolf  :  Mrs Dalloway vers le 15 Septembre

Victor Hugo : Notre Dame de Paris  le 10 Octobre

A mon grand regret, je ne vous ai pas suivi dans vos challenges d'été parce que je sais que j'aurais peu de temps. Mon "métier" de grand mère m'attend...  pour mon plus grand bonheur, bien sûr!

mercredi 29 juillet 2015

Caché dans son buisson de lavande Cyrano sentait bon la lessive compagnie basque Hecho en casa

Caché dans son buisson de lavande Cyrano sentait bon la lessive. photo Guy Labadens

Voici  un article avec lequel je terminerai mon festival 2015 qui fut un bon cru aussi bien dans le In que dans le Off, dans les spectacles pour les adultes comme pour les enfants. Je n’ai pas pu écrire sur tous mais je vais juste dire une petit mot sur Caché dans son buisson de lavande Cyrano sentait bon la lessive.



Vous connaissez peut-être le merveilleux album de Taï-Marc Le Thanh illustré par Rébecca Dautremer : Cyrano. Il s’agit d’un Cyrano qui n’est plus de Bergerac. Il est transposé au japon et adapté aux enfants. Les illustrations sont splendides avec les décors la ville, les costumes, les masques. Le récit y est conté simplement et en prose. Il s’agit d’une belle histoire d’amour qui montre aux enfants qu’il ne faut pas s’arrêter à l’apparence extérieure mais chercher, au-delà, la beauté intérieure. Ou plus simplement pour les tout-petits qu’il ne faut pas se moquer des autres car ils en souffrent beaucoup et qu’il faut savoir accepter la différence.


Cyrano illustré par Rébecca Dautremer

Le metteur en scène, Hervé Estebeteguy, de la compagnie basque Hecho en casa, adapte cet album au théâtre sous le titre qui est un extrait du texte : Caché dans son buissons de lavande Cyrano sentait bon la lessive. 
 
Caché dans son buissons de lavande Cyrano sentait bon la lessive.  photo Guy Labadens

Il s’agit d’un spectacle d'un grande beauté qui compte parmi mes préférés et que Léonie, ma petite fille, (5 ans) a bien aimé. Le titre, d'ailleurs, l'a beaucoup amusée et nous avons lu l'album ensemble avant d'assister à la représentation. 
 Les costumes, de splendides kimonos, les masques, la chorégraphie épurée et stylisée nous transportent dans le Japon ancien.  C'est un régal pour les yeux. De jolies inventions de mise en scène, pleines de poésie, montrent les conteuses, jardinières qui font pousser des plantes et des histoires avant de devenir les personnages de la pièce. Peut-être peut-on reprocher une certaine froideur dans l’expression des sentiments car tout est en retenue. Pour ma part, j’aurais aimé ressentir un peu plus d’émotion au dénouement.  Un beau spectacle à voir  absolument malgré cette remarque.

Récapitulation spectacle enfants

NINI (5 ans) dans l’ordre de ses préférences (14 spectacles, 15 représentations)

  Son top 3   
                                                                    
1 Molière dans tous ses éclats
2 Qanta                                                         
3 La sorcière la Trouille

Parmi ses préférés
 
4 Ninika (vu deux fois)
5 Le chat botté
6 Cyrano
7 Un bon petit diable

 
Ceux qu'elle a bien aimés

8 Mozart (vu dans de mauvaises conditions)
9 Momart
10 Vagabundo 
: Nini a trouvé l'histoire trop triste; un beau spectacle pourtant!
11 Augustin pirate

Ceux qu'elle n'a pas aimés
 
12 Peau d’âne (le texte de Perraut est difficile et le prologue en vers trop long et pas assez mis en action pour un enfant de cet âge) Mais le spectacle a des qualités.
13 voyage au centre la terre : à partir de 7 ans, pas de son âge et puis on ne voyait pas assez les dinosaures (elle y était allée pour eux!)


14  Index  un spectacle Hip hop qui l'a beaucoup déconcertée, elle qui n'a vu que des classiques et un peu de contemporain. Mais je ne désespère pas de lui faire aimer ce style de danse qui était interprétée  par la compagnie Pyramid au théâtre Golovine d'une manière éblouissante et avec beaucoup d'humour. Il fait partie pour ma part de mon top 3 avec tout de suite après Molière dans tous ses éclats et Cyrano.

 


Sa grand mère 13 représentations

Mon top 3 :

1 Ninika (billet ici)
2 Vagabundo (billet ici)
3 Index (voir ci-dessus)

Parmi mes préférés
 
4  Molière dans tous ses éclats (billet ici)
5 Cyrano (billet)

Ceux que j'ai bien aimés

6 Mozart vu dans de mauvaises conditions (billet)
7 la sorcière La Trouille ( billet)


8 Peau d’âne En hommage au film de Demy les comédiens chantent des chansons issues du film.
Une très belle idée pour les trois robes, du jour, de la lune et du soleil :   un tissu blanc sur lequel sont projetées des vidéos du temps, de la nuit, du soleil, des lumières changeantes ...






Ceux pour lesquels je n'ai pas tout aimé


9 Qanta  ou la terrible histoire de Lulu Schödringer : de beaux décors; je n'aime pas les chansons.
 









10 Voyage au centre de la terre : de bons moments mais des passages parfois ennuyeux pas assez théâtralisés.
11 Un bon petit diable

Ceux que je n'ai pas aimé

12 Le chat botté : une mise en scène tirée vers la farce qui plaît beaucoup aux enfants mais ne présente aucune poésie, aucun éclairage du sens. Le conte traditionnel est un récit d'initiation :  quand le metteur en scène conçoit les personnages comme des imbéciles qui n'évoluent pas, du début à la fin,  il perd le sens du conte et manque de finesse et de discernement. Certes, la pièce fait rire le jeune public mais ne lui apporte rien.
 
13 Momart : une histoire de l'art très mauvaise, un niveau amateur.
 



Fugue de Samuel Achache festival In d'Avignon

Fugue de Samuel Achache : le cloître des Célestins sous la "neige".

Ce jour-là il fait jusqu’à 45°dans les rues d’Avignon et quand j'arrive au cloître des Célestins pour assister au spectacle de Samuel Achache : Fugue, la température avoisine encore le 40° même à 22H. Enfin installée dans ce lieu qui est l'un des plus beaux du festival In, je relis les notes du metteur en scène :
   
 À partir d'une forme musicale existante et ancienne, la fugue, le spectacle du même nom en dissèque les principes pour en révéler le squelette. L'histoire évidemment musicale, peut être même opératique, s'appuie sur la question de l'accord et du tempérament de Pythagore. Son paradoxe : le cycle de quintes qui le fonde est impossible à clore. Un comma manque à la dernière. Le rapport mathématique est parfait et pourtant, dans son application, le cycle se décale en spirale. Pour incarner cette question, s'en amuser et peut-être en résoudre l'impossible harmonie, les musiciens comédiens chanteurs réunis par Samuel Achache mêlent leurs voix, comme les sujets et les contre-sujets d'une fugue, et se penchent sur les notions d'accord et de malentendu.

Accablée par la chaleur, le découragement me gagne : mais qu’ai-je fait? Pourquoi avoir choisi ce spectacle s’il faut sortir de polytechnique pour le comprendre!

Fugue de Samuel Achache : en plein pôle sud
 Entrent les comédiens : gros pull, anorak, bonnet, gants, écharpe, fourrure.. Et là, je comprends que la surface blanche de la scène n’est pas faite de graviers comme je le croyais mais de glace et de neige. Le froid s’intensifie. Nous sommes au pôle sud, les hommes creusent la calotte glaciaire pour découvrir un lac située à des profondeurs insoupçonnées. La vie s’organise à l’intérieur de la petite base rudimentaire où travaillent les scientifiques. Les situations les plus farfelues se déroulent sur scène. Les explorateurs affrontent le blizzard, se perdent dans les grandes étendues arctiques, se disputent, noient leur doute dans l’alcool, rencontrent des pingouins, disparaissent dans des trous. Nous sommes en pleine farce et les comédiens sont d’un comique inénarrable. Le burlesque à la Keaton est irrésistible de drôlerie surtout dans la scène de la baignoire qui est un véritable moment d’anthologie théâtrale, l’apothéose!

Fugue Samuel Achache : la fameuse scène de la baignoire (source)
Et la musique dans tout cela? On y vient, on y vient, les comédiens sont musiciens et chanteurs, ils interprètent de la musique baroque entre les péripéties mouvementées de leur vie trépidante. Et s’il y a manque d’accord et dissonance c’est surtout dans les rapports humains : le chef traite le stagiaire avec hauteur, toujours sur le mode comique, la scientifique ne lui adresse pas la parole et ratiocine et pontifie même dans ses rapports amoureux..
Quelques petites remarques critiques, cependant. Il m’a semblé que le rythme, après cette fameuse scène de la baignoire ralentissait et parfois piétinait un peu (au moment où ils boivent ensemble par exemple), des idées sont abandonnées en cours de route  et c’est dommage (l’amoureux mort dont la scientifique ne peut se débarrasser) et j’aurais apprécié que les rapports humains soient peut-être un peu plus méchamment accentués sans abandonner le mode de la farce, bien sûr.
Mais ne boudons pas notre plaisir! J’ai aimé cet humour iconoclaste qui vient secouer le discours parfois un peu trop sérieux du In. J’ai aimé que le metteur en scène et ses comédiens soient en plein délire et provoquent ainsi l’hilarité des spectateurs. Ce spectacle musical est très inventif et très drôle.

Mise en scène Samuel Achache

Collaboration Sarah Le Picard

Direction musicale Florent Hubert

Scénographie Lisa Navarro, François Gauthier-Lafaye

Lumière Viara Stefanova, Maël Fabre

Costumes Pauline Kieffer avec l'aide de Dominique Fournier

Arrangements musicaux collectifs
De et avec Vladislav Galard, Anne-Lise Heimburger, Florent Hubert, Léo-Antonin Lutinier, Thibault Perriard et Samuel Achache


   

mardi 28 juillet 2015

L’oubli des anges Géraldine Lonfat/ André Pignat Compagnie Interface


L'oubli des Anges compagnie Interface

La compagnie Interface avait donné l’année dernière un spectacle, Téruel, qui avait obtenu le prix du public en 2014 et que je n’avais pu aller voir. Aussi je n’ai pas voulu manquer celui-ci intitulé L’oubli des anges qui est d’un grande beauté.
Cette pièce, opéra, ballet et théâtre à la fois, unit le chant lyrique, la danse et la voix et commente pour nous le douloureux passage de la vie à la mort, le refus de la séparation, le déni qui est celui de l’amoureux refusant de laisser partir celle qu’il aime, la révolte de la jeune morte qui s’accroche à la vie. Un ange représenté par une femme enceinte vient les aider à franchir le pas. Son ventre plein symbolise la renaissance, la suprématie de la vie qui succède toujours à la mort.

La chorégraphie d’une grande pureté, transmet une émotion qui dépasse le seul aspect esthétique : La danseuse, Géraldine Lonfat, qui incarne magnifiquement la jeune fille, exprime la douleur et la violence; elle se tord, s’arc-boute, s’élance pour toujours retomber, pour prendre un envol qui ne peut avoir lieu. C’est la jeunesse qui repousse la mort, c’est le désespoir d’un corps qui refuse l’anéantissement. La voix de l'amoureux, dont les pieds sont lourdement enchaînés, retenus à terre parmi les vivants, accompagne la jeune morte dans un requiem douloureux, des chants liturgiques en latin rythment les spasmes d’un corps qui ne veut pas céder. La voix des récitants, l’ange et les parents de la morte, incantatoires, s’élèvent pour l’accompagner, pour dire la douleur mais aussi les bienfaits de l’acceptation.
 Une très belle scénographie contribue à l’émotion provoquée par le spectacle. Les costumes sombres des personnages contrastent avec le blanc du linceul dont est parée la danseuse. Le bel éclairage en clair-obscur, entre vie et mort, symbolise le drame qui se joue devant nous. Le faisceau de lumière vertical qui encercle la danseuse paraît être d’inspiration divine et semble la retenir prisonnière; le jeune homme, lui, se situe à la limite du cercle parfois à l'intérieur, parfois à l'extérieur au fur et à mesure que le processus d'apaisement se fait jusqu’au moment où le cercle disparaît, la lumière s’étend, le corps s’apaise et la jeune fille lâche prise et accepte.
Un spectacle vibrant d'émotion. Un coup de coeur!

L'oubli des Anges : Géraldine Lonfat (source)

Interprète(s) : Géraldine Lonfat, David Faggionato, Thomas Laubacher, Paul Patin, Virgine Quigneaux, Carmen Cruz
Chorégraphe : Géraldine Lonfat
Compositeur : André Pignat
Auteur : Stéphane Albelda
Régisseur : Jérôme Hugon

Pédagogies de l’échec de Pierre Notte, mise en scène d’Alain Timar.

Olivia Côte, dans Pédagogies de l'échec de Pierre Notte ( source)

J'ai encore quelques pièces vues pendant ce festival à commenter ici mais je ne peux attendre pour vous parler d'un spectacle d'une grande qualité :  Pédagogies de l’échec, pièce de Pierre Notte, mise en scène d’Alain Timar.

Comme nous l’annoncent les deux personnages, une femme, un homme, au début du spectacle : les immeubles de l’entreprise se sont effondrés, seuls subsistent au septième étage, au milieu du vide, les bureaux où ils travaillent…  Une destruction totale? Une fin du Monde? Un tremblement de terre? un cataclysme mondial? Une guerre? Peu importe! Dans une pièce suspendue, cernée par le vide, deux survivants, cadre et employé, tentent de survivre en maintenant les apparences du travail et de la hiérarchie!

Ce texte brillant de Pierre Notte fait un petit tour du côté de Ionesco, un théâtre de l’absurde mais qui a à voir avec notre société actuelle. Les rapports de hiérarchie à l’intérieur d’une entreprise y sont épinglés, ainsi que les humiliations subies au quotidien par les subalternes, la pression qui s’exerce sur les cadres, les potins de couloir, les petites cruautés, les vengeances mesquines. L’attitude de ces personnages qui s’efforcent, au milieu du néant, de  perpétuer les codes d’un monde détruit, souligne le conformisme, la vacuité de ces existences dévouées au paraître et où l’humain a tendance à disparaître.
La férocité du ton n’a d’égale que le rire provoquée par cette situation! Car l’on s’amuse beaucoup pendant cette représentation. Et le rire doit beaucoup au metteur en scène Alain Timar et aux excellents comédiens, Olivia Côte et Salim Kechiouche, qui servent le texte avec humour et  dérision.
Sur un dispositif scénique qui ressemble beaucoup à un ring, du moins au début, les personnages s’affrontent et comptent les points. Peu à peu la scène se dresse comme un mur, obligeant les comédiens à jouer suspendus à ces planches qui en s’inclinant rendent leur position de plus en plus précaire et périlleuse. Cette paroi où il faut se retenir pour demeurer au plus haut symbolise la hiérarchie et la lutte féroce qui existent au sein de l’entreprise; c’est aussi la planche-savonnette de la vie, le combat contre la déchéance et la mort. On peut résister, on finira toujours par tomber.
Cette scénographie oblige les acteurs accrochés à la scène à jouer avec leur corps dans une tension exacerbée et dans des positions cocasses qui, tout à la fois, provoquent l’amusement du public et montrent le manque et la perte de sens. La mise en scène réglée comme une participation musicale utilise les contraintes physiques du jeu pour exprimer l’absurdité d’une société qui érige le travail et la productivité comme seules valeurs et où cadres et employés finissent par être tous les victimes de cette déshumanisation. Un excellent spectacle qui fait partie de mes coups de coeur!


Après avoir vu cette pièce, j'ai envie de découvrir l'oeuvre de Pierre Notte, né à Amiens en 1969, auteur de pièces de théâtre, de romans, de poésies, de chansons; il est aussi metteur en scène, acteur et chanteur, journaliste pour le théâtre. Il a été nommé à trois reprises aux Molières dans la catégorie auteur. Il est lauréat du prix Émile Augier décerné par l’Académie Française, du prix « Nouveau Talent Théâtre SACD 2006 » et du Publikumspreis 2009 du Blickwechsel, regards croisés de Karlsruhe, Allemagne. Un brillant palmarès, non?
Il a signé récemment Pédagogies de l’échec (festival Nava, Limoux, été 2014, avec Catherine Hiegel et Brice Hillairet) ; Perdues dans Stockholm (Théâtre du Rond-Point, 2014) ; Sortir de sa mère et La Chair des tristes culs (Théâtre du Rond-Point, janvier 2013) ; Et l’enfant sur le loup se précipite ; Pour l’amour de Gérard Philipe ; Bidules trucs ; Deux petites dames vers le Nord ; Les Couteaux dans le dos ; J’existe (foutez-moi la paix) ; Journalistes – petits barbares mondains ; Moi aussi je suis Catherine Deneuve ; Clémence à mon bras. (source théâtre du Rond Point)

lundi 27 juillet 2015

Les pieds tanqués de Philippe Chuyen



Les pieds tanqués de Philippe Chuyen a été joué une première fois, en extérieur, dans le OFF 2012,  sur un boulodrome de l'île Piot. Il avait obtenu le prix Tournesol pour le Centenaire de Jean Vilar. Il est repris cette année dans une autre mise en scène à la Présence Pasteur.
Jamais, à priori, je ne serais allée voir un spectacle portant un tel titre et parlant de pétanque! J’aurais eu trop peur d’assister à une pagnolade dans le mauvais sens du terme! Mais le bouche à oreille a fonctionné et comme il se doit, quand il est élogieux, j’ai eu envie de me rendre compte par moi-même. Et j’ai bien fait!
La pièce fait référence, à n’en pas douter, à Marcel Pagnol. A la partie de cartes se substitue un partie de pétanque et s’il n’y a pas le lyonnais Mr Brun, il existe bien un Mr Blanc.
Effectivement, on y joue aux boules (d’ailleurs fort bien!) car la scène se passe en Provence, sur un boulodrome, entre quatre personnages que l’on peut définir ainsi : Le provençal, le pied noir, l’arabe né en France et l’immigré du nord … de la France, le nord commençant après Valence!
Le sujet de conversation est épineux et douloureux : la guerre d’Algérie. Ils sont les enfants de ceux qui ont vécu la guerre. Chacun d’une manière ou d’une autre a été marqué par ce conflit, chacun porte en lui-même une blessure indélébile et l’on, s’aperçoit, au bout du compte, que chacun a été floué dans ses idéaux, trahi, personne n’en est sorti indemne.
Le passé et le présent se répondent puisque nous apprenons que nous sommes en 1995, le 27 Juillet, le jour du terrible attentat dans le métro parisien, ce qui nous renvoie, bien sûr,  tragiquement à notre actualité.
Le texte peut paraître un peu démonstratif car chaque personnage est représentatif d’un type et parle en son nom mais il est porté avec émotion par de bons comédiens, d’origine provençale, qui n’ont pas besoin de forcer leur accent (ouf!). Le rire fuse :   mais pas de galéjade provençale, sous la farce, le tragique et la souffrance. On s’amuse beaucoup mais on se sent touché, concerné.
La mise en scène est enlevée, pleine d’inventivité et l’on finit par se passionner … même pour la partie de pétanque qui s’intègre au spectacle, ponctuant les sentiments de chacun, soulignant les différences et les conflits mais aussi montrant que le vivre ensemble est possible.


samedi 25 juillet 2015

Festival IN Avignon 2015 : Cassandre/ Le bal du cercle/The last supper



Voir des spectacles et rédiger les billets en même temps me devient de plus en plus difficile alors voici en vrac quelques petites annotations  rapides sur mes derniers spectacles du IN.

Cassandre

Fanny Ardant : Cassandre
"Avec ce récit, je descends dans la mort. » Cassandre-la-Troyenne est lucide. Vaincue par son destin, il ne lui reste qu'une heure à vivre. Elle sait que la malédiction d'Apollon l'empêche d'être entendue. Elle a appris que les mots meurent eux aussi. Qu'importe, elle continuera à parler. Mais elle n'essayera plus de convaincre les hommes de la détresse qui les attend. Le temps des prédictions est terminé. Alors elle se raconte avec une absolue liberté, sans rien masquer de ses douleurs d'enfance, d'aimante, de prisonnière, de femme. Elle ne veut pas devenir une héroïne."

Cassandre d'après Christa Wolf, est une réussite : un très beau texte porté par une artiste exceptionnelle Fanny Ardant dont la présence et la voix emplissent la vaste salle de l'opéra d'Avignon. A l'heure de sa mort, Cassandre est à la fois fragile et forte, une femme vaincue qui refuse de fuir Troie en flammes, qui refuse l'héroïsme et se révèle dans son humanité. L'orchestre placé en hauteur sur la scène avec la musique de Michael Jarell est un personnage à part entière tandis qu'un rideau rouge figure les flammes de la cité incendiée. Un beau spectacle!

Le bal du cercle de Fatou Cissé

Le bal du cercle de Fatou Cissé
"Un ring, un podium, une agora, une scène : le cercle décrit par Fatou Cissé est tout cela. En son sein, chaque geste, chaque regard fait sens. Ce cercle est le lieu du Tanebeer, une pratique ancestrale réservée aux femmes dans la société sénégalaise. Autrefois organisé à l'occasion des mariages ou en l'honneur de personnalités importantes, ce bal a lieu dans la rue et dans les arrière-cours des quartiers populaires. Les femmes y rivalisent d'excentricité, se livrant à des danses à forte charge sexuelle entraînées par une formation de percussionnistes – le sabar –, arborant parures, maquillage et vêtements d'exception. Le Tanebeer est un espace de réalisation où les femmes s'affranchissent de leurs obligations et de la tradition pour devenir qui elles souhaitent. Mais il est aussi un moment de régulation sociale, de règlement de comptes où rivalité et solidarité se confondent."

Le sujet me plaisait beaucoup mais le résultat m'a fort déçue. A part quelques minutes très enlevées de danse qui montrent ce dont sont capables les danseuses et le danseur sénégalais et burkinabés de Fatou Cissé le reste du spectacle est une parodie d'un défilé de mode et se révèle bien vite d'un intérêt limité. Certes, les costumes chamarrés et les chapeaux aux formes amusantes sont un plaisir des yeux mais l'on se demande bien ce que Fatou Cissé a voulu dire avec ce spectacle. Tout ceci m'a paru superficiel. Et puis, c'est mal venu de n'occuper, quand on a un espace aussi grand, que la partie Jardin de la scène pendant au moins un tiers du spectacle si bien que les spectateurs côté Cour voient peu et n'entendent rien (car le spectacle est très bavard).

The last Supper

The last supper
"The Last Supper aime jouer de ses fausses ressemblances avec le dernier repas du Christ. Comme dans la plupart des peintures figurant la Cène, on y découvre les convives côte à côte, attablés sans naturel voire avec affectation. Car s'ils partagent un dîner et font oeuvre d'être réunis, les personnages de la pièce d'Ahmed El Attar se donnent aussi volontiers en représentation. Ils forment une famille emblématique, jusqu'à la caricature, de la haute bourgeoisie cairote. Au moment où l'Égypte post-révolutionnaire fait face à des défis politiques, économiques et sociaux majeurs, leurs conversations manifestent insouciance, frivolité et mépris pour le peuple. Le metteur en scène ausculte une classe sociale dominante, obsédée par le paraître et l'argent, dont il aime reprendre le langage et les postures pour en relever la vacuité."

 Le propos, la critique de la bourgeoisie cairote est intéressante, mais le résultat est décevant. Le texte est une satire sans nuance, et tous les personnages représentant l'armée et le capitalisme, en passant par les femmes stupides et les enfants mal éduqués sont de lourdes caricatures. Tous manquent d'intelligence alors que , dans la réalité, ils détiennent le privilège du savoir et des études dans les grandes universités étrangères. Ils ont tous d'une imbécilité si grande que  l'on se demande pourquoi cette classe sociale peut exercer un si grand pouvoir. Le texte est répétitif, la mise en scène statique. On ne fait pas du bon théâtre avec des bons sentiments!