Pages

mercredi 27 juillet 2016

Festival Off d'Avignon 2016 : Le Cid de Corneille au théâtre Actuel





Après Cyrano de Bergerac, Jean-Philippe Daguerre et la troupe du Grenier de Babouchka nous offrent ici une version fougueuse du Cid et renouent avec tous les ingrédients qui ont fait leurs succès précédents: musique sur scène (violon, guitare, cajon...), combats d'épée et costumes flamboyants!

Le Cid interprété par la compagnie Le grenier de la Babouchka (j’aime ce nom!) est un beau moment de partage pour les grands-parents, parents et enfants! Il y avait, en effet, tous les âges dans la salle, venus assister à cette représentation d’un classique que les plus âgés connaissent par coeur pour l’avoir appris sur les bancs de l’école. Les plus jeunes, eux, manifestement, le découvraient avec beaucoup de plaisir. Et puis, c’est tellement rare de nos jours, avec les restrictions économiques qui taillent des coupes sombres dans le budget de la culture, d’avoir une troupe entière dans un spectacle du Off. Mais venons en .. à la pièce!

Et à la mise en scène de Jean-Philippe Daguerre! Celui-ci a pris le parti de pratiquer le mélange des genres et de faire du Cid une tragi-comédie. Cela peut choquer les puristes car le XVII siècle prône la séparation et la hiérarchisation des genres donc la supériorité de la tragédie sur la comédie. Mais depuis, Victor Hugo et le drame romantique sont passés par là et le théâtre élisabéthain avec Shakespeare nous a permis de nous y habituer. D’autre part, Corneille est aussi un auteur de comédies et rien de plus tragique, parfois, que le comique de Molière!
Don Fernand, roi de Castille, devient donc un personnage comique peut-être un peu forcé, me direz-vous, mais son personnage ainsi conçu est une charge contre le pouvoir absolu que Corneille n’aurait pu, bien évidemment, se permettre. Les autres personnages secondaires assez effacés jusqu’alors dans les représentations classiques que j’ai pu voir prennent de l’ampleur. Ainsi, Elvire, la suivante de Chimène devient une soubrette à la Molière, provoquant le rire avec son bon sens absolu lorsqu’elle admoneste sa maîtresse.
Dans cette mise en scène, Chimène et Rodrigue sont de très jeunes gens amoureux, fougueux, sincères, un peu ridicules parfois dans leurs effusions et leurs contradictions mais la charge reste légère et si l’on rit, c’est avec eux et non contre eux. Du coup, ils sont des personnages sympathiques et proches de spectateurs, débarrassés de la grandeur liée à la tragédie. Bien sûr, tout n’est pas parfait. On aimerait parfois plus d’intériorisation et de subtilités, moins de fougue donc, dans certains passages comme dans les stances de Rodrigue où l’on ne sent pas assez les doutes du jeune homme, ses atermoiements, son désespoir dans ce combat entre l’amour et l’honneur. Là, j’aurais eu envie de plus d’émotion! Mais les personnages restent touchants et émouvants et il en est de même pour l’infante. J’ai beaucoup aimé aussi l’affrontement entre Don Diègue et Don Gomès dont les interprètes sont excellents.
Si vous ajoutez à cela des combats à l’épée très bien réglés, de la musique sur scène (guitare, violon), de beaux costumes, vous comprendrez que ce spectacle est vraiment complet et réussi.


Compagnie Grenier de la Babouchka 
Le Cid Corneille
Interprète(s) : A. Bonstein, S. Dauch, M. Gilbert, J. Dionnet, K. Isker, M. Jeunesse, D. Lafaye, A. Matias, C. Matzneff, C. Mie, T. Pinson, S. Raynaud, Y. Roux, P. Ruzicka, E. Rouland, M. Thanaël
Metteur en scène : J-Ph Daguerre
Maître d'armes : C. Mie
Compositeur : P. Ruzicka
Costumière : V. Houdinière

mardi 26 juillet 2016

Festival OFF d'Avignon 2016 : De quoi parlez-vous ? de Jean Tardieu au théâtre Essaïon



Après son succès  en 2014 et 2015 à Avignon puis à Paris au théâtre Le Lucernaire, la Cie C'est-pas-du-jeu présente à nouveau
"De quoi parlez-vous ?" :

5 pièces courtes comiques de Jean Tardieu.
5 pièces drôles, absurdes, surprenantes ou terrifiantes, alliant toujours dérision et poésie.
5 pièces et un même personnage principal, le langage.


Si vous aimez Jean Tardieu,  n’hésitez pas à aller voir en ces derniers jours du festival d’Avignon De quoi parlez-vous? par la Compagnie C'est pas du jeu au Théâtre EssaÏon. 
Le spectacle est composé de cinq pièces courtes qui prennent le langage comme thème central, quitte à jouer avec les mots, à les tordre, à les mettre en rivalité, tout en s'interrogeant sur leur sens. N'oublions pas que Jean Tardieu est proche d’Oulipo. Quant à son théâtre de l’absurde, on peut dire qu'il est réjouissant, ainsi la scène du juge est désopilante!

La mise en scène de Sophie Accard, entre cirque et magie, est pleine de facéties et nous entraîne tambour battant dans une réflexion savoureuse sur le langage :  que ce soit comme dans la première pièce lorsque les personnages poursuivent un dialogue sans jamais achever leur phrase; ou comme dans la dernière quand les mots sont remplacés par d’autres et que nous continuons pourtant à comprendre ce qui se passe devant nous. Belle interrogation sur la fonction des mots menée par des comédiens burlesques et inspirés, au rythme d’une musique enlevée et dans des décors aux couleurs vives. L’humour de Jean Tardieu est au rendez-vous! Et j’admire les trésors d’imagination de la mise en scène qui ne laisse place à aucun temps mort. Oui, je me suis bien amusée!

 Compagnie C'est pas du jeu
Interprète(s) : Sophie Accard, Cécile Lamy, Tchavdar Pentchev, Léonard Prain
    •    Metteur en scène : Sophie Accard
    •    Musiques : Vincent Accard
    •    Lumières : Simon Cornevin
    •    Costumes : Atossa

Festival OFF d'Avignon : Les règles du savoir vivre de Jean-Luc Lagarce au théâtre du roi René, Le cancre de Pennac au théâtre Essaïon, The great desaster de Patrick Kermann au théâtre des Barriques

Les règles du savoir vivre dans la société moderne

Les règles du savoir vivre dans la société moderne de Jean-Luc Lagarce

Petite leçon de civilité savoureuse, intelligente et décalée à destination des mortels.
Il y a des pilules qui ne passent qu'avec leur dose de miel : trois déesses loufoques revisitent le désuet manuel de savoir-vivre de la Baronne Staffe. Entre pédagogie véhémente et chansons décalées, des joies de la naissance aux formalités des obsèques, ces Parques vous entraînent dans un monde fait de protocoles aussi précis qu'absurdes !

Les Règles du Savoir-Vivre dans la Société Moderne de Jean-Luc Lagarce bénéficie d’une mise en scène impeccable, bien réglée, rigoureuse et d’une belle scénographie au niveau des lumières qui jouent sur le clair-obscur, des costumes et des tentures en blanc et noir qui y répondent. Les interprètes Bénédicte Allard, Pauline Phélix, Morgane Touzalin sont très précises et exécutent un exercice de style réussi. On comprend que le spectacle ait pu obtenir le coup du coeur du Off en 2014. Ces règles du savoir-vivre sont assez désuètes et décalées par rapport à notre société et peuvent provoquer le rire. Mais pour ma part, j’ai trouvé l’intérêt de la pièce limité parce que trop passéiste. Difficile d’en voir l’intérêt maintenant.. Cependant rien à reprocher à cette compagnie!

Le Cancre d'après Daniel Pennac


Dans la vie, tout le monde peut et a le droit de s’en sortir. De l’écolier à l’écrivain, les chagrins passent sur les rires, les rires sur les chagrins...   Et oui, Daniel Pennac a été un cancre, c'est du moins ce qu'il nous dit, de là à devenir professeur, il n'y a qu'un pas?

Le Cancre adapté de Chagrin d'école et Comme un roman  de Daniel Pennac, mis en scène et interprété par Bernard Crombey.
J’aime beaucoup Pennac mais je n’ai pas trop apprécié le choix des textes surtout la deuxième partie quand le cancre devient professeur. Quelque moments d’humour, cependant mais le rythme est lent. Le comédien Bernard Crombey est bon mais un peu monocorde. Dans l’ensemble le spectacle, sans être mauvais, manque de punch, d'invention.

The great desaster de Patrick Kermann

 

Un seul en scène caustique et poétique qui revisite le mythe du Titanic.
Travailleur clandestin sur le Titanic, Giovanni Pastore n’a pas été compté parmi les victimes du naufrage. Embauché au noir comme plongeur, il ne figure ni sur la liste des passagers ni sur la liste de l’équipage. Il n’existe pas. Ni mort ni vivant, condamné à raconter toujours la même histoire, il lave depuis un siècle, chaque jour et dans l’indifférence de tous, les 3177 petites cuillères du prestigieux restaurant de la ville flottante. Une écriture désespérée empreinte d’un humour décapant.

La pièce The great desaster de Patrick Kermann était venue l'année dernière à Avignon dans une mise en scène de Anne-Laure Liegeois avec comme interprète Olivier Dutilloy, spectacle que m'avait chaudement recommandé Eimelle. La pièce est à nouveau au festival cette année dans une autre mise en scène de Anne Mazarguil et avec Nicolas Leroy. Le sujet est intéressant mais pour moi l'alchimie n'a pas eu lieu. Trop d'objets, d'accessoires qui ne sont pas indispensables. Des longueurs entre les changements de scène. Il est vrai que nous avons vu la pièce le premier jour et elle a pu se rôder après. Mais je n'ai pas éprouvé d'émotion.

vendredi 22 juillet 2016

Festival In d'Avignon 2016 : Le radeau de la méduse, pièce de Georg Kaiser mise en scène par Thomas Jolly

Le radeau de la méduse : Géricault
Je n’ai pas aimé Le radeau de la méduse, pièce de Georg Kaiser, auteur allemand de l’entre deux-guerres, aussi célèbre en son temps nous dit-on que Bertold Brecht et qui fut, lui aussi, poursuivi par les nazis. La pièce est mise en scène par Thomas Jolly avec les étudiants en dernière année de l’école supérieure d’art dramatique du Théâtre National de Strasbourg.

Je découvre l’auteur et, je le dis d’emblée, la pièce ainsi que la mise en scène m’ont paru lourdes et sans nuances. Oui, je le sais, toute la presse encense et la pièce et Thomas Jolly, "la jeune star" pour reprendre les mots d'un journaliste de la scène française ! Et pourtant je n'ai pas été convaincue !

Le texte, d’abord  :
 Kaiser cherche à montrer comment un groupe d’enfants survivants d’un naufrage, perdus sur l’océan dans une barque qui dérive, pratique la solidarité puis glisse dans la barbarie en écoutant les sirènes de la peur, de la superstition et de la haine au nom d’une religion. Ici le christianisme et la peur d’être treize à table, allusion bien sûr à la Cène et à Judas. Il s’agit d’une dénonciation de toutes les idéologies qui conduisent à l’inhumanité, y compris celle du nazisme car la pièce a été écrite en 1942. Mais on peut y voir aussi notre monde en proie au fanatisme religieux .
Le sujet est beau. J’ai d’abord pensé au roman de William Golding, Sa majesté des mouches, mais le roman a le mérite de faire vivre devant nous de vrais enfants et d’être juste au niveau de l’analyse psychologique, de montrer une évolution dans la perte progressive de la civilisation et le retour à la primitivité. Alors que dans la pièce l’on ne peut croire un seul instant à ces personnages qui ne sont pas réellement des enfants et à ce langage qui ne peut être celui d’êtres aussi jeunes! De plus aucune évolution ne permet de comprendre comment la petite fille, Anna, qui partage son lait avec tous, au début, peut tenir ensuite des discours incitant au meurtre. Et j’ai eu beau me dire qu’il s’agit plutôt d’une fable et non d’un récit réaliste, je n’ai pu entrer un seul instant dans cette pièce avec ces discours répétitifs et peu naturels sur les treize à table, chiffre qui porte malheur. C’est pesant, vite insupportable! Ce langage de pseudo prédicateur religieux est tellement peu crédible dans la bouche d’une fillette supposée avoir douze ans! Si les comédiens interprètent des enfants qui jouent aux adultes, ils ne sont ni enfants, ni adultes et les personnages finissent par ne pas exister. Et que dire de ce mariage pour rire, mièvre et tellement factice avec en prime les chants religieux?

La mise en scène ensuite :
La pièce est découpée en sept journées, durée de l’odyssée des enfants. A la fin de chaque journée, le rideau se ferme et s’ouvre - encore un procédé répétitif- sur un tableau en référence à l’oeuvre picturale de Géricault. Les comédiens, eux-mêmes, sont des personnages du tableau et jouent d’une manière grandiloquente, les bras levés, tenant la pose, comme des images de proue. La recherche est esthétique, certes, mais tout est figé et contribue peu à nous faire entrer dans l’histoire, à la rendre vivante. Ce découpage de la pièce, ce manque de naturel du langage et du geste empêchent d’adhérer au récit, d’éprouver des émotions. Or malgré la beauté de la scénographie, avec la barque perdue dans le brouillard, les jeux de lumière en contre-jour, le groupe baignant dans la semi-obscurité, je n’ai pu apprécier ce texte et cette mise en scène qui sonnent faux.

mercredi 20 juillet 2016

Festival IN d'Avignon 2016 : Angelica Liddel : Qué Haré yo con esta espada? Que ferai-je moi de cette épée?

Angelica Liddel photo de Christophe Raynaud Delage voir Ici

J’avais déjà vu une pièce de Angelica Liddel qui m’avait bouleversée tant la souffrance de cette femme, le dégoût de son éducation, la haine de sa mère, la sexualité et l’amour vécus comme un traumatisme, le rejet de la société qu’elle vomit, étaient forts et résonnaient vers le ciel avignonnais en de longs cris de désespoir. Voir ici

Mais pour ce spectacle, Qué Haré yo con esta espada? Que ferai-je moi de cette épée?, je l’avoue, je n’ai pu rester jusqu’au bout, j’ai abandonné à la fin de la première partie qui montre l’acte de cannibalisme perpétré par le japonais Issei Sagawa sur une étudiante suédoise. Angelica Liddel s’empare de ce fait divers et le transpose sur scène. Après avoir souhaité pour donner un sens à sa vie que l’on viole son corps après sa mort, elle s’offre aux spectateurs, sexe ouvert, sur une table de dissection, offrant son cadavre au violeur. Quant à l’acte de cannibalisme, il est représenté par des comédiens et un danseur japonais qui est le meurtrier et plusieurs jeunes comédiennes aux longs cheveux clairs représentant la victime. Elles se dénudent et vont entrer en transe, agitées de spasmes violents qui les projettent contre terre, le corps contorsionné, comme mutilé. C’est la beauté sacrifiée, un tableau de de Jérome Bosch qui s’anime devant nous, l’Enfer, avec ses êtres grotesques, ses tortures et ses souffrances, tandis que les filles se dévorent les pieds ou, moment culminant de la scène, se flagellent le sexe et le dos avec les tentacules de poulpes, masses sanguinolentes qu’elles déchiquettent avec leurs dents. Elles finissent ensuite amoncelées les unes sur les autres, en un tas répugnant au milieu des cadavres de poulpes tandis qu’une voix explique quel est le goût de chaque organe féminin.

La deuxième partie devait évoquer l’attentat du 13 Novembre; alors là, j’ai eu peur, je suis partie… lâchement!

Je sais bien que le théâtre est pour Angelica Liddel une sorte de catharsis de tous ses (nos?) instincts meurtriers. Je sais qu’il faut  comprendre que « la violence réelle » par l’intermédiaire du théâtre se transforme en « violence mythologique » pour reprendre ses propres termes. Soit! Je sais aussi qu’elle aime la provocation, bousculer la morale et choquer le bourgeois. Mais je ne peux m’empêcher de penser, face à la fascination que ce spectacle exerce sur le spectateur, que Liddel va chercher en nous tout ce qu’il y a de plus malsain et morbide et nous transforme en voyeurs. Une raison pour moi de refuser.

Lire cet article du journal Les trois coups, une très bonne analyse  de la piècepar quelqu'un qui a eu le courage d'aller jusqu'au bout. ICI 

Voir aussi  le début de cet article de Télérama
 
Avec “Que ferais-je, moi, de cette épée ?”, la créatrice espagnole s'enferme dans sa névrose, au point de ne plus rien partager avec le public, si ce n'est le chahut de la destruction.
Mais que raconte donc la très brune et méditerranéenne passionaria et quinquagénaire Angélica Liddell aux huit jeunes filles aux longues et splendides chevelures blondes (pour la plupart) qu’elle fait s’agiter frénétiquement complètement nues sur le plateau juste peint d’étoiles ? Comment justifie-t-elle cette image caricaturale de l’hystérie féminine qu’on croyait disparue depuis les travaux de Charcot ? Comment ose-t-elle encore, elle une femme, une féministe, leur imposer ça ? Sur le côté droit du cloître des Carmes, après sa scène d’introduction, Angélica Liddell se repose en regardant, assise dans un coin, la suite du spectacle. Elle a ôté ses escarpins bleus à hauts talons pour observer les huit jeunes femmes se masturber interminablement chacune avec un poulpe…
Comment l’artiste espagnole née en 1966 en Catalogne explique-t-elle à ses trop belles et juvéniles interprètes pareil désir de massacrer la figure de la femme, de la jeunesse au féminin ? Même les plus misogynes d’entre les machos n’oseraient en afficher un semblable aujourd’hui.

Ouf! cela fait du bien de partager son ressenti avec des critiques "officiels"!

lundi 18 juillet 2016

Festival OFF d'Avignon 2016 : D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère au théâtre du Centre



D’autres vies que la mienne  au théâtre du Centre est l’adaptation d’un roman d’Emmanuel Carrère.

L’auteur se met en scène avec sa compagne Hélène et leurs fils lors de vacances au Sri Lanka au moment où le Tsunami de 2004 dévaste la région. Bien vite, ce n’est plus de lui-même que va parler Emmanuel Carrère mais des autres, -d’autres vies que la mienne- en particulier de ce couple avec lequel il s’est lié d’amitié et qui a perdu sa petite fille Juliette emportée par la vague monstrueuse.
La deuxième partie de la pièce parle aussi de la mort d’un être cher, une autre Juliette atteinte d’un cancer, la soeur d’Hélène dont nous apprendrons qu’elle était magistrate et qu’elle a lutté avec un ami, juge comme elle, contre les profits abusifs et les pratiques usurières de certaines compagnies de crédit, Cofinoga et Cofidis.
Je n’ai pas lu le roman mais je suppose qu’il manque parfois à la pièce de théâtre le temps du déroulement, le développement nécessaire pour parler de ces deux vies fauchées, enlevées si brutalement à ceux qui les aiment.  Ainsi, j’ai eu l’impression que le texte était inégal et que, dans la première partie, je n’avais pas le temps d’entrer vraiment dans l’histoire. L’épisode du Tsunami raconte des évènements terribles mais nous n’avons pas le temps de faire connaissance avec l’enfant, ses parents et son grand père. Ils demeurent donc des silhouettes, des inconnus victimes d’une affreuse tragédie mais pas des personnages. La mort de l’autre Juliette m’a beaucoup plus touchée dans ses rapports avec ses enfants, son mari, on prend conscience de sa souffrance, de sa lucidité et aussi de son absolue sincérité, son refus de tricher face à sa mort imminente. Grâce  à l'acteur, David Nathanson, qui fait passer l’émotion nous voyons le personnage et il se met à vivre devant nos yeux. Le comédien est seul sur scène dans une mise en scène que Tatiana Werner a voulu dépouillée. Il conte d’une manière sobre mais avec conviction ces « autres » vies et nous entraîne bien loin des nôtres! Un bon spectacle.

dimanche 17 juillet 2016

Festival OFF d'Avignon 2016 : Livret de famille de Eric Rouquette au théâtre Essaïon



Décidément le festival d’Avignon est d’une grande qualité cette année tant au niveau des pièces que par le talent des comédiens! C’est le cas pour Livret de famille d’Eric Rouquette, pièce interprétée par Christophe de Mareuil et Guillaume Destrem.

Au milieu de la nuit, Jérôme se rend chez Marc, son frère aîné. Il est sans nouvelles de leur mère depuis plusieurs jours. Si Jérôme est affolé, Marc accueille cette disparition avec indifférence. Les deux frères ne se voyaient plus et leur mère n’est pas étrangère à cet éloignement. Le temps d’une nuit où les secrets se disent, ils vont se retrouver.

Cette rencontre entre deux frères séparés que tout oppose est traitée avec beaucoup de finesse. Eric Rouquette connaît l’âme humaine! Jérome est le préféré de sa mère. En apparence, il a réussi, il est cadre dans une entreprise, a une vie familiale épanouie entre son épouse, Mireille, et ses trois enfants. Marc, est considéré comme le raté de la famille. Il est écrivain mais n’a encore jamais publié ; il est solitaire et il est tellement fauché qu’il ne peut payer le loyer de son appartement miteux.
Mais tout n’est pas aussi simple et la réalité est complexe comme le sont aussi les rapports familiaux entre une mère et ses fils et les liens qui unissent une fratrie. Au cours de cette nuit, entre affrontements et disputes, bagarres et confidences, moments d’émotions, coups de gueule et entente pacifique, les deux frères vident leur sac. Ce qu’il y a à l’intérieur du sac? Des souvenirs d’enfance communs faits de complicité et de fraternité mais aussi des sentiments mêlés, jalousie et admiration, dévouement et rivalité, incompréhension, chacun s’enfermant dans son égoïsme et dans les drames de sa vie. Et puis, dans chacun des deux frères, bien cachée, inavouée, mais éclatant par inadvertance, la part du petit enfant qui existe en chacun de nous et qui réclame l’amour d’une mère, sa compréhension, l'acceptation de ce que l’on est. Et qu’il est difficile de guérir des plaies de l’enfance, notre existence entièrement ne se construit-elle pas avec ou contre nos parents?
Ce beau texte si juste, si vrai, est un moment de bonheur. Le spectateur est suspendu aux lèvres des comédiens qui en rendent les moindres nuances avec humour, émotion et subtilité. Un excellent spectacle !

 La Belle Equipe/ Coproduction Batala
Interprète(s) : Christophe De Mareuil, Guillaume Destrem 
Mise en scène : Eric Rouquette 
Décor : Olivier Hébert 
Lumière : Arnaud Dauga 
Régie générale : Charlotte Dubail 
Création graphique : Marie-Hélène Guérin 
Diffusion : Cathie Simon-Loudette

Festival IN d'Avignon 2016 : Tigern, La Tigresse de Gianina Carbunariu salle Benoît XII


Voir l'origine de cette photo Ici

Gianina Carbunariu, l’auteure de Tigern est roumaine. C’est un fait divers, un tigre échappé d’un zoo dans une petite ville de Roumanie, qui lui a inspiré cette pièce. A travers cet animal en liberté dans la ville, Gianina Carbunariu pose le problème de la peur de l’autre, de la haine de l’étranger dans son pays. Mais ceci est vrai dans toute l’Europe où la montée de l’extrême-droite et le développement des discours populistes attisent les haines raciales. Sofia Jupither qui a assuré la mise en scène est suédoise et elle a reconnu dans la pièce la Suède et les Suédois confrontés à des phénomènes similaires.
«  Le détour par l’animal, explique Sofia Jupither permet de parler des humains. C’est un procédé typique de la fable »
La pièce est conçue comme un documentaire avec un décor neutre, un grand mur contre lequel sont alignées des chaises, une table avec un micro, studio de radio ou de télévision, ou micro-trottoir dans une rue. Les témoins racontent ce qu’ils ont vécu car, après la mort de l’animal, les médias se sont emparés de l’histoire. Ce sont des marginaux comme ce couple de SDF qui exploite la tigresse, des personnes modestes comme ce vieillard solitaire qui lui viendra en aide. Mais il y a aussi ce riche bourgeois qui fait acte de violence envers elle et tant d’autres, du touriste qui la photographie à l’infirmier qui la soigne jusqu’aux animaux du zoo qui lui reprocheront de payer les conséquences de son choix, la liberté.
Sofia Jupither a choisi de faire jouer ses comédiens d’une manière distanciée, sans émotion, et d'utiliser une arme redoutable, l'humour. Car la situation est absurde si l’on imagine tous ces gens parlant à une tigresse mais ce qui est dit est d’une violence extrême si l’on a conscience que les mots s’adressent à un être humain. La pièce explore les réactions de peur face à l’altérité, la haine de l’autre, le mépris du riche envers le pauvre, le rejet, la violence qui va jusqu’à la mise à mort.  Une violence qui culmine sur les cris de ceux qui regrettent jusqu’à la dictature et réclament un nouveau Ceausescu!
Les comédiens sont excellents. J’ai aimé, entre autres, le trio du corbeau, du moineau et du pigeon. Le spectateur rit beaucoup tout en étant pénétré par la signification de la fable! La pièce est un appel à la réflexion, à la compréhension de l’autre. C’est une sonnette d’alarme qui nous dit qu’il ne faut pas céder à la haine sous peine de sombrer dans le chaos.
Olivier Py a voulu que le théâtre soit une arme cette année et il l’est : Les Damnés, Tristesses dont je n’ai pas encore parlé ici et maintenant Tigern sont des questionnements forts sur ce que nous sommes en train de vivre en Europe!

samedi 16 juillet 2016

Festival OFF d'Avignon 2016 : La valse du hasard de Victor Haïm au théâtre l'Arrache-coeur


La valse du hasard de Victor Haïm au théâtre de l’Arrache-coeur est un texte étrange, original où humour et drame se côtoient.
Imaginez-vous à la place de cette femme qui vient de mourir dans un accident de voiture (plutôt de sa faute, d’ailleurs, elle allait à 200 km heure et elle avait bu!) et qui, propulsée au ciel, rencontre un ange! Il la soumet à une sorte d’examen de passage dont l’issue n’est autre que le paradis ou la damnation éternelle! Vous imaginez le stress? Surtout quand l’ange paraît des plus capricieux, pour ne pas dire pervers, et vous retire des points sans que vous parveniez à comprendre les règles du jeu si cela en est un!
L’antichambre de l’éternité est encombrée de valises qui représentent l’âme des morts et l’ange est en contact direct avec dieu par une machine qui a les fonctions du fax mais… divin!
Cette rencontre est l’occasion d’un duo éblouissant entre deux comédiens de talent. Patrick Courtois, machiavélique à souhait, nous entraîne dans ce jeu du chat et de la souris au cours duquel il semble se délecter, - le spectateur aussi- , ramenant d’un coup de griffe sa victime, au moment où elle s’y attend le moins et croit pouvoir s’échapper ! Victime, oui, mais pas sans ressource ! La comédienne Marie Delaroche est de taille à disputer, face à cet ange cruel, une joute oratoire savoureuse pour le spectateur qui compte les coups.
Mais au cours de cette lutte la femme est obligée d’abandonner peu à peu les règles sociales en vigueur sur la terre :  ici le jeu de la séduction n’est pas de mise, le mensonge non plus, ni la flatterie, ni le calcul. Ici les lieux communs, les phrases toutes faites, les préjugés n’ont plus cours. Aucun échappatoire. Au fur et à mesure qu’elle nous conte son histoire, elle se dépouille de tout ce qui la retient à sa vie terrestre, et se révèle telle qu’elle est jusqu’à l’aveu final, douloureux mais salvateur.  Au total, c’est l’histoire d’une vie que nous venons de voir défiler devant nous, celle d’une femme fragile, avec ses défauts et ses faiblesses, souvent une proie dans le monde des hommes et qui a beaucoup souffert!
Un excellent spectacle!
 Fam Prod
Interprète(s) : Marie Delaroche, Patrick Courtois 
Mise en scène : Carl Hallak, Patrick Courtois 
Lumières : Philippe Quillet 
Costumes : Rick Dijkman 
Décors : Bernard Bourdeu 
Musique : Sylvain Gazaignes 
Régie : Rodrigue Louisar



Festival OFF d'Avignon 2016 : Quand je serai grande... Tu seras une femme, ma fille au théâtre l'Arrache-coeur




Être une femme. Avec les rêves que l’on avait petite fille. Avec les rêves que l’on a pour nos filles.
La comédienne seule en scène incarne 4 générations de femmes, avec leurs doutes, leurs espoirs, leurs contradictions.

Quel beau spectacle que ce Quand je serai grande, discrètement et sympathiquement féministe, plein d’humour et de nostalgie et si bien interprété par la comédienne Catherine Hauseux !
Celle-ci fait revivre pour nous quatre générations de femmes et elle est tour à tour Isabelle, Françoise, Maeva, Henriette, incarnant avec une vérité étonnante tous les âges de la femme de milieux sociaux et d'époques différentes, du XX siècle à nos jours. Une mention spéciale pour sa prestation de jeune fille beur, résolue à faire son chemin dans la vie grâce aux études et à échapper à la tyrannie du grand frère, ou encore pour la charmante et émouvante vieille dame qui, même en fin de vie, a le regard tournée vers l’avenir, c'est à dire vers sa petite fille, celle qui ne s’en laissera pas compter et qui représente l’espoir de liberté pour la femme.
La structure de la pièce écrite par Catherine Hauseux d’après des témoignages de femmes de 18 à 90 ans, mise en scène par Stéphane Daurat, n’est pas chronologique. C’est c’est peu à peu, au cours de ces monologues, avec des retours en arrière et des avancées dans le temps, que l’on assiste à la lente évolution de la condition féminine, que l’on passe des rêves avortés des unes à la libération des autres, de la grossesse obligée à la maîtrise des moyens de contraception, évolution qui correspond aussi à celle des hommes, du père lointain au papa concerné! J’ai aimé aussi la scénographie, ce linge blanc étendu sur des cordes, symbole de La corvée féminine par excellence, sur lesquels sont projetées des images du temps passé.
Ne ratez pas ce spectacle intelligent, alliance réussie entre un beau texte chargé d’émotion et d’humour et une interprète pleine de sensibilité.

Et bien sûr, pour le sous-titre Tu seras une femme, ma fille, vous avez reconnu le poème de Kipling mis au féminin.

vendredi 15 juillet 2016

Festival OFF d'Avignon 2016 : La reine de beauté de Leelane au théâtre des Corps Saints



L'action de La reine de beauté de Leelane de Martin McDonagh se situe dans un village pauvre du  Connemara, de nos jours ! La région offre peu de perspectives d’avenir, le chômage est important et les jeunes partent travailler en Angleterre où ils sont méprisés et exploités. C’est à travers quatre personnages que McDonagh fait revivre cette région d’Irlande qu’il connaît bien et ce milieu rural populaire dont il utilise la langue assez pittoresque bien servie par la traduction. Celle-ci rend, en effet, le côté primaire des personnages qui ont peu de vocabulaire et appartiennent à une classe sociale défavorisée. Pourtant, malgré la maladresse et la simplicité du ton, j'ai été émue par la lettre de Pato à Maureen et par la manière touchante dont il exprime son amour.

Maureen est une femme de quarante ans qui doit s’occuper de sa mère Mag, une femme méchante, exigeante, égoïste, qui fait tout pour la maintenir à son service en l’empêchant de vivre sa vie.  Maureen est amoureuse de Pato, son ami d’enfance, qui la proclame Reine de beauté de Leelane. Il lui écrit pour lui demander de la suivre dans son exil aux USA et confie sa lettre à son petit frère Ray. Mag va tout mettre en oeuvre pour faire échouer ce projet.

Les thèmes de la pièce sont riches et révèlent l'Irlande profonde, celle qui n'a pas encore totalement évolué.  La pauvreté, le chômage et l’exil en sont les thèmes majeurs ainsi que le poids de la religion qui prive Maureen d’une sexualité normale et la maintient auprès de sa mère malgré la haine réciproque qu’elles éprouvent l’une envers l’autre; portée à son paroxysme, cette haine peut déboucher à tout moment sur la folie et Sophie Parel qui interprète Maureen a un jeu exacerbé qui exprime la tension extrême de ce personnage et la fait paraître prête à basculer dans la violence.
La reine de beauté de Leelane est une pièce pessimiste qui touche et remue et il faut tout l’humour de McDonagh son auteur et la mise en scène enlevée, rapide, incisive voire coup de poing de Sophie Parel pour faire passer la pilule! Car on rit beaucoup au cours de cette pièce, un humour noir, corrosif qui ne laisse pas indifférent! Et puis il y a, outre Sophie Parel, les trois autres comédiens, Catherine Salviat qui est Mag, Gregori Baquet, Pato, et Arnaud Dupont, Ray, qui  interprètent magistralement tous ces personnages et provoquent le rire, font naître l’émotion. Un très bon spectacle!

Festival OFF d'Avignon 2016 : Tous contre tous d'Arthur Adamov et Les bêtes de Charif Ghattas au théâtre des Halles


Tous contre tous

Tous contre tous est une pièce interprétée en coréen (surtitrée en français) par les jeunes comédiens de l’Université nationale des Arts de Corée et mise en scène par Alain Timar. La pièce écrite en 1952 a pour thème les réfugiés. C’est un sujet que Arthur Adamov connaît bien : russo-arménien il a dû lui-même quitter la Russie avec ses parents, en 1914, quand il était enfant, pour l’Allemagne et la Suisse. Dans Tous contre tous, à la fin de la seconde guerre mondiale, Adamov fait allusion à la déportation des juifs et des minorités mais aussi aux déplacements de population liés aux nouvelles frontières de 1945. Mais, bien sûr, ce thème repris de nos jours est plus que jamais au centre de l’actualité contemporaine. 
Le sujet m’intéresse mais je n’ai pas été entièrement accrochée. Tout d’abord  la mise en scène me rappelle trop celle que Alain Timar avait concoctée pour Ubu Roi et que d’ailleurs j’avais énormément aimée ! Les comédiens sont tous en scène et changent des costumes pour incarner l’un ou l’autre des personnages. Leur manière d’évoluer très symétrique, un peu mécanique, pour souligner l’oppression, la dictature, le racisme, est justifiée, certes, mais met en valeur ce qui ne m’a pas plu dans la pièce, son aspect démonstratif. En effet, sa structure repose sur une symétrie : lorsque  la population du Sud émigre vers le Nord, il est pris en haine par ceux qui les accusent de leur prendre leur travail, mais lorsque le Nord fuit vers le Sud, la même situation se reproduitb! Histoire de montrer comme le disait Cavanna qu’on « est toujours le Rital de quelqu’un » ! Mais on avait compris, merci ! Comme souvent dans les pièces « engagées » d’une certaine époque, le dramaturge enfonce le clou pour se faire comprendre, d’où une insistance et un aspect répétitif assez ennuyeux et ceci d’autant plus que les personnages ne sont pas vraiment des êtres humains mais servent à la démonstration.

 Les bêtes


L’autre pièce mise en scène par Alain Timar est de Charif Ghattas. C’est une satire de la bourgeoisie qui se veut féroce : un couple Line et Paul collectionnent à eux deux tous les défauts de cette classe sociale aisée mais vide, intéressée seulement par l’argent et sans conscience, sans état d’âme quant à la manière de le gagner ! Superficiels en amitié, snobs quand il s’agit de relations humaines ou d’oeuvres d’art mais finalement peu cultivés, ils ne sont qu’apparence, une façade sans rien derrière ! Mais tout va changer quand ils font entrer chez eux un SDF.
Et c’est là que la pièce m’a déçue. J’espérais que l’histoire allait introduire un homme du peuple, un vrai, un personnage de chair non une idée, quelqu’un qui menacerait - même momentanément - l’équilibre du couple en lui opposant une réalité sociale. Il n’en est rien ; le SDF est du même milieu, il n’introduit pas une dimension humaine dans l’action. En fait, il est aussi pourri qu’eux et couchera avec tout le monde donnant ainsi à la pièce un petit air de vaudeville, de théâtre de boulevard. Dommage ! Tous ces personnages sont peu intéressants. La pièce est brillante, peut-être ? Méchante, sûrement ! Mais superficielle ! Un exercice de style qui fait rire mais ne me touche pas ! Par contre les comédiens qui interprètent les trois personnages sont excellents et nul doute qu’ils n’obtiennent beaucoup de succès.

lundi 11 juillet 2016

Festival Off d'Avignon 2016 : Une heure avec Montaigne au théâtre Carnot par Delphine Thellier



L’ami de toujours, l’amoureux de la gaité, de la volupté, le philosophe du peuple se confie en direct... 
Où il est question de renard sur la glace, de fourmis, de cannibales, de chute de cheval, de branloire pérenne, de fève dans le gâteau, de tintamarre philosophique, de soleil flamboyant...

Je suis allée ce matin voir Une heure avec Montaigne au théâtre Carnot. Vous comprenez combien ce spectacle m’attire puisque mon blog Ma librairie est dédié à ce philosophe.


Delphine Thellier a choisi de donner une version en langue moderne, tout en conservant certains termes du XVIème siècle  si évocateurs et truculents. Quel bonheur un texte pareil quand vous le connaissez parfois par coeur et que vous attendez avec délectation les mots qui vont venir, retenant votre envie de les dire à la place de la comédienne ! Elle est seule, assise sur une chaise, dans ce que j'ai imaginé être "la librairie" du château de Montaigne, avec ses poutres gravées de maximes grecques ou latines, et l'on entend les chants d'oiseaux dans le jardin alentour. Le spectacle s'apparente à une causerie ou plutôt à un soliloque au cours duquel Montaigne, comme il aime le faire, laisse divaguer sa pensée, nous entretient de sujets divers et d'abord nous invite à jouir de la vie.

Notre grand et glorieux chef d'oeuvre, c'est de vivre à propos. Toutes les autres choses, régner, thésauriser, bâtir n'en sont, tout au plus, que de petits appendices et des accessoires.

Une heure passée avec l’ami Montaigne est toujours enrichissante et comme Delphine Thellier met en valeur avec simplicité les moindres nuances du texte, en distille l’humour, nous laisse en savourer le sens, il ne nous plus qu’à nous laisser séduire par cette pensée si riche, si actuelle et si pleine d’une sagesse que nous ferions bien de faire nôtre, quand il s’agit de tolérance, de modération, et d’amour de la vie.

Delphine Thellier est aussi le Candide de Voltaire dans le spectacle suivant à 11H30 au Théâtre Carnot. je vous laisse admirer la beauté et la sobriété des affiches de ces deux spectacles. Il y a tant d’affiches laides et criardes dans le festival qu'il est agréable d'apprécier celles qui ne le sont pas.



samedi 9 juillet 2016

festival OFF d'Avignon 2016 J'ai hâte d'aimer au théâtre du Balcon/ Casablanca 41 au théâtre du Centre


J’ai hâte d’aimer.

J’avais vraiment beaucoup aimé l’année dernière le spectacle de la Compagnie interface : L’oubli des anges, entre danse, théâtre et musique. ( voir billet ici) je suis donc allée voir aujourd’hui J’ai hâte d’aimer.

« J’ai hâte d'aimer est le fruit de la rencontre extraordinaire entre la Cie INTERFACE et Francis Lalanne.
Un spectacle aux multiples langages, hymne à la naissance, hymne à ces instants où l'univers se présente à soi dans toute sa splendeur et sa force.
Après avoir vécu J'ai hâte d'aimer, on se souvient que tout part du rêve et que quand le rêve disparaît, la vie s'éteint. »
J’avoue que j’ai été un peu déçue par la prestation de la compagnie Interface cette année. j’ai trouvé le spectacle un peu brouillon, pas toujours clair au niveau du sens et surtout il manque cette esthétique épurée, cette précision de la gestuelle, ce dépouillement qui, dans le spectacle L’oubli des anges, ouvrait sur l’émotion. J’ai hâte d’aimer présente, cependant, de beaux moments, la danseuse Géraldine Lonfat est très harmonieuse et l’ensemble des chanteurs et des danseurs est de qualité. Mais l’univers que j’avais tant aimé dans la compagnie a disparu.


Compagnie Interface
auteurs : Géraldine Lonfat / André Pignat / Francis Lalanne 
  • Interprète(s) : Francis Lalanne, Géraldine Lonfat, Thomas Laubacher, Paul Patin, Virginie Quigneaux, Daphné Rhea Pélissier, David Faggionato
  • Chorégraphe : Géraldine Lonfat
  • Metteur en scène et compositeur : André Pignat
  • Auteur : Francis Lalanne
  • Régisseur : Jérôme Hugon

Casablanca 41


Casablanca 41 semblait me promettre une atmosphère semblable à celle du film de Michael Curtis même si je savais que la pièce de théâtre était autre chose… Il s’agit, en effet, de l’histoire de réfugiés qui attendent leur départ vers l’Amérique sur un paquebot dans le port de Casablanca. Certains n’ont pas de papiers, d’autres ont de fausses identités et sont dans l’angoisse d’être découverts et arrêtés par la Gestapo ou la police de Vichy avant même d’avoir pu partir !
En fait, je n’ai pas aimé le texte de la pièce. L’auteur, Michal Laznovsky, d'origine tchèque, règle surtout ses comptes avec les communistes de son pays et Casablanca, le climat délétère qui y règne à l’époque semblent moins l’intéresser. L’histoire est un peu confuse et les personnages aussi : qui est le mari de Martha ? Est-ce celui qui est parti ? Et si oui, alors, qui est le mort caché sous son lit, qu’elle dit être son mari ? Qui est réellement celui qui se dit être un « cueilleur » d’informations ? Un espion ? Et Olinka ? Qui est cette femme? Une Mata Hari comme elle le suggère en plaisantant et comme semble l'indiquer les messages codés qu'elle capte ? Et pourquoi cette piste est-elle abandonnée ?
 De plus, la mise en scène manque un peu d’inventivité.  Ainsi on aurait pu attendre de l’humour (noir) lorsqu’ils se débarrassent du cadavre ou lorsque le non-juif dit qu’il est juif pour échapper aux communistes, à une époque où, pourtant, rien n’est plus dangereux que de se reconnaître juif! Là où tout est sur le même plan, un changement de ton aurait été le bienvenu.
J’ai donc trouvé la pièce décevante par rapport à mon attente.

 

Compagnie Golem théâtre
Casablanca 41 auteur : Michal Laznovsky 
  • Interprète(s) : Bruno La Brasca, Jacques Pabst, Muriel Sapinho, Frederika Smetana
  • Mise en scène : Michal Laznovsky
  • Scénographie : Daniel Martin
  • Univers sonore : Gilbert Gandil
  • Lumières : Guillaume Jargot
  • Costumes : Hélène Battais
  • Chargée de diffusion : Linda Journet