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mercredi 28 mars 2018

Delphine Roux : La balade d'Asami



La balade d’Asami de Delphine Roux paru aux Editions l’école des Loisirs est un charmant petit album qui s’adresse aux jeunes enfants.

La maman d’Asami n’a pas le temps de jouer avec elle. Comment la fillette va-t-elle s'occuper ? Nous la suivons dans la balade qu’elle fait dans la campagne avec son chien au cours de laquelle elle cueille des fleurs des champs, des épis de blés ou feuilles de lierre, des fils de laine emportées par un oiseau. Mais que va-t-elle en faire une fois arrivée à la maison?



Ma petite fille Apolline (8 ans) après m’avoir dit que ce livre était plutôt pour son petit cousin (5ans) car le texte est court et très simple, a regardé avec moi ces pages joyeusement colorées et les a beaucoup aimées. Chacune de nous deux avait sa préférée : 
Pour Apolline c’était la bleue avec ses fleurs de lin et sa mésange



pour moi la rouge avec ses cerises et ses coquelicots.



Les illustrations de Pascale Moteki sont très douces et respirent le bonheur. L’esthétisme japonisant ajoute du charme à l’ensemble.



Ce livre part d’une réalité quotidienne, une maman trop occupée …  et dit que l’ennui n’est pas inévitable et qu’un enfant peut trouver des ressources pour ne pas s’ennuyer. Ici, c’est la beauté de la nature qui est reçue comme un cadeau. L’histoire parle aussi du bonheur familial avec la dernière image du papa et de la maman, d’Asami et du bébé.

En bref, cet album est une agréable lecture à partir de 3 ans mais les plus grands peuvent aussi l'apprécier.




Merci à la librairie Dialogues et aux éditions L'école des loisirs

Logo d'Apolline

mardi 27 mars 2018

Karel Capek : La guerre des salamandres



La guerre des salamandres de l’écrivain tchèque Karel Capek est l’un de ces livres dont le titre m’a interpellée pendant des années, cité très souvent comme l’un des plus  grands classiques de la science-fiction politique et aussi comme un texte visionnaire. Une de ces oeuvres dont vous vous dites chaque fois : "Il faut que je la lise » ! Lecture à faire toujours repoussée, oubliée, mais qui reste dans un coin de votre mémoire. Et puis soudain dans le cadre du mois de La littérature de l’Europe de L’Est, voilà que, sans l’avoir cherché, à la bibliothèque, je tombe sur ce livre. Enfin !!

« Que dirions-nous si une espèce animale autre que l’homme proclamait que, vu son nombre, elle possède seule le droit d’occuper le monde entier et de dominer toute la nature » écrit  Karel Capek quand il publie La guerre des salamandres. Nous sommes en 1936. Hitler est au pouvoir depuis 1933 et Capek ajoute à propos de l’histoire qu’il a imaginée dans  laquelle les salamandres prennent le pouvoir : «  La critique l’a qualifiée de roman utopique. Je m’élève contre ce terme. Il ne s’agit pas d’utopie, il s’agit d’actualité. ». Une actualité qui allait bientôt aboutir à la deuxième plus grande boucherie du XX siècle mais Capek ne serait plus là pour la vivre. Il est mort en 1938.  On peut dire pourtant qu’il l’avait prévue.
La salamandre géante de Chine : 200 ans, 1m 40, 50 kg

Dans une petite île près de Sumatra, le capitaine Jan Van Loch découvre une espèce de salamandres douées d’intelligence, adaptées au milieu marin, qu’il décide d’utiliser pour exploiter les perles huitrières. C’est le début d’un capitalisme paternaliste à petite échelle et encore humain, car le capitaine adore ses salamandres et veille à ce qu’elles ne soient pas maltraitées. Mais à sa mort, plus rien ne retient les grandes sociétés capitalistes et c’est par millions qu’elles élèvent les salamandres, les vendent, les utilisent pour tous les grands travaux sous-marins, les instruisent militairement et leur donnent des armes pour faire d’elles de la chair à canon. Mais…. Les salamandres de plus plus nombreuses se révoltent et prennent le pouvoir.

Dans ce roman Karel Capek, sous le couvert d’un roman fantastique, dénoncent  toutes les abjectes idéologies en isme en commençant par le capitalisme, le nationalisme, le militarisme et l’impérialisme, le racisme…
Les salamandres représentent  les classes laborieuses malheureusement exploitées, des êtres intelligents considérés comme du bétail, achetés et vendus comme jadis les esclaves africains, sujets d’expériences médicales pour les progrès de « la science »,  puis au fur et à mesure que les salamandres développent une intelligence supérieure et que leur nombre s’accroît, elles vont symboliser l’impérialisme qui chercher à accroître ses territoires au détriment des autres peuples, puis la dictature en prenant le pouvoir.

 Karel Capek manie l’humour avec brio, et épingle tour à tour toutes les nations, en mettant en valeur leurs travers et leurs faiblesses et chacun en prend pour son grade, l’antisémitisme des allemands, l’orgueil et la prétention à la supériorité des anglais, le racisme des Etats-Unis avec les agissements haineux du Ku kux Klan, la vanité culturelle des français, et ceci pour notre plus grand plaisir !
Sous cette apparente de légèreté, le propos est pourtant sombre et grave car Capek a une vision lucide de la société de son temps et des dangers du national-socialisme. C’est un monde bien réel que l’écrivain dénonce et dont il fait la satire. Il déjà tout compris  de ce qui est en train de se mettre en place en Allemagne.
Tout en soulevant les questions philosophiques et morales liées à l’exploitation des salamandres, il réalise aussi une satire des législateurs qui multiplient les lois sans se mettre d’accord et sans cohérence, des savants qui écrivent des thèses d’une vacuité absolue.
Et il observe la menace montante du totalitarisme et les réponses inadéquates des nations qui laissent se développer cette peste brune sans réagir, des journaux qui ne s’intéressent qu’au sensationnel, à l'anecdote croustillante, et trahissent leur rôle d’éclaireur et d’éveilleur, du cinéma qui joue sur le strass et les paillettes et ne se préoccupe que de l’intérêt économique du film, n’apportant ainsi aucune réflexion sur le monde en crise.
Et oui, l’on rit en lisant La guerre des salamandres mais l’on ne peut s’empêcher de penser avec effroi à «l’ actualité » - du propos comme le soulignait l’écrivain lui-même -,  une actualité qui est aussi et toujours la nôtre et pas seulement celles des années 1930. A lire !!


Nommé sept fois pour le Nobel de Littérature en 1932 et 1938, Karel Čapek, né le 9 janvier 1890 à Malé Svatoňovice dans la région de Hradec Králové en Bohême, mort le 25 décembre 1938 à Prague, est l'un des plus importants écrivains tchèques du XXᵉ siècle







lundi 26 mars 2018

Alice Zeniter : L’art de perdre






Avec L’art de perdre, Alice Zeniter, écrit un livre sensible, intelligent,  qui explore toute la complexité de l’avant et de l’après-guerre d'Algérie en introduisant l’humain, à travers les membres d’une famille algérienne qui a vécu les évènements.
Le récit d'Alice Zeniter ne se départit jamais d'un ton calme, sans ressentiment et sans haine. Il s'agit de comprendre, non de juger ! J'ai beaucoup aimé aussi son rapport aux mots, à leur origine, à leur sens mais aussi à leur impact parfois redoutable comme une blessure.

Ce beau livre me rappelle bien des souvenirs. J’étais enfant puis adolescente pendant la guerre d’Algérie et dans notre quartier l’on voyait partir des jeunes français qui n’en avait rien à faire de l’Algérie Française mais qui devait se battre au nom d’un idéal qui n’était pas le leur, le colonialisme. Je me souviens encore du jeune homme qui n’est jamais revenu et de cette foutue guerre qui n’en finissait pas, menaçant mon frère aîné d’un départ vers… là-bas ! Je me souviens aussi qu’après la guerre, le mot "harki" résonnait péjorativement en France, synonyme, me semblait-il alors, de "traître" à leur pays. Beau remerciement de la France pour laquelle ils avaient combattu et qui les parquaient maintenant dans des camps insalubres ! Mais de cela, je n’en étais pas vraiment consciente à l’époque ! Je me souviens des attentats de l’OAS, je me souviens aussi de la longue interdiction du film  J’avais vingt ans dans les Aurès et de la chape de silence qui régnait alors en France quant à cette guerre. Mais là ce sont des souvenirs côté français !

Aussi le roman d’Alice Zeniter qui présente par l’intérieur le vécu des Algériens me paraît passionnant, lucide et aussi utile sinon indispensable. En contant la saga familiale qui commence avec le grand-père Ali, montagnard kabyle, devenu « harki » un peu malgré lui, de sa grand-mère Yema, de Hamid son père déraciné en 1962, Naïma, la jeune narratrice (mais l’on se doute, bien sûr, qu’elle est la soeur fictive d’Alice), nous fait prendre conscience de la douloureuse odyssée vécue par cette famille. C’est autre chose de le savoir intellectuellement et de le vivre par l’intérieur, en empathie. Les personnages sont vivants, complexes dans leurs hésitations, leurs atermoiements vis à vis de l’Algérie et de la France. On s’intéresse à leurs sentiments, mais aussi à leurs mentalités, leurs manières de vivre, de penser, leurs peurs et leurs souffrances. On apprend à les connaître dans leur vie algérienne puis, lorsqu’ils sont en France, dans leur lutte pour survivre aux logements sordides, au froid, à la pauvreté, au mépris des français et dans leurs efforts pour une vie meilleure. Est-ce cela l’art de perdre ?
 Je me suis vraiment intéressée à la quête de Naïma, à la recherche de ses ancêtres, à son voyage en Algérie pour retourner sur leurs traces  et qui montre combien les algériens subissent eux aussi, à l’heure actuelle, les pressions et les dangers du terrorisme islamique.
De plus, tout en éclairant le passé, Naïma-Alice montre les blessures que celui-ci a creusées et les répercussions qu’il a sur le présent sur la jeunesse française.

Un très bon roman, à lire à la fois pour plaisir de la lecture et pour le désir d'en savoir plus sur une page bien sombre de l'histoire française.

Alice Zeniter, née en 1986 à Clamart, dans les Hauts-de-Seine, est une romancière et dramaturge française. Kabyle par son père, normande par sa mère, elle a écrit cinq romans : le premier, Deux moins un égale zéro, est paru en 2003 alors qu'elle avait 16 ans. Son second roman, Jusque dans nos bras, est publié en 2010, chez Albin Michel, Sombre Dimanche en 2013 et Juste avant la nuit (prix Renaudot) en 2015.  Elle obtient le Prix Goncourt des lycéens 2017 avec son quatrième roman L'Art de Perdre et a été finaliste au Goncourt..




samedi 24 mars 2018

André Gardies : Derrière les ponts




C’est une enfance dans un quartier populaire de Nîmes que nous décrit André Gardies dans Derrière les ponts paru aux éditions du Mont. Excentré, ce quartier présentait encore un air de campagne à la fin des années 30 avec ses petites fermes aux jardins maraîchers coincées entre des parcelles en friche et un « ruisseau-égoût », qui faisait le bonheur des petits Robinsons et autres Mohicans inspirés par le fameux magicien Mandrake, héros de Bande dessinée !  C’est là que se déroule l’enfance d’André, le narrateur et de son frère René, tous deux adoptés, à la mort de leurs parents, par leurs oncle et tante.

 Derrière les ponts n’est pas un récit initiatique classique. Il est fait de courts chapitres indépendants entre eux et qui forment pourtant un tout, de la petite enfance à l’adolescence, du balbutiement à la connaissance, de l’école au collège, des jeux de billes à l’éveil de la sexualité, à la découverte de l’amour.
Les premiers souvenirs sont flous, ils affleurent par petites touches subtiles, impressionnistes : la poignée de porcelaine - la vue-, le grondement sinistre des avions bombardiers pendant la guerre -l’ouïe-, et puis la cave et ses odeurs de salpêtre, de charbon, de pommes de terre fripés et de fruits de l’automne. Toutes ces « impressions » donnent lieu à de belles pages d’où le souvenir auréolé de brouillard semble émerger doucement. Comme un puzzle, c’est d’ailleurs l’un des titres de chapitre, comme un puzzle qui se reconstituerait lentement mais dont il manquerait toujours quelques pièces perdues.
C’est ainsi que André Gardies envisage la reconquête du souvenir :

 «  A vrai dire, il rêvait d’un puzzle impossible, celui où chaque pièce ne s’articulerait aux autres qu’en laissant autour d’elles une sorte d’espace improbable qui permettrait des agencements multiples. C’est à partir du flou de sa configuration finale que le dessin serait alors devenu évocateur et suggestif. »

Peu à peu, au fur et à mesure que l’enfant grandit et se dirige vers l’âge adulte, les souvenirs se font plus précis mais viennent y interférer les réflexions de l’homme âgé. En se retournant sur son enfance, le narrateur reste conscient que la résurrection du souvenir est illusoire et se heurte à la réalité. Ainsi, lorsqu’il revient dans le mas où, jadis, il passait ses vacances, tout lui paraît avoir rétréci :

« L’expansion magique du souvenir ne peut s’accommoder de proportions si réduites. Une fois sorti de la tasse de thé, le monde ne peut y retourner. Rien à faire, le génie qui s’est échappé de la lampe n’obéit plus; il refuse de réintégrer son logis. Comme les indiens d’Amazonie, le temps a embaumé le mas en le réduisant à la taille de ses trois petites lettres ».

Il y a quelques pages magiques que je veux noter même si je ne peux toutes les citer. J’ai déjà parlé de cette poignée de porcelaine « lourde et pleine comme un oeuf luisant ». Il y a les pages poétiques des saisons qui défilent, automne, été… Celles pleines d’humour consacrées à la grandeur et décadence du journal quotidien ou encore à la rivalité de Nîmes, Arles et Alès, ou celles encore, étonnantes, précises, comme au scalpel, dédiées au fruit hermaphrodite, la figue, et au pouvoir érotique des branches du figuier, l’arbre véritable de la Chute. 

Un beau livre, bien écrit, qui est à la fois un recueil de souvenirs d’enfance et une réflexion sur la difficile résurrection du passé.

jeudi 22 mars 2018

Gwenaelle Péron/ Pierre Reverdy : Avant l'orage, Printemps des poètes 2018

Pierre reverdy peint par Modigliani

Dans son blog, l'artiste-peintre, Gwenaelle Péron, a célébré le printemps des poètes en choisissant des poésies qu'elle interprétait à travers sa peinture. Une belle alliance entre le texte et l'image que je vous invite à aller voir et lire ! Chez Gwenaelle ICI

Ainsi l'oeuvre suivante a été exécutée pour répondre au poème de Pierre Reverdy, Le côté bleu du ciel, Reverdy qui est un de ses poètes préférés

Gwenaelle Peron : le côté bleu du ciel voir ici

A mon tour j'ai choisi un poème de Pierre Reverdy, Avant l'orage, et j'ai cherché à le mettre en relation avec un tableau de Gwenaelle. Evidemment, cette peinture n'a pas été réalisée pour cette poésie mais  je l'aime beaucoup et je vois en elle une réponse à Avant l'orage. Qu'en pensez-vous ?
 
Gwenaelle Péron : A l'heure où les rêves ...

"Chevelures au vent /qui se sont dispersés / et tout ce qui s'élève / et qui s'en est allé"


Avant l'orage


Je marchais en chantant
                     Sur le chemin fermé
Le ciel était tombé à quelques pas
                              Parmi les pierres
 Je me suis arrêté
                       J'ai regardé derrière
Avec leurs bras levés
                   Cheminées de chaumières
Chevelures au vent
                       qui se sont dispersées
 Et tout ce qui s'élève
                       Et qui s'est en allé
Dans ma poitrine vide
                      Une goutte est tombée
Une goutte de pluie 

               lourde comme une larme
En regardant plus loin
                 Et par-dessus les arbres

Pierre Reverdy recueil Source du vent (1929)

De quelques tableaux de Gwenaelle

Gwenaelle Péron : Elans contraires

Gwenaelle Péron : Avant la nuit peintre contemporain
Gwenaelle Péron : Avant la nuit
 
Gwenaelle Péron : Crépuscule peintre contemporaine
Gwenaelle Péron : Crépuscule

Gwenaelle Péron Roches miraculeuses peintre bretonne
Gwenaelle Péron Roches miraculeuses

L'Estran

Oui, j'aime vraiment beaucoup les tableaux de Gwenaelle, sa palette de bleus ou le rouge vient mettre des taches de sang, 


Gwenaelle Péron :  Brug du breton la bruyère peintre bretonne
Gwenaelle Péron :  Brug

ou ses verts oniriques qui semblent noyer toute l'atmosphère.
 
Gwenaelle Péron  : Rendez-vous à la cascade


J'aime la variété de son style, du concret à  l'abstrait,  en passant par la géométrie pour exprimer le monde extérieur. 




J'aime les épaisseurs de la peinture, les collages qui donnent une matérialité à ce monde qui paraît parfois... immatériel, en particulier ces mers tour à tour tourmentées ou lisses, où la transparence évoque les profondeurs et cache quelques mystérieux détails d'Atlandide engloutie...

Gwenaelle Péron  : Ce qui nous sépare

Gwenaelle Péron : Scarlet night

ou encore ces villes fantômes, abstraites, qui émergent du brouillard.
Ambiance hivernale

Je vous invite aussi à aller lire les beaux textes qu'elle écrit et réunit dans un recueil intitulé Journal Extime

Je choisis le jeudi pour publier la poésie avec une pensée pour Asphodèle dont les jeudis poétiques nous manquent. Bises Isabelle si tu passes par ici !

Voir sa participation au printemps des poètes ICI


mercredi 21 mars 2018

Laurence Gillot : Albertus, l'ours du large



Après les vacances, voici le retour d'Apolline et de ses fiches de lecture.
Apolline va avoir 8 ans au mois de mars et elle est en CE1. Elle vous présente aujourd'hui une fiche de lecture : Albertus, l'ours du grand large, lu en classe, dans le cadre du concours annuel des Incorruptibles qui demandent aux enfants d'élire leur livre préféré parmi les six choisis par des éditeurs, des bibliothécaires et des libraires. Chaque niveau vote. 


Titre : Albertus, l’ours du grand large

Auteure : Laurence Gillot

Illustrateur  : Thibaut Rassat

Editions : Milan

NB : Nous avons réfléchi Apolline et moi pour savoir s’il fallait vous dire la fin de l'histoire.  Apolline a dit non parce qu’elle veut vous laisser la découvrir. Je pense que oui parce que sinon l'on ne peut comprendre  l’enjeu du livre.
Finalement, chacune a fait ce qu’elle voulait et vous êtes libre de lire l’une ou l’autre ou les deux comme vous le désirez !

Résumé d’Apolline

 

Sur son navire, le capitaine Baltazar Babkine a trouvé un petit ours en peluche tout mou. Il veut savoir à qui appartient le doudou parce qu’il n’y a que des hommes costauds à bord. Il mène l’enquête mais il n’arrive pas à trouver. Quand le bateau est arrivé à Calcutta en Inde, le capitaine décide de le donner à un enfant pauvre. Alors, un marin dit que le doudou est à lui et il va le donner lui-même à une petite fille de l’orphelinat. On verra pourquoi il a un ours en peluche à la fin du livre.

« Puis machinalement il pressa le ventre de l’animal et un « poueett »  transperce l’obscurité. ». Ceci est ma phrase préférée.




J’ai aimé cette histoire de générosité et d’amitié. Le capitaine me plaît parce qu’il est intelligent et qu’il ne se moque pas de celui qui a une peluche parce qu’il se souvient de son doudou quand il était petit et qu’il l’a perdu.
En donnant l’ours à une petite fille, le marin qui l’a perdu se sent bien parce qu’il a fait plaisir à la petite fille et que ça le console de ... (je ne vous dis pas de quoi). En partant, il achète un cadeau à sa femme et à sa fille.


Les images de Thibaut Rassat sont très très belles, elles sont noires et bleues avec des petites étoiles brillantes dans le ciel et dans la mer il y a des petits poissons dorés. On voit le ciré jaune du capitaine briller dans la nuit.



L’avis de la grand mère 



Voilà un autre livre de la sélection les Incorruptibles, année 2018, pour la classe de CE1.  
Albertus ou l’ours du grand large est le deuxième album préféré d’Apolline. Le second qu’elle vous a présenté en Février était  : « Cinq minutes et des galettes ». Je ne pourrais pas départager les deux; ils me plaisent autant l'un et l'autre.
S'ils viennent largement en tête, tous deux, dans la liste de ses coups de coeur de lecture d'Apolline, je constate que les deux traitent d’un sujet grave, la mort, mais ceci avec tact, délicatesse et optimisme. Certes la fin d'Albertus est pleine de nostalgie puisque le marin se sépare du petit ours qui appartenait à son petit garçon disparu. Le livre parle donc du deuil que l’on doit faire pour que la vie puisse continuer. Après avoir ri avec la petite orpheline à qui il donne le jouet, le marin va pouvoir de nouveau penser à sa fille aînée et à sa femme et dire oui à la vie. C’est très émouvant mais l’album est aussi plein d’humour, de malice et de tendresse.  
L’on rit des membres de l’équipage, ces grands et gros gaillards, aux biceps tatoués, à la tête de brigand (les illustrations sont vraiment très réussies) qui ricanent en parlant du petit ours mais qui vont se montrer plein de gentillesse et faire preuve de solidarité. Un très beau livre, aussi bien au niveau du texte que des illustrations qui distillent à la fois le rire et l’émotion.

Voir le concours des Incorruptibles et la sélection pour les  CE1



lundi 19 mars 2018

Leo Perutz : Le Judas de Léonard



Voilà le deuxième livre que je lis de l'écrivain tchèque, Leo Perutz. Quel auteur passionnant !  Après Le cavalier suédois, je viens de découvrir Le Judas de Léonard.  C’est à travers ce roman historique que Leo Perutz nous propose une réflexion sur l’art et sur l’homme et ses faiblesses.

La Cène de Léonard de Vinci

Nous sommes à Milan en 1498. Léonard de Vinci peint La Cène au couvent des dominicains Santa Maria delle Grazie. Peint ? Voilà des mois que la fresque n’avance pas au grand dam du prieur du couvent qui se plaint au duc de Milan. C’est bien mal connaître le processus créatif de l’artiste. Léonard de Vinci travaille et couvre ses carnet de croquis mais il ne peut avancer car il lui manque le modèle qui incarnera Judas. Léonard de Vinci pense, en effet, que le peintre doit « tirer enseignement de la nature et de partir d’elle. ».  Mais pour le trouver, il faut d’abord comprendre qui était Judas ? A-t-il trahi Jésus par cupidité ? avarice ? envie ? Non ! Il a commis une faute que même Jésus ne peut pardonner.

« Il l’a trahi lorsqu’il a compris qu’il l’aimait répondit le garçon. Il a pressenti qu’il ne pouvait s’empêcher de trop l’aimer et son orgueil le lui a interdit.
- Oui, le péché de Judas fut cet orgueil qui le conduit à trahir l’amour qu’il éprouvait , dit messire léonard. »

Dès lors le roman nous amène à travers les rues de Milan à la suite de ce Judas qui reniera son amour par orgueil et à côté duquel, en comparaison, les mauvais garçons des tavernes, les ivrognes, les voleurs, et même les meurtriers, peuvent être pardonnés. Pour l’anecdote, on retrouve aussi dans les lieux mal famés de la ville, le personnage de François Villon dont les contemporains ont perdu la trace mais que Leo Perutz campe ici dans le personnage fictif du poète  Mancino.
C’est avec talent que Leo Perutz donne vie à la cour du duc, à ce peuple de Milan épris d’art, à ces personnages hauts en couleurs, à ces artistes passionnés mais qui vivent dans la misère, à ces rues animées, tumultueuses. On suit avec intérêt l’histoire de « Judas », Joachim Behaim, ce marchand allemand, qui va refuser l’amour vrai et profond qu’il éprouve pour la douce et sincère Nicolla dont il juge l’origine sociale trop inférieure à la sienne.
Vous l’avez compris j’ai beaucoup aimé cet excellent roman et sa belle réflexion sur l'art et l'amour.

Contemporain de Franz Kafka, Leo Perutz est un écrivain majeur du XXe siècle européen. Né à Prague en 1882, il s’installe à Vienne à dix-sept ans. À partir de 1915, il publie une douzaine de romans avec un succès grandissant. En 1933, La Neige de saint Pierre est immédiatement interdit par les nazis en Allemagne. En 1938, suite à l’annexion de l’Autriche, il s’exile à Tel-Aviv où il n’écrira plus jusqu’en 1953, date à laquelle il publie son dernier roman, la Nuit sous le pont de pierre. Leo Perutz meurt en 1957 en Autriche, près de Salzbourg.
Ce « Kafka aventureux », selon les mots de Borges qui l’admirait, reste aujourd’hui à redécouvrir et à célébrer, tant pour la Troisième Balle, son premier roman, que pour le Maître du Jugement dernier (1923) ou la Neige de saint Pierre (1933). source bio : ici

Un des personnages du roman de Leo Perutz est un élève de Léonard de Vinci. Il s'appelle Marco d'Oggiono :

Marco d'Oggiono : fille aux cerises
Marco d'Oggiono: Le Christ bénissant
Marco d'Oggiono :copie de la cène de Vinci



dimanche 18 mars 2018

Nicolas Leskov : Le vagabond ensorcelé


Sur un bateau qui fait route sur le lac Ladoga, au nord-est de Saint - Péterbourg, le narrateur rencontre un personnage hors du commun, Ivan Severianovitch Fliaguine, un géant habillé en moine, qui, à la demande des passagers va conter son histoire.

Lac Lagoda
Le récit est enlevé, tumultueux, et la vie de Ivan, surnommé Golovan à cause de sa grosse tête (en russe golova signifie tête), se révèle aventureuse et pleine de  vicissitudes. Rien ne lui est épargné !  Serf, au service d’un comte, il devient comme son père, cocher, mais il sera chassé du domaine pour avoir maltraité la chatte de la barina. En danger de mort, car sans passeport, il est considéré comme un serf échappé. Il se réfugiera alors dans l’armée et deviendra militaire comme « connaisseur », c’est à dire expert en chevaux. Plus tard on le retrouvera prisonnier des Tatars dans l’immensité des steppes, puis amoureux fou d’une Tsigane. Il commettra plusieurs crimes avant d’entrer au monastère et de recevoir un don de prophétie. Mais les malheurs ne s’arrêtent pas là, au sein même de la communauté religieuse, le diable vient le tourmenter et il a plus d'un tour dans son sac, le diable !

Leskov se révèle comme un grand conteur. Il nous promène dans les grands espaces de la Russie, dans les milieux sociaux qu’il connaît bien, de la noblesse aux hommes du peuple. Il dresse des portraits intéressants, pittoresques. Il brosse de la Russie ancestrale un tableau véridique mais aussi satirique, à la fois cruel et plein d’humour. La noblesse est pleine de morgue, toute puissante, et le peuple y est exploité, soumis, superstitieux, mais aussi ivrogne, débrouillard, voleur…
Le récit me rappelle parfois le roman picaresque et Golovan est une sorte de Lazarillo de Tormes mais à la manière russe et non espagnole ! Le réalisme côtoie le merveilleux chrétien avec les histoires de saints, le fantastique intervient entre miracles authentiques et  supercheries.
Pas de mysticisme ici, rien de dostoievskien ! Mais un mélange de bon sens populaire mêlé à des croyances volontiers superstitieuses, à mi-chemin entre obscurantisme, crédulité et naïveté. Golovan ne se sent pas appelé par Dieu, il n’a pas de vocation. Il accomplit sa destinée car c’est sa mère, avant de mourir, qui l’a voué au Ciel. C’est un « fils promis ».

-Quand êtes-vous entré au monastère ?
- Il n’y a pas longtemps; quelques années après la fin de ma vie tumultueuse.
-Et pour y entrer, vous avez senti une véritable vocation?
-Hum… je ne sais comment vous expliquer cela. Au fond, il faut croire que je l’ai sentie.
-Comment se fait-il alors que vous parliez ainsi, comme si vous n’en étiez pas sûr?
-Et comment pourrais-je en parler comme d’une chose certaine, alors que je suis incapable de saisir le sens de toute mon existence antérieure à ce jour?

Un petit régal typiquement russe sorti de la plume d’un écrivain considéré comme le plus russe des écrivains russes ! !

Nicolas Leskov par Valentin Serov

 Lu dans le cadre du mois de l'Europe de l'Est d'Eva, Patrice et Goran.