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mardi 27 octobre 2020

Voyage Picardie/ Pas de Calais : L'abbaye de Saint Riquier


L'abbaye de Saint Riquier  est un des plus beaux exemples de gothique flamboyant de Picardie avec la chapelle Saint esprit de Rue et l'abbatiale d'Abbeville dont je vous parlerai plus tard. Fondée au VII siècle, elle devient une abbaye royale sous la protection de Dagobert 1er et a un tel rayonnement que Charlemagne la choisit comme centre spirituel de son empire. Elle a été détruite et reconstruite à maintes périodes ce dont témoigne son architecture.

La beauté de la façade de l'église gothique flamboyant



Eglise abbataile grille ouvragée du choeur






Se promener dans les jardins du monastère avec ses longues et élégantes façades de facture classique, ses bâtiments agricoles en pisé, désaffectés, ses vergers de vieux pommiers de toute espèce dont les fruits de sont pas ramassés (miam! un délice!), est un beau moment de paix et de beauté.

 












samedi 24 octobre 2020

Voyage en Picardie/Pas de Calais avec Victor Hugo : La baie de Somme : Le Crotoy, le Hourdel, Saint Valery

 

La baie de Somme est située sur le littoral de la Picardie et s'étend sur 70 km2. Elle est d'une grande richesse écologique notamment en tant que haut lieu ornithologique.
La baie de Somme est située entre la pointe du Hourdel au sud et la pointe de Saint-Quentin-en-Tourmont au nord. La Somme, fleuve côtier qui a donné son nom au département, se jette dans la Manche à cet endroit.
La baie est principalement constituée de deux milieux :
    •    la slikke, zone de vasières, recouverte par la mer deux fois par jour,
    •    le schorre ou « mollières » qui est couvert par la mer seulement lors des grandes marées.
Elle est constituée de deux estuaires emboités :
    •    celui de la Somme au sud, et
    •    celui de la Maye, petit fleuve côtier, au nord.
Elle est cependant menacée d'ensablement et les premiers symptômes sont déjà visibles. (Wikipédia)



Le Crotoy : au nord de la baie de Somme

Hier, j'ai fait à pied une excursion au Crotoy, charmant petit port vis-à-vis St-Valéry, à l'embouchure de la Somme. Au moment où j'arrivais, c'était le départ des barques, chose toujours admirable et toujours nouvelle. Toutes les voiles, dessinées nettement par les angles, s'enlevaient en noir sur le ciel et sur la mer qui éblouissaient. (Victor Hugo  France et Belgique (1837, Lettre XII, Du Tréport, 6 septembre)

 

Hôtel des Tourelles  

A côté des petites maisons de pêcheurs du Crotoy se dressent de belles et riches maisons dont l'hôtel des Tourelles emblématique de la ville.



L'église Saint Pierre




 La Somme, canalisée de nos jours, se jette dans la Manche et le contraste entre la petite rivière et son immense estuaire est saisissant. La baie offre une vue grandiose  C'est le combat entre la mer qui cherche à gagner les terres et la rivière qui en apportant des alluvions envase la baie. Tout est spectaculaire,  somptueux  : Le jeu des lumières et des couleurs toujours changeantes, les formes des nuages qui varient sans cesse, les oiseaux en grand nombre (Je ne suis pas encore  allée au parc ornithologique),et, dans l'arrière-pays, les moutons de pré-salé qui paissent sur les Mollières, prés envahis par la mer pendant les fortes marées.

 



 

Le Hourdel et Saint Valery : au sud de la baie de Somme


En vis à vis de Le Crotoy, le phare du Hourdel constitue un très beau point de vue sur la baie.

La baie de Somme vue du phare du Hourdel

La baie de Somme vue du phare du Hourdel

  Saint-Valery-sur-Somme est un des plus charmants lieux de la côte et ne le cède ni au Tréport, ni au Bourg-d’Ault, ni à Étretat. C’est ici que Guillaume de Normandie s’embarqua en 1066 sur une flottille de quatre cents voiles pour aller prendre l’Angleterre. Après les conquérants il y a eu les voleurs. J’ai traversé là-haut en arrivant un hameau appelé Pinchefalise. Lisez pince-valise. Sur la porte de l’église on lit ceci écrit à la craie : Votons tous pour Louis-Napoléon Bonaparte.(Victor Hugo En voyage La Somme et l'oise)


Le Crotoy et la Baie de Somme vus de Saint Valéry

Le Crotoy et la Baie de Somme vus du haut de Saint Valéry

Saint Valery, en face de Le Crotoy,  est une jolie petite ville médiévale juchée sur une falaise qui domine toute la baie de Somme. Cette ville est lié à l'histoire de Jeanne d'Arc qui y est passée, alors prisonnière des anglais. Les remparts du XI siècle s'ouvrent par deux portes, celle de Nevers en bas et en haut les tours Guillaume.

Saint Valéry : Les tours Guillaume

Saint Valery  :Eglise Saint Martin

Saint Valery  : Eglise Saint Martin


Saint Valery : porte de Nevers 

 Victor Hugo arrive à Saint Valery :

Le cheval trottait rapidement, la route était redevenue bonne ; avant sept heures nous descendions à Saint-Valery. Là j’ai quitté mon excellent fermier. J’arrivais à temps pour prendre la patache qui va à Abbeville.

Le port de Saint-Valery était charmant au crépuscule. On distinguait au loin les dunes du Crotoy et, comme une nébulosité blanchâtre, les vieilles tours arrachées et démolies au pied desquelles j’avais dessiné deux jours auparavant.

Au premier plan, à ma droite, j’avais le réseau noir et inextricable des mâts et des cordages. La lune, qui se couchait hier une heure après le soleil, descendait lentement vers la mer ; le ciel était blanc , la terre brune, et des morceaux de lune sautaient de vague en vague comme des boules d’or dans les mains d’un jongleur.

C'est cette ville qui lui inspira  l'un de ses plus fameux poèmes :

Océano Nox

Saint-Valery-Sur-Somme.

Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis !

Combien de patrons morts avec leurs équipages !
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots !
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ;
L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots !

Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus.
Oh ! que de vieux parents, qui n'avaient plus qu'un rêve,
Sont morts en attendant tous les jours sur la grève
Ceux qui ne sont pas revenus !

On s'entretient de vous parfois dans les veillées.
Maint joyeux cercle, assis sur des ancres rouillées,
Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couverts
Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures,
Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures,
Tandis que vous dormez dans les goémons verts !

On demande : - Où sont-ils ? sont-ils rois dans quelque île ?
Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile ? -
Puis votre souvenir même est enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire.
Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli.

Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ?
Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur,
Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encor de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur coeur !

Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond,
Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne,
Pas même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont !

Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?
O flots, que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutés des mères à genoux !
Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous!

Dessin de Victor Hugo


samedi 10 octobre 2020

Sébastien Spitzer : La fièvre Rentrée littéraire 2020


Par ces temps de coronavirus, il n’est pas inintéressant, en cette rentrée littéraire, de lire La fièvre de Sébastien Spitzer sur l’épidémie de  fièvre jaune qui a touché Memphis en 1878. La fièvre jaune dont on sait de nos jours qu’elle est due à un flavivirus transmis par un moustique comme on l’apprend dans ce roman. Sébastien Spitzer nous dit qu’il commencé ce livre avant que ne se propage l’épidémie du coronavirus et qu’il a donc été rejoint par l’actualité au moment où il le terminait.
Là encore, comme dans La peste écarlate de Jack London, en l’absence de réponse médicale comme nous en avons de nos jours, la panique fait fuir la presque totalité de la population la vouant à une mort certaine. L’auteur raconte, à travers le personnage de la petite Emmy, métisse, et de sa mère, ce voyage cauchemardesque dans des trains bondés qui favorise la propagation de la maladie. Ceux qui cherchent à y échapper sont accueillis à leur descente du train par des hommes armés de fusils qui leur tirent dessus impitoyablement pour les empêcher  de répandre la maladie. C’est ainsi que la mère d’Emmy est tuée. La fillette parvient à rejoindre Memphis où la vie s’organise tant bien que mal tandis que l’épidémie fait des milliers de morts en quelques jours.
Ce récit se fait autour de personnages principaux comme Emmy dont le père, blanc, est le premier à mourir de la fièvre jaune en venant retrouver sa fille après sa sortie de prison. Au drame de l’épidémie s’ajoute celui du racisme, des exactions du Ku Kux Klan et des exécutions sommaires des noirs dans une région encore marquée par la guerre de sécession et par la haine du Nord. Il y a aussi Keathing, journaliste, proche de ses amis racistes, touché par la maladie et qui va peu à peu évoluer devant tant de peurs et de souffrances. Puis un belle figure féminine, Anne Cook, maquerelle, tenancière d’une maison close, qui fait de son lupanar un hôpital et soigne les malades avec dévouement. Enfin, un personnage qui a réellement existé et à qui Sébastien Spitzer dédicace son livre, Raphaël T. Brown, ancien esclave noir, libéré par la guerre, qui prend les armes et organise une milice pour défendre les habitants des hordes de pillards qui volent, violent et tuent à la faveur du désordre et de la maladie.  

Les personnages, leur humanité, nous permettent d’entrer dans ce récit et de vivre avec eux cette tragédie qui nous touche, au-delà des siècles, car toujours malheureusement actuelle. Un bon roman et qui devrait nous permettre de nous interroger sur la chance que nous avons, au XXI siècle, selon les pays où nous habitons mais aussi les milieux sociaux -car nous ne sommes pas tous égaux- d’avoir des hôpitaux à la pointe du progrès, des soignants compétents et dévoués, des chercheurs qui travaillent sans relâche sur les médicaments adéquats, des gouvernements, du moins ceux qui en ont le courage et la lucidité, pour nous protéger en prenant des mesures pas toujours populaires mais nécessaires malgré les grognements et les vitupérations des jamais contents ! 



jeudi 8 octobre 2020

Marie-Hélène Lafon : Histoire du fils Rentrée littéraire 2020


Le fils, c'est André. La mère, c'est Gabrielle. Le père est inconnu. André est élevé par Hélène, la soeur de Gabrielle, et son mari. Il grandit au milieu de ses cousines. Chaque été, il retrouve Gabrielle qui vient passer ses vacances en famille. Entre Figeac, dans le Lot, Chanterelle ou Aurillac, dans le Cantal, et Paris, Histoire du fils sonde le coeur d'une famille, ses bonheurs ordinaires et ses vertiges les plus profonds, ceux qui creusent des galeries dans les vies, sous les silences. (Quatrième de couverture)

Le fils, c’est André nous dit la quatrième de couverture, André  heureux dans sa famille adoptive, il aime ceux qu'il considère comme ses vrais parents, Hélène et Léon. S'il n'a qu’indifférence pour sa mère, Gabrielle, toujours absente, il est toujours à la recherche de ce père inconnu de lui.
Mais André n’est pas le seul fils, témoin ce Paul Lachalme que nous connaissons, nous, lecteurs, lorsqu’il était jeune lycéen, fils d’un notable de Chanterelle, maire de la ville, riche et ambitieux aubergiste, lui-même fils de paysans du Cantal. Et puis il y a Antoine, fils d’André, qui se chargera de terminer la quête du père menée par André. Une succession de générations ! Histoire des fils, histoire des rapports des fils à leur père !

Il est de règle de nos jours si l’on ne veut pas s’attirer les foudres des critiques d’éviter le schéma narratif chronologique jugé trop simpliste par certains d’entre eux. Marie-Hélène Lafon, tout en obéissant à ce qui semble être devenu un impératif, déconstruit son récit qui s’étale de 1908 à 2008 et en en tire parti  d'une manière non seulement brillante mais qui fait sens et donne de la densité et du corps au récit. Un siècle pour raconter une histoire qui telle un cercle se referme sur elle-même et dont tous les éléments se mettent en place jusqu’au dernier à la recherche des pans du passé qui nous échappent. Il y a de plus une émotion qui naît du fait que l’on retrouve les personnages qui vivaient au début du XX siècle par le regard que portent sur eux leurs descendants du XXI siècle à la recherche de leurs racines. Le poids du passé, la nostalgie pèsent sur le lecteur car ces personnages dont certains sont très attachants, nous les connaissions déjà. A la différence de leurs descendants, nous les avions rencontrés sans savoir ce qu’ils étaient devenus. Ainsi en est-il de l’adorable petit Armand et de la servante Antoinette dont nous n’apprenons l’histoire qu’après coup.  
j’ai vraiment adoré cette construction qui d’abord déroute, puis peu à peu nous entraîne, nous fait entrer dans une histoire et ses ramifications sans trop savoir où nous en sommes, rythmé surtout par la marche du temps, déchiré par les  deux guerres, puis nous implique et nous touche comme si nous faisions partie nous-mêmes de l’histoire. Le tout dans un style apparemment simple mais travaillé, ciselé, où chaque mot fait mouche. Un beau livre !

samedi 3 octobre 2020

Montaigne : Il n'a fait que des essais !

Michel de Montaigne

 Les perles du Bac 

 Je la trouve si savoureuse, celle-ci, que je veux la partager avec vous !


 

 

"Toute sa vie, Montaigne a voulu écrire mais il n'a fait que des essais" 

 

 

 

 Pauvre Montaigne, écrivain raté !

  Et voilà quand on prend ce qu'il écrit au premier degré !

"Toute cette fricassée que je barbouille ici n'est qu'un registre des essais de ma vie." 


Au lecteur

 C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit, dés l'entrée, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée. Je n'y ai eu nulle considération de ton service, ni de ma gloire. Mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ai voué à la commodité particulière de mes parents et amis : à ce que m'ayant perdu (ce qu'ils ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver aucuns traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent, plus altière et plus vive, la connaissance qu'ils ont eue de moi. Si c'eût été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré et me présenterais en une marche étudiée. Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moi que je peins. Mes défauts s'y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l'a permis. Que si j'eusse été entre ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre : ce n'est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain. Adieu donc ; de Montaigne, ce premier de mars mil cinq cent quatre vingts.

 

 

vendredi 2 octobre 2020

Troisième Bilan du challenge Jack London

 Le Konklide, pays de la ruée vers l'or décrit par Jack London (source)

Troisième bilan du challenge Jack London. Merci  à toutes  pour vos participations!

Je rappelle en quoi consiste ce challenge  :  Il s'agit de découvrir et de commenter des romans, des nouvelles et des essais de Jack London. On peut aussi lire des BD, voir des films qui sont des adaptations de ses oeuvres, et s'intéresser à sa biographie.
 
On peut s'inscrire à tout moment à ce challenge, il durera de Mars 2020 à Mars 2021; il suffit d'avoir envie de lire au moins UN livre de l'écrivain et pour les passionnés autant que vous le désirez.

  La seule contrainte est de venir mettre un lien dans mon blog pour que je puisse noter les oeuvres lues et venir vous lire. (Pour trouver la page ou déposer les liens, cliquez sur la vignette du challenge Jack London dans la colonne de droite de mon blog).

 Logos au choix à utiliser






Jack London dont nous découvrons la diversité des thèmes, récits autobiographiques, romans d'anticipation ou retour dans le passé préhistorique, aventures dans le Grand Nord au moment de la  ruée vers l'or, voyages dans les îles des mers du sud, dénonciation des bas-fonds, des prisons, dans une lutte socialiste contre la misère... Il est pourtant souvent plein de contradictions. Il peut-être raciste, persuadé de la supériorité de la "race anglo-saxonne"sur les autres, et dénoncer le colonialisme féroce des blancs. En tant que socialiste il défend les exploités, les misérables, mais il cultive l'image de l'homme fort qui survit aux faibles selon les théories de l'évolution de Spencer, et celles de Darwin.

Jack London et Charmian sur le pont du Snark

Les participants au challenge


Aifelle   Le goût des livres   

 

  

  

 

   

Claudialucia : Ma librairie

 
 
 








Electra La plume d'Electra




Martin Eden




Ingammic Book'ing


Martin Eden


Kathel : Lettres express




Contruire un feu London/Chabouté

La peste écarlate



Lilly et ses livres :

La peste écarlate

Le vagabond des étoiles

Le peuple d'en bas ou le peuple de l'abîme

Le vagabond des rails

La vallée de la lune



Maggie Mille et un classiques






Marylin Lire et merveilles

Le vagabond des étoiles

Adaptation BD Riff Reb  du Vagabond des étoiles




Miriam Carnet de voyages et notes de lectures

Une fille des neiges 

La peste écarlate

Martin Eden 

Martin Eden : le film de Pietro Marcello

Le peuple de l'abîme

Le vagabond des étoiles

Le vagabond du rail

Construire un feu

L'amour de la vie

Le talon de fer



Nathalie : chez Mark et Marcel

Le peuple de l'abîme


L'appel de la forêt

La Petite Dame de la Grande Maison


 Patrice Et si on bouquinait un peu ?







Praline : blog Pralineries

 La peste écarlate

Croc Blanc






Ta d Loi du ciné Blog de Dasola









Tania Textes et prétextes

 

mercredi 30 septembre 2020

Jack London : Le fils du loup et autres nouvelles

Le fils du loup est un recueil de nouvelles de Jack London dont l’action se situe dans le Grand Nord canadien dans le milieu des chercheurs d’or.

Le fils du loup raconte comment Scruff Mackenzie, malade de solitude, abandonne ses terrains aurifères du cercle polaire, descend le Yukon pour s’établir au campement de Forty Mile. Il a décidé de prendre femme parmi la tribu des Sticks, des indiens réputés, aux yeux des blancs colonisateurs, comme les plus féroces et les plus avides des autochtones. Il veut épouser la fille du chef Thling Tinneh, Zarinska. Il s’empresse d’abord de conquérir le coeur de la belle, offre des cadeaux somptueux au père. Mais les jeunes gens du camp soutenus par le chaman ne le voient pas d’un bon oeil. Les fils du loup, autrement dit les blancs, leur enlèvent les jeunes filles les plus belles, en âge d’être mariées. Mackenzie va alors jouer avec eux une partie serrée au cours de laquelle il ne risque rien de moins que sa peau. Il doit faire preuve pour cela de beaucoup d’habileté, de sang froid et de courage. Il lui faut non seulement montrer qu’il est le meilleur fusil en abattant un moose, se battre en duel singulier avec un colosse, mais aussi être virtuose du langage pour lutter contre le chaman afin de prouver la supériorité des fils du Loup sur les fils du Corbeau. Un combat physique autant que spirituel ! Mais la loi du Loup ne peut que triompher ! London y affirme encore une fois la suprématie des hommes de sa « race » malgré leur fragilité.
Les étoiles dansaient sous la voûte bleu comme toujours en cette période de grands froids, et les esprits du pôle traînaient leurs robes resplendissantes à travers l’étendue céleste; Mackenzie fut, un bref instant impressionné par la sauvagerie de la scène, tandis que son regard parcourait rapidement les deux haies de sapins, pour évaluer le nombre des absents. Il s’attarda sur un nouveau-né tétant par un froid de -40°! Songeant aux délicates personnes de sa race, il ne put réprimer un sourire.

Le grand Silence blanc est un récit qui m’avait marquée quand j’étais enfant, de la même façon que Croc blanc et L’appel de la forêt. Ces moments où Jack London nous fait « entendre » le silence et nous transmet tout ce qu’il a d’angoissant sont des pages d’une force et d’une beauté qui nous laissent admiratifs, gagnés par l'angoisse.
Le grand silence oppressait les voyageurs. Tout au long de l’après midi, ils cheminèrent sans prononcer un mot.
La nature dispose de mille moyens pour rappeler à l’homme qu’il est mortel : le rythme incessant des marées, le déchaînement des tempêtes, les séismes, le roulement terrifiant de l’orage ont à ce titre une grande force de conviction. mais rien n’est plus prodigieux, rien n’est plus stupéfiant que la démonstration inerte du « Grand Silence Blanc ». Tout est immobile; le ciel s’éclaircit et revêt des tons cuivrés; le moindre murmure est ressenti comme une profanation. L’homme devient alors timide et s’effraie de sa propre voix. Il prend conscience qu’il est la seule étincelle de vie dans cette immensité morte; son audace le confond; il réalise qu’il n’est rien de plus qu’un ver de terre et que son existence n’a pas de prix.


L’histoire aussi est puissante et conte comment Mason accompagné de son épouse Ruth enceinte et de son ami Malemute Kid entreprend un voyage en traîneau à travers le désert blanc et comment il mourra écrasé par un sapin. La mort est ici présenté comme une fatalité, cet arbre attendait pour chuter, le passage de Mason. C’est aussi peut-être la volonté de Dieu (même si London est athée), - ou  appelons cela le destin- qui punit l’orgueil de Mason. Celui-ci, cruel envers les chiens de traîneau a un différend avec Malemute Kid qui ne supporte pas de voir maltraiter ces bêtes. Mais il est incapable de reconnaître ses torts et ne s’excusera qu’au moment de mourir.

Les gens de Forty Miles est un récit qui contraste avec les autres. Il met en scène une dispute mémorable entre Bettles et Lon Mac Fane. Ce dernier soutenant que la glace de fond existe et Bettles affirmant le contraire. Ce différend les conduirait à un duel à mort si Malemute Kid ne s’en mêlait pas ! Il  invente un stratagème qui est soutenu par toute la communauté, le père Roubaud en tête, véritable scène de comédie  provoquant rire. 

Magnifique description de cette glace de fond *qui remonte à la surface :
Nous avons donc laissé le canot glisser au ralenti et, penché chacun d’un bord; nous avons sondé les profondeurs de l’eau étincelante.(…)
La glace de fond se formait autour de chaque caillou, de chaque rocher, comme un corail blanc. Je n’étais pas à bout de la merveille. A peine avions-nous franchi les rapides que c’est le fleuve tout entier qui se mit à ressembler à du lait et qu’une multitude de petits cercles parsemèrent la surface, comme ces gouttes de brume qui tombent du ciel au crépuscule. C’est la glace de fond qui montait. Partout où on posait les yeux, à droite et à gauche, c’était le même spectacle. Une étendue de bouillie, couleur d’opale, s’agglutinait à l’écorce de la pirogue, collait aux avirons. Ce fut la première fois que je vis ce prodige. Et je ne le reverrai peut-être jamais plus.


 A la santé de l’homme sur la piste, rassemble tous ces hommes à Forty Miles pour la fête de Noël. Au centre du récit, un homme poursuivi par la police montée canadienne, et que Malemute Kid aide à s’enfuir parce qu’il sait que c’est un homme bien.
Enfin la dernière nouvelle de ce recueil intitulée Le privilège du prêtre montre comment le père Roubaud dissuade Grace Betham, une femme maltraitée par son mari, de fuir avec un autre homme qu’elle aime. Le prêtre a ensuite des problèmes de conscience d’avoir renvoyé Grace à cette brute qui la rend malheureuse. Jack London prend ici partie pour la femme et dénonce l’hypocrisie de la morale chrétienne et l’injustice d’une société qui ne permet pas à la femme d’avoir des possessions en main propre et l’attribue à son mari, la rendant pour toujours dépendante de celui-ci !
« A elle le travail ! A lui les honneurs et l’avantage ! La loi du Nord ne reconnaissait pas à une femme le droit de posséder un ruisseau, un banc de rocher ou de quartz et de l’entourer d’une clôture. »

Dans toutes ces nouvelles, London fait preuve d’une grande virtuosité :  en narrateur, il sait tenir en haleine ses lecteurs dans des récits terribles et palpitants ; en connaisseur de la nature humaine, il dresse des portraits saisissants de ces hommes rudes et connaît les rouages qui régissent l’âme humaine; en poète, il nous fait ressentir le froid, la solitude, le silence oppressant mais aussi la beauté de ces pays sauvages où la vie n’est qu’un combat incessant.

Des personnages récurrents : une comédie humaine à la London
A travers toutes ces nouvelles, le lecteur rencontre des personnages récurrents. Soit, ils font partie intégrante du récit, soit ils y tiennent un rôle secondaire ou ils ne sont présents que  par les renseignements que donnent d’eux les autres personnages. C’est ainsi que nous apprenons ce qu’ils deviennent. Mamelute Kid  occupe la première place parmi eux : Indien, amis des blancs, ayant pris beaucoup de leurs coutumes, c’est un homme fort, un géant honnête, sage et  bon.
Dans la nouvelle Le Grand Silence blanc, Mason meurt en demandant à  son ami, Malmlute Kid, de prendre soin de Ruth, sa femme enceinte,  et de l’envoyer, elle et son enfant, aux Etats-Unis avec l’or qu’il a récolté. Nous apprenons dans Le fils du loup que cette même Ruth qui est la soeur de Zarinska,  épouse de Mackenzie, a eu un fils comme le souhaitait Mason et que Malemute Kid a tenu sa parole.  Mais c’est dans un autre récit  A la santé de l’homme sur la piste, que les hommes rassemblés à Forty Miles pour la fête de  Noël, écoute  Malemute Kid raconter le mariage mouvementé de Mason et de Ruth, union célébrée par le père Roubaud.  Sitka Charley, un indien  que l’on voit dans Les gens de Forty Miles est aussi un personnage récurrent important. C’est lui qui raconte la mort de sa femme Passuk, dans la nouvelle  Une femme de cran et il joue un rôle principal dans le récit La sagesse de la piste. Mais il y aussi des personnages plus secondaires comme Bettles dit Boit sans soif  ou Jim Belden ou l’anglais Stanley Prince, Louis Savoy, canadien français, le père Roubaud, jésuite français …
Ainsi, ces personnages récurrents relient les récits entre eux et créent un riche tissu humain qui donne une vision globale de la vie et de la société cosmopolite de ce monde de chercheurs d’or, de trappeurs,  d'ingénieurs, d'aventuriers venus de tous les pays, de langues, de religions, de mentalités et d’éducations différentes. De plus, pour le lecteur, ils deviennent des connaissances voire des amis qu’il  est heureux de retrouver au cours de ces récits qui paraissent indépendants mais ne le sont pas  !
 

* Le terme de glace de fond désigne tout type de glace immergée, attachée ou ancrée au fond, quel que soit son mode de formation. La glace de fond peut se former en milieu océanique ou en eau douce. 

 



lundi 28 septembre 2020

Jon Kalman Stefansson : Lumière d'été puis vient la nuit


Jon Kalman Stefansson est un des grands écrivains contemporains de la littérature islandaise. Son oeuvre a reçu nombreux prix et il est traduit dans une vingtaine de langues. Pour ma part, Lumière d’été puis vient la nuit, est le premier livre que je lis de lui et j’ai aimé ce style poétique, cette nostalgie douce-amère, parfois pleine de dérision mais aussi de tendresse, qui retrace la vie quotidienne des habitants d’un petit village des fjords de l’ouest,  village qui se meurt de mort lente, au déclin de ses quelques activités économiques. L’atelier de tricot ferme, la coopérative n’est plus ce qu’elle était.
Réalité augmentée de tout ce qui est possible, nous entrons dans un monde surprenant où la raison bascule parfois. Le directeur de l’atelier du  tricot se met à rêver en latin, une langue qu’il ne connaît pas et devient L’astronome, la tête près des étoiles, projetant le village au centre du cosmos, en équilibre au bord des trous noirs, dans cette nuit d’été shakespearienne où les fantômes des morts assassinés reviennent hanter l’entrepôt de la coopérative. On pénètre dans une forêt que traverse un fleuve majestueux, une petite robe de velours noir électrise l’assemblée… masculine. On est gagné par l’absurdité de la vie, la déraison qui s’empare des humains pas seulement en Islande mais dans l’ensemble de  notre planète. il y a dans le roman de Jon Kalman Stefansson la conscience de l’abîme, à la manière de Pascal, « un néant par rapport à l’infini. », sans en appeler obligatoirement au divin, et en moins pessimiste, peut-être, parce que l’intérêt porté aux êtres humains donne une teinte chaleureuse au récit.  
Vous n’êtes pas non plus sans savoir qu’ici et là, nos précisons en Islande, à la surface de ce petit grain de terre posé sur un ciel infini et béant, certains désirent plus que tout se hisser sur les épaules des hommes pour sentir la chaleur qui remonte du col de leurs vêtements. Nous aimerions bien qu’on nous explique pourquoi : parce que nous sommes désorientés, parce que le sol s’est dérobé sous nos pieds, il n’y a plus que le vide pour nous empêcher de sombrer, et ce n’est pas une pensée rassurante.»
Il y a aussi la conscience de la fin possible d’une civilisation car nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis.

 Mais en attendant, ce qui intéresse l’écrivain, c’est donc et avant tout l’homme. Il raconte  au gré des saisons, neige, vent et soleil, entre clarté pâle et longue obscurité, l'histoire des villageois. Et tous ces récits forment une chronique attachante qui entre rires, surprises, émotions, entre amours et deuils, peint un pays, des mentalités, un mode vie mais aussi capte tout ce qu’il y a d’universel dans la nature humaine : jalousie terrifiante de Asdis, trahie par son mari Kjartan, premiers émois amoureux d’un jeune homme naïf, David,  bonheur d’un homme simple, Jakob, chauffeur routier, « peu de choses, en effet, sont plus plaisantes que de conduire un camion », curiosité d'Agusta la postière qui nourrit le vide de sa vie des lettres qui passent entre ces mains, désespoir d’un homme veuf, Hannes, solitude angoissée de Benedikt, caractère joyeux de Puridur et son rêve secret… Et tant d’autres. Jon Kalman Stefansson nous offre en microscome un tableau complet d'une société islandaise qui pourrait être aussi la nôtre !

Le temps passe, nous vivons, puis nous mourons. Mais qu’est-ce que la vie ? La vie, c’est quand Jonas pense à la courbe de l’aile d’un oiseau, c’est quand il s’endort, bercé par la respiration profonde de Porgrimur, oui, c’est tout à fait ça, mais pas uniquement et quelle est la largeur de l’espace qui sépare cette vie de la mort, d’ailleurs cet espace existe-t-il, et si oui, quel nom lui donner ?

Un beau livre au rythme lent comme la vie au bord du fjord mais qui nous projette au milieu des étoiles, nous maintenant toujours en équilibre au bord du vide.

Lumière d’été puis vient la nuit est le premier livre  de Jon Kalman Stefansson. Paru en 2005, il n'a été traduit que cette année par Eric Boury et paraît chez Grasset pour cette rentrée littéraire.


Voir Dominique A sauts et à gamabades ICI