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dimanche 3 octobre 2010

Alphonse Allais, Complainte amoureuse

Doisneau


C'est Dimanche! Soyons un peu sérieux! Je souhaitais depuis longtemps que vous révisassiez vos temps et vos modes avant que vous ne les oubliassiez. Voilà qui est fait!

Complainte amoureuse
Oui dès l'instant que je vous vis
Beauté féroce, vous me plûtes
De l'amour qu'en vos yeux je pris
Sur le champ vous vous aperçûtes

Ah! Fallait-il que je vous visse
Fallait-il que vous me plussiez
Qu'ingénument je vous le disse
Qu'avec orgueil vous vous tussiez

Fallait-il que je vous aimasse
Que vous me désespérassiez
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m'assassinassiez

Alphonse Allais


Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Alex : Mot-à-mots Alinea66 : Des Livres… Des Histoires…Anne : Des mots et des notes, Azilis : Azi lis, Cagire : Orion fleur de carotte, Chrys : Le journal de Chrys, Ckankonvaou : Ckankonvaou, Claudialucia : Ma librairie, Daniel : Fattorius, Edelwe : Lectures et farfafouilles, Emmyne : A lire au pays des merveilles, Ferocias : Les peuples du soleil, George : Les livres de George, Hambre : Hambreellie, Herisson08 : Délivrer des livres?, Hilde : Le Livroblog d’Hilde , Katell : Chatperlipopette, L’Ogresse de Paris : L’Ogresse de Paris, L’or des chambres : L’Or des Chambres, La plume et la page : La plume et la page, Lystig : L’Oiseau-Lyre (ou l’Oiseau-Lire), Mango : Liratouva, MyrtilleD : Les trucs de Myrtille, Naolou : Les lectures de Naolou,Oh ! Océane !, Pascale : Mot à mot, Sophie : Les livres de Sophie, Wens : En effeuillant le chrysanthème, Yueyin : Chroniques de lectures Océane :
 

Arbres : carnet de dessins



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O'Keefe (1887-1986) The Lawrence tree (  Harthford. Wadsworth Atheneum)

Arbres : carnet de dessins est un beau livre broché paru à la Bibliothèque de l'Image. Il présente des dessins et des tableaux d'arbres et est préfacé par Michel Racine, professeur à l'Ecole nationale du paysage de Versailles, qui souligne l'importance de  l'arbre dans notre pensée  occidentale :
La place centrale qu'occupe l'image de l'arbre comme arbre sacré, arbre cosmique, arbre de connaissance, arbre généalogique, arbre de liberté, mais aussi arbre des morts, forme à la fois phallique et maternelle, renvoie dans notre civilisation à des constellations de significations.

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Gustav Klimt (1862-1918) Les bouleaux (Vienne)

C'est à travers les oeuvres de grands artistes du XVIème au XXème siècle que nous allons découvrir ces significations qui varient avec les époques, les croyances et les préoccupations des hommes mais aussi selon l'imaginaire personnel du peintre. Un voyage  passionnant.

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Gustave Courbet (1819-1877) Le chêne de Flagey (Philadelphia. Academy of fine arts)

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Giuseppe Penone ( né en 1947) Il verde del bosco (Paris. Fondation Cartier)

vendredi 1 octobre 2010

Robert Bober (1): On ne peut plus dormir tranquille quand on a ...


Le livre de Robert Bober Ferrand,  On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux, devait s'appeler Je vadrouille autour de mon passé et c'est exactement ce à quoi l'auteur nous convie dans son roman, promenade sur le chemin de sa vie tel un personnage de conte qui ramasserait les pierres semées tout au long de son passé.
Mais lorsque Robert Bober préfère pour titre les vers de Pierre Reverdy On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux, la poésie nous prend alors par la main. Elle nous entraîne dans une sorte de jeu de l'oie au cours duquel, d'une case à l'autre, avec parfois retour en arrière, de hasard en hasard, le personnage suit un fil conducteur qui ne lui laisse plus de cesse, les yeux soudain dessillés à la découverte de ce qu'il n'avait jamais su voir et qui, pourtant, était en évidence devant lui.
Je marchais de plus en plus dans les rues, souvent les mêmes. Je montais à Belleville pensant à ce qui se réveillait en moi. Apprenant à avancer avec attention. Ne pas se contenter de recevoir ce qui se présente. Aller y voir.
Ainsi le film de Jules et Jim de François Truffaut où Bernard, le narrateur, fait de la figuration constitue la première case. Bernard amène sa mère à la projection de ce film. Emue par ce qu'elle vient de voit, elle lui fait des confidences qui lui permettent de connaître l'histoire d'amour qu'elle a vécue dans sa jeunesse. Ceci nous nous entraînera à la recherche du passé du père de Bernard, juif, arrêté et déporté en 1942, jamais revenu! Mais aussi de son beau père mort dans un accident d'avion puis de la soeur de celui-ci réfugiée en Amérique. Dans cette recherche toutes les périodes se côtoient. Nous sommes en 1962, date du tournage de Jules et Jim, les attentats de l'OAS se multiplient dans Paris, les morts du métro Charonne provoquent l'indignation générale et une gigantesque manifestation suit. Ces évènements décrits en 2010 par un homme qui les a vécus, se mêlent à ceux de la guerre et des rafles des juifs en 1942 puis nous amènent plus loin encore, dans les années 30, époque où les parents de Bernard sont obligés de fuir la Pologne et se réfugier en France. Tout ceci grâce à ce fil d'Ariane qui se dévide devant nous et qui accroche au passage différents personnages tous liés entre eux par des lieux, par un passé commun, par une série de hasards. Influence évidente du cinéma donc. Je pense par exemple à la construction d'un film comme celui de Rivette Céline et Julie vont en bateau ou à la chanson que chante Jeanne Moreau dans Jules et Jim : On s'est connus, on s'est reconnus/ On s'est perdus de vue, on s'est r'perdus d'vue/ (...)Chacun pour soi est reparti./Dans l'tourbillon de la vie...
Le hasard rythme donc les rencontres et les départs. Mais ce n'est pas seulement dans le passé mais aussi dans une véritable aventure cinématographique que nous nous embarquons. Robert Bober nous entraîne à travers Paris, sur les traces de Jeanne Moreau, de Reggiani et Simone Signoret, le couple mythique de Casque D'or,  au cirque d'Hiver dans un envol de Trapèze avec Burt Lancaster et Toni Curtis, au pied de l'immeuble où naquit Georges Méliès... Sous cette géographie du cinéma se dessine une autre plus ancienne, celle des rues de Paris dans les années 50, de Belleville plus précisément, et ce n'est pas un des moindres intérêts du roman.
Cet amour du cinéma et de François Truffaut dont Robert Bober fut l'assistant comme il nous le raconte au cours du récit, marque le roman et l'on retrouve l'empreinte du Maître jusque dans la technique de narration .
Dans La Nuit américaine, François Truffaut, metteur en scène interprète le rôle de Ferrand, metteur en scène d'un autre film.  Dans On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux, Bernard, étudiant, rencontre par hasard son ancien moniteur de colonie devenu assistant de François Truffaut. Ce dernier qui n'est autre que Robert Bober l'invite à faire de la figuration sur Jules et Jim. Bober devient donc un personnage fictionnel au même titre que Bernard. Mais ce dernier qui en tant que narrateur est maître de l'histoire, paraît plus "réel " que l'auteur. Influence de Truffaut et peut-être plus encore de Max Ophuls qui dans La Ronde, comme le rappelle Robert Bober, fait dire au meneur de jeu s'adressant aux spectateurs : Et moi, qu'est-ce que je suis dans cette histoire? L'auteur?
Cette mise en abyme permet à l'écrivain de créer un double de lui-même, dans un récit certainement en partie autobiographique, mais libéré des contraintes de l'autobiographie! De plus, le style de Bober même quand il explore le passé douloureux de la guerre et des rafles des juifs reste toujours le plus neutre possible, refuse le pathos. Pas de sentiment hors de propos dit le musicien Delerue dans le générique de La Nuit américaine résumant ainsi le crédo du cinéaste Truffaut mais aussi de l'écrivain Bober. Ce qui n'empêche le lecteur de ressentir de l'émotion très souvent, par exemple, lorsque Bernard parle de son petit frère Alex, et de la difficulté d'être un enfant sans père, ou encore dans cette  belle scène où Bernard refait le chemin parcouru par son père clandestin, pour rentrer chez lui sans se faire arrêter, sur les toits du cirque d'Hiver.
Longeant les souches de cheminée, mes pas se sont confondus avec les siens, et cet acte, qui, je venais de le comprendre, n'avait rien à voir avec la curiosité allait une fois pour toutes m'engager.
Un livre intéressant et riche donc qui perd peut-être un peu son fil d'Ariane dans la dernière partie lorsque l'écrivain raconte des histoires, celle de monsieur Raymond, le voyage à Berlin.. chacune comme une nouvelle avec une chute, mais qui ne font plus parti de notre parcours du jeu de l'oie. D'où une impression de décousu. Heureusement le fil interrompu reprend pour nous amener en Pologne où, à Auschwitz, Bernard retrouve définitivement son père.
Sur cette photo considérablement agrandie, mon père avait retrouvé sa dimension d'homme. Nous étions là, ensemble, debout, tout près, l'un en face de l'autre, dans la même immobilité. Nous avions le même âge. Il me souriait.


02_chronique_de_la_rentree_litteraire.1285274979.jpgMerci  à Ulike et aux éditions POL pour la découverte de  On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux de Rober Bober

jeudi 30 septembre 2010

Jacques Prévert : le temps mène la vie dure..

 

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Le temps
mène la vie dure
à ceux qui veulent le tuer.
(Jacques Prévert. Fatras )

mercredi 29 septembre 2010

TERRA MARE : exposition de Miquel Barcelo à Avignon

Miquel Barcelo
Il est toujours là! il fait des galipettes sur la place du Palais

C'est Yvelinoise qui a trouvé d'où venait cet éléphant facétieux et léger malgré sa taille respectable.  Il s'est échappé de l'exposition : Terra -Mare du 27 Juin au  7 Novembre 2010, consacrée à  l'artiste espagnol Miquel Barcelo né à Majorque?
L'exposition investit  trois lieux différents : le musée Lambert pour les oeuvres picturales, le Palais des papes pour les sculptures et les céramiques. Le musée du Petit Palais présente des oeuvres gothiques de Majorque jamais sorties d'Espagne.

J'ai bien l'intention d'aller voir cette exposition et je vous en parlerai!

dimanche 26 septembre 2010

Naissance d’une étoile

 Le blog Des jours et des nuits  vient de naître avec ce beau texte d'Emma que je vous invite à aller lire chez elle. Un bon dimanche poétique!

…car les blogs sont comme des étoiles. On se déplace de l’un à l’autre d’un clic de souris, d’un mouvement du doigt. Comme le Petit Prince, on les visite dans le désordre, on pioche un mot ici, une photo là. Parfois un titre fait mouche et on se dit, je reviendrai… et puis on poursuit son voyage à saute-moutons, d’hyperlien en hyperlien, tel un petit singe facétieux sautant de liane en liane.
L’herbe est plus verte dans le cyber-espace… ou le papier plus tendre sous la plume virtuelle. Les mots s’impriment tout seuls, et puis voyagent, pliés en quatre dans un bateau de fortune qui vogue et parfois fait des vagues…
Profondeur merveilleuse ou canopée bruissante dans l’aube nouvelle, la blogosphère reçoit ces messages venus d’ailleurs ou de nulle part, les recueille au creux des mains qui se tendent. L’impression soudaine de n’être plus tout à fait seul…
Etre entendu, c’est déjà beaucoup.
Les compagnons Troubadours  de  Celsmoon:
Edelwe, Mango, Abeille, Emmyne, Chrestomanci, Mariel, Laurence , Ankya, Herisson08, Anjelica , George, Uhbnji , Fleur, Esmeraldae, Armande, Satya, Zik, Lystig, Amos, Bookworm, Emma, Julien, Marie, Yueyin , Soie , Alex , Hambre , Katell , Mathilde, Schlabaya, Hilde, Saphoo, La plume et la page, Tinusia, Chrys, Roseau, MyrtilleD, Cagire, Caro[line], L’or des chambres, Violette, claudialucia, Séverine, Maggie, Sev, Azilis.

samedi 25 septembre 2010

Elizabeth Strout : Olive Kitteridge


Elizabeth Strout ! Attention écrivain de talent! Quand elle nous fait pénétrer avec son dernier roman Olive Kitteridge qui a eu le prix Pulitzer, dans la vie intime des habitants de Crosby, une petite ville du Maine, c'est pour nous faire partager les joies, les souffrances, les doutes, l'amour et la haine, la vie et la mort de chacun de ses personnages.. Trente années se déroulent devant nous et nous plongent au coeur de la comédie humaine, pour reprendre l'image de Balzac, dans un microcosme plus vrai que nature.
Chaque chapitre fonctionne comme une nouvelle : Pharmacie, marée montante, la pianiste, l'affamée... et nous raconte une histoire, un moment d'une vie quotidienne, d'une vie qui ne sort pas de l'ordinaire et pour cela si proche de nous. Ces récits ont une telle force que nous, lecteurs, nous sentons totalement impliqués, pris dans la gangue de l'humaine condition avec ses espoirs et ses désespérances, avec ses réussites et ses erreurs
Le personnage central qui est le lien entre tous, c'est Olive Kitteridge, professeur de mathématiques, redoutée par des générations d'élèves mais curieusement aimée par ceux que la vie a malmenés. Cette sorte de virago, immense et grosse femme au franc parler, est une notoriété incontournable de la société de Crosby. Selon le point de vue présenté et d'un récit à l'autre, Olive Kitteridge nous apparaît nuancée par des éclairages divers et contradictoires. Et c'est là tout l'art de l'écrivain qui, en peignant toutes  les facettes d'un être humain, nous montre que celui-ci est bien plus complexe que l'on ne saurait l'imaginer, que les rapports entre les hommes sont souvent cruels et injustes.
Un très beau livre, nostalgique et plein d'émotion mais aussi de sagesse et de maturité, qui nous suggère que le bonheur est si fragile que bien souvent nous ne prenons conscience de son existence que lorsqu'il est passé. Il nous dit qu'il ne faut pas attendre de la vie plus que ce qu'elle peut nous donner et surtout pas qu'elle soit juste, que seul l'amour peut parfois permettre de la rendre supportable et que somme toute - c'est la conclusion du roman et c'est ce que pense Olive - elle est passionnante.
Ce monde ne cessait de l'étonner. Elle ne voulait pas le quitter- pas encore.

logobob01.1285430691.jpg Merci à B0B  et aux éditions Ecriture pour la lecture de ce très beau livre.

vendredi 24 septembre 2010

Chantal Thomas : Le testament d’Olympe




Dans Le testament d'Olympe, Chantal Thomas a choisi de nous faire évoluer dans un XVIIIème siècle situé hors des Lumières, dans un univers obscurantiste et rigide où la foi mène  à la mortification du corps comme dans la famille d'Apolline où le père et la mère sont capables de se priver de manger pour être plus près de la Divinité. Dans la Sphère des Grands, on ne doit pas prononcer le nom de Voltaire, ce fléau de la France. Et lorsque, enfin, il est question de Rousseau chez Madame de V. où Apolline est préceptrice des enfants, ce n'est pas du Contrat Social dont il est question mais de la lecture de La Nouvelle Héloïse, dont le moins que l'on puisse dire, c'est que Chantal Thomas-Appoline ne l'aime pas!
"J'entendais déjà la musique funèbre des phrases qu'il allait falloir lui administrer"
Rousseau donc comme un médicament, un poison ! Si l'amour en se fait  sentir que par la souffrance, pourquoi est-ce un état si convoité? s'insurge Apolline.
C'est ainsi que Chantal Thomas, spécialiste du XVIIIème siècle, auteur de "Adieux à la Reine", prix Fémina 2002, réinvestit l'époque de Louis XV pour raconter l'histoire de deux soeurs,  Apolline  et Ursule qui vivent à Bordeaux.
La première partie à la première personne laisse la parole à Apolline qui raconte sa vie  d'enfant pauvre, entourée de ses soeurs, dans une famille dévote, ruinée par un père qui considère le travail comme  une "malédiction originelle.."
ll fallait être bien prétentieux par rapport au pouvoir de la Nature pour oser se targuer d'en obtenir davantage que ce qu'elle nous offrait, et bien méfiant par rapport à Dieu pour ne pas s'en remettre dans l'insouciance, à son Parfait Amour.
Au nom de cette dévotion poussée à l'extrême, les enfants ont toujours faim et si Apolline qui aime son père se résigne, la fille aînée Ursule, à l'esprit rebelle, s'insurge et s'enfuit de chez elle. Apolline apprendra que le nom de sa soeur préférée ne doit plus être prononcé devant ses parents. Elle-même est envoyée au couvent de Notre-Dame- de-Miséricorde pour y être éduquée. L'amitié de Mathilde Terville lui permet de survivre malgré les rigueurs de la vie monastique à laquelle elle s'habitue. Pourtant, au moment du choix elle refuse de prendre le voile.. Commence le début d'une aventure qui va l'amener à Paris où elle retrouve sa soeur Ursule rebaptisée Olympe; celle-ci avant de mourir lui livre ses carnets où elle a écrit son histoire. C'est le testament d'Olympe, qui formera la seconde partie.
Ursule-Olympe, après avoir fui la maison paternelle, par horreur de la pauvreté et la piété paternelle a décidé monnayer sa beauté et sa virginité chèrement! Ceci l'amène dans la sphère du Maréchal-Duc, Richelieu, le petit-neveu du célèbre cardinal; celui-ci, un noble débauché, grand seigneur cruel et imprévisible, joue de lettres de cachet pour envoyer ceux qui lui déplaisent à la Bastille et se fait le rabatteur de jeunes Vierges pour le Roi. Dans cette société libertine et sans scrupules, la jeune fille va atteindre le sommet et se croire puissante. Sentiment illusoire dans un monde où tout peut être défait par un simple caprice des Grands. La chute n'en sera que plus grande!
Le changement de style et de ton entre le récit d'Apolline qui nous emprisonne au fond d'un couvent et celui d'Olympe qui nous fait visiter les alcôves du roi est réussi. Et si l'histoire d'Apolline finit comme un conte de fées, ce qui me paraît être une faiblesse du roman, l'écrivain semblant se désintéresser de son personnage, ne chipotons pas sur notre plaisir! Le Testament d'Olympe présente, en effet, une époque haute en couleurs, mouvementée, pleine de contrastes et de contradictions!
Belle description, par exemple, de l'éducation des filles dans le couvent de Notre-Dame de la Miséricorde, des conditions de vie des pensionnaires qui meurent en grand nombre, de l'inégalité de traitement entre les filles riches et les autres réléguées au grenier, vie conventuelle dominée par le portrait de la terrible et hystérique Mère Lamproie, la supérieure. Tout est contraire aux principes chrétiens dans ce couvent et d'une manière générale, il ne fait pas bon être être enfant à l'époque d'Emile. Les fillettes sont mises au couvent dès l'âge de cinq ans et ne revoient plus jamais leurs parents, d'autres encore dans l'enfance sont épousées par des vieillards, Mathilde et son frère sont battus par leur père. Quant à la condition de la femme, elle est tout aussi noire : Une maîtresse peut être jetée une fois consommée, une femme mariée est sous le joug de son mari dont elle subit humiliations ou violences comme madame de V.
Le thème de la mort est aussi omniprésent dans le roman à une période où la frontière entre la mort et la vie était  mince, sans doute illusoire. Apolline apprend à lire en épelant les noms sur les tombeaux de ses frères et soeurs morts en bas âge. A la cour le roi se vautre dans la luxure pendant que sa fille se mortifie pour le pardon des péchés de son père ! Chantal Thomas peint un roi taraudé par l'idée du péché et la menace de l'Enfer rêvant de s'amender, d'obtenir l'absolution. L'Eglise règne par la peur et la menace de la Damnation.
C'est ainsi qu'à travers le portrait de ces deux soeurs, Chantal Thomas brosse un tableau de la France déchirée par les injustices et la misère, en proie aux superstitions et à la peur, une France qui ne cesse de s'enfoncer de plus en plus dans la tourmente, malmenée comme un navire sans pilote.

capture-d_ecran-2010-05-27-a-10-14-261.1285358696.png Merci à Dialogues croisés et aux éditions du Seuil



jeudi 23 septembre 2010

Beaumarchais et l’actualité : Aux vertus qu'on exige d'un domestique..

 



En cette journée de manifestation contre la réforme des retraites, cette citation plus vraie que jamais si l'on pense à certains hommes politiques qui nous demandent toujours des sacrifices mais sont loin de donner l'exemple!
Aux vertus qu'on exige dans un domestique, votre excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'être valets ?

 Acte I scène II  Le barbier de Séville


56270471_p.1283356242.gifla citation du jeudi initiée par Chiffonnette.

lundi 20 septembre 2010

La Journée du patrimoine 2010 : Avignon, un succès!


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Si l'on en juge par la foule qui se pressait  devant le Palais des Papes et Le Petit Palais, pour ne parler que de ces lieux, la journée du patrimoine a été un succès à Avignon.

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Musée du Petit Palais : une foule pour l'exposition : l'Héritage de Simone Martini : Avignon-Sienne

La Journée du patrimoine à Avignon 2010 : L’héritage artistique de Simone Martini



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Ce que je suis allée voir pendant cette journée du patrimoine à Avignon? L' exposition : L'héritage artistique de Simone di Martini au Petit Palais d'Avignon.

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l'or des tissus (détail)

Le but de l'exposition est  de montrer, le titre l'indique, l'influence du peintre siennois, Simone Martini, sur l'activité artistique du XIV et XVème siècles. Simone Martini est né probablement à Sienne vers 1284. C'est  dans l'atelier du Duccio, célèbre chef de file de la peinture siennoise qu'il se forma. Vers 1335, Simone Martini vint s'installer à Avignon où il mourut en 1334 après avoir été un des plus grands peintres de son époque.
Dans le  catalogue de l'exposition  sous la direction de Anna Maria Guidicci et Dominique Vingtain (éditions Petit Palais diffusion), le style de Simone Martini est défini ainsi :
Le style de Simone di Martini se caractérise, d'une part, par l'éclat du coloris et le sens savant de la forme remarquablement maîtrisé, d'autre part, par la recherche de suggestion de la narration, de puissance dans l'expression et par l'insertion de traits naturalistes tendant vers l'art du portrait.
L'exposition est riche, très bien présentée. Chaque tableau, en provenance de la Pinacoteca de Siena et du Musée du Petit Palais d'Avignon, est commenté d'une manière claire, précise, qui permet de saisir la filiation existant entre l'oeuvre de chaque artiste et celle de Simone di Martini.


Quelques artistes
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La Vierge de Bartolo di Fredi (1330- 1410)peut être comparée à celle de Simone Martini dans l'Annonciation conservée au Musée des Offices à Florence
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Taddeo di Bartolo( vers 1384-1422)

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 Martino di Bartolommeo (?-1434)

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Sano di Pietro (1405-1481)

vendredi 17 septembre 2010

Jennifer McMahon : Tu ne m’attraperas pas


Le livre de Jennifer Mc Mahon aux éditions Belfond a pour titre français Tu ne m'attraperas pas. C'est la phrase leit-motiv du roman, c'est l'appel que lançait Del à son amie Kate lorsqu'elles étaient enfants, c'est le souvenir de leur amitié, de leurs courses d'enfants dansla nature, avant que Del ne soit assassinée. C'est aussi aussi le cri que Kate entendra par une nuit glaciale de Novembre, trente deux ans après la mort de Del!
Mais le titre anglais Promise not to tell est tout aussi explicite. Kate avait promis de ne pas révéler le secret de Del. Pourtant, elle l'a fait! Et parce qu'elle a trahi sa meilleure amie, elle n'a jamais pu se pardonner ce qui est arrivé!
Le roman se déroule sur deux périodes parallèles, Novembre 70 et Novembre 2002. Entre ce laps de temps, deux assassinats, celui de deux adolescentes, Dell et  Tori. La mort violente de Tori en 2002, si longtemps après celle de Del réveille le fantôme du passé et fait revivre aux habitants de cette petite ville du Vermont le drame qu'ils avaient vécu. La narratrice, Kate, explore les deux périodes et, à travers ses souvenirs qui naviguent entre présent et passé, nous entrons au coeur de l'histoire, à la recherche de l'assassin mais aussi des secrets enfouis dans le coeur de chacun.
Tu ne m'attraperas pas est un thriller et il en observe les codes :  L'amie de Tori, Opal, une fillette de douze ans qui vit dans un village hippie avec quelques membres nostalgiques de l'ancienne communauté des années 70, ressemble étrangement à Del. Ne serait-ce pas elle que le meurtrier a voulu atteindre lorsqu'il a tué Tori alors que cette dernière portait le blouson d'Opal? Pourquoi l'assassin a-t-il reproduit avec exactitude le rituel de l'autre crime? Pourquoi a-t-il attendu si longtemps avant de frapper à nouveau? Kate parviendra-t-elle à protéger Opal? L'auteur sait maintenir jusqu'à la fin un suspense assez efficace. J'ai moins aimé l'introduction du surnaturel qui nous est imposé comme une réalité. J'aurai préféré que l'auteur nous laisse le doute et le choix d'interpréter.
Tu ne m'attraperas pas est aussi et surtout l'histoire d'une amitié entre deux filles marginales que les autres écoliers tiennent à distance. C'est l'aspect du roman que j'ai préféré. Kate habite New Hope, le village hippie à l'écart de la ville. Nous sommes dans les années 70 et Kate est venue vivre avec sa mère et l'amant de celle-ci dans un tipi indien sans eau et sans électricité. L'autre Del, vit avec ses frères et un père violent qui la maltraite; elle est sale et mal habillée. Les autres enfants la surnomment Patate Pourrie.. de quoi être tout à fait heureuse dans la vie! Mais Del a un sacré caractère et une imagination qui lui tient lieu de tout!
Les personnages sont analysés avec justesse et précision. Jennifer Mc Mahon décrit leurs sentiments complexes, l'ascendant que Del exerce sur Kate, l'attrait-répulsion qui les lie. Elle montre combien l'investissement d'un monde imaginaire permet à l'enfant d'échapper à la réalité quand celle-ci devient insupportable. Elle dévoile aussi la vision qu'ils ont des adultes. L'enfance et le début de l'adolescence sont donc bien observés et dépeints : la cruauté des enfants entre eux, leur conformisme qui les fait rejeter tous ceux qui sont différents d'eux, l'instinct grégaire, ce désir d'appartenance au groupe qui pousse Kate à trahir Del pour obtenir la reconnaissance des autres, l'éveil à l'amour entre Del et Mike le Muet, dont l'infirmité éloigne les autres. C'est cette analyse psychologique et sociale qui me paraît le plus intéressant dans le roman.

capture-d_ecran-2010-05-27-a-10-14-261.1284208871.png Merci à Dialogues Croisés et aux éditions Belfond. Le roman paraîtra  dans la traduction française le 7 octobre 2010

mercredi 15 septembre 2010

Jean-Louis Fournier : Poète et paysan


Le nouveau livre  de Jean-Louis Fournier :  Poète et paysan est une petite gourmandise vite dégustée et appréciée, une bulle de savon dont on admire les couleurs irisées et qui éclate dans l'air.

Dans ce livre Jean Louis Fournier raconte un épisode de sa vie et de sa jeunesse. Etudiant à l'IDHEC,  l'institut des Hautes Etudes Cinématographiques (actuellement  FEMIS), bien décidé à suivre la trace de ses réalisateurs préférés, il tombe amoureux d'une étudiante, fille de paysan. Or cet agriculteur, propriétaire d'une ferme dans le Nord de la France, n'a que des filles et un fils unique allergique aux travaux des champs. Que ne fait-on pas par amour? Voilà notre jeune homme  fiancé et futur héritier de la ferme du papa, enterré à la campagne qu'en bon citadin il idéalise. Mais les travaux des champs, l'arrachage des betteraves, l'élevage des vaches, n'ont rien de facile ni d'idyllique! Le jeune homme se retrouve dans le fumier jusqu'au cou pendant que sa Belle restée à Paris prend le parti de l'oublier bien vite!

Jean-Louis Fournier, c'est un style, un humour aussi. Le livre est plaisant, agréable, drôle avec un brin de poésie et de nostalgie et beaucoup d'auto-dérision. On rit des mésaventures du poète paysan. Sa vision de la campagne ne manque pas d'originalité et d'invention. Le propos est parfois désabusé, voire un peu triste mais jamais grave. Rien avoir avec la force et la violence de Où on va papa?
Bref! pas le livre du siècle ni même un grand roman mais un bon moment de lecture que j'ai savouré.

vendredi 10 septembre 2010

Robin Hobb : Le Soldat chamane

J'aime les romans Fantasy et, je le précise tout de suite, j'estime qu'il ne s'agit pas d'un genre inférieur car, à travers la fiction, c'est bien évidemment une vision voire une critique de notre monde qui est présentée.

Le Soldat chamane de Robin Hobb se déroule dans un royaume fictif, La Gernie. Jamère Burvelle, le jeune héros, est  fils d'un "seigneur de la guerre" anobli par le roi. Son rang dans la famille - il est le deuxième fils- détermine sa carrière. Il sera militaire et servira le roi. Ce que Jamère, très conventionnel et sans imagination, ne remet aucunement en cause. Mais un jour il sera confié par son père à un chamane nomade qui l'introduira dans un autre univers.
Dans le roman, les Gerniens ont perdu une guerre et un territoire qui leur assurait des débouchés sur la mer. Le roi et son armée se sont lancés à la conquête des plaines intérieures, asservissant les peuples nomades à qui ils apportent "la civilisation", selon les termes du père de Jamère, détruisant leurs pouvoirs magiques. Oui, mais lorsqu'ils parviennent dans les hautes montagnes, domaine des Ocellions, peuple sylvestre dont les Dieux sont des arbres, ils se heurtent alors à un pouvoir magique qui les dépasse et les effraie. La supériorité des armes, la haute technologie des Gerniens viendront-ils à bout de la Magie et de l'intraitable détermination des Ocellions. La nature, les arbres millénaires de la forêt qui abritent l'âme de leurs ancêtres seront-ils définitivement détruits par les Gerniens? Et quel rôle Jamère est-il amené à jouer dans ce combat décisif ?
Vous l'avez compris, le thème principal est celui de la colonisation et de l'extermination d'une civilisation par une autre au nom d'intérêts économiques. Inutile de dire à quels peuples Robin Hobb, américaine, née en Californie, fait référence!
Un autre thème est celui de la dualité, de la double appartenance. Comment peut-on rester fidèle aux siens? Comment continuer à obéir aux codes de sa société, aux règles d'honneur inculquées depuis l'enfance quand on sait que son propre peuple a des torts et détruit une civilisation passionnante?
Thème aussi de la condition de la femme, soumise et effacée, qui ne peut jouer aucun rôle dans la société. C'est pourquoi la cousine de Jamère, ardente et révoltée, est un personnage auquel l'on s'attache.
De plus, on retrouve dans le roman l'idée du relativisme : ce qui est bien dans une civilisation, ne l'est pas dans l'autre. Les Gerniens traitent les autres peuples de "sauvages" parce qu'ils n'admettent pas d'autres critères que les leurs! On pense aux écrits de Montaigne ou de Pascal et à ceux du siècles des Lumières, Voltaire, Rousseau..
Le roman ne manque donc pas d'intérêt et la lecture en est agréable et distrayante. L'écrivain fait preuve d'une imagination débordante, à son habitude, et nous réserve de nombreuses surprises.
Pourtant je n'ai pas aimé Le soldat chamane autant que la précédente saga de Robin Hobb : L'assassin royal. Pourquoi?  A cause du personnage de Jamère qui n'a aucune consistance, qui ne remet jamais rien en question, qui ne pense pas par lui-même! Il accepte tout, l'autorité paternelle même injuste, la discipline militaire malgré le dysfonctionnement et l'inégalité sociale, le pouvoir du Roi même si cela conduit à  l'anéantissement d'un peuple.
Il faudra attendre la fin du troisième roman pour qu'il se rebelle contre son père et le cinquième pour qu'il tranche son dilemme entre les deux civilisations. Et encore s'il y parvient, c'est parce qu'il y est obligé par la magie qui est maître de son corps et de son âme. On ne peut donc dire, du moins jusqu'au volume 5 (je n'ai pas encore lu les autres) qu'il ait une vision intelligente et claire de la situation. Dès lors, c'est difficile de se passionner pour un personnage aussi falot et inconsistant même s'il est courageux et gentil!  Il me semble que si le choix de Jamère avait été volontaire et réfléchi, le propos de l'auteur en aurait été plus fort. Heureusement, les femmes ont plus de personnalité et sont plus intéressante mais, hélas! ce sont des personnages secondaires!
Ceci dit, j'ai bien l'intention de lire la suite car je VEUX savoir ce qui se passe!
Livres de poche  Fantasy éditions France Loisirs : Le soldat chamane
1     La Déchirure
2     Le Cavalier rêveur
3     Le Fils rejeté
4     La Magie de la peur
5     Le Choix du soldat
6     Le Rénégat
7     Danse de terreur
8     Racines